Pour citer : J. Matringe, “Le phénomène de l’approche par les droits du développement, https://droitsafricainsonline.com/themes/afriques-et-developpement/lapproche-du-developpement-par-les-droits/le-phenomene-de-lapproche-du-developpement-par-les-droits/, consulté le 21/10/2023
Le passage par le droit international de la personne humaine pourrait apparaître comme un vecteur de durcissement des dimensions non économiques de la mondialisation. Ainsi une « approche par les droits » s’est-elle développée au soutien de la protection des travailleurs, de la santé, de l’environnement ou encore et plus largement du développement. Elle se heurte pourtant à certains écueils.
1. Le droit au travail et du travail comme droit de la personne humaine
Si le droit international de la personne humaine a consacré le droit au travail comme droit de l’homme, telle n’était pas la logique initiale dans laquelle le droit international du travail et le droit international du développement contemplaient ces questions. Ces différentes « branches » du droit international se sont cependant coulées dans le profond mouvement des droits de la personne humaine pour faire de l’approche par les droits une dimension essentielle de leurs discours en matière de droit du travail et de sécurité sociale.
1.1. Le corpus du droit international de la personne humaine
- Le « droit international des droits de l’homme » reconnaît aux individus un droit à un travail librement consenti et répondant à certaines exigences. Ainsi en est-il, par exemple, de la Déclaration universelle des droits de l’homme[1], du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels[2] ou de la Convention relative aux droits de l’enfant[3], ainsi que du Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador) de 1988[4].
[1] Article 23 : « 1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. 2 . Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. 3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. 4. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » ; article 24 : « Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée de son travail et à des congés payés périodiques » ; art. 25 : « 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté » ; art. 28 : « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
[2] L’article 6 du PIDESC dispose ainsi : « 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit. 2. Les meures que chacun des Etats parties au présent Pacte prendra en vue d’assurer le plein exercice de ce droit doivent inclure l’orientation et la formation technique et professionnelle, l’élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales »; Voir également l’article 7 : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment : a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs : b) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail ; ii) Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte ; b) La sécurité et l’hygiène du travail ; c) La même possibilité pour tous d’être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes ; d) Le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés ». L’article 8 énonce quant à lui le droit de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix et les droits des syndicats.
[3] Voir l’article 32 : « 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. 2. Les Etats parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l’application du présent article. A cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, les Etats parties, en particulier : a) Fixent un âge minimum ou des âges minimums d’admission à l’emploi ; b) Prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d’emploi ; c) Prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l’application effective du présent article ».
[4] Article 6 – Droit au travail : « 1. Toute personne a droit au travail. Ce droit comprend la possibilité d’obtenir les moyens de mener une vie décente et respectable en exerçant une activité licite librement choisie ou acceptée. 2. Les Etats parties s’engagent à adopter les mesures aptes à garantir le plein exercice du droit au travail, notamment celles qui concernent la réalisation du plein emploi, l’orientation professionnelle et l’exécution de projets de formation technique et professionnelle, notamment ceux qui sont conçus à l’intention des handicapés. Les Etats parties s’engagent aussi à exécuter et à renforcer des programmes mettant l’accent sur la famille, et ayant pour objet d’assurer à la femme le plein exercice du droit au travail ». Voir également les art. 7 – Conditions de travail justes, équitables et satisfaisantes ; art. 8 – Droits syndicaux, art. 9 – Droit à la sécurité sociale.
- De même, le droit à la sécurité sociale serait un droit de l’homme que l’Etat doit assurer à tous sans discrimination[1]. En ce sens, on le trouve à l’article 22 de la DUDH[2] à l’article 9 du PIDESC[3], à l’article 26 de la Convention relative aux droits de l’enfant[4], à l’article 27 de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[5].
[1] En ce sens, K. Barzegar, Fatemeh S. Izadmoosa, “The Right to Social Security in International Documents”, Juridical Tribune, Vol. 7, no. 1, 2017, pp. 39-52 qui semblent l’entendre très largement comme l’évitement de la guerre, de la violence, la garantie de la justice sociale, la réduction des luttes de classes, la lutte contre la pauvreté et le respect de la dignité humaine.
[2] « toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’org° et des ressources de chaque pays ». Voir aussi l’article 25 : « 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, d vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. 2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide at à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale ».
[3] « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales ». Dans ce cadre, voir •Comité DESC, Observation générale n° 19 – Le droit à la sécurité sociale (art. 9 du Pacte), 4 février 2008, E/C.12/GC/19 (à revoir) : « 2. Le droit à la sécurité sociale englobe le droit d’avoir accès à des prestations, en espèces ou en nature, et de continuer à en bénéficier, sans discrimination, afin de garantir une protection, entre autres, contre : a) la perte du revenu lié à l’emploi, pour cause de maladie, de maternité, d’accident du travail, de chômage, de vieillesse ou de décès d’un membre de la famille; b) le coût démesuré de l’accès aux soins de santé; c) l’insuffisance des prestations familiales, en particulier au titre des enfants et des adultes à charge » ; « 3. La sécurité sociale, par sa fonction redistributrice, joue un rôle important dans la réduction et l’atténuation de la pauvreté, en évitant l’exclusion sociale et en favorisant l’insertion sociale » ; « 6. (…). En 2001, la Conférence internationale du Travail, rassemblant des représentants des États, des employeurs et des travailleurs, a affirmé que la sécurité sociale « est un droit fondamental de l’être humain et un instrument essentiel de cohésion sociale (Conférence internationale du Travail, quatre-vingt-neuvième session, rapport de la Commission de la sécurité sociale, résolutions et décisions concernant la sécurité sociale) » ; « 7. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est préoccupé par les taux extrêmement faibles d’accès à la sécurité sociale, sachant qu’une large majorité (quelque 80 %) de la population mondiale actuelle n’a pas accès à un système formel de sécurité sociale. Sur ces 80 %, 20 % vivent dans l’extrême pauvreté (M. Cichon, K. Hagemejer, « La sécurité sociale pour tous : un investissement dans le développement social et économique mondial. Document de nature consultative », Questions de protection sociale, document de réflexion no 16, Département de la sécurité sociale de l’OIT, Genève, 2006) » ; « 10. Alors que les éléments constitutifs du droit à la sécurité sociale peuvent varier en fonction des situations, un certain nombre de facteurs essentiels, exposés ci-après, sont indispensables en toutes circonstances. Dans leur interprétation, il faudrait avoir à l’esprit que la sécurité sociale devrait être considérée comme un bien social et non foncièrement comme un simple instrument de politique économique ou financière ».
[4] « 1. Les Etats parties reconnaissent à tout enfant le droit de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, et prennent les mesures nécessaires pour assurer la pleine réalisation de ce droit en conformité avec leur législation nationale. 2. Les prestations doivent, lorsqu’il y a lieu, être accordées compte tenu des ressources et de la situation de l’enfant et des personnes responsables de son entretien, ainsi que de toute autre considération applicable à la demande de prestation faite par l’enfant ou en son nom ». Voir aussi A/RES/1386 (XIV), 20 novembre 1959, Déclaration des droits de l’enfants, principe 4 : « L’enfant doit bénéficier de la sécurité sociale. Il doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine ; à cette fin, une aide et une protection spéciales doivent lui être assurées ainsi qu’à sa mère, notamment des soins prénatals adéquats. L’enfant a droit à une alimentation, à un logement, à des loisirs et à des soins médicaux adéquats ».
[5] « 1. En matière de sécurité sociale, les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient, dans l’État d’emploi, de l’égalité de traitement avec les nationaux dans la mesure où ils remplissent les conditions requises par la législation applicable dans cet État et les traités bilatéraux ou multilatéraux applicables. Les autorités compétentes de l’État d’origine et de l’État d’emploi peuvent à tout moment prendre les dispositions nécessaires pour déterminer les modalités d’application de cette norme. 2. Lorsque la législation applicable prive les travailleurs migrants et les membres de leur famille d’une prestation, les États concernés examinent la possibilité de rembourser aux intéressés les montants des cotisations qu’ils ont versées au titre de cette prestation, sur la base du traitement qui est accordé aux nationaux qui se trouvent dans une situation similaire ».
1.2. L’adoption par l’OIT de l’approche par les droits
- Le discours de l’OIT a changé en ancrant les attentes des travailleurs dans le discours des droits de l’homme, sortant la relation de travail du droit privé pour lui donner une dimension de droit public et fondamentalement politique[1]. Le point d’orgue de ce mouvement longuement mûri dans l’enceinte de l’OIT est peut-être la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux de l’homme au travail[2]confirmée par la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable de 2008. Les droits fondamentaux de l’homme au travail sont parmi ceux qui promeuvent l’idée de liberté[3] ; ils comprendraient la liberté syndicale et de négociation collective qui font l’objet des Conventions n° 29 et 105 de l’OIT, le travail des enfants et l’interdiction de toute forme de discrimination. Nous retrouvons la logique développée par A. Sen qui conçoit le développement comme la possibilité pour chaque être humain de faire des choix et de développer ses capabilities, ce qui présuppose — et doit conduire à — la liberté. En ce sens, le préambule de la Déclaration de 1998 affirme : « Attendu que, dans le but d’assurer le lien entre progrès social et croissance économique, la garantie des principes et des droits fondamentaux au travail revêt une importance et une signification particulières en donnant aux intéressés eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales leur juste participation aux richesses qu’ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser pleinement leur potentiel humain ».
[1] Janelle M. Diller, “Social Justice, Rights and Labour”, The Oxford Handbook of International Human Rights Law, Online Publication, Dec. 2013, p. 321: « In today’s increasingly complex globalized economy, union power has declined from its apex a century ago, and the increasing attempts to prioritize workers’ claims by reference to human rights reflects this trend. Human rights are based on principles of public law that have the potential to expand the application of labour law beyond its traditional private law roots ».
[2] Voir déjà : OIT, Human Rights: A Common Responsibility. International Labor Conference, 75th Session, 1988, Geneva, 1988
[3] F. Maupain, « Mondialisation de l’économie et universalité de la protection des droits des travailleurs », in Commerce mondial et protection des droits de l’homme. Les droits de l’homme à l’épreuve de la globalisation des échanges économiques, Publications de l’Institut international des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 111-150, 123-124.
- Cela dit, l’OIT n’abandonne pas pour autant la dimension collective pour la dimension purement individuelle du travail et ce nouveau discours n’entend pas se présenter comme un contre-discours au libéralisme ni n’entend dissocier la question des droits au travail des préoccupations économiques, Ainsi, la Déclaration de 1998 se termine par l’affirmation selon laquelle « les normes du travail ne pourront servir à des fins commerciales protectionnistes et que rien dans la présente Déclaration et son suivi ne pourra être invoqué ni servir à pareilles fins ; en outre, l’avantage comparatif d’un quelconque pays ne pourra, en aucune façon, être mis en cause du fait de la présente Déclaration et son suivi » tout comme la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable de 2008 que « la violation des principes et droits fondamentaux au travail ne saurait être invoquée ni utilisée en tant qu’avantage comparatif légitime, et que les normes du travail ne sauraient servir à des fins commerciales protectionnistes». De même, Le Pacte mondial pour l’emploi de 2009 préconisait « une relance productive axée sur l’investissement, l’emploi et la protection sociale ».
- Certains traités africains vont dans le même sens comme la Charte des droits sociaux fondamentaux dans la SADC d’août 2003 et le Protocole de la SADC sur l’emploi et le travail de 2014.
2. La santé comme droit de la personne humaine
- Il existe assurément en droit international des droits de l’homme un droit à la santé même si sa teneur est très largement indéterminée. Il convient de se reporter à quelques textes, en particulier l’article 25 de la DUDH[1] ; l’article 12 § 1 du PIDESC[2], l’article 16 § 1 de la Charte africain des droits de l’homme et des peuples[3], l’article 11 de la Charte sociale européenne de 1960 révisée en 1996 – Droit à la protection de la santé[4] qu’il faut lire avec d’autres articles du même texte[5], l’article 28 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille[6], l’article 11 de Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme[7] ou encore l’art. 10 du Protocole se rapportant à la Convention américaine relative aux droits économiques, sociaux et culturels[8]
[1] « 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. 2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. […] »
[2] « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ».
[3] « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ».
[4] « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection de la santé, les Parties contractantes s’engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques et privées, des mesures appropriées tendant notamment : 1. A éliminer, dans la mesure du possible, les causes d’une santé déficiente ; 2. A prévoir des services de consultation et d’éducation pour ce qui concerne l’amélioration de la santé et le développement du sens de la responsabilité individuelle en matière de santé ; 3. A prévenir dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres, ainsi que les accidents ».
[5] Comité européen des droits sociaux, 21 avril 2020, Observation interprétative sur le droit à la protection de la santé en temps de pandémie : « Le Comité souhaite rappeler que nombre des mesures susmentionnées sont nécessaires pour se conformer non seulement à l’obligation de protéger le droit à la protection de la santé au titre de l’article 11, mais aussi à d’autres obligations de la Charte relatives à la santé, notamment les obligations concernant le droit des travailleurs à la sécurité́ et à l’hygiène dans le travail (article 3), le droit des personnes ayant besoin d’une assistance sociale et médicale (article 13), le droit des personnes âgées à la protection et aux soins de santé (article 23), le droit des enfants et des adolescents à la protection et aux soins de santé (article 7§§9 et 10 et article 17§1) ».
[6] « Les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont le droit de recevoir tous les soins médicaux qui sont nécessaires d’urgence pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat en cause. De tels soins médicaux d’urgence ne leur sont pas refusés en raison d’une quelconque irrégularité en matière de séjour ou d’emploi ».
[7] « Every person has the right to the preservation of his health through sanitary and social measures relating to food, clothing, housing and medical care, to the extent permitted by public and community resources ».
[8] “1. Everyone shall have the right to health, understood to mean the enjoyment of the highest level of physical, mental and social well-being. 2. In order to ensure the exercise of the right to health, the States Parties agree to recognize health as a public good and, particularly, to adopt the following measures to ensure that right: a. Primary health care, that is, essential health care made available to all individuals and families in the community; b. Extension of the benefits of health services to all individuals subject to the State’s jurisdiction; c. Universal immunization against the principal infectious diseases; d. Prevention and treatment of endemic, occupational and other diseases; e. Education of the population on the prevention and treatment of health problems, and f. Satisfaction of the health needs of the highest risk groups and of those whose poverty makes them the most vulnerable ».
Voir également la Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaire de l’AMS du 12 septembre 1978, point I[1] et la communication de la Commission africaine dans l’affaire Purohit et Moore c. Gambie de 2003 : « La Commission africaine souhaiterait toutefois préciser qu’elle est consciente du fait que des millions de personnes en Afrique ne jouissent pas du droit à un meilleur état de santé physique et mentale qu’elles soient capables d’atteindre, parce que les pays africains sont en général confrontés au problème de la pauvreté qui les rend incapables de fournir les équipements, infrastructures et ressources qui facilitent la pleine jouissance de ce droit. En conséquence, ayant dûment tenu compte de ces circonstances tristes mais réelles, la Commission africaine souhaiterait lire dans l’Article 16 l’obligation, de la part des Etats Parties à la Charte africaine, de prendre des mesures concrètes et sélectives tout en tirant pleinement profit des ressources disponibles, en vue de garantir que le droit à la santé est pleinement réalisé sous tous ses aspects, sans discrimination d’une quelconque nature »[2].
[1] « La Conférence réaffirme avec force que la santé, qui est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité, est un droit fondamental de l’être humain, et que l’accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier et suppose la participation de nombreux secteurs socioéconomiques autres que celui de la santé ».
[2] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication du 29 mai 2003, Purohit et Moore c. Gambie, n° 241/01, § 84.
- Les Etats sont en conséquence tenus à une obligation de ne pas porter atteinte à la santé des personnes, laquelle, en raison du caractère global de ce droit, peut se décomposer en un très grand nombre d’obligations de ne pas faire[1], comme celle de ne pas entraver l’accès aux soins en refusant ceux-ci ou en portant atteinte à l’égalité d’accès à ceux-ci.
[1] Voir ainsi la recommandation générale n° 24 du Comité CEDAW relative aux femmes et à la santé, § 14 : « L’obligation de respecter les droits des femmes implique que les États parties s’abstiennent de faire obstacle aux actions engagées par des femmes dans le but d’atteindre leurs objectifs en matière de santé. Les États parties devraient indiquer comment les professionnels de la santé du secteur public ou du secteur privé s’acquittent de leur obligation de respecter les droits des femmes en matière d’accès aux soins de santé. Par exemple, les États parties ne devraient pas empêcher les femmes d’avoir accès à certains services de santé ou aux établissements de soins au motif qu’elles n’ont pas l’autorisation de leur mari, de leur partenaire, de leurs parents ou des autorités sanitaires, ou parce qu’elles ne sont pas mariées */, ou tout simplement parce que ce sont des femmes. Les lois qui criminalisent certaines procédures médicales dont seules les femmes ont besoin et qui répriment les femmes sur lesquelles celles-ci sont pratiquées font aussi obstacle à l’accès des femmes à des soins de santé appropriés ».
- Un grand nombre d’instruments internationaux énoncent expressément des obligations positives en matière de santé. Ainsi en est-il de l’article 16 § 2 de la Charte africaine[1], de l’article 14 du Protocole de Maputo à la Charte africaine sur les droits des femmes en Afrique qui, après avoir affirmé au § 1 que les Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, précise au § 2 que les Etats « prennent toutes les mesures appropriées » pour, notamment, « assurer l’accès des femmes aux services de santé adéquats, à des coûts abordables et à des distances raisonnables, y compris les programmes d’information, d’éducation et de communication pour les femmes, en particulier celles vivant en milieu rural » ; de l’article 10 du Protocole additionnel à la Convention américaine des droits de l’homme en matière de droits économiques, sociaux et culturels[2] ; de l’article 25 de la Convention sur la protection des personnes handicapées[3] ; des articles 24[4] et 25[5] de la Convention sur les droits de l’enfant ; des articles 1[6] et 3[7] de la Convention d’Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine ratifiée par seulement 5 Etats mais en vigueur). On notera que cette convention permet des restrictions (celles-ci doivent être prévues par la loi, constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d’autrui) sauf pour certaines dispositions (art. 26). Voir encore la Déclaration d’Alma Ata sur les soins de santé primaires de l’OMS du 12 septembre 1978[8].
[1] « Les Etats s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leur population et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie »
[2] “1. Everyone shall have the right to health, understood to mean the enjoyment of the highest level of physical, mental and social well-being.
2. In order to ensure the exercise of the right to health, the States Parties agree to recognize health as a public good and, particularly, to adopt the following measures to ensure that right:
a. Primary health care, that is, essential health care made available to all individuals and families in the community;
b. Extension of the benefits of health services to all individuals subject to the State’s jurisdiction;
c. Universal immunization against the principal infectious diseases;
d. Prevention and treatment of endemic, occupational and other diseases;
e. Education of the population on the prevention and treatment of health problems, and
f. Satisfaction of the health needs of the highest risk groups and of those whose poverty makes them the most vulnerable ».
[3] « Les Etats Parties reconnaissent que les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap. Ils prennent toutes les mesures appropriées pour leur assurer l’accès à des services de santé qui prennent en compte les sexospécificités, y compris des services de réadaptation. En particulier, les États Parties :
a) Fournissent aux personnes handicapées des services de santé gratuits ou d’un coût abordable couvrant la même gamme et de la même qualité que ceux offerts aux autres personnes, y compris des services de santé sexuelle et génésique et des programmes de santé publique communautaires ;
b) Fournissent aux personnes handicapées les services de santé dont celles-ci ont besoin en raison spécifiquement de leur handicap, y compris des services de dépistage précoce et, s’il y a lieu, d’intervention précoce, et des services destinés à réduire au maximum ou à prévenir les nouveaux handicaps, notamment chez les enfants et les personnes âgées ;
c) Fournissent ces services aux personnes handicapées aussi près que possible de leur communauté, y compris en milieu rural ;
d) Exigent des professionnels de la santé qu’ils dispensent aux personnes handicapées des soins de la même qualité que ceux dispensés aux autres, notamment qu’ils obtiennent le consentement libre et éclairé des personnes handicapées concernées ; à cette fin, les États Parties mènent des activités de formation et promulguent des règles déontologiques pour les secteurs public et privé de la santé de façon, entre autres, à sensibiliser les personnels aux droits de l’homme, à la dignité, à l’autonomie et aux besoins des personnes handicapées ;
e) Interdisent dans le secteur des assurances la discrimination à l’encontre des personnes handicapées, qui doivent pouvoir obtenir à des conditions équitables et raisonnables une assurance maladie et, dans les pays où elle est autorisée par le droit national, une assurance-vie ;
f) Empêchent tout refus discriminatoire de fournir des soins ou services médicaux ou des aliments ou des liquides en raison d’un handicap ».
[4] « 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. 2. Les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en
particulier, prennent les mesures appropriées pour : […] ; b) Assurer à tous les enfants l’assistance médicale et les soins de santé nécessaires, l’accent étant mis sur le développement des soins de santé primaires ; c) lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l’utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel ; […] ; e) Faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l’enfant, les avantages de l’allaitement au sein, l’hygiène et la salubrité de l’environnement et la prévention des accidents, et bénéficient d’une aide leur permettant de mettre à profit cette information ; f) Développer les soins de santé préventifs, les conseils aux parents et l’éducation et les services en matière de planification familiale. 3. Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants ».
[5] « Les Etats parties reconnaissent à l’enfant qui a été placé par les autorités compétentes pour recevoir des soins, une protection ou un traitement physique ou mental, le droit à un examen périodique dudit traitement et de toute autre circonstance relative à son placement”.
[6] Oviedo, 4 avril 1997, Série des Traités européens n° 164. « Les Parties à la présente Convention protègent l’être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine. / Chaque Partie prend dans son droit interne les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente Convention ».
[7] « Les Parties prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles, les mesures appropriées en vue d’assurer, dans leur sphère de juridiction, un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée ».
[8] Notamment : « Point V. Les gouvernements ont vis-à-vis de la santé des populations une responsabilité dont ils ne peuvent s’acquitter qu’en assurant des prestations sanitaires et sociales adéquates. L’un des principaux objectifs sociaux des gouvernements, des organisations internationales et de la communauté internationale tout entière au cours des prochaines décennies doit être de donner à tous les peuples du monde, d’ici l’an 2000, un niveau de santé qui leur permette de mener une vie socialement et économiquement productive. Les soins de santé primaires sont le moyen qui permettra d’atteindre cet objectif dans le cadre d’un développement empreint d’un véritable esprit de justice sociale » ; « Point VII. Les soins de santé primaires : […] 3) comprennent au minimum : une éducation concernant les problèmes de santé qui se posent ainsi que les méthodes de prévention et de lutte qui leur sont applicables, la promotion de bonnes conditions alimentaires et nutritionnelles, un approvisionnement suffisant en eau saine et des mesures d’assainissement de base, la protection maternelle et infantile y compris la planification familiale, la vaccination contre les grandes maladies infectieuses, la prévention et le contrôle des endémies locales, le traitement des maladies et lésions courantes et la fourniture de médicaments essentiels ; […] ».
- A défaut d’un tel énoncé exprès, la Cour européenne considère que des droits comme le droit à la vie ou l’interdiction de la torture et à des peines ou traitements inhumains ou dégradants font naître à la charge des Etats non seulement des obligations négatives, mais également des obligations positives, en particulier pour protéger les personnes prises en charge par l’Etat contre les maladies mortelles et les souffrances qui en découlent. Cela concerne les personnes privées de liberté (détention par la police, institutions pénitentiaires, centres de détention pour les migrants, hôpitaux psychiatriques, maisons de soins sociaux, espaces de quarantaine, etc.)[1] comme les personnes particulièrement vulnérables comme les personnes âgées ou handicapées. Il en est de même du principe de non-discrimination. Cela signifie non seulement que l’Etat doit agir pour prévenir et réprimer les discriminations, mais également qu’il doit prendre en compte les besoins spécifiques des personnes appartenant à un groupe désavantagé et/ou vulnérable[2]. Ce principe peut donc commander à l’Etat de prendre des mesures positives pour assurer une égalité[3].
[1] Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Information Documents SG/Inf(2020)11, 7 April 2020, “Respecting Democracy, rule of law and Human Rights in the Framework of the COVID-19 Sanitary Crisis. A Toolkit for Member States”, https://rm.coe.int/sg-inf-2020-11-respecting-democracy-rule-of-law-and-human-rights-in-th/16809e1f40, note 17 : « As the CPT detailed in its Statement of principles relating to the treatment of persons deprived of their liberty in the context of the coronavirus disease (COVID-19) pandemic, “an inadequate level of health care can lead rapidly to situations falling within the scope of the term “inhuman and degrading treatment » . Ainsi in Cour EDH, 26 octobre 2006, Khudobin c. Russie, n° 59696/00, § 92 : « In exceptional cases, where the state of a detainee’s health is absolutely incompatible with detention, Article 3 may require the release of such a person under certain conditions (see Papon v. France (no. 1) (dec.), no. 64666/01, CEDH 2001-VI ; Priebke v. Italy (dec.), no. 48799/99, 5 April 2001) There are three particular elements to be considered in relation to the compatibility of the applicant’s health with his stay in detention: (a) the medical condition of the prisoner, (b) the adequacy of the medical assistance and care provided in detention; and (c) the advisability of maintaining the detention measure in view of the state of health of the applicant (see Mouisel v. France, no. 67263/01, §§ 40-42, ECHR 2002‑IX » ; 93 : « However, Article 3 cannot be construed as laying down a general obligation to release detainees on health grounds. It rather imposes an obligation on the State to protect the physical well-being of persons deprived of their liberty. (…). Nevertheless, the State must ensure that the health and well-being of detainees are adequately secured by, among other things, providing them with the requisite medical assistance (see Kudła v. Poland [GC], no. 30210/96, § 94, ECHR 2000‑XI; see also Hurtado v. Switzerland, judgment of 28 January 1994, Series A no. 280-A, opinion of the Commission, pp. 15-16, § 79; and Kalashnikov v. Russia, no. 47095/99, §§ 95 and 100, ECHR 2002‑VI). In Farbtuhs, cited above, the Court noted that if the authorities decided to place and maintain a [seriously ill] person in detention, they should demonstrate special care in guaranteeing such conditions of detention that correspond to his special needs resulting from his disability (§ 56) ». Voir encore la déclaration de principes relative au traitement des personnes privées de liberté dans le context de la pandémie de COVID-19 du Comité européen contre la torture.
[2] Cour EDH, 29 janvier 2013, Horváth et Kiss c. Hongrie, n° 11146/11, § 101 : « The Court has established in its case-law that discrimination means treating differently, without an objective and reasonable justification, persons in relevantly similar situations. However, Article 14 does not prohibit a member State from treating groups differently in order to correct “factual inequalities” between them; indeed in certain circumstances a failure to attempt to correct inequality through different treatment may in itself give rise to a breach of the Article ».
[3] Ibidem, § 116. Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Information Documents SG/Inf(2020)11, 7 April 2020, “Respecting Democracy, rule of law and Human Rights in the Framework of the COVID-19 Sanitary Crisis. A Toolkit for Member States”, https://rm.coe.int/sg-inf-2020-11-respecting-democracy-rule-of-law-and-human-rights-in-th/16809e1f40: « A similar approach is followed under the European Social Charter (Article E) (note : For the European Committee on Social Rights (ECSR), discrimination may result from failing to take due and positive account of all relevant differences between persons in a comparable situation, or failing to take adequate steps to ensure that the rights and collective advantages that are open to all are genuinely accessible by and to all. See, e.g., ECSR, Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL) v. Italy, Complaint No. 91/2013, 12 October 2015, § 237; ECSR, Confédération française démocratique du travail (CFDT) v. France, Complaint No. 50/2008, decision on the merits of 9 September 2009, §§ 39 and 41) ».
- Sans détailler les mesures précises qui ont pu être dégagées par les organes internationaux, notons qu’une première obligation générale est celle de mettre en place un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la santé[1] ainsi que le droit à la vie[2]. Celui-ci doit être assorti de garanties pour le respect des droits, notamment le droit à la vie privée et la protection des données[3]. De même, l’Etat doit prendre les mesures réglementaires propres à mobiliser les ressources sanitaires du secteur tant public que privé et à les répartir dans toute la population afin d’apporter à la crise une réponse globale et ordonnée (CODESC, 2020, § 13), priorité devant être donnée aux personnes les plus vulnérables.
[1] Voir la recommandation générale n° 24 du Comité CEDAW relative aux femmes et à la santé, § 9 : « les États parties doivent fonder leurs législation, plans et politiques sanitaires applicables aux femmes sur des données fiables, ventilées par sexe, concernant la fréquence et la gravité des maladies qui frappent les femmes et des problèmes de santé et de nutrition qu’elles rencontrent ainsi que les mesures préventives et curatives disponibles et leur coût-efficacité. Les rapports soumis au Comité doivent montrer que la législation, les plans et les politiques sanitaires reposent sur des recherches scientifiques et éthiques et sur une juste évaluation de l’état de santé et des besoins des femmes dans le pays, et prennent en compte les spécificités ethniques, régionales ou communautaires, ou les pratiques fondées sur la religion, la tradition ou la culture ».
[2] Cour EDH (GC), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, n° 48939/99, § 89 : « L’obligation positive de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie au sens de l’article 2 (paragraphe 71 ci-dessus) implique avant tout pour les Etats le devoir primordial de mettre en place un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie (voir, mutatis mutandis, par exemple, Osman, précité, p. 3159, § 115, Paul et Audrey Edwards, précité, § 54, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 91, CEDH 2000-VII, Kılıç c. Turquie, no22492/93, § 62, CEDH 2000-III, et Mahmut Kaya c. Turquie, no 22535/93, § 85, CEDH 2000-III) ».
[3] Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Information Documents SG/Inf(2020)11, 7 April 2020, “Respecting Democracy, rule of law and Human Rights in the Framework of the COVID-19 Sanitary Crisis. A Toolkit for Member States”, https://rm.coe.int/sg-inf-2020-11-respecting-democracy-rule-of-law-and-human-rights-in-th/16809e1f40: « The new technologies of access to – and the processing of – personal data have the potential to contain and remedy the pandemic. Monitoring, tracking and anticipating are crucial steps of an epidemic surveillance. With the multiplication and over-abundance of available sophisticated digital technologies and tools (geolocation data, artificial intelligence, facial recognition, social media applications) such pandemic surveillance could be facilitated. / At the same time, the intrusive potential of modern technologies must not be left unchecked and unbalanced against the need for respect for private life. Data protection principles and the Council of Europe Convention 108 (and its modernised version, referred to as “Convention 108+”28) have always allowed a balancing of high protective standards and public interests, including public health. The Convention allows for exceptions to ordinary data-protection rules, for a limited period of time and with appropriate safeguards (eg anonymisation) and an effective oversight framework to make sure that these data are collected, analysed, stored and shared in legitimate and responsible ways. Large-scale processing of personal data by means of artificial intelligence should only be performed when the scientific evidence convincingly shows that the potential public health benefits override the benefits of alternative, less intrusive solutions. The Council of Europe expert network on artificial intelligence and its partners can facilitate knowledge sharing in this respect”.
Cela implique que l’Etat affecte des ressources budgétaires, humaines et administratives suffisantes à la protection de la santé et notamment qu’il assure un accès aux soins gratuit pour les personnes les plus défavorisées et même le « maximum de leurs ressources disponibles » (CODESC, 2020, § 14). Ainsi, « En tant qu’intervenants de première ligne face à cette crise, tous les travailleurs de la santé doivent recevoir des vêtements et des équipements de protection contre la contagion » (CODESC, 2020, § 13).
- Une autre obligation générale est notamment celle d’informer la population sur les risques connus liés à la pandémie les comportements et mesures à adopter pour éviter sa propagation[1].
[1] CODESC, 2020, § 18 ; Commission interaméricaine des droits de l’homme : Résolution 1/2020 – 10 avril 2020 – Pandemic and Human Rights in the Americas : http://www.oas.org/en/iachr/decisions/pdf/Resolution-1-20-en.pdf, § 131-32. Cour EDH (GC), Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, n° 116/1996/735/932, § 58 (au cours de son cycle de fabrication l’usine a libéré de grandes quantités de gaz inflammable ainsi que d’autres substances nocives dont de l’anhydride d’arsenic. En 1976, à la suite de l’explosion de la tour de lavage des gaz de synthèse d’ammoniaque, plusieurs tonnes de solution de carbonate et de bicarbonate de potassium, contenant de l’anhydride d’arsenic, s’étaient échappées rendant nécessaire l’hospitalisation de 150 personnes en raison d’une intoxication aiguë par l’arsenic) : « La Cour estime ensuite que les requérantes ne sauraient passer pour avoir subi de la part de l’Italie une « ingérence » dans leur vie privée ou familiale : elles se plaignent non d’un acte, mais de l’inaction de l’Etat. Toutefois, si l’article 8 a essentiellement pour objet de prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas d’astreindre l’Etat à s’abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement plutôt négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale (arrêt Airey c. Irlande du 9 octobre 1979, série A n° 32, p. 17, § 32) » ; Cour EDH (GC), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, n° 48939/99, § 90 : « Parmi ces mesures préventives, il convient de souligner l’importance du droit du public à l’information, tel que consacré par la jurisprudence de la Convention. En effet, avec la chambre (paragraphe 84 de l’arrêt de la chambre), la Grande Chambre convient que ce droit, qui a déjà été consacré sur le terrain de l’article 8 (Guerra et autres, précité, p. 228, § 60), peut également en principe être revendiqué aux fins de la protection du droit à la vie, d’autant plus que cette interprétation se voit confortée par l’évolution actuelle des normes européennes (paragraphe 62 ci-dessus) ». Voir également Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Information Documents SG/Inf(2020)11, 7 April 2020, “Respecting Democracy, rule of law and Human Rights in the Framework of the COVID-19 Sanitary Crisis. A Toolkit for Member States”, https://rm.coe.int/sg-inf-2020-11-respecting-democracy-rule-of-law-and-human-rights-in-th/16809e1f40: « The freedom of expression, including free and timely flow of information, is a critical factor for the ability of the media to report on issues related to the pandemic. Media and professional journalists, in particular public broadcasters, have a key role and special responsibility for providing timely, accurate and reliable information to the public, but also for preventing panic and fostering people’s co-operation. (…). The public’s access to official information must be managed on the basis of the existing principles set down in the Court’s caselaw.24 Any restriction on access to official information must be exceptional and proportionate to the aim of protecting public health. (…). At the same time, official communications cannot be the only information channel about the pandemic. This would lead to censorship and suppression of legitimate concerns. Journalists, media, medical professionals, civil society activists and public at large must be able to criticise the authorities and scrutinise their response to the crisis. Any prior restrictions on certain topics, closure of media outlets or outright blocking of access to on-line communication platforms call for the most careful scrutiny and are justified only in the most exceptional circumstances25. The pandemic should not be used to silence whistle-blowers (see Recommendation CM/Rec(2014)7 on the protection of whistle-blowers),26 or political opponents.27 Malicious spreading of disinformation may be tackled with ex post sanctions, and with governmental information campaigns. States should work together with online platforms and the media to prevent the manipulation of public opinion, as well as to give greater prominence to generally trusted sources of news and information, notably those communicated by public health authorities ».
Ainsi qu’affirmé par le Comité CEDAW dans sa recommandation générale n° 24 sur les femmes et la santé, les Etats ne sauraient se libérer de leurs obligations au moyen d’une délégation de leur mission sanitaire à des opérateurs privés[1]. De même, le CODESC (OG n° 14, § 35) considère que l’obligation de protéger englobe le devoir « de veiller à ce que la privatisation du secteur de la santé n’hypothèque pas la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité des équipements, produits et services sanitaires, de contrôler la commercialisation de matériel médical et de médicaments par des tiers et de faire en sorte que les praticiens et autres professionnels de la santé possèdent la formation et les aptitudes requises et observent des codes de déontologie appropriés ».
[1] « Le Comité constate avec préoccupation que les États ont de plus en plus tendance à renoncer à leurs obligations en la matière au fur et à mesure qu’ils transfèrent les fonctions qui étaient les leurs dans le domaine de la santé à des organismes privés. Les États parties ne peuvent se déchar
3. L’environnement (et le droit à un climat stable ?) comme droit de la personne humaine
Il est évident que les problèmes environnementaux et les changements climatiques peuvent avoir un effet sur la jouissance et l’exercice des droits de la personne humaine[1]. C’est la raison pour laquelle les institutions onusiennes et certaines institutions étatiques ont développé les liens entre la question climatique et celle droits de la personne humaine, se fondant notamment sur les rapports du GIEC[2], non sans lien avec le thème de la justice environnementale[3].
[1] Voir notamment Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité de la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Comité des droits de l’enfant et Comité des droits des personnes handicapées, Joint Statement on Human Rights and Climate Change, 16 septembre 2019, Doc. HRI/2019/1 : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E : « This report confirms that climate change poses significant risks to the enjoyment of the human rights protected by the International Convention on the Elimination of all Forms of Discrimination Against Women, the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights, the International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families, the Convention on the Rights of the Child, and the International Convention on the Rights of Persons with Disabilities. The adverse impacts identified in the report, threaten, among others, the right to life, the right to adequate food, the right to adequate housing, the right to health, the right to water and cultural rights. These negative impacts are also illustrated in the damage suffered by the ecosystems which in turn affect the enjoyment of human rights. The risk of harm is particularly high for those segments of the population already marginalised or in vulnerable situations or that, due to discrimination and pre-existing inequalities, have limited access to decision-making or resources, such as women, children, persons with disabilities, indigenous peoples and persons living in rural areas. Children are particularly at heightened risk of harm to their health, due to the immaturity of their body systems »; IA Commission H.R., IACHR expresses concern regarding effects of climate change on human rights, 2 December 2015, Press Release No. 140/15, https://www.oas.org/en/iachr/media_center/PReleases/2015/140.asp. Voir également R. Fambasayi & M. Addaney, “Cascading Impacts of Climate Change and the Rights of Children in Africa: A Reflection on the Principle of Intergenerational Equity,” African Human Rights Law Journal, Vol. 21, No. 1, 2021, pp. 29-51, passim.
[2] Voir notamment Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité de la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Comité des droits de l’enfant et Comité des droits des personnes handicapées, Joint Statement on Human Rights and Climate Change, 16 septembre 2019, Doc. HRI/2019/1 : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E : « Such adverse impacts on human rights are already occurring at 1°C of warming and every additional increase in temperatures will further undermine the realization of rights. The IPCC report makes it clear that to avoid the risk of irreversible and large-scale systemic impacts, urgent and decisive climate action is required ».
[3] Sur celle-ci, entre autres, Eloamaka C. Okonkwo, “Assessing the Role of the Courts in Enhancing Access to Environmental Justice in Oil Pollution Matters in Nigeria”, African Journal of International and Comparative Law, Vol. 28, No. 2, 2020, pp. 195-218.
Les droits de la personne humaine seraient devenus des armes ou des outils pour lutter contre le changement climatique[1]. Réciproquement, désormais, le « droit international du climat » prend en considération l’obligation de respecter et protéger les droits de la personne humaine[2].
[1] Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité de la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Comité des droits de l’enfant et Comité des droits des personnes handicapées, Joint Statement on Human Rights and Climate Change, 16 septembre 2019, Doc. HRI/2019/1 : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E : « It is to be welcomed that national judiciary and human rights institutions are increasingly engaged in ensuring that States comply with their duties under existing human rights instruments to combat climate change ».
[2] Voir ainsi Accord de Paris, 12 décembre 2015, préambule : « Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière et que, lorsqu’elles prennent des mesures face à ces changements, les Parties devraient respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l’Homme, le droit à la santé, les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants, des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable et le droit au développement, ainsi que l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’équité entre les générations ». En revanche, aucune disposition du corps du texte ne fait plus référence à ces droits (https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf).
Ce mouvement s’inscrit à la convergence d’un double processus. Il s’agit, d’une part, de celui des « contentieux climatiques » qui se sont multipliés dans les ordres juridiques étatiques, qu’il s’agisse d’attaquer des Etats ou des sociétés au regard d’un droit étatique ou international du climat[1]. L’approche par les droits aurait ici donné l’impulsion pour un nouveau type de contentieux climatiques, notamment dans les Suds[2], qui se fonde désormais essentiellement sur les droits – principalement individuels, mais également collectifs – de la personne humaine et se développe tant dans les ordres étatiques que dans l’ordre international, au niveau régional puis universel. Il s’agit, d’autre part, du développement des contentieux des droits fondés, notamment, sur le développement des droits constitutionnels et la réception plus aisée du droit international[3].
[1] Voir notamment C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Confluence des droits [en ligne], Aix-en-Provence : Droit international, comparé et européen, 2020, http://dice.univ-amu.fr/fr/dice/dice/publications/confluence-droits
[2] En ce sens J. Peel & J. Lin, “Transnational Climate Litigation: The Contribution of the Global South”, AJIL, Vol. 113, 2019, pp. 679-726.; J. Setzer & L. Benjamin, “Climate litigation in the Global South: Constraints and Innovations”, Transnational Environmental Law, 2019.
[3] C. Rodríguez-Garavito, “Human Rights: The Global South’s Route to Climate Litigation”, AJIL Unbound 114, 2020, pp. 40-44.
ger de toute responsabilité dans ces domaines en déléguant ou en transférant ces pouvoirs aux organismes du secteur privé ».
Bibliographie indicative – Approche de l’environnement par les droits et contentieux environnementaux et climatiques
4. Vers un droit à l’énergie ?
- Depuis peu, émerge un discours proclamant l’existence d’un droit à l’énergie ou demandant sa consécration, soit comme droit propre, soit comme composantes de droits plus larges comme le droit au développement, à la dignité, à la vie, etc.
Certains auteurs n’hésitent pas à affirmer que l’accès à l’énergie est un droit de la personne humaine en tant que tel[1]. Il ne semble toutefois pas que cela ait pu être affirmé par un organe international de protection de ces droits.
Plus nuancée et plus convaincante en l’état du droit est l’affirmation selon laquelle, l’accès à l’énergie étant une condition de la jouissance et de l’exercice de droits explicitement posés (droit à la vie, droit à la dignité, droit à une alimentation saine, droit à un logement convenable, droit à l’éducation, droit à la santé, à un travail décent, etc.), participe du corpus des droits de la personne humaine en étant inclus dans d’autres droits. De même participerait-il du droit au développement.
[1] Voir notamment #A. Pandey, “Energy: a basic Human Right”, Geopolitical Monitor, 24 Avril 2018, https://www.geopoliticalmonitor.com/energy-a-basic-human-right/