1. Avantages de fonder le développement sur les droits
Cette stratégie juridique consistant à invoquer les droits de la personne humaine peut présenter un certain nombre d’avantages.
Elle permet dans une certaine mesure de traduire les attentes et besoins des individus et fait que les individus ne sont plus les destinataires passifs, dépendants et subordonnés de programmes de développement sanitaires, sociaux ou environnementaux décidés par d’autres, mais ont des droits, facultés et pouvoirs qu’ils peuvent faire valoir, notamment par la participation voire par des demandes de comptes[1]. Il peut s’agir en effet d’un instrument pouvant permettre d’assurer la mise en œuvre de la responsabilité des gouvernants, voire d’autres entités comme les entreprises, à l’égard des individus.
[1] En ce sens, Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité de la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Comité des droits de l’enfant et Comité des droits des personnes handicapées, Joint Statement on Human Rights and Climate Change, 16 septembre 2019, Doc. HRI/2019/1 : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E : « Women, children and other persons such as persons with disabilities, should not be seen only as victims or in terms of vulnerability. They should be recognised as agents of change and essential partners in the local, national and international efforts to tackle climate change. The Committees emphasise that States must guarantee their human right to participate in climate policy-making, and further, that given the scale and complexity of the climate challenge, States must ensure an inclusive multi-stakeholder approach, which harnesses the ideas, energy and ingenuity of all stakeholders”.
Elle permet également de concrétiser des discours sinon essentiellement techniques (cas extrême du changement climatique) et/ou philosophiques (justice sociale, justice environnementale, etc.) et parfois très peu abordables pour les non initiés.
Cette approche permet encore d’assurer une meilleure justiciabilité des questions sociales, environnementales, sanitaires ou encore alimentaires. En effet, dans un certain nombre d’Etats, l’absence de caractère obligatoire des instruments pertinents et de reconnaissance d’un effet direct aux traités dédiés et/ou d’incorporation de ceux-ci dans les ordres étatiques rend impossible la contestation judiciaire de mesures ou abstentions contraires auxdits instruments. Le passage par les droits de la personne humaine permettrait souvent de passer outre cet obstacle dans la mesure où ceux-ci semblent plus volontiers incorporés dans les Etats dits dualistes et se voient reconnaître un effet direct dans les autres. Leur reconnaissance dans les constitutions étatiques assure également leur invocabilité et leur connaissance par les populations[1].
De même, les droits de la personne humaine étant considérés comme ayant un effet horizontal, ils peuvent être invoqués non seulement contre l’Etat mais également contre les personnes privées – y compris les entreprises – engagées dans des activités pouvant avoir des effets sur le climat.
[1] Sur ce point, voir entre autres B. Erinosho, “Climate Change Litigation in Ghana: An Analysis of the Role of Courts in Enforcing Climate Change Law”, AJIL Unbound, Vol. 114, 2020, pp. 51-55, 53 ss.
Enfin, concrètement, on observe qu’un certain nombre de contentieux étatiques ont prospéré et ont conduit le juge à enjoindre le pouvoir politique ou des entreprises privées d’agir ou de s’abstenir aux fins de stabilisation du climat.
2. Limites générales du fondement du développement sur les droits
L’approche par les droits présente un certain nombre de limites qui interdisent d’y voir une solution en tant que telle, mais exige, car elle présente des avantages, qu’elle s’ajoute et non se substitue aux autres.