Pour citer : J. Matringe, « L’arrivée des Etats européens en Afrique et l’apport d’un nouveau droit », in Droits africains et pluralisme juridique en Afrique. 2 : La formation du pluralisme juridique en Afrique, http://droitsafricainsonline.com/themes/droits-africains-et-pluralisme-juridique-en-afrique/2-la-formation-du-pluralisme-juridique-en-afrique-2/2-3-larrivee-des-droits-des-etats-europeens/, à jour au 03/11/2023
Plan
- La négation de l’existence de droits en Afrique et le projet « civilisationnel »
- Le projet d’imposition du droit colonial
- La reconnaissance des droits préexistants
- Bibliographie indicative – Arrivée des droits des Etats européens
- Quand les Etats européens arrivèrent en terres africaines (longtemps après les passages grecs et romains qui ne semblent pas avoir laissé de trace significative) existaient donc déjà les droits « originellement » africains ainsi que, dans certains espaces, le droit musulman et, souvent, des formes de droits faites de métissage et/ou syncrétismes entre ces différents droits.
- Malgré cela, en l’absence alléguée de recueils écrits des règles d’organisation sociale et forts de leur conception du droit, les Etats européens, ne voyant rien – ou feignant de ne rien voir – en Afrique qui ressemblât à leur droit conclurent vite qu’il n’y avait pas de droit et donc de civilisation, le droit étant un des marqueurs – avec la religion chrétienne et la culture européenne – de la civilisation1.
1. La négation de l’existence de droits en Afrique et le projet « civilisationnel »
- L’idée se développa en effet dans le monde européen du droit et de la politique que les Etats occidentaux avaient pour mission sacrée d’introduire et diffuser la civilisation occidentale – y compris donc son droit – et réussir à adapter les Africains, « barbares », à ce droit et à celui de la famille des nations2.
- Plus encore, l’absence de civilisation en terres africaines justifiait non seulement la jouissance par les Etats européens de droits exorbitants sur les terres et personnes, mais justifiait également des devoirs à leur charge. Tel était le « fardeau de l’homme blanc »3.
- En ce sens, par exemple, Jules Ferry, déclara à la Chambre du 28 juillet 1885 : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures […]. Je répète que pour les races supérieures il y a un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures »4.
- De même, par l’article 6 de l’Acte général de la Conférence de Berlin de 1885, les puissances signataires s’engagèrent « à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence ».
- La finalité civilisationnelle de cette tentative de changement des droits locaux ne constitua bien sûr pas la seule motivation des conquérants européens. Les préoccupations économiques furent également déterminantes5. Elle fut toutefois, une des raisons principales avancés dans les discours officiels pour justifier la colonisation (entendue dans un sens large et non comme la seule intégration du territoire dominé à la métropole), cela bien sûr au bénéfice de ces populations. Car le discours colonial – ainsi que celui d’une bonne partie de la doctrine de l’époque – était fondamentalement paternaliste et moralisateur6, se nourrissant d’un discours de supériorité raciale7.
- Voir ainsi l’article 5 de la Loi sur le gouvernement du Congo-belge du 18 octobre 1908 (dite Charte coloniale belge) : « Le gouverneur général veille à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence. Il favorise l’expansion de la liberté individuelle, l’abandon progressif de la polygamie et le développement de la propriété. Il protège et favorise, sans distinction de nationalité ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables, créées et organisées à ces fins ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. / Les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs, leurs escortes, avoirs et collections sont l’objet d’une protection spéciale »8.
- De même, l’Acte final de la Conférence de Berlin prévoyait des « Dispositions relatives à la protection des indigènes, des missionnaires et des voyageurs ainsi qu’à la liberté religieuse9 et contenait une « Déclaration concernant la traite des esclaves »10.
2. Le projet d’imposition du droit colonial
- Ce souci du bien-être et du développement des Africains et des Africaines11 devait conduire au refus de leur appliquer leurs droits ou à la condition que ceux-ci respectent le doit civilisateur de l’Etat nouvellement arrivé.
- Ainsi, de différentes manières qu’on verra en étudiant les techniques de gestion du pluralisme, à l’aide de normes et d’institutions – notamment judiciaires – coloniales, les Etats européens ont bouleversé le paysage juridique et donc social et culturel africain12.
- Car, en arrivant en Afrique, les Etats Européens amenèrent, dans le cadre d’un phénomène « total »13, un droit nouveau qui se substitua aux anciens sauf, dans une mesure variable, le droit de la vie quotidienne des Africains et Africaines. Ce droit nouveau fut d’ailleurs un des instruments les plus importants et les plus efficaces de leur domination14 et certainement celui qui a le plus largement survécu à leur départ.
- Il s’agissait pour une part du droit qu’ils appliquaient sur leur territoire à leur population et pour une autre part d’un droit original, précisément produit par eux pour gouverner ces territoires et populations, qui n’était pas le même que celui applicable en métropole, un « droit colonial »15. Celui-ci constitua dans certains Etats une véritable branche du droit qui fut enseignée et fit l’objet d’ouvrages savants16 ainsi que de revues spécialisées17.
- En tout état de cause, les colonies devaient être régies par le droit de l’Etat colonisateur, leur population étant privée de tout pouvoir normatif18. Le droit européen était la source du droit applicable en Afrique.
Voir ainsi, l’article 91 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) : « Le régime des colonies françaises est déterminé par des lois spéciales » ;
l’article 73 de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 : « Les colonies sont régies par des lois et des règlements particuliers » ;
l’article 64 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 : « Les colonies sont régies par des lois particulières » ;
l’article 109 de la Constitution de la IIe République du 4 novembre 1848 : « Le territoire de l’Algérie et des colonies est déclaré territoire français, et sera régi par des lois particulières jusqu’à ce qu’une loi spéciale les place sous le régime de la présente Constitution » ;
l’article 27 de la Constitution du Second Empire du 14 janvier 1852 : « Le Sénat règle par un sénatus-consulte : 1° : la constitution des colonies et de l’Algérie ».
Voir également le sénatus-consulte qui règle la Constitution des Colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion du 3 mai 1854, art. 18 «: Les colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, seront régies par décrets de l’Empereur jusqu’à ce qu’il ait été statué à leur égard par un sénatus-consulte »19.
Voir encore l’article 1er de la loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo belge (Charte coloniale belge) : « Le Congo belge a une personnalité distincte de celle de la métropole. Il est régi par des lois particulières » et l’article 2 : « Tous les habitants de la colonie jouissent des droits reconnus par les articles 7, alinéa 1er et 2, 8 à 15, 16, alinéa 1er, 17, alinéa 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution belge »20.
- Et quand il fallut se résoudre à reconnaître les droits locaux, il s’agissait d’un acte de souveraineté de l’Etat européen, source de toute normativité, selon des techniques qu’on verra en étudiant les techniques de gestion du pluralisme.
- En veillant à ne pas tomber dans les travers critiqués ailleurs (« Les droits “originellement” africains ») d’une essentialisation des droits, on peut dire qu’il s’agissait dans les deux cas d’un droit fondé sur un concept de droit très différent des conceptions qui prévalaient sur les territoires et au sein des populations conquises, notamment « désacralisé » et « individualiste »21.
- Parallèlement au statut personnel, c’est tout un arsenal de « droit public » qui fut implanté en Afrique. En effet, la gestion de nouveaux territoires et de nouvelles populations « barbares » exigeait une ingénierie et des règles d’organisation du territoire et de la population spécifiques sur lesquelles il fallait avoir un contrôle entier et que le colonisateur édicta sur mesure. Les Etats européens opérèrent de différentes manières qui évoluèrent au gré du temps et des territoires, selon une palette bien plus sophistiquée que ne le donne à croire la distinction classique entre la centralisation assimilationniste et directe française (ainsi les territoires dominés par la France auraient été répartis entre les protectorats avec administration de chefs locaux et les territoires sous administration directe jusqu’au Décret n° 18126 du 4 décembre 1920 portant dénomination des colonies et territoires composant le Gouvernement général de l’Afrique occidentale française, J.O.R.F. du 9 décembre 1920, p. 5385.) et l’indirect rule britannique22.
3. La reconnaissance des droits préexistants
- Toutefois, on l’a dit rapidement, s’il a partout, dans une certaine mesure, imposé une nouvelle forme de droit – un droit hiérarchisé émanant d’un seul pouvoir, l’Etat – et surtout une nouvelle conception du pouvoir – désacralisée, territorialisée et impersonnelle -, cela ne s’est pas fait sans conserver des éléments des droits et pouvoirs préexistants (y compris de la part de la France) et sans s’appuyer, de diverses manières, sur les pouvoirs locaux dans des relations ambivalentes des deux côtés23.
- En effet, ne pouvant nier la normativité des pratiques considérées et la juridicité des institutions chargées de les mettre en œuvre, les Etats européens se résolurent à articuler leur droit à celles-ci qu’ils reconnurent donc comme juridiques. Car, partout, le droit colonial rencontra des résistances tant son univers juridique était différent de celui des sociétés qu’il voulait assujettir24 et dont il ne comprenait pas toujours l’organisation25. Le rejet put être frontal et utiliser le registre de la force ; il put être plus subtil et jouer plutôt au moment de son application et interprétation. En tout état de cause, il fallut régir cette question du maintien des juridicités préexistantes.
- D’autres raisons, plus pragmatiques, pouvaient justifier cette prise en considération :
- Il pouvait s’agir de s’appuyer sur quelque chose de préexistant sans avoir à construire de nouvelles normes ou institutions.
- Il pouvait s’agir de s’allier certaines populations ou autorités.
- Il pouvait encore s’agir de ne pas troubler l’ordre public ou encore de « ne pas perdre la face »26 face aux résistances.
- L’attention du droit colonial à l’égard des droits et institutions préexistants a été variable. Cela dit, malgré quelques subtilités, l’Etat colonial entendait garder le contrôle formel de la production et de la mise en œuvre du droit27. Disons déjà que l’attitude de l’Etat européen varia selon une large palette de choix, allant de la négation des droits locaux à celui de l’acceptation de leur application en passant par leur prise en considération avec tout de même subordination de ces derniers au droit européen.
Ainsi, certains Etats comme la France voulurent au départ dans certains espaces substituer leur droit aux normativités locales en soumettant les populations autochtones à celui-ci. Il s’agissait d’édicter un droit sans égard à ce qui existait sur place considéré comme primitif (ou, plus tardivement en prétendant s’en inspirer). Toutefois, de différentes manières et non sans ambivalences, face à la prévalence de l’application des droits locaux et aux résistances des populations, ces Etats ont décidé, plus moins rapidement, de prendre en considération les droits en vigueur au moment de leur arrivée28.
- Certains auteurs déduisent de cette acceptation ou prise en considération des droits locaux que les Etats coloniaux avaient ainsi institué un pluralisme juridique à la fois normatif et institutionnel avec au sommet un des systèmes juridiques en cause, le droit de l’Etat colonial, pluralisme « faible », donc, selon la distinction dont on a parlé. Il semble toutefois qu’il ne s’agissait pas d’assurer un pluralisme, mais plutôt d’instituer une pluralité des droits. Il ne s’agissait pas en effet de reconnaître l’applicabilité simultanée à une même situation, relation ou institution de deux droits autonomes reposant sur des fondements de validité distincts. Il s’agissait, au mieux, de différencier le droit applicable selon des situations jugées par le système colonial comme étant différentes. Certes, du point de vue du droit étatique, la gestion des situations de pluralisme conduisait en réalité toujours à un monisme, soit par éradication des autres droits, soit par leur subordination au droit colonial seul donc finalement applicable. Attention toutefois à ne pas se méprendre en n’étudiant la question que de ce point de vue étatique. On verra en effet que les droits locaux – « originellement » africains ou islamiques – opérèrent chacun de la même manière à l’égard du droit de l’Etat colonisateur en sorte que, du point de vue de l’individu africain, il y avait bien pluralisme juridique.
- Depuis les indépendances, le droit européen ne saurait formellement être tenu pour une « strate » du pluralisme applicable aux Africaines et Africains. L’acte d’indépendance a immédiatement mis fin à sa validité même s’il laisse encore des traces très profondes sur les droits africains et a pu parfois être repris littéralement par les nouveaux Etats (mais en adoptant la qualité de droit de ces Etats). Cependant, traiter cette question est déjà traiter la question de l’élaboration des droits des Etats indépendants.
Bibliographie indicative – Arrivée des droits des Etats européens
- Voir ainsi J. Westlake qui caractérisait la civilisation par les institutions (J. Westlake, Chapters on the Principles of International Law, London, C. J. Clay & Sons, Cambridge University Press and Stevens and Sons, Limited, 1894, Chapter IX. Territorial Sovereignty, especially with relation to uncivilised regions, p. 137: “No theorist on law who is pleased to imagine a state of nature independent of human institutions can introduce into his picture a difference between civilised and uncivilised man, because it is just in the presence or absence of certain institutions, or in their greater or less perfection, that the differences consists for the lawyer”. Voir aussi p. 141: “We have nothing here to do with the mental or moral characters which distinguish the civilised from the uncivilised individual, nor even with the domestic or social habits, taking social in a narrow sense, which a traveller may remark. When people of European race come into contact with American or African tribes, the prime necessity is a government under the protection of which the former may carry on the complex life to which they have been accustomed in their homes, which may prevent that life from being disturbed by contests between different European powers for supremacy on the same soil, ad which may protect the natives in the enjoyment of a security and well-being at least not less than they enjoyed before the arrival of the strangers. Can the natives furnish such a government, or can it be looked for from the Europeans alone? In the answer to that questions lies, for international law, the difference between civilisation and the want of it. If even the natives could furnish such a government after the manner of the Asiatic empires, that would be sufficient”) et p. 137-138: “Even those who, in accordance with the modern tendency, make rights instead of law their starting point, can hardly avoid admitting which are common to civilised and uncivilised humanity are not among those which it is the special function of international right to develop and protect”. Voir toutefois John S. Trimingham, The Influence of Islam upon Africa, Longman, London and New York, Longman, Beirut, Librairie du Liban, Arab background series, 2nd ed., 1980, 182 p., 99 : « The sharī’a was the theoretical system in force when the British took over the Fulani states of Northern Nigeria, a system they could understand and which they confirmed ». ↩︎
- Voir M. Kamto, « Le statut juridique des traités signés entre les représentants des puissances coloniales et les monarques indigènes africains en droit international », in Droit du pouvoir, pouvoir du droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp 435-480, 462 : « de même que l’Occident missionnaire entend amener aux colonisés le Dieu crucifié pour sauver le monde, l’éducation et la culture, il a pour projet de construire des Etats sur le néant d’une (non) civilisation de peuplades inorganisées sans structures administratives et de pouvoir ». ↩︎
- Sur cette question, entre autres, D.C. Dakas, “The Role of International Law in the Colonization of Africa: A Review in Light of Recent Calls for Re-Colonization”, African Yearbook of International Law, Vol. 7, 1999, pp. 85-118, 111 et s. ↩︎
- Cité in E. Jouannet, Le droit international libéral-providence. Une histoire du droit international, Bruxelles, Bruylant, éditions de l’Université de Bruxelles, collection de droit international, 2011, 351 p., 163. ↩︎
- Voir notamment J. Westlake, Chapters on the Principles of International Law, London, C. J. Clay & Sons, Cambridge University Press and Stevens and Sons, Limited, 1894, Chapter IX. Territorial Sovereignty, especially with relation to uncivilised regions, pp. 142-143: “The inflow of the white race cannot be stopped where there is land to cultivate, ore to be mined, commerce to be developed, sport to enjoy, curiosity to be satisfied. If any fanatical admirer of savage life argued that the whites ought to be kept out, he would only be driven to the same conclusion by another route, for a government on the spot would be necessary to keep them out. Accordingly international law has to treat such natives as uncivilised. It regulates, for the mutual benefit of civilised states, the claims which they make to sovereignty over the region, and leaves the treatment of the natives to the conscience of the state to which the sovereignty is awarded, rather than sanction their interest being made an excuse the more for war between civilised claimants, devastating the region and the cause of suffering o the natives themselves”. Sur la dimension économique du fait colonial, voir notamment G. Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, Vol. 11, 1951, pp. 44–79, 52 et s., spéc. 52-53 : « C’est sur des raisons économiques que la politique d’expansion bâtit, en partie, sa propagande. P. Leroy-Beaulieu, en 1874, montrait la nécessité où se trouvait la France de devenir une puissance coloniale ; J. Ferry écrivait, en 1890 : « La politique coloniale est fille de la politique industrielle… la politique coloniale est une manifestation internationale des lois éternelles de la concurrence (P. Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, 1874, 1re éd. ; J. Ferry, préface à Le Tonkin et la Mère-Patrie, 1890)… ». C’est par des raisons économiques que les nations coloniales justifient leur présence – la mise en valeur et les équipements réalisés constituent des droits acquis – et c’est aux avantages économiques qu’elles renoncent en dernier lieu, alors qu’elles ont accepté des formules plus ou moins réelles d’indépendance politique. Certaines analyses consacrées à « l’impérialisme » ont, avant même les études des écrivains marxistes, révélé les caractères économiques de ce dernier (Cf. A. Conant, The Economic Basis of Imperialism, 1898, et J.A. Hobson, Imperialism. A Study, 1902 (dont la valeur fut reconnue par Lénine), tous deux cités dans Ch.-A. Julien, op. cit.) ». Pour une présentation des registres de justification de la colonisation dans l’enseignement de l’histoire coloniale et les discours des dirigeants de la IIIe République, voir E. Savarese, « L’histoire officielle comme discours de légitimation. Le cas de l’histoire coloniale », Politix, Vol. 11, n° 43, 1998 – L’Europe en formation(s), pp. 93-112. ↩︎
- Ainsi, L. Bourgeois, « La morale internationale », Revue générale de droit international public, 1922, t. 29, pp. 5-22, traitant des conditions d’une moralisation internationale, écrivit notamment, p. 18 : « Telles sont, enfin, les conventions destinées à régler le sort des populations, qui, suivant les expressions de l’article 22 du Pacte de Versailles, « ne sont pas encore capables de se diriger elles-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne ». Le Pacte déclare que le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de la civilisation et confie leur tutelle « à celles des nations développées, qui sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité et consentent à l’accepter ». / C’est là un exemple frappant des cas où, par des conventions, la morale peut s’incorporer étroitement au droit international et assurer, grâce à lui, les sanctions de ces prescriptions ». Plus loin, pp. 18-19 : « Ainsi s’édifiera, lentement, mais sûrement, l’immense édifice d’une vie internationale fondée sur le respect du droit et l’observation des règles morales. / Mais cette vie ne peut exister qu’entre nations parvenues à une même conception des choses humaines : les liens durables ne peuvent se maintenir qu’entre des êtres arrivés à un degré comparable de développement. / Pour que tous y puissent parvenir, un effort d’éducation, d’enseignement doit être poursuivi, sans faiblesse, avec une inlassable persévérance. Cet enseignement, nous avons maintenant la certitude qu’il sera donné sur tous les points du Monde, sans distinction de religion, de doctrine, d’opinion publique, par tous les esprits généreux ». ↩︎
- Voir l’analyse de Du Bois in William E.B. Du Bois, « Les racines africaines de la guerre », trad. D. Alland, Droits, 2021/2, n° 74, pp. 119-130 analysant les conquêtes de l’Afrique par la color line et l’appétit économique. Voir également dans la doctrine internationaliste de l’époque M. Paisant, « Les droits de la France au Niger », Revue générale de droit international public, 1898, pp. 5-35, 31 : « Un traité n’est valable que si le contractant sait à quoi il s’engage. On objectera qu’un chef indigène n’est pas versé dans les subtilités du droit des gens et que le terme « protectorat », par exemple, n’a pas de signification bien précise pour lui. Nous répondrons que ce chef connaît généralement la puissance des blancs, qu’il sait que leur protection pourra lui être utile ; d’autre part, certains Etats du Niger présentent une organisation semi-féodale qui prouve la connaissance de la notion de suzeraineté. Le chef indigène qui traite avec un blanc sait parfaitement qu’il est en présence du représentant d’une civilisation plus avancée que la sienne, et il ne peut manquer d’attacher de l’importance à l’acte qu’il accomplit. / Supposez au contraire que le négociateur soit un nègre comme lui, venu, non avec cet appareil et cette solennité qui environnent toujours l’explorateur, l’officier le plus simple, par le seul fait qu’il est blanc, mais comme un traitant nègre quelconque : le chef indigène peut-il penser que ce traitant, c’est le symbole d’un grand Etat, que ce traitant va le protéger, qu’il va devenir « son père » ? ». Voir aussi, p. 32 : « Le seul fait que le négociateur est un nègre, et c’est le cas des traités Fergusson, put donc constituer, jusqu’à un certain point, un cas de suspicion légitime contre la convention qu’il passe » et « Tout est étonnant dans ces « traités » Fergusson ; la personne du négociateur, l’ignorance de ses contractants, l’infidélité de leur mémoire, la pauvreté de leur intelligence, qui ne permet pas au négociateur d’affirmer qu’ils ont compris, tout – sauf le peu de cas qu’en font les chancelleries européennes ». Voir l’analyse de G. Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, Vol. 11, 1951, pp. 44–79, 62-64. Voir également p. 68 et pp. 73-75. Dans ce cadre, certains auteurs s’en tinrent à la dichotomie Etats civilisés / peuples non civilisés (Voir ainsi A. Verdross qui distinguait les « nations d’un degré inférieur de civilisation » et les « Etats civilisés » in « Droit international de la paix. Les relations internationales », Recueil des cours de l’Académie de droit international, 1929, t. V, vol. 30, p. 443) ; d’autres élaborèrent des catégorisations plus précises, distinguant parmi les non civilisés plusieurs niveaux comme le fit plus tard le Pacte de la Société des Nations Unies. En tout cas, le schéma général est bien celui d’une hiérarchisation des sociétés avec supériorité du monde occidental. ↩︎
- B.O. 1908, p. 65. ↩︎
- « Toutes les Puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout la traite des noirs ; elles protégeront et favoriseront, sans distinction de nationalités ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables. Créées et organisées à ces fins ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. / Les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs, leurs escortes, avoir et collections, seront également l’objet d’une protection spéciale. / La liberté de conscience et la tolérance religieuse sont expressément garanties aux indigènes comme aux nationaux et aux étrangers. Le libre et public exercice de tous les cultes, le droit d’ériger des édifices religieux et d’organiser des missions appartenant à tous les cultes ne seront soumis à aucune restriction ni entrave ». ↩︎
- « Conformément aux principes du droit des gens, tels qu’ils sont reconnus par les Puissances signataires, la traite des esclaves étant interdite, et les opérations qui, sur terre ou sur mer, fournissent des esclaves à la traite devant être également considérées comme interdites, les Puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté, ou une influence dans les territoires formant le bassin conventionnel du Congo, déclarent que ces territoires ne pourront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves, de quelque race que ce soit. Chacune de ces Puissances s’y engage à employer tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce et pour punir ceux qui s’en occupent ». ↩︎
- En ce sens, le préambule de l’Acte final de la Conférence de Berlin du 26 février 1885 fonde celle-ci, notamment, sur la volonté des participants de : « régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle, les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation dans certaines régions de l’Afrique, et assurer à tous les peuples les avantages de la libre navigation sur les deux principaux fleuves africains qui se déversent dans l’océan atlantique » et leur préoccupation « des moyens d’accroître le bien-être moral et matériel des populations indigènes ». C’est en outre en partie sur le fondement du développement de la civilisation que fut instituée la neutralité des territoires du bassin conventionnel du Congo. Voir ainsi l’art. 10 : « Afin de donner une garantie nouvelle de sécurité au commerce et à l’industrie et de favoriser, par le maintien de la paix, le développement de la civilisation dans les contrées mentionnées à l’article premier et placées sous le régime de la liberté commerciale, les Hautes Parties signataires du présent Acte et celles qui y adhéreront par la suite s’engagent à respecter la neutralité des territoires ou parties de territoires dépendant desdites contrées, y compris les eaux territoriales, aussi longtemps que les Puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté ou de protectorat sur ces territoires, usant de la faculté de se proclamer neutres, rempliront les devoirs que la neutralité comporte ». ↩︎
- « en ouvrant un traité concernant le droit en vigueur dans n’importe quel Etat ex-colonial, on note tout de suite l’importance révolutionnaire de ce qui est survenu dans le domaine du droit par l’effet de la colonisation », R. Sacco, Le droit Africain, Anthropologie et droit positif, Paris, Dalloz, Coll. A droit ouvert, 2009, x-566 p., 146. ; « Ce processus d’insertion forcée dans un monde étranger non seulement des droits originellement africains mais aussi de certains systèmes pré-coloniaux qui s’y étaient superposés ne va cesser de se renforcer au cours de la première moitié du XXe siècle, imposant progressivement l’écriture là où régnait l’oralité, l’unité là où florissait la diversité, des présupposés épistémologiques extérieurs en lieu et place des traditions authentiques propres aux civilisations africaines. Il s’agit là d’un phénomène de mutation sur le plan du droit qui est à la fois considérable et radical, qui constitue un véritable déracinement de cultures juridiques séculaires. […]. En Afrique on peut considérer que la rupture est complète, que l’inégalité entre les forces matérielles en présence est totale, et qu’enfin le sentiment de supériorité qui en découle chez le colonisateur va conférer à son action son caractère prosélyte qui marquera toute l’entreprise d’acculturation qu’il va entreprendre au nom de la « civilisation », de la « modernité », du « progrès » », J. Vanderlinden, Les systèmes juridiques africains, Paris, PUF, Collection Que sais-je ?, 1983, 128 p., 45. ↩︎
- Voir G. Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, Vol. 11, 1951, pp. 44-79, passim. ↩︎
- S. Dezalay, “Law and Lawyers in Africa: Stakes for an Open Research Agenda. Introduction to Politique Africaine 138, 2015 Dealing in Law, Building the State: Lawyers in Africa”, Draft May 2015, p. 3 : “The ‘cutting-edge’ of colonialism (M. Chanock, Law, Custom and Social Order. The Colonial Experience in Malawi and Zambia, Cambridge University Press, 1985, p. 4), law and justice played a central role in European Empire-Building: the law, at least until the 1930s, was at the core of the nebulous of knowledge produced on the colonies. The law was central to imperialism as a “civilzing mission” by providing arguments in favor of colonial expansion, and articulating the exercise of domination through the prism of legal-administrative concepts (E. Saada, « Penser le fait colonial à travers le droit en 1900 », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, n° 27, 2009/1, pp. 103-116)”. ↩︎
- Voir, entre autres, M. Diouf, « Privatisations des économies et des Etats africains. Commentaires d’un historien », Politique africaine, 1999/1, N° 73, pp. 16-23, 19. ↩︎
- Voir notamment L. Agesti, Lzioni di diritto coloniale comparato pubblico, Naples, 1945 ; E. Antonelli, Manuel de législation coloniale, Paris, 1926 ; Borsi, Principi di diritto coloniale, Padoue, 1938 ; E. Cucinotta, Diritto coloniale italiano, Rome, 1938 ; P. Dareste, Traité de droit colonial, Paris, Impr. du Recueil de législation, de doctrine et de jurisprudence coloniale, Paris, Bienfaisance, 1931, 2 t., 480 p. ; P. Dislère, Traité de législation coloniale, Paris, 1914 ; U. Fragola, Manuale di diritto coloniale comparato, Naples, 1948 ; A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, Paris, Librairie de la Société du recueil Sirey, 1921-1923 ; 1935 ; P. Lampué & L. Rolland, Précis de législation coloniale. Colonies, Algérie, protectorats, pays sous mandat, Paris, Dalloz, 1931 ; 2e éd., 1936, 457 p. ; 3e éd., 1940 ; A. Mérignhac, Précis de législation et d’économie coloniale, Paris, 1925 ; S. Romano, Corso di diritto coloniale, Rome, 1918 ; H. Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé, Paris, Sirey, 1927 ; K. von Stengel, Deutsche Kolonialstaatsrecht, 1887 ; M. Wight, British Colonial Constitutions 1947, London, 1952. ↩︎
- Voir ainsi la Rivista di diritto coloniale et le Recueil Dareste. ↩︎
- Voir G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, 311 p., 15-16 : « Les opinions peuvent diverger quant à sa justification, mais ce qui n’est pas contestable c’est que le phénomène colonial saisit dans leur totalité les sociétés auxquelles il s’impose. Et les forces de changement qu’il implique opèrent dans tous les domaines : aux structures politiques traditionnelles s’oppose une nouvelle conception de l’ordre politique ; l’économie traditionnelle subit de profonds changements et l’introduction des religions chrétiennes, messagères de valeurs nouvelles, provoque le recul des croyances traditionnelles (Cf. notre ouvrage, L’homme et la terre, Berger Levrault, 1966). Dans la logique du système l’ordre juridique concevable pour les colonies ne peut être que celui du colonisateur. En effet, l’ordre public colonial, conséquence de la souveraineté politique est seul valable et le système juridique élaboré et introduit dans les colonies doit seul régir d’une part les rapports des individus avec l’Etat, d’autre part les relations entre les individus. Tel était l’idéal juridique colonial ». ↩︎
- Bulletin des lois de l’Empire français, XIe série, t. III, n° 166, 7 mai 1854, texte n° 1382, pp. 1159-1164. ↩︎
- Bulletin officiel de 1908, p. 65. ↩︎
- Voir G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, 311 p., 15. ↩︎
- Voir notamment L. Manière, « Deux conceptions de l’action judiciaire aux colonies. Magistrats et administrateurs en Afrique occidentale française (1887-1912) », ClioThémis, 4, 2011, pp. 1-34. DOI : 10.35562/cliothemis.1390, pp. 21-22 : « l’on aurait tort de considérer le pouvoir colonial comme un monolithe puisqu’en son sein même, les positions, les formations, les savoirs, les intérêts étaient contrastés. Les administrateurs, bien que s’affirmant convaincus de la supériorité du droit métropolitain, se montraient plus pragmatiques et toujours conscients des effets politiques de leurs décisions. Peu rompus à certaines subtilités juridiques, ils considéraient souvent la justice indigène et le code de l’indigénat comme deux champs d’action interchangeables et la façon brusque dont étaient souvent traitées les affaires devant les tribunaux indigènes démontre qu’ils étaient conçus comme une extension de la pratique administrative. Les magistrats étaient mus par une certaine tendance universaliste, considérant qu’il existe un droit naturel applicable en toutes natures et en toutes circonstances. Ils se firent souvent les défenseurs des autochtones et réagirent face à l’arbitraire administratif. Mais les magistrats coloniaux n’attaquèrent pas tant le fond de la domination coloniale que sa forme ». ↩︎
- Voir notamment M. Mamdani, Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism, Princeton, Princeton University Press, 1996 ; M. Diouf, « Privatisations des économies et des Etats africains. Commentaires d’un historien », Politique africaine, 1999/1, N° 73, pp. 16-23. ↩︎
- J. John-Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et société, 2002/2, n° 51-52, pp. 325-344, 327 : « Mais le passage d’une justice traditionnelle à une justice coloniale moderne ne pouvait que heurter profondément la majorité des populations autochtones, tant étaient différentes les conceptions qui fondent cette importante institution de part et d’autre ainsi que les fonctions qu’elles jouent dans les deux univers juridiques » ; pp. 330-331 : « En monopolisant l’appareil judiciaire, le pouvoir colonial ne faisait que consacrer la contradiction totale entre deux univers aux logiques diamétralement opposées. […]. Les adaptations successives observées dans ce processus n’étaient en réalité que le reflet, en partie, de l’embarras de l’autorité coloniale face à la résistance permanente des populations autochtones qui n’adhéraient pas toujours à cette œuvre de « sabotage » des coutumes locales, coutumes qui, par la magie du verbe judiciaire de l’époque, étaient transformées en droit coutumier (les universitaires coloniaux et post-coloniaux parleront plus tard de droit traditionnel) » ; p. 331 : « Mais cette justice coloniale est de même nature que le droit colonial qu’elle est appelée à promouvoir ; elle est d’origine étrangère, extérieure à la société indigène et d’ailleurs reçue comme telle par les « justiciables » indigènes eux-mêmes qui, pour la plupart, fuyaient ces juridictions dont les procédures et les sanctions comportaient des concepts non seulement différents, mais surtout bien éloignés de leur mentalité juridique. La justice coloniale est autoritaire, centralisée, inégalitaire et hiérarchisée. Elle est enfin imposée d’en haut par le pouvoir colonial et ce ne sont pas les quelques assesseurs indigènes associés progressivement à son fonctionnement qui devaient changer cette vision » ; p. 335 : « Ce que l’on sait, c’est que les justiciables indigènes se détournaient souvent de ces juridictions dont les règles procédurales et les sanctions comportaient des concepts différents bien éloignés de leur conception du monde et de la vie ». ↩︎
- Voir, par exemple, John W. Van Doren, “Death African Style: The Case of S.M. Otieno”, The American Journal of Comparative Law, Vol. 36, 1988, pp. 329-350, 333-334. ; E. Le Roy, « Pourquoi, en Afrique, « le droit » refuse-t-il toujours le pluralisme que le communautarisme induit ? », Anthropologie et Sociétés, Vol. 40, No. 2, 2016, pp. 25–42., 28 : « Dans une étude de 1974 sur les chefferies (Le Roy 1979), je citais la remarque de Jeanne-Françoise Vincent à propos des Haddjeray du Tchad : Si l’administration française préservait d’une certaine façon la structure traditionnelle du pouvoir politique, elle ne tenait aucun compte de l’existence d’une autre catégorie de chef, dont le pouvoir était pourtant l’exacte contrepartie de celui des chefs politiques : les chefs de terre ou de montagnes […] Cette séparation tranchée des deux domaines qui, jusqu’alors, coïncidaient en partie, paraît être finalement la transformation la plus importante résultant des cinquante ans de présence française. Vincent 1975 : 14-15 ». ↩︎
- V. Kangulumba Mbambi, « Les droits originellement Africains dans les récents mouvements de codification : le cas des pays d’Afrique francophone subsaharienne », Les Cahiers de droit, Vol. 46, No. 1-2, 2005, pp. 315-358, 322. ↩︎
- J. John-Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et société, 2002/2, n° 51-52, pp. 325-344, 327 : « Ainsi, au nom de la civilisation qui sert de fondement premier à l’occupation juridique et politique, l’État colonial français va dorénavant être le « producteur » officiel de la norme juridique à travers la maîtrise de l’espace et le contrôle des hommes. Ce monopole qui s’applique sur le domaine judiciaire ne manquera pas de poser de multiples problèmes dont les conséquences sont encore visibles dans les institutions judiciaires africaines en ce début du XXIe siècle ». ↩︎
- V. Kangulumba Mbambi, Les droits originellement Africains dans les récents mouvements de codification : le cas des pays d’Afrique francophone subsaharienne, Les Cahiers de droit, Vol. 46, No. 1-2, 2005, pp. 315-358, 323 : « Il en a été ainsi dans la plupart des pays [note omise] : la reconnaissance des coutumes locales, en tant qu’ensemble de règles sociales obligatoires, s’est imposée au colonisateur. Il est vrai que cette reconnaissance du fait juridique coutumier ne concernait (et ne concerne encore) que les seules relations juridiques privées [note omise] ainsi que les infractions qui en dérivent (adultère, vol, bigamie, etc.) ». Voir également G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernité dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, p. 17 : « Les difficultés d’application de la loi du 24 avril 1833 résultant de la résistance des institutions juridiques traditionnelles ont conduit le législateur à envisager sa politique juridique coloniale dans la perspective du respect des coutumes et traditions autochtones : ce fut l’objet du décret du 20 mai 1857 qui consacrait, sauf option expresse en faveur du droit civil français, la compétence exclusive des coutumes en matière du droit de la famille notamment. C’était le “statut réservé”. Et les Africains dont il s’agit (Les ressortissants des quatre communes de plein exercice du Sénégal) en principe soumis en tant que citoyens au statut civil français sont justiciables de leurs coutumes lorsqu’il s’agit de litiges rentrant dans le cadre du “statut réservé” » ; A. Sow Sidibé, Le pluralisme juridique en Afrique. L’exemple du droit successoral sénégalais, Paris, LGDJ, Bibliothèque Africaine et malgache, 1991, 383 p., 23 et s. ; M. Thioye, « Part respective de la tradition et de la modernité dans les droits de la famille des pays d’Afrique noire francophone », Revue internationale de droit comparé, Vol. 57, n° 2, 2005, pp. 345-397, spéc. p. 365 et s. ↩︎