Pour citer : J. Matringe, « Le jeu possible du droit international public dans la gestion du pluralisme juridique en Afrique », https://droitsafricainsonline.com/themes/droits-africains-et-pluralisme-juridique-en-afrique/2-la-formation-du-pluralisme-juridique-en-afrique-2/2-la-formation-du-pluralisme-juridique-en-afrique/, consulté le 11/11/2023
Plan
- 1 L’acceptation par les Etats africains d’être liés par le droit international
- 2. Le droit international comme élément du pluralisme
- 3. Le droit international comme tiers gestionnaire du pluralisme
- 3.1. Considérations préliminaires
- 3.2. Les attitudes du droit international
- 3.2.1. L’obligation posée par le droit international aux Etats de favoriser le jeu des droits exo-étatiques
- 3.2.2. La conditionnalité posée par le droit international à la reconnaissance des droits exoétatiques et l’obligation de non-reconnaissance
- 3.2.3. L’obligation de lutter contre certaines normes exoétatiques
- Le droit international peut constituer un autre titre de juridicité susceptible d’être applicable aux Africaines et Africains. Plus précisément, il peut ajouter trois nouvelles strates : le droit international à vocation universelle, d’un côté et le droit continental et le droit appelé communément « sous-régional », d’un autre, les Etats africains ayant très tôt créé un droit spécial pour tenir compte des réalités et conceptions africaines du droit. Toutefois, pour être applicable aux Africaines et Africains, il doit présenter certaines qualités. En tout état de cause, ce point n’épuise pas le jeu possible du droit international. En effet, même s’il ne produit pas du droit applicable aux individus, il peut influer sur le pluralisme qu’on a présenté.
1 L’acceptation par les Etats africains d’être liés par le droit international
Les Etats africains s’engagent assez volontiers au niveau international. Il convient toutefois de souligner un tempérament à ce mouvement qui a quelque chose à voir avec la gestion du pluralisme juridique.
1.1. L’acceptation de principe
En réalité, l’attitude des Etats africains n’est pas constante et on peine à trouver un schéma explicatif général.
- S’agissant des normes internationales à vocation universelle, les Etats africains ont pu élaborer différentes stratégies qu’il conviendra de développer sous une autre entrée. Disons seulement ici que, s’ils ont pu contester un certain nombre de ces règles, ils acceptent très largement de s’imposer des obligations internationales à ce niveau1.
- La situation est également contrastée, bien que de manière différente, en ce qui concerne le droit international d’origine africaine.
- D’un côté, on a pu assister à un excès d’engagements auprès d’organisations « sous-régionales » abusivement qualifiées dans leur ensemble de Communautés ou d’intégrations alors que très peu d’entre elles présentent les caractéristiques de ce type d’institutions. Excès, dit-on, dans la mesure où, certains Etats étant parties à plusieurs de ces organisations, cela conduit à des chevauchements de celles-ci dont les normes et institutions ne coexistent pas toujours harmonieusement (image du « bol de spaghettis » de Bhagwati) ainsi qu’à l’inefficacité de leur participation. En outre, cette « anarchie » interdit toute construction d’une architecture cohérente à l’échelle continentale comme en attestent l’échec de la mise en place de la Communauté économique africaine et les difficultés de mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine censées pourtant s’appuyer sur ces organisations.
- D’un autre côté, on observera que si les Etats africains ont produit un grand nombre de traités au niveau continental sous l’égide de l’OUA et de l’UA, à peine la moitié de ces traités est entrée en vigueur faute du nombre de ratifications nécessaires à cette fin. Certains n’ont été ratifiés par aucun Etat négociateur, même l’Etat sur le territoire duquel un traité a pu être adopté. On songe en particulier au Protocole de Malabo portant amendement du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme2…
1.2. L’aménagement de l’engagement des Etats par des réserves
- Le droit international reconnait la faculté aux Etats qui ont adopté un traité d’exclure ou modifier l’effet juridique de certaines de ses dispositions à leur égard au moment où ils manifestent leur intention d’être liés par le texte à l’aide de « réserves » et autres déclarations interprétatives. Les Etats africains n’ont pas hésité à attacher de tels instruments à leurs engagements internationaux3.
- Ils ont pu utiliser cette technique, en particulier à l’égard des traités portant protection des droits de la personne humaine, afin de faire échapper au champ d’application de leurs engagements internationaux une part des autres droits, étatiques comme exo-étatiques. Il s’agit en somme pour eux de neutraliser à l’avance le jeu du droit international à l’égard de ces autres droits.
1.2.1. Pour préserver l’application du droit étatique
- Un Etat peut neutraliser une partie d’un engagement dans la mesure de son incompatibilité avec son droit interne.
Il peut s’agir d’une clause générale d’exclusion en ce sens que l’Etat décide qu’une disposition du traité ne s’appliquera pas à lui si elle entre en conflit avec son droit interne en général4.
Il peut s’agir d’une exclusion plus ciblée, visant à préserver l’application, par exemple, de la constitution5 ou de certaines lois6.
Il peut encore s’agir d’une branche entière du droit interne7, principalement le droit de la famille et plus généralement le statut personnel8.
1.2.2. Pour protéger l’application des droits exoétatiques
- Les Etats africains attachent également parfois des réserves à leur engagement à l’égard de traités internationaux à vocation universelle au nom du respect des traditions, coutumes et prescriptions religieuses existant sur leur territoire. L’objectif est de permettre, sans risquer d’engager leur responsabilité internationale, l’applicabilité de pratiques et coutumes internes incompatibles ou susceptibles d’être incompatibles avec les prescriptions internationales contenues dans le traité9. A vrai dire, l’essentiel de ces réserves concerne l’application de la Shari’a10.
- Toutefois, les effets de ces réserves sont limités pour deux raisons essentielles.
- La première tient dans le fait que l’essentiel des règles énoncées dans ces traités étant de nature coutumière, les Etats sont déjà liés et doivent respecter les droits énoncés. Le risque de s’engager à l’égard d’un traité est alors seulement d’être lié par une règle plus précise — et donc intrusive — que la règle coutumière et d’être éventuellement attrait devant un organe international non africain. En outre, la validité de ces réserves peut être appréciée par l’organe international chargé de contrôler le respect du traité concerné qui peut décider d’écarter une réserve qu’il estimerait illicite et donc d’appliquer la règle qui en fait l’objet.
- La seconde tient dans le fait que ces Etats se sont souvent engagés, sans réserve cette fois-ci, à être liés par d’autres traités comprenant des règles analogues comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et son protocole relatif aux droits des femmes ainsi que la Charte des droits et du bien-être de l’enfant.
- Notons qu’un Etat peut retirer une réserve11 ou la modifier.
2. Le droit international comme élément du pluralisme
- Les normes produites dans l’ordre juridique international peuvent directement affecter la situation et les relations des individus quand elles sont d’effet direct dans les ordres juridiques étatiques. Tel est le cas des trois nouvelles strates en matière de droits de la personne humaine ; tel est également le cas, dans une certaine mesure, du droit « sous-régional » en matière économique. Sinon, ces normes ne régiront la situation des individus que par le biais d’actes juridiques étatiques qui les transforment en droit étatique.
2.1. Le droit international à vocation universelle
- Leur seul mode juridique de protection à l’égard des Etats colonisateurs étant le droit international et la qualité d’Etat qui leur assuraient souveraineté et liberté, les peuples africains ont décidé de s’ériger en Etats et de s’inscrire résolument dans le droit international à vocation universelle. En effet, celui-ci est fondé sur le principe de souveraineté des Etats qui signifie qu’ils ne connaissent aucun supérieur et ne sont soumis qu’aux règles qu’ils ont acceptées et aux institutions qu’ils ont reconnues. Ce principe est la formulation juridique de l’indépendance qui signifie, outre leur liberté sur le plan international sauf engagement de leur part de limiter celle-ci, leur liberté sur le plan interne, à nouveau sauf autolimitation.
- Or, ce faisant, ils acceptèrent d’être régis par un corpus juridique qui avait été produit sans eux. Certes, ils pouvaient dénoncer quelques traités conclus par l’ancien Etat colonisateur, mais ils acceptèrent la quasi-totalité du droit international.
- Surtout, sitôt indépendants, les Etats africains ont adhéré à l’ONU et aux organisations de la famille des Nations Unies tout comme ils ont ratifié un très grand nombre de traités élaborés à l’origine sans eux, se soumettant ainsi à un très grand nombre de règles et contraintes dont ils ne mesurèrent pas immédiatement le poids. Ils ont donc produit et continuent à produire, avec d’autres Etats, de nouvelles normes.
- Parmi celles-ci, certaines ont vocation à s’appliquer aux individus, créant une nouvelle strate de droit applicable dans le chef de ceux-ci. Or, les normes étatiques internes et les normes exoétatiques existant en Afrique ne sont pas toujours compatibles avec ces règles internationales. En effet, le droit international que ces Etats ont accepté et acceptent encore obéit dans une certaine mesure à une logique étrangère à la prise en considération de la réalité du droit en Afrique, ce qui rend parfois difficile son acceptation par les populations, à supposer qu’il soit connu d’elles. On verra comment les différents systèmes régissent techniquement leur articulation réciproque.
2.2. Le droit international africain
- Les Etats africains peuvent produire du droit international entre eux et ne s’en privent pas. Il peut s’agir de créer des règles spécifiques et/ou d’adapter les règles internationales à vocation universelle à certaines réalités propres à l’Afrique12.
- Comme on l’a dit, les Etats africains ont décidé de faire du droit international entre eux à deux niveaux. En effet, après les débats opposant les partisans d’un fédéralisme panafricain immédiat et ceux d’une intégration d’abord régionale puis continentale, un compromis fut trouvé : il serait créé une organisation à vocation continentale, l’OUA, qui fut remplacée en 2002 par l’UA, et en même temps des regroupements dits sous-régionaux.
- Sur le plan continental, l’OUA et l’UA, à défaut de s’être vu confier par les Etats un véritable pouvoir de commandement à l’égard des Etats, devaient constituer a minima des enceintes à l’élaboration de traités applicables à l’échelle de l’Afrique dans son ensemble. Cependant, on l’a vu, les Etats peinent à produire de tels traités et quand ils s’entendent, c’est pour ensuite rechigner à mettre en œuvre leurs engagements internationaux.
- Le droit dit « sous-régional » — essentiellement celui produit par les Communautés économiques régionales (CER) — ajoute une strate supplémentaire à la normativité applicable aux individus africains13. En effet, les CER élaborent via des règlements, outre un droit de la protection de la personne humaine, des normes en matière économique qui peuvent également être d’effet direct et prétendent primer sur le droit étatique. Le double jeu de la primauté du droit et de son effet direct a pour effet de gommer le pluralisme pouvant exister entre le droit international et le droit étatique dans la mesure où le premier se substitue au second en le rendant inapplicable14.
- Il convient d’ajouter l’OHADA qui n’est pas une Communauté économique régionale, mais un espace juridique. Créée par le traité de Port-Louis du relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 17 octobre 1993 et révisé le 17 octobre 2008 à Québec, l’OHADA regroupe 17 Etats membres15 et constitue une initiative unique au monde de production par une organisation internationale d’un droit des affaires devant se substituer aux droits étatiques dans les matières concernées16.
- Son objet est d’assurer une uniformisation du droit et non seulement, comme son appellation peut le laisser suggérer, une harmonisation des droits étatiques. Ainsi, les actes prévus à cet effet s’appellent bien « actes uniformes »17. Ils présentent la caractéristique d’être d’effet direct dans les droits des Etats membres et donc d’affecter immédiatement la condition des individus. En effet, aux termes de l’article 10 du Traité OHADA de 1993, « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
- Cette uniformisation est également garantie par leur interprétation en dernier ressort par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. En effet, si l’article 13 du traité de 1993 énonce que le contentieux et l’application des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties, l’article 14 ajoute : « La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application communes du présent Traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes ». Elle assure cette uniformisation par la voie d’avis demandés par les Etats parties, le Conseil des ministres ou les juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ou par la voie du recours en cassation contre les décisions des juridictions des Etats parties portés devant elle par une partie au différend ou sur renvoi d’une juridiction étatique de cassation.
- L’article 20 précise quant à lui : « Les arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie ».
3. Le droit international comme tiers gestionnaire du pluralisme
3.1. Considérations préliminaires
- Le droit international s’intéresse à la question des rapports entre les droits étatiques et exo-étatiques s’il est relativement pauvre en la matière. Cependant, ayant réussi à mettre à l’agenda universel des thèmes comme la protection des peuples autochtones, il s’intéresse de plus en plus aux droits exo-étatiques et à la question du pluralisme juridique, non pas en son sein, mais au sein des systèmes juridiques étatiques, seuls ordres juridiques qu’il contemple directement. En effet, il ne considère pas les droits étatiques et exo-étatiques comme existant d’une quelconque manière comme droits dans son univers, mais, au mieux, peut les prendre en considération au moment de sa formation ou de sa réalisation. Il en résulte que ce à quoi il s’intéresse est la place que chaque ordre étatique accorde en son sein aux droits exoétatiques, intervenant comme une sorte de tiers droit dans des relations entre deux systèmes qui lui sont étrangers, mais l’intéressent dans la mesure où ces relations peuvent avoir des conséquences sur son respect.
- L’analyse de sa position en la matière est difficile en raison du fait que le droit international ne contemple que rarement des « droits » ou « normes », mais utilise plutôt le mot « pratique » pour qualifier un phénomène traditionnel, coutumier et/ou religieux, qu’il s’agisse du droit international africain18 ou droit international à vocation universelle19. Le droit international africain, en effet, se réfère moins à des « normes » ou « institutions juridiques » qu’aux « traditions », « valeurs » ou « pratiques ».
Ainsi, le préambule de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples énonce que les Etats africains tiennent compte « des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l’homme et des peuples ». Il se termine par la formule selon laquelle les Etats se disent convaincus de leur devoir d’assurer la promotion et la protection des droits et libertés de l’homme et des peuples, compte dûment tenu de l’importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés. Cette préoccupation se retrouve dans le corps du texte20. De même, adoptée presque simultanément à la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant prend en compte les « valeurs sociales et culturelles africaines ».Ainsi, dans son préambule, les Etats reconnaissent que l’enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine et prennent en considération les vertus de leur héritage culturel, leur passé historique et les valeurs de la civilisation africaine qui devraient inspirer et guider leur réflexion en matière de droits et de protection de l’enfant21. Le préambule du Protocole relatif aux droits des femmes reconnaît également le rôle crucial des femmes dans la préservation des valeurs africaines basées sur les principes d’égalité, de paix, de liberté, de dignité, de justice, de solidarité et de démocratie22.
- Il faut donc prendre avec précaution ces énoncés qui ne régissent pas toujours la question du pluralisme juridique. Cela dit, il n’est pas évident de tirer des conséquences de ces formulations dont on a du mal à croire qu’elles ont été soigneusement pesées et ont une signification particulière pour le sujet qui nous concerne.
- On peut voir ainsi dans un même instrument des expressions se référant simultanément à des pratiques et normes23.
- On peut également voir des formulations différentes à des endroits distincts d’un même énoncé, y compris pour traiter la même question24 ou des formules étranges comme les « usages coutumiers »25.
- Le droit international s’intéresse en revanche peu aux autorités non étatiques26 à l’exception, peut-être, des autorités qu’il qualifie d’autochtones. Ainsi, l’arrêt de la Cour africaine dans l’affaire APDF c. Mali s’intéresse aux seules normes religieuses, pas aux autorités musulmanes27.
- Instinctivement, on pourrait estimer que le droit international n’intervient dans le jeu du pluralisme que lorsqu’il est d’effet direct, s’insérant alors dans le maillage des juridicités susceptibles de s’appliquer directement aux Africaines et Africains. Tel n’est pourtant pas le cas ; même quand il ne régit pas directement la situation des personnes, il peut s’y intéresser et vouloir influer sur le pluralisme qui gouverne la condition de ces personnes. En somme, dans la logique statocentrée et dualiste classique du droit international qui fait de l’Etat un écran entre le droit international et les individus, celui-ci se refuse généralement à pénétrer dans les droits étatiques. Ainsi, sa promotion des normes exoétatiques et sa lutte contre celles qu’il rejette passent nécessairement par les mécanismes étatiques. C’est ainsi qu’il commande aux Etats de reconnaître ou au contraire rejeter certaines de ces normes à défaut de régir directement lui-même les rapports entre droit étatique et droits exoétatiques. C’est ainsi également qu’il ne condamnera pas un individu qui suivrait une conduite contraire au droit international, mais l’Etat qui aurait permis cette pratique ou ne l’aurait pas sanctionnée28.
- Ainsi, avant même les indépendances, le droit intenational n’avait pas vocation à s’appliquer directement aux personnes, se contenant de régir les relations entre Etats européens et, dans une moindre mesure entre ceux-ci et les Etats africains (p. ex. statut des traités conclus entre ces Etats ou certains de leurs ressortissants et les « chefs » locaux, mandat de la Société des Nations, Charte des Nations Unies). Toutefois, il a pu demander aux mandataires de prendre en considération les droits coutumiers présents sur le territoire placé sous mandat. Il en fut de même en matière de tutelle29. Il put en être de même à l’égard du droit musulman30.
3.2. Les attitudes du droit international
- En lisant les instruments internationaux, tant ceux à vocation universelle que ceux africains, il se dégage, après une histoire tourmentée, un attachement de principe du droit international aux normes exo-étatiques31. Plus précisément, le droit international universel essaie de trouver un équilibre entre le respect et la promotion des traditions, pratiques, normes et institutions exoétatiques en tant qu’elles participent de la richesse du monde32 et la condamnation de certaines. Dans la même veine, et peut-être sous la pression du premier, les différents textes africains de protection de la personne humaine connaissent un double mouvement d’attachement global, mais également de rejet de certaines pratiques dites nuisibles ou néfastes.
3.2.1. L’obligation ou invitation posée par le droit international aux Etats de favoriser le jeu des droits exo-étatiques
- Ainsi, surtout dans le cadre du droit de la protection de la personne humaine et des peuples autochtones, ainsi qu’en matière foncière, le droit international à vocation universelle peut commander aux Etats de respecter les droits exoétatiques33 ou de les « prendre en considération » quand ils appliquent leur droit34.
3.2.2. La conditionnalité posée par le droit international à la reconnaissance des droits exoétatiques et l’obligation de non-reconnaissance
- Le droit international peut toutefois conditionner la reconnaissance par le droit étatique des droits exoétatiques à leur conformité au droit du premier35. Dans ce cas, son intervention risque fort d’être peu utile puisque toute mesure conforme au droit étatique sera considérée ipso jure comme conforme au droit international.
- Son intervention est plus intrusive quand il conditionne la reconnaissance de ces droits, non seulement au droit étatique, mais également à ses propres prescriptions et proscriptions36 ou à ses seules prescriptions et prohibitions37.
Ainsi s’agissant du droit international africain, l’article 61 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples conditionne la prise en considération des pratiques africaines par la Commission à leur conformité aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et des peuples. De même, le préambule du Protocole relatif aux droits des femmes rappelle que les articles 60 et 61 de la CADHP reconnaissent notamment les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et des peuples en tant que principes de référence importants pour l’application et l’interprétation de la Charte africaine. De son côté, l’article 11 de la Charte des droits et le bien-être de l’enfant relatif à l’éducation précise que celle-ci vise, entre autres, à la préservation et au renforcement des valeurs morales, traditionnelles et culturelles africaines « positives »38.
- Le droit international peut également commander que les droits étatiques rendent les droits exoétatiques conformes à ses règles. Tel est le cas de l’article XI de la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles de 1968 : « Les Etats contractants prendront les mesures législatives nécessaires pour mettre les droits coutumiers en harmonie avec les dispositions de la présente Convention ». De manière moins contraignante, les Directives volontaires pour une Gouvernance responsable des régimes fonciers invitent les Etats qui décideraient de renforce les droits des femmes d’intégrer ces changements dans les systèmes fonciers coutumiers39.
3.2.3. L’obligation de lutter contre certaines normes exoétatiques
- Si, sur un certain nombre de points, les droits originellement africains et religieux ne sont pas incompatibles avec les prescriptions du droit international à vocation universelle ou africaine, un certain nombre de règles et pratiques traditionnelles et religieuses en vigueur en Afrique sont certainement en contradiction avec des prescriptions internationales, notamment en ce qui concerne le statut des femmes et des enfants.
Sous la pression de leurs engagements pris au niveau universel ou de leur propre initiative, les Etats africains ont également pris des engagements pour lutter contre certaines pratiques et normes. On trouve ainsi un rejet général des pratiques et coutumes « néfastes » dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique de 2003 qui renforce la convention onusienne en identifiant certaines pratiques spécifiquement régionales et en établissant des remèdes pour les victimes40.
On trouve un même rejet dans la Charte des droits et du bien-être de l’enfant. Ainsi, dans le préambule de ce texte, les Etats notent avec inquiétude que la situation de nombreux enfants africains due, notamment, aux facteurs culturels et traditionnels, reste critique. En conséquence, l’article 1 § 3 dispose : « Toute coutume, tradition, pratique culturelle ou religieuse incompatible avec les droits, devoirs et obligations énoncés dans la présente Charte doit être découragée dans la mesure de cette incompatibilité ». De même, l’article 21 protège celui-ci contre les pratiques sociales et culturelles négatives. Plus précisément pour ce qui nous concerne, aux termes du § 1, les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques culturelles et sociales négatives qui sont au détriment du bien-être de l’enfant, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l’enfant, en particulier : les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l’enfant et les celles qui constituent une discrimination à l’égard de certains enfants, pour des raisons de sexe ou autres raisons.
Dans ce cadre, à l’occasion de l’examen des rapports des Etats, le Comité des droits et du bien-être de l’enfant s’adresse parfois aux Etats pour qu’ils mettent fin à des pratiques contraires à la Charte, notamment les mutilations génitales féminines, et leur demande de se tourner à cette fin vers les autorités non étatiques41, voire qu’ils proposent des pratiques alternatives42. De même demande-t-il à des Etats de modifier leur législation qui intègre des règles de droit musulman43.
- De son côté, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a condamné plusieurs dispositions du code de la famille malien qui prenaient en compte des règles traditionnelles et musulmanes ainsi que des pratiques considérées comme contraires à la Charte dans son arrêt du 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali. Ainsi en fut il concernant l’âge minimal du mariage44, le droit au consentement au mariage45 ou encore le droit à la succession pour les femmes et enfants naturels46.
- Le phénomène n’est en réalité pas nouveau47. Peut-être, toutefois, tend-il à s’amplifier, en particulier dans le cadre de la protection de la personne humaine48.
Il s’agit, notamment, de protéger les femmes. Voir ainsi l’article 2 f) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans lequel les Etats s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes »). De même, l’article 5 a) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour : a) Modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou de l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes »49.
Il s’agit également de protéger les enfants. Voir ainsi l’article 24 § 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant aux termes duquel « Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants »50.
Voir également au niveau africain UA, Assembly/AU/Dec. 737 (XXXII), Décision sur la redynamisation de l’action politique dans le cadre de l’accélération de la lutte contre les mutilations génitales féminines en Afrique, 2019 : « 3. Saluant les efforts positifs et les partenariats menés par les États membres et le soutien du Programme conjoint de l’UNICEF, du FNUAP et du FNUAPUNICEF pour l’élimination de la mutilation génitale féminine : Accélérer le changement pour renforcer les capacités et collaborer avec les communautés afin de changer cette norme sociale néfaste pour assurer l’abandon collectif de cette pratique », la résolution utilisant toutefois plusieurs fois le terme « pratique »51.
- On notera que la Recommandation générale/observation générale conjointe n° 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, 5 novembre 2014, CEDAW/C/GC/31/CRC/C/CG/18 se réfère expressément à la situation de pluralisme : « 43. Dans les Etats parties qui comptent plusieurs systèmes juridiques, même si les lois interdisent explicitement les pratiques préjudiciables, cette interdiction peut ne pas être effectivement appliquée car l’existence de lois coutumières, traditionnelles ou religieuses peut en réalité favoriser les pratiques préjudiciables. 44. Les préjugés et les faibles moyens dont disposent les juges des tribunaux coutumiers et religieux ou des mécanismes traditionnels pour statuer sur les droits des femmes et des enfants, ainsi que la croyance selon laquelle les questions relevant de la compétence de ces systèmes coutumiers ne devraient pas être examinées ou contrôlées par l’Etat ou d’autres organes judiciaires, privent les victimes de pratiques préjudiciables de l’accès à la justice ou mine cet accès ».
- On l’a dit, si une règle exo-étatique venait à être appliquée et à violer des droits de la personne humaine, les organes internationaux ne pourraient que condamner l’Etat pour défaut de diligence (ou violation de ses obligations positives) s’il n’a pas empêché cet événement alors qu’il le pouvait et/ou s’il n’a pas enquêté et poursuivi, voire condamné, les auteurs de l’agissement ; il ne sanctionnera pas la norme exoétatique ni les autorités coutumières ou religieuses52.
3.3. La position des droits étatiques
- On l’a vu (« Les techniques de rejet par chaque système juridique africain des droits allogènes »), le juge étatique de systèmes d’héritage anglais peut déclarer nulle une règle exo-étatique pour contrariété non seulement à la Constitution, mais également au droit international opposable à l’Etat53 ou refuser de l’appliquer au profit de ces règles54. Dans la même veine, le juge étatique d’héritage français, même statuant en matière coutumière et devant appliquer la règle coutumière, peut écarter celle-ci pour non-conformité au droit étatique et au droit international55.
- Selon le système juridique dont il relève, il peut également modifier la règle coutumière afin de la rendre compatible avec le droit étatique et le droit international56 ou se contenter de déclarer une norme coutumière contraire à la Constitution et au droit international57.
- Une autre technique est également pratiquée qui consiste, non à censurer une règle coutumière en tant qu’elle serait contraire au droit international, mais à écarter la loi qui permet l’application de cette règle58.
- Voir notamment la ratification du Statut de la Cour pénale internationale, le premier Etat ayant opéré celle-ci ayant été le Sénégal. ↩︎
- Sur celui-ci et plus généralement sur l’attitude des Etats africains à l’égard de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, J. Matringe, « Les politiques juridiques des Etats africains à l’égard de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in F. Couveinhes Matsumoto et R. Nollez-Goldbach (dir.), Les Etats face aux juridictions internationales. Une analyse des politiques étatiques relatives aux juges internationaux, Paris, Pedone, 256 p., pp. 191-209. ↩︎
- On notera toutefois que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a appelé les Etats membres de l’Union africaine à lever certaines d’entre elles. Voir ainsi Commission ADHP, 4 juin 2004, Résolution 66 sur la Situation des Femmes et Enfants en Afrique – CADHP/Res.66(XXXV)03 : « 2. Exhorte tous les Etats membres de l’UA à la ratification de la Convention des Nations Unies contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et, pour les Etats qui ont déjà ratifié ladite Convention en exprimant des réserves, de lever celles-ci ». Voir également Commission ADHP, 5 décembre 2005, Résolution 85 sur le Statut de la Femme en Afrique et sur l’Entrée en vigueur du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique – CADHP/Res.85(XXXVIII)05 ↩︎
- Par exemple : Déclaration interprétative de l’Algérie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, § 4 : « Le gouvernement algérien interprète les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 23 du Pacte sur les droits civils et politiques relatives aux droits et responsabilités des époux, comme ne portant pas atteinte aux fondements essentiels du système juridique algérien » ; Déclaration interprétative de l’Algérie relative à l’art. 14, aliénas premier et deuxième, de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Les dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article 14 seront interprétées par le Gouvernement algérien compte tenu des fondements essentiels du système juridique algérien, en particulier : – de la Constitution qui stipule en son article 2 que l’Islam est la religion de l’Etat, et en son article 35 que la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables ; – de la loi n° 84-11 du 9 juin 1994 portant code de la famille, qui stipule que l’éducation de l’enfant se fait dans la religion de son père » ; Réserve du Botswana à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement de la république de Botswana formule une réserve à l’égard des dispositions de l’article 1 de la convention et ne se considère pas lié par les dispositions de cet article, dans la mesure où celles-ci seraient en conflit avec les lois du Botswana ». ↩︎
- Voir ainsi : Réserve du Lesotho à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Lesotho déclare qu’il ne se considère pas comme lié par l’article 2 dans la mesure où cet article est contraire aux dispositions constitutionnelles du Lesotho régissant la succession au trône du Royaume du Lesotho et à la loi relative à la succession aux fonctions de chef. […]. Par ailleurs, le Gouvernement du Lesotho déclare qu’il ne prendra aucune mesure législative en vertu de la Convention si ces mesures sont incompatibles avec la Constitution du Lesotho » ; Réserve du Lesotho à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Lesotho déclare qu’il ne se considère pas comme lié par l’article 2 dans la mesure où cet article est contraire aux dispositions constitutionnelles du Lesotho régissant la succession au trône du Royaume du Lesotho et à la loi relative à la succession aux fonctions de chef. La ratification du Gouvernement du Lesotho est subordonnée à la condition qu’aucune de ses obligations découlant de la Convention, notamment du paragraphe e) de l’article 2, ne soit considéré comme s’appliquant aux affaires d’ordre religieux. Par ailleurs, le Gouvernement du Lesotho déclare qu’il ne prendra aucune mesure législative en vertu de la Convention si ces mesures sont incompatibles avec la Constitution du Lesotho » ; Déclaration du Rwanda au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « La République rwandaise ne s’engage toutefois, en ce qui concerne l’enseignement, qu’aux stipulations de sa Constitution » ; Déclaration de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 1. Le Gouvernement de la République tunisienne déclare qu’il ne prendra en application de la présente Convention aucune décision législative ou réglementaire en contradiction avec la constitution tunisienne ». Déclaration générale de la Tunisie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement tunisien déclare qu’il n’adoptera en vertu de la Convention aucune décision administrative qui serait susceptible d’aller à l’encontre des dispositions du chapitre 1er de la Constitution tunisienne ». ↩︎
- Voir Déclaration interprétative de l’Algérie relative aux articles 13, 16 et 17 de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Les articles 13, 16 et 17 seront appliqués en tenant compte de l’intérêt de l’enfant et de la nécessité de la sauvegarde de son intégrité physique et morale. A ce titre, le Gouvernement algérien interprétera les dispositions de ces articles en fonction : [des dispositions du Code pénal et d’une loi relative à l’information] » ; Réserve du Congo au Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Le Gouvernement de la République populaire du Congo déclare qu’il ne se sent pas lié par les dispositions de l’article 11. L’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques diverge sensiblement avec les articles 386 et suivants du Code congolais de procédure civile, commerciale, administrative et financière, résultant de la loi 51/83 du 21 avril 1983 aux termes desquels […] » ; Réserve du Maroc au paragraphe 2 de l’art. 9 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard de ce paragraphes, étant donné que le Code de la nationalité marocaine […] » ; Déclaration de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 3. Le Gouvernement de la république tunisienne déclare que le préambule ainsi que les dispositions de la Convention […] ne seront pas interprétées comme faisant obstacle à l’application de la législation tunisienne relative à l’interruption volontaire de la grossesse » ; Réserve de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 3. Le Gouvernement de la république tunisienne considère que l’article 7 de la Convention ne peut être interprété comme interdisant l’application de sa législation nationale en matière de nationalité et en particulier le cas de la perte de la nationalité tunisienne ». ↩︎
- Par exemple : Réserve du Congo au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Le Gouvernement de la république populaire du Congo déclare qu’il ne se sent pas lié par les dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 13 […]. Les paragraphes 3 et 4 de l’article 13 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels consacrent le principe de la liberté de l’enseignement en laissant les parents libres de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics et autorisent des particuliers à créer et à diriger les établissements d’enseignement. De telles dispositions violent dans notre pays le principe de nationalisation de l’enseignement et le monopole donné à l’Etat dans ce domaine ». ↩︎
- Voir Réserve de l’Algérie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Article 2 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions du Code algérien de la famille » ; « Article 9, paragraphe 2 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire émet des réserves à l’égard des dispositions du paragraphe 2 de l’article 9 qui ne sont pas compatibles avec les dispositions du Code de la nationalité algérienne et du Code algérien de la famille » ; « Article 15, paragraphe 4 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire déclare que les dispositions du paragraphe 4 de l’article 15 notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, ne doivent pas être interprétées dans un sens qui irait à l’encontre des dispositions du chapitre 4 (art. 37) du Code algérien de la famille » ; « Article 16 : Le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire déclare que les dispositions de l’article 16 relatives à l’égalité de l’homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions du Code algérien de la famille » ; Déclarations du Maroc à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 15 : le Gouvernement du Royaume du Maroc déclare qu’il ne pourrait être lié par les dispositions de ce paragraphe, notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces dispositions ne seraient pas contraires aux articles 34 et 36 du Code marocain du statut personnel » ; Réserve de la Tunisie à la Convention relative aux droits de l’enfant : « 1. Le Gouvernement de la République tunisienne émet une réserve sur les dispositions de l’article 2 de la Convention qui ne peuvent constituer un obstacle à l’application des dispositions de sa législation nationale relative au statut personnel, notamment […] » ; Réserve de la Tunisie aux alinéas c, d, f, g et h de l’article 16 de la Convention relatives aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement tunisien ne se considère pas lié par les alinéas c, d, et f de l’article 16 de la Convention et déclare que les paragraphes g et h du même article ne doivent pas être en contradiction avec les dispositions du Code du statut personnel relatives à l’octroi du nom de famille aux enfants et à l’acquisition de la propriété par voie de succession » ; Déclaration de la Tunisie concernant le paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités en date du 23 mai 1969, le Gouvernement tunisien souligne que les dispositions du paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, ne doivent pas être interprétées dans un sens qui irait à l’encontre des dispositions des chapitres […] du Code du statut personnel qui ont trait à la même question ». ↩︎
- En ce sens Réserve du Lesotho à la Convention sur les droits politiques de la femme : « L’article III est accepté avec des réserves qui demeureront valables, dans chaque cas, tant qu’il n’y aura pas eu de notification de retrait dans la mesure où il concerne les domaines régis par la loi et la coutume basotho » ; Réserves du Niger à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Article 2, alinéas d et f : Le Gouvernement de la république du Niger émet des réserves à l’égard des alinéas d et f de l’article 2 relatifs à la prise de mesures appropriées pour abroger toute coutume et pratique qui constituent une discrimination à l’endroit de la femme ; en particulier en matière de succession. Article 5-a : Le Gouvernement de la république du Niger émet des réserves en ce qui concerne la modification des schémas et modèles de comportement socio-culturels de l’homme et de la femme. […]. Le Gouvernement de la république du Niger déclare que les dispositions des articles 2, alinéas d et f ; 5-a, 5-b ; 15-4 ; 16-1c, 1-e, 1-g, relatives aux rapports familiaux ne peuvent être l’objet d’application immédiate en ce qu’elles sont contraires aux coutumes et pratiques actuellement en vigueur, qui de par leur nature ne se modifient qu’au fil du temps et de l’évolution de la société, et ne sauraient, par conséquent, être abrogées d’autorité » ; Swaziland au sujet de la Convention sur les droits politiques de la femme : « La Convention ne s’appliquera pas aux affaires qui sont régies par la loi et coutume souazies conformément au paragraphe 2 de la section 62 de la Constitution du Royaume du Souaziland ». ↩︎
- Voir : Déclaration de Djibouti à la Convention relative aux droits de l’enfant : « [Le Gouvernement de la République de Djibouti ne se considérera pas] lié par les dispositions ou articles incompatibles avec sa religion et ses valeurs traditionnelles » ; Réserve de l’Egypte à l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne l’article 2 : Réserve sur l’ensemble des dispositions de l’article 2 dont la République arabe d’Egypte est prête à appliquer les différents alinéas à condition qu’ils n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la chari’a musulmane » ; Réserve de l’Egypte à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Attendu que la loi islamique est l’une des principales sources du droit positif égyptien et que tout en considérant qu’il est impératif d’assurer par tous les moyens aux enfants la protection dont ils ont besoin, ladite loi, contrairement à d’autres types de droit positif, ne reconnaît pas l’adoption. Le Gouvernement de la République arabe d’Egypte émet des réserves sur toutes les dispositions de la Convention concernant l’adoption, et en particulier celles des articles 20 et 21 » ; Réserve de l’Egypte à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Réserve sur les dispositions de l’article 16 relatives à l’égalité de l’homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, qui ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions de la chari’a garantissant à l’épouse des droits équivalents à ceux de son conjoint afin d’assurer un juste équilibre entre eux, compte tenu de la valeur sacrée des liens du mariage et des relations familiales en Egypte qui trouve sa source dans de profondes convictions religieuses qu’on ne saurait transgresser et du fait que ces liens sont essentiellement fondés sur l’égalité des droits et des devoirs et sur la complémentarité qui réalise la véritable égalité entre les conjoints. Les dispositions de la Chari’a font notamment obligation à l’époux de fournir à son épouse une dote appropriée, de subvenir totalement à ses besoins et de lui verser une allocation en cas de divorce, tandis qu’elle conserve la totalité de ses droits sur ses biens sans avoir à les utiliser pour subvenir à ses besoins. C’est pour cette raison que la chari’a n’accorde le divorce à la femme que sur décision du tribunal tandis qu’elle n’impose pas cette condition à son époux » ; Réserve de la Libye la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « 1. Pour l’application de l’article 2 de la Convention, il y a lieu de tenir dûment compte des normes péremptoires édictées par la Chari’a islamique en ce qui concerne la détermination de la part revenant à chaque héritier dans la succession d’une personne décédée, de sexe masculin ou de sexe féminin. 2. Les paragraphes 16 c) et d) de la Convention seront appliqués sans préjudice des droits garantis aux femmes par la Chari’a islamique » ; Déclarations du Maroc à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne l’article 1 : Le Gouvernement du Royaume du Maroc se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition : – qu’elles n’aient pas d’effet sur les dispositions constitutionnelles régissant les règles de succession au trône du Maroc. – qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la Chari’a islamique, étant donné que certaines dispositions contenues dans le Code marocain du statut personnel qui donnent à la femme des droits qui diffèrent de ceux octroyés à l’époux, ne pourraient être transgressés ou abrogées du fait qu’elles sont fondamentalement issues de la Chari’a islamique qui vise, entre autres, à réaliser l’équilibre entre les conjoints afin de préserver la consolidation des liens familiaux » ; Réserve du Maroc à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard des dispositions de cet article, notamment celles relatives à l’égalité de l’homme et de la femme en ce qui concerne les droits et responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution, du fait qu’une égalité de ce genre est contraire à la Chari’a islamique qui garantit à chacun des époux des droits et responsabilités dans un cadre d’équilibre et de complémentarité afin de préserver les liens sacrés du mariage. En effet, les dispositions de la Chari’a islamique obligent […] » ; Réserve du Maroc à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc dont la constitution garantit à chacun l’exercice de la liberté du culte, formule une réserve concernant les dispositions de l’article 14, qui reconnaît à l’enfant le droit à la liberté de religion, puisque l’Islam est religion d’Etat ». ↩︎
- En ce sens la [déclaration] du Malawi à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le 24 octobre 1991, le Gouvernement malawien a notifié au Secrétaire général sa décision de retirer les réserves suivantes faites lors de l’adhésion qui se lisent comme suit : certaines coutumes et pratiques traditionnelles étant profondément enracinées, le Gouvernement de la République du Malawi ne se considérera pas, pour le moment, lié par les dispositions de la Convention exigeant l’abolition immédiate de ces coutumes et pratiques. […] ». ↩︎
- Voir notamment : Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique / OAU Convention governing the specific aspects of refugee problems in Africa, conclue à Addis-Abeba le 10 septembre 1969, U.N.T.S., Vol. 1001, I-14691 entrée en vigueur le 20 juin 1974 ; Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, OAU Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L. 58 (1982), 27 juin 1981, entrée en vigueur 21 octobre 1986 ; Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, 11 juillet 2003 ; Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, CAB/LEG/153/Rev.2, juillet 1990 ; Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique / African Union Convention for the protection and Assistance of Internally Displaced Persons in Africa, adoptée le 23 octobre 2009 et entrée en vigueur le 6 décembre 2012. ↩︎
- Huit Communautés économiques régionales sont reconnues par l’UA ; l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) ; la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ; la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ; la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ; la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; la Communauté des Etats sahélo Sahariens (CEN-SAD) ; le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et l’Union du Maghreb arabe (UMA). ↩︎
- Voir par exemple l’article 6 du traité modifié de l’Union économique et monétaire ouest-africaine : « Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire antérieure ou postérieure », à lire avec l’article 43 : « Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre. (…) ». Ainsi la CJUEMOA, dans l’avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 relatif à la création de la Cour des comptes du Mali, déclara : « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales, administratives, législatives, juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ». ↩︎
- Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo. ↩︎
- Article 1 du Traité de 1993 : « Le présent traité a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économiques, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». ↩︎
- P. ex. l’acte uniforme sur le droit commercial général ; l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique ; l’acte uniforme portant organisation des sûretés ; l’acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d’exécution ; l’acte uniforme sur le redressement et la liquidation judiciaire ; l’acte uniforme sur le droit de l’arbitrage. ↩︎
- Par exemple CJCEDEAO, 27 octobre 2008, Dame Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, n° ECW/CCJ/JUD/06/08, spéc. § 65 : « En l’espèce, pour déterminer si la requérante a été discriminée ou non, il convient d’analyser la pratique de la wahiya ou de la sadaka telle que les témoins l’ont décrite pour savoir si d’une part, toutes les femmes ont les mêmes droits dans le mariage et d’autre part, si l’homme et la femme ont les mêmes aptitudes à jouir des droits et libertés proclamés dans les instruments internationaux ratifiés par la défenderesse ». ↩︎
- Voir ainsi l’art. 24 § 2 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 : « Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants ». Voir également •Recommandation générale/observation générale conjointe n° 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, 5 novembre 2014, CEDAW/C/GC/31/CRC/C/CG/18, § 1 : « La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant contiennent des obligations juridiquement contraignantes de caractère aussi bien général que spécifique concernant l’élimination des pratiques préjudiciables ». ↩︎
- Ainsi est-il énoncé à l’article 17 § 3 que la promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnellement reconnues par la Communauté constitue un devoir de l’Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l’homme. De même, selon l’article 18 § 2, l’Etat a l’obligation d’assister la famille dans sa mission de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté. Relevons encore l’article 29 § 7 de la CADHP selon lequel l’individu a le devoir de veiller, dans ses relations avec la société, à la préservation et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives, dans un esprit de tolérance, de dialogue et de concertation et d’une façon générale de contribuer à la promotion de la santé morale de la société. De même, aux termes de l’article 61, la Commission doit prendre en considération, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, notamment, les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et des peuples et les principes généraux de droit reconnus par les nations africaines. ↩︎
- Voir sur ce point Chris M. Peter & Ummy A. Mwalimu, “La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant”, in A. A. Yusuf & F. Ouguergouz (dir.), L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel. Manuel sur l’organisation panafricaine, Paris, Pedone, 2013, 491 p., 407-420. De même, l’article 46 relatif aux sources d’inspiration du Comité des droits de l’enfant dispose que le Comité s’inspire, notamment, des valeurs du patrimoine traditionnel et culturel africain. ↩︎
- Voir également Commission ADHP, 4 juin 2004, Résolution 66 sur la Situation des Femmes et Enfants en Afrique – CADHP/Res.66(XXXV)03 : « Considérant la persistance des pratiques traditionnelles néfastes aux femmes et aux enfants dans certains pays d’Afrique (enfants « talibés », enfants de la rue et mutilations génitales) ; Déclaration de Prétoria sur les droits économiques, sociaux et culturels en Afrique du 17 septembre 2004, § 8 : « Le droit à l’éducation énoncé dans l’article 17 de la Charte implique notamment les éléments suivants : […] mesures visant à redresser les pratiques et attitudes sociales, économiques et culturelles néfastes qui entravent l’accès à l’éducation de la petite fille » ; § 9 : « Le droit à la culture énoncé dans les articles 17 et 18 implique notamment les éléments suivants : • les valeurs africaines positives conforme aux réalités et aux normes internationales des droits de l’homme ; • éradication des pratiques traditionnelles néfastes qui affectent négativement les droits de l’homme ; • participation à tous les niveaux de la détermination des politiques culturelles et des activités culturelles et artistiques ; • mesures de sauvegarde, de protection et de sensibilisation sur l’héritage culturel tangible et intangible, y compris les systèmes du savoir traditionnel ;• reconnaissance et respect des diverses cultures existantes en Afrique », déclaration adoptée par Commission ADHP, 7 décembre 2004, Résolution 73 sur les Droits économiques, sociaux et culturels en Afrique – CADHP/Res.73(XXXVI)04 ; •Commission ADHP, 12 décembre 2015, Observation générale n° 3 sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : le droit à la vie (article 4), § 39 : « L’Etat est responsable des meurtres commis par des particuliers, pour lesquels les autorités n’ont adopté aucune mesure de prévention, ni ouvert d’enquête ou engagé de poursuites adéquates. Ces responsabilités sont accrues lorsqu’un schéma qui est observable a été négligé ou ignoré, ce qui est souvent le cas lorsqu’il s’agit de justice populaire, de violence sexiste, de féminicide ou de pratiques néfastes. Les Etats doivent adopter toutes les mesures qui s’imposent afin de lutter contre, de prévenir et d’éliminer de manière efficace tous ces schémas ou ces pratiques ». ↩︎
- Voir en ce sens Commission ADHP, 5 novembre 2013, Résolution 262 sur l’accès des femmes a la propriété foncière et aux ressources productives – CADHP/Res.262(LIV)2013 : « 3. Encourage les Etats parties à abroger les lois et règlements discriminatoires et à interdire par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes les pratiques et coutumes qui limitent ou affectent négativement, l’accès, l’utilisation et le contrôle par les femmes des terres et autres ressources productives ; 4. demande aux Etats parties d’organiser des campagnes soutenues de sensibilisation, d’information et d’éducation populaire à l’endroit des responsables communautaires et leaders religieux, en vue d’accélérer la transformation des schémas et modèles socioculturels qui dénient aux femmes la sécurité de jouissance et l’égalité dans l’accès à la propriété, à la terre et à un logement adéquat » ; Commission ADHP, 29 juillet 2014, Résolution 292 sur la nécessité d’entreprendre une étude sur le mariage des enfants en Afrique – CADHP/Res.292(EXT.OS/XVI)2014 : « Déplorant le fait que même lorsque l’âge minimum de 18 ans est prévu par la loi nationale, le mariage des enfants continue d’être pratiqué dans plusieurs pays en raison de la persistance de pratiques coutumières et religieuses néfastes ; […] ; Convaincue de la nécessité de renforcer la Campagne de l’Union africaine à travers la réalisation d’une étude qui offrira une vue d’ensemble de la situation dans certains pays, en identifiant notamment, les causes profondes, la prévalence, les us, coutumes et croyances qui contribuent à perpétuer la pratique ; le niveau de respect des obligations internationales et régionales, le cadre législatif et structurel, et le cas échéant les meilleures pratiques en matière de lutte contre le phénomène, dans les pays qui seront couverts par l’étude ». Voir toutefois des occurrences des termes « coutume(s) » et/ou « droit(s) coutumier(s) »notamment in Commission ADHP, 5 décembre 2021, Résolution 490 sur les industries extractives et les droits fonciers des populations/communautés autochtones en Afrique – CADHP/Res. 490 (LXIX)2021 : « Gardant à l’esprit le rapport du Groupe de travail sur les droits des populations/communautés autochtones en Afrique, adopté par la Commission en 2003, lors de sa 28ème Session ordinaire, reconnaissant notamment que la protection des droits communaux sur les terres est fondamentale pour la survie des communautés autochtones en Afrique ; […] ; Affirmant la nécessité pour les Etats africains de reconnaître le rôle important du leadership et des structures pastorales traditionnelles dans la gouvernance, en particulier en ce qui concerne la résolution des conflits, la gestion du régime foncier et de la mobilité, et la facilitation des interactions entre les populations/communautés autochtones et les autres groupes d’intérêt ; […] ; Convaincue de la nécessité d’un cadre juridique national pour renforcer les systèmes traditionnels de gestion des ressources, et protéger le droit des populations/communautés autochtones à la propriété foncière communautaire, ainsi que leur droit à une part adéquate des ressources et à une compensation pour toute dépossession ; La Commission : Exhorte les Etats Parties à : 1. Adopter des politiques et des lois qui sauvegardent les droits des populations/communautés autochtones à la propriété et au contrôle coutumiers de leurs terres et reconnaissent le mode de vie des populations autochtones, notamment par la chasse et le pastoralisme ; […] ; 6. Reconnaître les droits coutumiers des populations/communautés autochtones et les mécanismes traditionnels de résolution des conflits, et procéder au renforcement des capacités au sein de ces communautés afin de développer leurs propres structures représentatives et d’assurer une participation effective aux principaux processus de prise de décision » ; CoDESC, 11 août 2000, Observation générale n° 14 (2000), Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Doc. ONU E/C.12/2000/4, § 21 sur les femmes et le droit à la santé : « Il importe également de prendre des mesures préventives, incitatives et correctives pour prémunir les femmes contre les effets de pratiques et de normes culturelles traditionnelles nocives qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits liés à la procréation ». ↩︎
- Voir ainsi CoDESC, 11 août 2000, Observation générale n° 14 (2000), Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Doc. ONU E/C.12/2000/4, qui après la formule précitée mettant ensemble pratiques et normes concernant les femmes et le droit à la santé se réfère seulement à des pratiques § 22 quand il s’agit de s’intéresser aux enfants et adolescents : « Il faudrait adopter des mesures efficaces et adéquates pour mettre fin aux pratiques traditionnelles nocives affectant la santé des enfants, notamment des fillettes, qu’il s’agisse du mariage précoce, des mutilations génitales ou des préférences manifestées à l’égard des enfants de sexe masculin en matière d’alimentation et de soins (Voir la résolution WHA47.10, de 1994, de l’Assemblée mondiale de la santé intitulée “Santé maternelle et infantile et planification familiale : pratiques traditionnelles nocives pour la santé des femmes et des enfants”) » (voir également la références aux seules pratiques et non plus normes § 35 : « […]. Les Etats sont également tenus de veiller à ce que des pratiques sociales ou traditionnelles nocives n’interfèrent pas avec l’accès aux soins pré et postnatals et à la planification familiale, d’empêcher que des tiers imposent aux femmes des pratiques traditionnelles, par exemple du type mutilations génitales, et de prendre des mesures destinées à protéger tous les groupes vulnérables ou marginalisés de la société, en particulier les femmes, les enfants, les adolescents et les personnes âgées, compte tenu de la plus grande vulnérabilité du sexe féminin à la violence. […] », § 36, § 51). ↩︎
- Voir ainsi la Convention sur la diversité biologique, signée le 5 juin 1992, entrée en vigueur le 29 décembre 1993, RTNU n° 30619, art. 10 relatif à l’utilisation durable des éléments constitutifs de la diversité biologique : « Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra : […] c) Protège et encourage l’usage coutumier des ressources biologiques conformément aux pratiques culturelles traditionnelles compatibles avec les impératifs de leur conservation ou de leur utilisation durable ». ↩︎
- Voir toutefois quelques actions du NEPAD, via le programme du Fonds NEPAD/Espagne (FNE) auprès de « groupes communautaires » et « chefs de communauté » pour le renforcement du rôle des femmes dans le processus de développement, l’amélioration de leur condition dans la gestion coutumière des terres et la formation aux questions de genre et de droits des femmes in AUDA-NEPAD, Rapport annuel 2020, pp. 32 s. Voir également, mais sans référence à une quelconque autorité « juridique », S/RES/ 1888 (2009), § 15 : « Engage les dirigeants locaux et nationaux, y compris les chefs traditionnels lorsqu’il y en a et les chefs religieux, à jouer un rôle plus actif dans la sensibilisation des communautés à la violence sexuelle en vue d’éviter la marginalisation et la stigmatisation des victimes, de faciliter leur réinsertion sociale et de combattre le règne de l’impunité pour ces crimes » ; S/RES/2259 (2015), 23 décembre 2015, La situation en Libye : « Saluant les efforts déployés par tous les participants au dialogue politique libyen facilité par l’ONU et aux autres volets du processus de paix, notamment ceux qui ont trait aux contributions de la société civile, à la participation des chefs tribaux, au cessez-le-feu à l’échelon local, aux échanges de prisonniers et au retour des déplacés ». ↩︎
- Cour ADHP, 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali, Requête n° 046/2016. ↩︎
- •CJCEDEAO, 27 octobre 2008, Dame Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, n° ECW/CCJ/JUD/06/08 : « 83. En conclusion, sur ce point, la Cour relève que le juge national nigérien saisi de l’action de dame Hadijatou Mani Koraou c/ le Sieur El Hadj Souleymane Naroua, au lieu de dénoncer d’office le statut d’esclave de la requérante comme étant une violation de l’article 270.1 à 5 du code pénal nigérien tel que modifié par la loi N° 2003-025 du 13 juin 2003, a plutôt affirmé que « le mariage d’un homme libre avec une femme esclave est licite, dès lors qu’il n’a pas les moyens d’épouser une femme libre et s’il craint de tomber dans la fornication… ». 84. La Cour estime que reconnaître ainsi le statut d’esclave de dame Hadijatou Mani Koraou sans dénoncer cette situation est une forme d’acceptation, ou du moins, de tolérance de ce crime ou de ce délit que le juge nigérien avait l’obligation de faire poursuivre pénalement ou de sanctionner le cas échéant. 85. La Cour en outre considère que la situation d’esclave de la requérante, même si elle émane d’un particulier agissant dans un contexte prétendument coutumier ou individuel, lui ouvrait droit à une protection par les autorités de la République du Niger, qu’elles soient administratives ou judiciaires. Qu’en conséquence, la défenderesse, devient responsable tant en droit international, que national de toute forme de violation des droits de l’Homme de la requérante fondées sur l’esclavage du fait de la tolérance, de la passivité, de l’inaction, de l’abstention de ces mêmes autorités face à cette pratique. 86. En définitive, en omettant de soulever d’office une interdiction d’ordre public et de prendre ou faire prendre les mesures adéquates pour en assurer la répression, le juge national nigérien n’a pas assumé sa mission de protection des droits de Hadijatou Mani Koraou et a de ce fait engagé la responsabilité de la défenderesse au même titre que l’autorité administrative lorsqu’elle a déclaré : « écoutez, moi je ne peux rien faire il faut vous en aller » ». ↩︎
- En ce sens, l’art. 8 identique de l’Accord de tutelle pour le territoire du Tanganyika, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 116, p. 91 et de l’Accord de tutelle pour le Territoire du Cameroun sous administration britannique, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 118, p. 119 : « L’Autorité chargée de l’administration devra, dans l’établissement des lois relatives à la tenure du sol ou au transfert de la propriété foncière et des ressources naturelles, prendre en considération les lois et les coutumes indigènes, respecter les droits et sauvegarder les intérêts, tant présents que futurs, de la population indigène […] ». Voir également Accord de tutelle pour le Territoire du Cameroun sous administration française, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 119, p. 135, art. 7 : « L’Autorité chargée de l’administration devra, dans l’établissement des règles relatives la tenure du sol et au transfert de la propriété foncière, et en vue de favoriser le progrès économique et social des populations autochtones, prendre en considération les lois et les coutumes locales ». ↩︎
- Voir ainsi l’art. 7 de la Déclaration de principes constitutionnels annexée à l’Accord de tutelle pour le Territoire de la Somalie sous administration italienne, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 2 décembre 1950, RTNU, Vol. 118, n° 381, p. 255 : « […] Selon qu’il sera opportun dans chaque cas d’espèce, l’Autorité chargée de l’administration appliquera la législation territoriale, le droit musulman et le droit coutumier local ». ↩︎
- Voir, par exemple, Commission ADHP, 2 mai 2012, Résolution CADHP/Rés.224 (LI) 2012 sur une approche de la gouvernance des ressources naturelles basée sur les droits de l’homme : « Soucieuse de l’impact disproportionné des violations des droits de l’homme sur les communautés rurales en Afrique qui continuent de lutter pour revendiquer leurs droits coutumiers à l’accès et au contrôle des diverses ressources, y compris la terre, les minéraux, la forêt et la pêche » ; A/RES/61/295, 13 septembre 2007, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, art. 9 : « Les autochtones, peuples et individus, ont le droit d’appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. […] » ; art. 11 § 1 : « les peuples autochtones ont le droit d’observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. […] » ; art. 12 § 1 : « Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; […] » ; art. 26 : « 1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis. 2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu’ils ont acquis. 3. Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples autochtones concernés » ; art. 33 : « 1. Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions, sans préjudice du droit des autochtones d’obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l’État dans lequel ils vivent. 2. Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les structures de leurs institutions et d’en choisir les membres selon leurs propres procédures ». ↩︎
- M. Robinson, “Human Rights at the Dawn of the 21st Century”, Human Rights Quarterly, Vol. 15, 1993, pp. 629 ss., 632: « We must go back to listening. More thought and effort must be given to enriching the human rights discourse by explicit reference to other non-Western religions and cultural traditions. By tracing the linkages between constitutional values on the one hand and the concepts, ideas, and institutions which are central to [various] traditions, the base of support for fundamental rights can be expanded and the claim to universality Vindicated”. ↩︎
- Convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée le 27 juin 1989, entrée en vigueur le 5 septembre 1991, art. 9 § 1 : « Dans la mesure où cela est compatible avec le système juridique national et avec les droits de l’homme reconnus au niveau international, les méthodes auxquelles les peuples intéressés ont recours à titre coutumier pour réprimer les délits commis par leurs membres doivent être respectées » ; CoDESC, 20 janvier 2003, Observation générale n° 15 (2002), Le droit à l’eau (art. 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), Doc. E/C.12/2002/11, § 21 : « L’obligation de respecter requiert des Etats parties qu’ils s’abstiennent d’entraver directement ou indirectement l’exercice du droit à l’eau. L’Etat partie est notamment tenu de s’abstenir d’exercer une quelconque pratique ou activité qui consiste à refuser ou à restreindre l’accès en toute égalité à un approvisionnement en eau adéquat ; de s’immiscer arbitrairement dans les arrangements coutumiers ou traditionnels de partage de l’eau ; […] ». Voir déjà, semble-t-il, bien que ne visant pas les « droits » exo-étatiques, A/RES/390 (V), 2 décembre 1950, Erythrée : rapport de la Commission des Nations Unies pour l’Erythrée ; rapport de la Commission intérimaire de l’Assemblée générale sur le rapport de la Commission des Nations Unie pour l’Erythrée : « Désirant que cette association [politique et économique de l’Erythrée avec l’Ethiopie] assure intégralement aux habitants de l’Erythrée le respect et la sauvegarde de leurs institutions, de leurs traditions, de leurs religions et de leurs langues ainsi que le maximum d’autonomie réalisable, tout en respectant la Constitution, les institutions, les traditions, ainsi que le statut international et l’identité de l’Empire d’Ethiopie”. ↩︎
- Voir en ce sens Convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée le 27 juin 1989, entrée en vigueur le 5 septembre 1991, art. 8 § 1 : « En appliquant la législation nationale aux peuples intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs coutumes ou de leur droit coutumier » ; art. 9 § 2 : « Les autorités et les tribunaux appelés à statuer en matière pénale doivent tenir compte des coutumes de ces peuples dans ce domaine » ; art. 17 : « 1. Les modes de transmission des droits sur la terre entre leurs membres établis par les peuples intéressés doivent être respectés. 2. Les peuples intéressés doivent être consultés lorsque l’on examine leur capacité d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors e leur communauté. 3. Les personnes qui n’appartiennent pas à ces peuples doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes desdits peuples ou de l’ignorance de leurs membres à l’égard de la loi en vue d’obtenir la propriété, la possession ou la jouissance de terres leur appartenant » ; A/RES/61/295, 13 septembre 2007, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, art. 27 : « Les Etats mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources, y compris ceux qu’ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones auront le droit de participer à ce processus ». Voir également, dans le registre de la soft law, FAO/CSA, Directives volontaires pour une Gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, Rome 2012, partie 3 : « Reconnaissance juridique et attribution des droits et devoirs fonciers » qui invite les Etats, lorsqu’ils reconnaissent ou attribuent des droits sur des terres, des pêches ou des forêts ou lorsqu’ils les possèdent ou contrôlent, à veiller à ce que les droits fonciers légitimes non protégés par la loi ne soient pas violés ou infirmés et à faire participer les peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers aux processus de consultation. De même doivent-ils assurer un droit de recours aux personnes qui estimeraient que leurs droits fonciers ne sont pas reconnus et respecter et promouvoir les méthodes coutumières utilisées par les peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers pour régler les conflits fonciers au sein des communautés (FAO/CSA, Directives volontaires pour une Gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, Rome 2012, partie 3 : « Reconnaissance juridique et attribution des droits et devoirs fonciers », point 7.1 : « Lorsque les Etats reconnaissent ou attribuent des droits sur des terres, des pêches ou des forêts, ils devraient mettre en place, en conformité avec la législation nationale, des mesures préventives propres à empêcher que les droits fonciers d’autrui, notamment les droits fonciers légitimes qui ne sont pas actuellement protégés par la loi, soient enfreints ou infirmés. Ces mesures préventives devraient s’appliquer en particulier aux femmes et aux personnes vulnérables qui disposent de droits fonciers secondaires, comme le droit de cueillette » ; point 7.3 : « Lorsque les Etats envisagent de reconnaître ou d’attribuer des droits fonciers, ils devraient en premier lieu recenser l’ensemble des droits fonciers existants ainsi que les titulaires de ces droits, que ceux-ci soient ou non enregistrés. Les peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers, les petits exploitants et toutes les autres parties susceptibles d’être concernées devraient participer aux processus de consultation […]. Les Etats devraient assurer l’accès à la justice des personnes qui estiment que leurs droits fonciers ne sont pas reconnus […] » ; point 8.2 : « Lorsque les Etats possèdent ou contrôlent des terres, des pêches ou des forêts, ils devraient reconnaître, respecter et protéger les droits fonciers légitimes des individus et des communautés, y compris, le cas échéant, de ceux qui appliquent des systèmes fonciers coutumiers » ; point 9.4 : « Les États devraient reconnaître et protéger comme il convient les droits fonciers légitimes des peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumier […] » ; point 9.5 : « Lorsque des peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers détiennent des droits fonciers légitimes sur les terres ancestrales sur lesquelles ils vivent, les Etats devraient reconnaître et protéger ces droits. Les peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers ne devraient pas être expulsés par la force de ces terres ancestrales » ; point 9.11 : « Les Etats devraient respecter et promouvoir les méthodes coutumières utilisées par les peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers pour régler les conflits fonciers au sein des communautés […] ». Voir également § 3.10 sur les régimes fonciers informels). Voir encore UA/BAfD et CEA, Cadre et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique. Politiques foncières en Afrique : un cadre pour le renforcement des droits fonciers, l’amélioration de la productivité et des conditions d’existence, 2010, point 3.1.3 qui invite les Etats, en reconnaissant la légitimité des droits fonciers autochtones, à également reconnaître le rôle des institutions et structures communautaires (point 3.1.3 : « En reconnaissant […] la légitimité des droits fonciers autochtones, les processus de politiques foncières doivent également reconnaître le rôle des institutions et structures d’administration/gestion locales et communautaires aux côtés de celles de l’Etat. […] ») et affirme très explicitement : « Les héritages coloniaux qui ont eu tendance à dénigrer les systèmes fonciers autochtones, à entraver et à saboter leur évolution et qui ont ignoré Les structures communautaires d’administration foncière doivent désormais céder la place à des politiques nouvelles et novatrices, comportant notamment la mise en place de cadres juridiques pour la documentation et la codification des régimes fonciers non-formels. Il est encourageant de constater qu’un certain nombre de pays africains comme l’Ethiopie, le Sud-Soudan, le Ghana et les communautés pastorales du sahel s’engagent déjà dans cette voie ». Voir encore Swakopmund Protocole on the Protection of Traditional Knowledge and Expressions of Folklore Within the Framework of the African Regional Intellectual Property Organization, 9 août 2010, (entrée en vigueur le 11 mai 2015), art.21: la protection accordée aux expressions culturelles traditionnelles s’étend sur toute la période où une expression est appréhendée par un peuple autochtone comme une caractéristique de son identité culturelles et qu’elle est maintenue par celui-ci dans le respect de ses pratiques coutumières. ↩︎
- Voir Convention n° 107 de l’OIT sur droit coutumier des communautés autochtones, art. 7 : « 2. Ces populations pourront conserver celles de leurs coutumes et institutions qui ne sont pas incompatibles avec le système juridique national ou les objectifs des programmes d’intégration » ; Convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée le 27 juin 1989, entrée en vigueur le 5 septembre 1991, art. 27 § 3 : « De plus, les gouvernements doivent reconnaître le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d’éducation, à condition que ces institutions répondent aux normes minimales établies par l’autorité compétente en consultation avec ces peuples. […] ». ↩︎
- Par exemple Convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée le 27 juin 1989, entrée en vigueur le 5 septembre 1991, art. 8 § 2 : « Les peuples intéressés doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l’homme reconnus au niveau international. Des procédures doivent être établies, en tant que de besoin, pour résoudre les conflits éventuellement soulevés par l’application de ce principe ». Voir également A/RES/61/295, 13 septembre 2007, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’art. 46 § 1 qui soumet les droits des peuples autochtones au droit de l’Etat pourvu que celui-ci soit conforme au droit international : « 2. Dans l’exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration, les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous sont respectés. L’exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration est soumis uniquement aux restrictions prévues par la loi et conformes aux obligations internationales relatives aux droits de l’homme. Toute restriction de cette nature sera non discriminatoire et strictement nécessaire à seule fin d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et de satisfaire aux justes exigences qui s’imposent dans une société démocratique ». ↩︎
- Bien qu’il s’agisse d’un texte formellement non obligatoire, voir A/RES/61/295, 13 septembre 2007, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, art. 34 : « Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme ». ↩︎
- Voir également l’art. XVII de la Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, 11 juillet 2003 intitulé « Droits traditionnels des communautés locales et connaissances traditionnelles » : « 1. Les parties prennent des mesures législatives et autres pour faire en sorte que les droits traditionnels et de propriété intellectuelle des communautés locales, y compris les droits des agriculteurs, soient respectés, en accord avec les dispositions de la présente Convention ». ↩︎
- FAO/CSA, Directives volontaires pour une Gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, Rome 2012, partie 3 : « Reconnaissance juridique et attribution des droits et devoirs fonciers », point 9.6. : « Les Etats devraient envisager d’adapter leurs cadres politique, juridique et organisationnel de manière à reconnaître les systèmes fonciers des peuples autochtones et autres communautés appliquant des systèmes fonciers coutumiers. Si des réformes constitutionnelles ou juridiques renforcent les droits des femmes de sorte que ceux-ci se trouvent en contradiction avec le droit coutumier, toutes les parties devraient coopérer pour intégrer ces changements dans les systèmes fonciers coutumiers ». ↩︎
- Yusuf, Pan-Africanism and International Law, p. 238. Tout d’abord, dans le préambule, les Etats se disent convaincus que toute pratique qui entrave ou compromet la croissance normale et affecte le développement physique et psychologique des femmes et des filles, doit être condamnée et éliminée. Ensuite, à l’art. 2 § 1 b), les Etats s’engagent notamment à adopter et mettre en œuvre les mesures législatives et réglementaires appropriées, y compris celles interdisant et réprimant toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes qui compromettent la santé et le bien-être général des femmes. De même l’art. 2 § 2 : « Les Etats s’engagent à modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels de la femme et de l’homme par l’éducation du public par le biais des stratégies d’information, d’éducation et de communication, en vue de parvenir à l’élimination de toutes les pratiques culturelles et traditionnelles néfastes et de toutes autres pratiques fondées sur l’idée d’infériorité ou de supériorité de l’un ou l’autre sexe, ou sur les rôles stéréotypés de la femme et de l’homme. Les pratiques néfastes sont définies à l’article 1 i) comme « tout comportement, attitude ou pratique qui affecte négativement les droits fondamentaux des femmes, tels que le droit à la vie, à la santé, à l’éducation, à la dignité et à l’intégrité physique », l’article 1 k) définissant la violence à l’égard des femmes comme « tous actes perpétrés contre les femmes causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques sexuelles, psychologiques ou économiques, y compris la menace d’entreprendre de tels actes, l’imposition de restrictions ou la privation arbitraire des libertés fondamentales, que ce soit dans la vie privée ou dans la vie publique, en temps de paix, en situation de conflit ou de guerre ». De même, encore, l’article 4 § 2 d) énonce que les États s’engagent à prendre des mesures appropriées et effectives pour promouvoir l’éducation à la paix à travers des programmes d’enseignement et de communication sociale en vue de l’éradication des éléments contenus dans les croyances et les attitudes traditionnelles et culturelles, des pratiques et stéréotypes qui légitiment et exacerbent la persistance et la tolérance de la violence à l’égard des femmes. De même encore, l’article 8 f) porte engagement des Etats de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la réforme des lois et pratiques discriminatoires en vue de promouvoir et de protéger les droits de la femme. Enfin, l’article 5 relatif à l’élimination des pratiques néfastes dispose : « Les Etats interdisent et condamnent toutes les formes de pratiques néfastes qui affectent négativement les droits humains des femmes et qui sont contraires aux normes internationales. Les Etats prennent toutes les mesures législatives et autres mesures afin d’éradiquer ces pratiques et notamment : a) sensibiliser tous les secteurs de la société sur les pratiques néfastes par des campagnes et programmes d’information, d’éducation formelle et informelle et de communication ; b) interdire par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de mutilations génitales féminines, la scarification, la médicalisation et la para-médicalisation des mutilations génitales féminines et toutes les autres pratiques néfastes ; c) apporter le soutien nécessaire aux victimes des pratiques néfastes en leur assurant les services de base, tels que les services de santé, l’assistance juridique et judiciaire, les conseils, l’encadrement adéquat ainsi que la formation professionnelle pour leur permettre de se prendre en charge et d) protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques néfastes ou toutes autres formes de violence, d’abus et d’intolérance ». ↩︎
- Voir ainsi Recommandations et Observations adressées au Gouvernement du Sénégal par le CAEDBE sur le rapport initial de la mise en œuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant au sujet de l’article 21 : « Le Comité félicite le Gouvernement sénégalais pour les efforts entrepris pour l’éradication des mutilations génitales féminines d’ici 2015. / Le Comité l’encourage à mener les campagnes de sensibilisation, formation et promotion des droits humains de l’enfant et singulièrement de la petite fille ; la sensibilisation et implication des marabouts, prêtres ou autres guides religieux (ses) et notabilités y compris(e)s coutumières, sur la promotion des droits de l’enfant aussi bien filles que garçons avec focalisation sur les viols et MGF, et les mariages précoces et l’intégration d’un module sur les droits de l’enfant dans les programmes de formation initiale des personnels chargés des questions de l’enfance, magistrats, policiers, gendarmes, militaires et éducateurs spécialisés ou travailleurs sociaux pour une meilleure prise en charge » ; Concluding Observations and Recommendations by the African Committee of Experts on the Rights and Welfare of the Child (ACERWC) on the People’s Democratic Republic of Algeria Report on the Status of Implementation of the African Charter on the Rights and Welfare of the Child: “41. The Committee is highly concerned by the fact that the girl child marries before the age of 18 years old. Therefore, the Committee recommends the State Party to harmonize its law in line with article 21(2) of the African Children’s Charter setting the minimum age of marriage for both boys and girls at the age of 18 years old. 42. Moreover, the Committee recommends the State Party to sensitize families, community and religious leaders on the damaging effect of harmful traditional practices on the physical, psychological and mental development of children” ; Observations et recommandations finales du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) sur le rapport initial de la République du Bénin sur la mise en œuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, juillet 2019, § 15 : « Le Comité note avec satisfaction que l’Etat partie a mis en place des Lois protégeant le droit à la vie et interdisant l’infanticide. Le Comité note toutefois que certaines pratiques persistent dans la Communauté et font que des enfants subissent des agressions physiques et des meurtres à des fins rituelles, ainsi que des accusations de sorcellerie. Le Comité recommande à l’Etat partie de s’employer à prévenir, enquêter et réparer les attaques perpétrées contre des enfants, par le biais d’une sensibilisation continue, d’une enquête diligente et de la poursuite des coupables » ; § 27 : « Divers rapports mettent en évidence le vidomégon, où les parents placent les enfants dans une famille plus aisée pour obtenir des paiements ; et dans certains cas, ces enfants ne reçoivent pas les soins minimaux qu’ils méritent. Le Comité encourage l’Etat partie à sensibiliser les Communautés aux responsabilités parentales et aux conséquences juridiques de la négligence d’un enfant. Le Comité recommande à l’Etat partie d’identifier les enfants échangés contre paiements et d’évaluer leur situation lors de leur placement ; et des mécanismes traditionnels grâce auxquels un tel placement d’enfants ne mène pas à la vente d’enfants, aux pires formes de travail des enfants et à l’esclavage » ; § 50 : « Le Comité note que la Mutilation Génitale Féminine (MGF), le mariage des enfants et le vaudou sont les principales pratiques qui affectent les enfants au Bénin. Le Comité félicite l’Etat partie d’avoir adopté la Loi N ° 2003-03 sur la suspension des mutilations génitales féminines et la Loi N ° 2015-08 sur la violence à l’égard des femmes, qui incrimine les mutilations génitales féminines ; et le taux de MGF est apparemment en baisse. Toutefois, certains rapports indiquent que les mutilations génitales féminines sont encore très pratiquées dans le pays et au-delà du territoire dans des zones transfrontalières telles que le Niger, le Nigéria, le Togo et le Burkina Faso. Le Comité recommande à l’Etat partie d’évaluer le fléau sachant que c’est une pratique cachée et de mener des sensibilisations dans des régions comme le Borgou où cette pratique est répandue. Le Comité recommande également que les auteurs de MGF soient criminalisés et condamnés à la peine prévue par la Loi » ; § 51 : « Selon le rapport de l’Etat partie, le taux de mariage des enfants s’élève à 37%, ce qui, de l’avis du Comité, est élevé. Le Comité réitère sa recommandation sur l’âge du mariage afin de combler le fossé juridique et de fixer explicitement 18 ans comme âge minimum, sans exception. En outre, l’Etat partie est encouragé à adopter une stratégie nationale sur le mariage des enfants, à sensibiliser les chefs religieux et communautaires et à poursuivre les responsables ». ↩︎
- Observations et recommandations finales du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) sur le rapport initial de la République du Bénin sur la mise en œuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, juillet 2019, § 52 : « S’agissant de la pratique du vaudou, le Comité note que, lors du dialogue constructif, l’Etat partie a progressé en négociant un stage de vaudou abrégé afin de faire en sorte que les enfants ne manquent pas l’école et un rituel alternatif pour la scarification. Le Comité recommande que ces efforts soient poursuivis et dupliqués dans d’autres zones touchées ». ↩︎
- Voir ainsi Concluding Observations and Recommendations by the African Committee of Experts on the Rights and Welfare of the Child (ACERWC) on the People’s Democratic Republic of Algeria Report on the Status of Implementation of the African Charter on the Rights and Welfare of the Child en matière de droit de la famille comme la responsabilité parentale, le mariage et le statut des enfants nés d’un mariage entre une musulmane et un non musulman, le droit de garde des enfants par les femmes, les successions, la polygamie pour conclure, para. 25 : “Therefore, the Committee urges the State Party to ensure that family responsibility is assigned equally between mothers and fathers and to revise all the provisions that discriminate against women and girls ». Voir également para 27: “The Committee noted that there is no adoption system in the State Party but a system of Kafala. However, the Committee is concerned that when the legal guardian (Kafil) dies, the Makfoul (child placed in Kafala) is considered as part of the heritage, and therefore, the legal heirs can decide whether or not to keep him or her in the family, a situation which places them at risk of being re-institutionalized. The Committee also noted that there are cases of illegal adoption and illegal placement in Kafala of children born out of wedlock. The Committee therefore recommends the Government of Algeria to ensure that children in the Kafala system enjoy the rights and freedoms enshrined under the African Children’s Charter and to protect children from illegal adoption and placement in Kafala”. ↩︎
- Cour ADHP, 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali, § 75 : « La Cour note que toutes les dispositions précitées mettent l’accent sur l’obligation qui incombe à l’Etat de prendre toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et pratiques négatives et les pratiques discriminatoires à l’égard de certain enfants pour des raisons de sexe, notamment des mesures pour garantir l’âge minimum de mariage à 18 ans » ; 78 : « La Cour conclut qu’il incombe à l’Etat défendeur de garantir le respect de l’âge minimum du mariage, à savoir 18 ans et le droit à la non-discrimination. Que, ne l’ayant pas fait, l’Etat défendeur a violé les articles 6.b du Protocole de Maputo, 2, 4(1) et 21 de la CADBEE ». ↩︎
- Ibid., § 94 : « La Cour fait remarquer que la manière dont se déroule le mariage religieux au Mali présente des risques graves pouvant donner lieu à des mariages forcés et constitue une pérennisation des pratiques traditionnelles qui violent les normes internationales qui consacrent les conditions précisés quant à l’âge et au consentement des époux pour qu’un mariage soit valide », 95 : « La Cour relève que dans la procédure de célébration du mariage, la loi contestée permet l’application des droits religieux et coutumier concernant la consentement au mariage. Elle ménage, en outre, des régimes différents selon que le mariage est célébré par l’officier d’Etat civil ou par le Ministre du culte, ce qui constitue une violation des instruments internationaux, à savoir le protocole de Maputo sur les droits de la femme et la CADBEE ». ↩︎
- Ibid., § 111 : « La Cour note que dans la présente affaire, le Code de la famille applicable au Mali consacre le droit religieux et coutumier comme le régime applicable en l’absence de tout autre régime de droit ou d’un écrit authentifié par les services d’un notaire. […] » ; 112 : « Par ailleurs, il ressort des documents du dossier qu’en matière d’héritage, le droit islamique donne à la femme la moitié de ce que reçoit l’homme et que les enfants naturels n’ont droit à l’héritage que selon la volonté de leurs géniteurs », 113 : « La Cour note que l’intérêt supérieur de l’enfant exigé en matière de succession tel que prévu par l’article 4.1 de la CDBEE dans toute procédure n’a pas été pris en compte par le législateur malien au moment de l’élaboration du Code de la famille », 114 : « La Cour relève que le droit musulman actuellement applicable dans le territoire de l’Etat défendeur en matière de succession ainsi que les pratiques coutumières ne sont pas conformes aux instruments ratifiés par ce dernier » ; 124, sans motiver sa conclusion sur la violation de l’élimination des pratiques ou attitudes traditionnelles qui nuisent aux droits de la femme et de l’enfant ou la faisant découler des violations de chacune des pratiques contestées : « La Cour ayant déjà établi la violation des dispositions relatives à l’âge minimum du mariage, au droit au consentement au mariage et au droit à la succession pour les femmes et les enfants naturels, conclut que l’Etat défendeur en adoptant le Code de la famille et en y maintenant des pratiques discriminatoires qui nuisent aux droits de la femme et de l’enfant, a violé ses engagements internationaux ». ↩︎
- Voir ainsi A/RES/323 (IV), 15 novembre 1949, Progrès social dans les Territoires sous tutelle : « décide 1. D’exprimer sa satisfaction des recommandations du Conseil de tutelle tendant à l’interdiction absolue, dans les Territoires sous tutelle où elles se rencontrent, de coutumes barbares, telles que celle des mariages d’enfants. 2. De recommander l’adoption de mesures énergiques et efficaces pour abolir immédiatement le châtiment corporel du fouet dans le Ruanda-Urundi, et d’appuyer de toute son autorité la recommandation du Conseil de tutelle qui a demandé l’abolition immédiate des châtiments corporels au Cameroun et au Togo sous administration britannique, ainsi que l’abolition officielle des châtiments corporels en Nouvelle-Guinée ». Voir également A/RES/440 (V), 2 décembre 1950, Abolition des châtiments corporels dans les Territoires sous tutelle, mais sans référence à des coutumes : « Rappelant sa résolution 323 (IV) par laquelle elle a appuyé la recommandation du Conseil de tutelle qui demandait l’abolition immédiate des châtiments corporels dans les Territoires sous tutelle, (…), Recommande que des mesures soient prises immédiatement en vue d’abolir complètement les châtiments corporels dans les tous les Territoires sous tutelle où ils existent encore et prie les autorités chargées de l’administration de ces territoires de faire rapport sur cette question à la prochaine session ordinaire de l’Assemblée générale ». ↩︎
- Dans ce sens également, en matière foncière, le document précité Cadre et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique affirme que les politiques foncières devraient essayer de surmonter les rigidités dépassées des structures et système traditionnels tendant à discriminer les femmes, notamment en matière matrimoniale et d’héritage, avant d’affirmer de manière générale : « Afin d’assurer la pleine jouissance des droits fonciers, ces mesures doivent faire partie d’une conception qui déplace les questions de droits fonciers des femmes de la sphère strictement privée du mariage et de la famille, pour les replacer dans le domaine public des droits humains ». ↩︎
- Dans ce cadre, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a déclaré, dans sa recommandation générale No. 19 relative à la violence à l’égard des femmes qu’il existe dans certains Etats des pratiques traditionnelles et culturelles qui nuisent à la santé des femmes et des enfants, citant expressément « l’excision ou la mutilation des organes génitaux féminins » et affirmé dans sa Recommandation générale No. 24 : Article 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la santé, § 15 : « L’obligation de protéger les droits relatifs à la santé des femmes implique que les Etats parties, leurs représentants et leurs fonctionnaires prennent des mesures pour empêcher la violation de ces droits par des personnes ou des organismes privés et répriment de telles violations. La violence sexiste constituant un problème majeur pour les femmes, les Etats devraient : (…) d) Promulguer des lois qui interdisent la mutilation génitale des femmes et le mariage des fillettes et veiller à l’application effective de ces lois ». Voir aussi Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation générale n° 19, Violence à l’égard des femmes, 1992: « 11. Les attitudes traditionnelles faisant de la femme un objet de soumission ou lui assignant un rôle stéréotypé perpétuent l’usage répandu de la violence ou de la contrainte, notamment les violences et les sévices dans la famille, les mariages forcés, les meurtres d’épouses pour non-paiement de la dot, les attaques à l’acide, l’excision. De tels préjugés et de telles pratiques peuvent justifier la violence fondée sur le sexe comme forme de protection ou de contrôle sur la femme. Cette violence qui porte atteinte à l’intégrité physique et mentale des femmes les empêche de jouir des libertés et des droits fondamentaux, de les exercer et d’en avoir connaissance au même titre que les hommes. Tandis que cette observation a trait surtout à la violence effective ou aux menaces de violence, ces conséquences sous-jacentes de la violence fondée sur le sexe contribuent à enfermer les femmes dans des rôles subordonnés et à maintenir leur faible niveau de participation politique, d’éducation, de qualification et d’emploi » ; « 12. Ces attitudes contribuent également à propager la pornographie, à exploiter à des fins commerciales et à dépeindre la femme comme objet sexuel plutôt que comme être humain. La violence fondée sur le sexe en est d’autant plus encouragée ». ↩︎
- A ce sujet, le Comité des droits de l’enfant a affirmé dans son observation générale n° 8 sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 (par. 2) et 37, entre autres, § 29 : « Certains avancent des arguments liés à la foi pour justifier les châtiments corporels, faisant valoir que certaines interprétations des textes religieux non seulement justifient leur usage mais imposent le devoir d’en faire usage. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 18) garantit à chacun la liberté de conscience religieuse, mais la pratique d’une religion ou d’une conviction doit être compatible avec le respect de la dignité humaine et de l’intégrité physique d’autrui. La liberté de pratiquer sa religion ou ses convictions peut être légitimement restreinte dans le souci de protéger les libertés et droits et fondamentaux d’autrui. Le Comité a relevé que dans certains États des enfants, parfois dès un très jeune âge ou à compter du moment où ils sont considérés pubères, sont susceptibles d’être condamnés à des châtiments d’une violence extrême, notamment la lapidation et l’amputation, que prescrivent certaines interprétations du droit religieux. Pareils châtiments sont à l’évidence contraires à la Convention et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme l’ont aussi souligné le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture, et doivent être interdits ». On a vu cependant que cette convention est celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de réserves dont un certain nombre par des Etats africains, lesquels sont pourtant peu nombreux à l’avoir ratifiée. Voir également son observation générale n° 13 sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes violence, CRC/C/GC/13, 18 avril 2011 qui dispose expressément, § 29, que les « pratiques préjudiciables » comprennent, entre autres « Les mutilations génitales féminines » et la Recommandation générale/observation générale conjointe n° 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, 5 novembre 2014, CEDAW/C/GC/31/CRC/C/CG/18, notamment § 7 : « De manière générale, les pratiques préjudiciables sont souvent associées à des formes graves de violence ou constituent elles-mêmes une forme de violence à l’égard des femmes et des enfants. La nature et la prévalence de ces pratiques varie d’une région et d’une culture à l’autre ; toutefois, les plus courantes qui sont bien recensées sont les mutilations génitales féminines, le mariage forcé des enfants, la polygamie, les crimes dits d’honneur et la violence relative à la dot » ; § 9 : « Beaucoup d’autres pratiques ont été jugées préjudiciables car elles sont solidement liées aux rôles attribués à l’homme et à la femme par la société et aux systèmes de pouvoir patriarcal et traduisent parfois des conceptions négatives ou des croyances discriminatoires à l’égard de certains groupes de femmes et d’enfants défavorisés, notamment les handicapés et les albinos. Ces pratiques comprennent notamment la négligence des filles (associée à l’intérêt et au traitement préférentiels accordés aux garçons), les restrictions alimentaires extrêmes (alimentation forcée, tabous alimentaires, notamment pendant la grossesse), les tests de virginité et autres pratiques connexes, la servitude, les scarifications, les marques tribales, les châtiments corporels, la lapidation, les rites d’initiation violents, les pratiques de veuvage, la sorcellerie, l’infanticide et l’inceste (Voir recommandation générale no19 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, par.11, et observation générale no13 du Comité des droits de l’enfant, par.29). Elles comprennent également les modifications corporelles pratiquées pour rendre les filles et les femmes belles ou pour les préparer au mariage (notamment engraissement, isolement, usage de disques à lèvres et étirement du coup au moyen d’anneaux (Voir l’étude du Secrétaire général sur la violence contre les enfants (A/61/299), 2006, par. 46) ou pour protéger les filles contre les grossesses précoces, le harcèlement sexuel ou les violences sexuelles (comme le « repassage »). En outre, bon nombre de femmes et d’enfants dans le monde entier subissent de plus en plus un traitement médical ou la chirurgie plastique pour se conformer aux normes sociales du corps et non pour des raisons médicales ou de santé et nombreux sont ceux qui sont amenés sous la pression à mincir pour suivre la mode, ce qui a entraîné une épidémie de troubles de l’alimentation et d’autres maladies ». Or, § 10, les deux conventions précitées « contiennent toutes les deux (…) des dispositions qui font des pratiques préjudiciables des violations des droits de l’homme et imposent aux Etats parties l’obligation de prendre des mesures en vue de les prévenir et de les éliminer ». Cela signifie notamment, § 11, que « Les Etats parties aux deux Conventions sont tenus d’honorer l’obligation qui leur est faite de respecter, de protéger et de faire exercer les droits des femmes et des enfants. Ils doivent également faire preuve de la diligence voulue pour prévenir les actes qui compromettent la reconnaissance, la jouissance et l’exercice de leurs droits par les femmes et les enfants et veiller à ce que les acteurs privés ne pratiquent pas de discrimination contre les femmes et les filles, y compris la violence sexiste en ce qui concerne la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ou toute forme de violence contre les enfants, en ce qui concerne la Convention relative aux droits de l’enfant ». De même, § 13 : « En outre, l’obligation de protéger impose aux Etats parties de mettre en place des structures juridiques pour garantir que les pratiques préjudiciables fassent l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et indépendantes et que des recours soient offerts aux personnes qui en ont souffert. Les Comités demandent aux États parties d’interdire explicitement en droit et de sanctionner convenablement ou de pénaliser les pratiques préjudiciables, en fonction de la gravité de l’infraction et du préjudice causé, de prévoir des moyens de prévention, de protection, de relèvement, de réintégration et de réparations pour les victimes et de lutter contre l’impunité des pratiques préjudiciables ».
↩︎ - Pour d’autres exemples : Union africaine, Décisions, Déclarations, Résolutions et Motion, 33e session ordinaire, Addis Abeba, 9-10 février 2020, Décision sur l’élimination du mariage d’enfants, Assembly/AU/Dec.771(XXXIII) et UA, Assembly/AU/Dec.773(XXXIII), Décision sur l’élimination des mutilations génitales féminines voir également les instruments cités in UA, Assembly/AU/Dec. 737 (XXXII), Décision sur la redynamisation de l’action politique dans le cadre de l’accélération de la lutte contre les mutilations génitales féminines en Afrique, 2019, §§ 7-8. ↩︎
- Voir par exemple #CoDESC, 11 août 2000, Observation générale n° 14 (2000), Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Doc. ONU E/C.12/2000/4, § 51 : « L’Etat peut enfreindre l’obligation de protéger quand il s’abstient de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les personnes relevant de sa juridiction contre des atteintes au droit à la santé imputables à des tiers. Dans cette catégorie de manquements entrent certaines omissions, comme […] le fait de ne pas décourager le maintien en vigueur de certaines pratiques médicales ou culturelles traditionnelles qui sont nocives […] ». ↩︎
- Voir ainsi Ouganda, •Court of Appeal/Constitutional Court, 28 July 2010, Law & Advocacy for women in Uganda v. Attorney General (Constitutional Petition No. 8 of 2007), [2010] UGCC, A. Twinomujuni, p. 17 : “The meaning and effect of the above quoted provisions of the Constitution cannot be mistaken. Any person is free to practice any culture, tradition or religion as long as such practice does not constitute disrespect for human dignity of any person, or subject any person to any form of torture or cruel, inhuman or degrading treatment or punishment” ; p. 20 : “From the foregoing, it is clear that the practice of Female Genital Mutilation is condemned by both the Constitution of Uganda and International Law [The treaties covenants, conventions and protocols to which Uganda is a party]. […]” ; p. 21 : “The practice of Female Genital Mutilation is a custom which is wholly inconsistent with the above mentioned provisions and it is now the duty of this court to declare the custom void”. ↩︎
- Voir notamment Kenya High Court, 15 December 2005, Estate of Andrew Kamunzyu Musyoka, Re, Kamunzyu v Kamunzyu and ors, Succession Cause 303 of 1998, ILDC 1342 (KE 2005), R. Wendo où la Cour considéra loi sur les successions de 1972 applicable au différend relatif à une succession. La question se posait cependant de l’applicabilité de la coutume kamba invoquée par les demandeurs. Se fondant sur le Kenya, Judicature Act, Chapter 8 (“3. Mode of exercise of jurisdiction. […]. (2) The High Court, the Court of Appeal and all subordinate courts shall be guided by African customary law in civil cases in which one or more of the parties is subject to it or affected by it, so far as it is applicable and is not repugnant to justice and morality or inconsistent with any written law, and shall decide all such cases according to substantial justice without undue regard to technicalities of procedure and without undue delay”), la Cour déclara § 14 : “The parties in this case are subject to kamba customary law but it is apparent that applicability of Kamba customary law in this case will be limited in that it should not be inconsistent with the law of succession Act on repugnant to justice and good morality ». Or, §§ 17-20, la coutume Kamba instituait une discrimination à raison du sexe des enfants de la personne décédée alors que la loi sur les successions prévoyait l’égalité des enfants et que la Section 82 de la Constitution qu’aucune loi ne peut contenir une disposition discriminatoire, notamment sur le fondement du sexe, en elle-même ou dans ses effets. Toutefois, la Section 82(4) prévoyait que cette interdiction ne s’applique pas aux lois relatives à l’application entre membres d’une race ou d’une tribu déterminée de leur droit coutumier sur une question. La question se posait donc de savoir si le défendeur était dépourvu de tout recours. Selon la Cour, « 24. […]. I think not, because Kenya subscribes to international customary laws and has ratified several international covenants and treaties. Kenya subscribes to the international Bill of Rights which is the Universal Declaration of Human Rights (1948) and the covenant on economic social and cultural rights and the covenant on Civil and political rights. In 1984 Kenya also ratified the convention on the Elimination of All forms of Discrimination Against Women (CEDAW) and Article 1 defines discrimination against women as follows: […]. 25 In 1992 Kenya also subscribed to the African Charter of the Human Rights and Peoples Rights (Banjul Charter (1981). […]. 26 International law is applicable in Kenya as part of our law so long as it is not in conflict with the existing law even without specific legislation adopting them. […]. From the above I do find that the kamba customary law is discriminatory in so far it seeks to deny PW1, her right to her fathers estate. That law is repugnant to justice and good morals and It would not be applicable in this case. The applicable law is the law of succession Act […]. There is no discrimination of such children on account of sex”. ↩︎
- En ce sens, Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 18 mai 2006, Aïssata Wangueye c. Abdoulkarim Dodo Boukari SCPA Nazir-Chaibou, arrêt n° 06-142, la chambre statuant pour les affaires coutumières sur pourvoi contre jugement du Tribunal régional : « Attendu que par ailleurs, l’application d’une coutume (en l’espèce touarègue) implique sa conformité à l’ordre public et, si nécessaire, compte tenu du caractère fondamentalement évolutif de toute norme coutumière, s’adapter à l’évolution générale du pays. Qu’ainsi, toute coutume qui n’est pas conforme aux conventions internationales régulièrement ratifiées doit être écartée ; qu’en tout état de cause, il doit être tenu compte de l’intérêt des enfants ; que cet intérêt a été édicté dans des conventions internationales régulièrement ratifiées par le Niger ». ↩︎
- Voir ainsi l’affaire déjà citée in « Les techniques de rejet par chaque système juridique africain des droits allogènes » : Tanzania, High Court at Mwanza, 22 February 1990 (Civil Appeal No. 70 of 1989), Ephraim v Pastory (1990) 87 I.L.R. 106 ; (2001) AHRLR 236 (TzHC 1990), Mwalusanya J. Une femme avait hérité d’une terre clanique par un testament valide de son père. Constatant qu’elle devenait vieille et sénile et n’avait personne pour s’occuper d’elle, elle vendit la terre du clan à un étranger à celui-ci. Le requérant introduisit un recours demandant que la vente soit déclarée nulle au motif qu’en vertu du droit coutumier haya, les femmes n’ont pas le pouvoir de vendre des terres du clan. Le tribunal de première instance donna raison au requérant et déclara la vente nulle, la veuve devant rembourser l’acheteur. Le premier juge de district adopta une position différente, plus protectrice des femmes, déclarant : “What I can say here is that the respondents’ claim is to bar female clan members on clan holdings in respect of inheritance and sale. That female clan members are only to benefit or enjoy the fruits from the clan holdings. I may say that this was the old proposition. With the Bill of Rights of [1984] female clan members have the same rights as male clan members”. Le juge a donc estimé que la veuve avait le droit, en vertu de la Constitution, de vendre des terres appartenant à son clan et que le requérant était libre de racheter ces terres sur paiement du prix d’achat. Ce dernier fit appel devant la haute Cour, en faisant valoir que la décision du tribunal de district était contraire à la loi. Le juge de la Haute Cour constata que le droit coutumier était clair sur la question, le § 20 de la Déclaration de droit coutumier de 1963 prévoyant que les femmes peuvent hériter, à l’exception des terres du clan, qu’elles peuvent recevoir en usufruit mais ne peuvent pas vendre. Toutefois, s’il n’y a pas d’homme de ce clan, les femmes peuvent hériter de ces terres en pleine propriété. Ayant cité des précédents donnant effet à cette coutume et d’autres s’y opposant et ayant constaté que le droit coutumier n’avait pas changé, le juge invoqua, § 10, le Bill of Rights incorporé dans la Constitution (Act No. 15 of 1984, by article 13(4)) et le droit international (Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 considérée comme intégrée à la Constitution en vertu de l’article 9(1)(f) de la Constitution, Pacte international sur les droits civils et politiques, Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes de 1979 et Charte africaine de 1981, traités ratifiés par la Tanzanie) qui interdisent la discrimination à l’égard des femmes et fondées sur le sexe, pour affirmer : “The principles enunciated in the above-named documents are a standard below which any civilised nation will be ashamed to fall. It is clear from what I have discussed that the customary law under discussion flies in the face of our Bill of Rights as well as the international conventions to which we are signatories”. Or, § 11, “Courts are not impotent to invalidate laws which are discriminatory and unconstitutional. The Tanzania Court of Appeal both in the case of Rukuba Nteme and Haji Athumani Issa agreed that the discriminatory laws can be declared void for being unconstitutional by filing a petition in the High Court under article 30(3) of the Constitution” ; [15] : “It is the Court’s duty to determine the validity of any statute which is alleged to be unconstitutional, because no law that contravenes the Constitution can be suffered to survive, and the authority to determine whether the legislature has acted within the powers conferred upon it by the Constitution is vested in the Court. The Court’s primary concern, therefore, in any case where a contravention of the Constitution is invoked is to ensure that it be redressed as conveniently and speedily as possible” ; § 19 : “It has been provided by section 5(1) of the Constitution (Consequential, Transitional and Temporary Provisions) Act, 1984 (Act no 16 of 1984) that with effect from March 1988 the courts will construe the existing law, including customary law with such modifications, adaptations, qualifications and exceptions as may be necessary to bring it into conformity with the provisions of the Fifth Constitutional Amendment Act, 1984, ie the Bill of Rights’” ; § 28 : “There can be no doubt that Parliament wanted to do away with all oppressive and unjust laws of the past. It wanted all existing laws (as they existed in 1984) which were inconsistent with the Bill of Rights to be inapplicable in the new era or be treated as modified so that they would be in line with the Bill of Rights. It wanted the courts to modify by construction those existing laws which were inconsistent with the Bill of Rights such that they were in line with the new era. We have had a new Grundnorm since 1984, and so Parliament wanted the country to start with a clean slate. That is clear from the express words of section 5 (1) of Act 16 of 1984. The mischief it intended to remedy is all the unjust existing laws, such as the discriminatory customary law now under discussion. I think the message the Parliament wanted to impart to the courts under section 5(1) of Act 16 of 1984 is loud and clear and needs no interpolations” ; § 40 : “I am inclined to think that if Lord Denning MR was confronted with the present problem now at hand he would have unhesitatingly said: This wide provision should, I think be liberally construed. It is a recognition that the law existing before the introduction of the Bill of Rights cannot be applied in the new era without considerable qualification. It has many principles of manifest justice and good sense which are not suited to a country with a Bill of Rights. Theses offshoots must be cut away. The people must have a law which they understand and which they will respect. The law existing prior to the introduction of the Bill of Rights cannot fulfil this role except with considerable qualifications. The task of making these qualifications is entrusted to the judges of Tanzania. It is a great task. I trust that they will not fail therein” ; pour conclure, § 42 : “I have found as a fact that section 20 of the Rules of Inheritance of the Declaration of Customary Law, 1963, is discriminatory of females in that, unlike their male counterparts, they are barred from selling clan land. That is inconsistent with article 13 (4) of the Bill of Rights of our Constitution which bars discrimination on account of sex. Therefore under section 5(1) of Act 16 of 1984 I take section 20 of the Rules of Inheritance to be now modified and qualified such that males and females now have equal rights to inherit and sell clan land. Likewise the Rules Governing the Inheritance of Holdings by Female Heirs (1944) made by the Bukoba Native Authority, which in rules 4 and 8 entitle a female who inherits self-acquired land of her father to have usufructuary rights only (rights to use for her lifetime only) with no power to sell that land, is equally void and of no effect” ; § 43 : “Females just like males can now and onwards inherit clan land or self-acquired land of their fathers and dispose of the same when and as they like. The disposal of the clan land to strangers without the consent of the clansmen is subject to the fact that any other clan member can redeem that clan land on payment of the purchase price to the purchaser. That now applies to both males and females. Therefore the District Court of Muleba was right to take judicial notice of the provisions of section 5(1) of Act 16 of 1984 and to have acted on them in the way it did” ; § 44 : “From now on, females all over Tanzania can at least hold their heads high and claim to be equal to men as far as inheritances of clan land and self-acquired land of their fathers is concerned. It is part of the long road to women’s liberation” et § 47 : “Like the District Court I hold that the sale was valid. The appellant can redeem that clan land on payment of shs 300 000. I give the appellant six months from today to redeem the clan land, otherwise, if he fails, the land becomes the property of the purchaser – the second respondent. The appeal is dismissed with costs”. ↩︎
- Voir par exemple #High Court of Botswana at Gaborone, Mmusi and Others v. Ramantel and Another (MAHLB-000836-10) [2012] BWH C1, 12 October 2012, , § 196 : « It seems to me that the reason proffered by the learned Attorney General cannot be a valid reason to discriminate against the applicants. In my mind, there is no legitimate government purpose to be served by the discriminatory rule; and the fact of the matter is that the rule sought to be impugned is not only irrational but amounts to an unjustifiable assault on the dignity of the applicants and or women generally. The effect of the Ngwaketse Customary law, sought to be impugned, is to “subject women to a status of perpetual minority, placing them automatically under the control of male heirs, simply by virtue of their sex”. I do not think it can be credibly argued that discrimination alluded to above serves any worthy or important societal purpose. It is a matter of record that the government is concerned about this discrimination and its wish to see it ended, if what it proclaims at International forums is anything to go by. Speaking for myself, I am unable to reconcile the rule under discussion with the equality provisions captured by Section 3 (a) of the Constitution” et § 197: “This court also rejects outright any suggestion, no matter how remote, that the court must take into account the mood of society in determining whether there is violation of constitutional rights as this undermines the very purpose for which the courts were established”; 198: “In the South African case of S v Makwanyane 1995 (3) SA 391 (CC) Chaskalson CJ noted the important role of the court in upholding constitutional principles despite strong public sentiment to the contrary. He stated : “The question before us, however, is not what the majority o f South Africans believe a proper sentence for murder should be. It is whether the Constitution allows the sentence. Public opinion may have some relevance to the enquiry, but in itself, it is no substitute fo r the duty vested in the Courts to interpret the Constitution and to uphold its provisions without fear or favour. If public opinion were to be decisive there would be no need fo r constitutional adjudication. The protection of rights could then be left to Parliament, which has a mandate from the public, and is answerable to the public for the way its mandate is exercised, but this would be a return to parliamentary sovereignty, and a retreat from the new legal order established by the 1993 Constitution …The very reason for establishing the new legal order, and for vesting the power of judicial review of all legislation in the courts, was to protect the rights of minorities and others who cannot protect their rights adequately through the democratic process. Those who are entitled to claim this protection include the social outcasts marginalised people of our society. It is only if there is a willingness to protect the worst and the weakest amongst us, that all of us can be secure that our own rights will be protected(Paragraphs 87 – 88)” ; 199 : “This Court associates itself with the above remarks”; 200 : “The adverse effects of the Ngwaketse Customary law, sought to be impugned are plain and obvious to any reasonable and fair minded person. The law is biased against women, with the result that women have limited inheritance rights as compared to men; and the daughters living in their parents’ homes are liable to eviction by the heir when the parents die. This is indeed what happened in this case. In this case the Customary Court of Appeal ordered the 1st applicant to vacate the family home. This gross and unjustifiable discrimination cannot be justified on the basis of culture”; 201: “In our system of government where the Constitution is the supreme law of the land, both statutory and customary law must yield to the constitutional provision’s, spirit and value system. It cannot be an acceptable justification to say it is cultural to discriminate against women; and that consequently such discrimination must be allowed to continue. Such an approach would, with respect, amount to the most glaring betrayal of the express provisions of the Constitution and the values it represents” ; 202: “What is particularly objectionable about the law sought to be impugned is its underlying message, that implies, that women are somehow lesser beings than men, and are in fact inferior to men. The adverse effects of the above status that results in daughters being evicted to pave way for a male heir, communicates the unacceptable and chilling message that men and women are not equal before the law. It is my considered view that the Ngwaketse Customary law has no place in a democratic society that subscribes to the supremacy of the Constitution – a Constitution that entrenches the right to equality”; 203 : “It is in my view plain that the law sought to be impugned violates the right to equality and equal protection of the law as provided for and or contemplated by Section 3 (a) of the Constitution”; 204: “It would be offensive, in the extreme to find, in this modern era, that such a law has a place in our legal system, having regard to the imperative that constitutional provisions should be interpreted generously, to serve not only this generation, but generations yet to be born, particularly recalling that the Constitution should not be interpreted in a manner that would render it a museum piece”; 205 : “In my mind, the Ngwaketse Customary law is an unacceptable part of the system o f male domination that was emphatically rejected in the case of Dow. In my view, the exclusion of women from heirship is consistent with the logic of patriarchy which reserves for women positions of subservience and subordination. Such exclusion does not only amount to degrading treatment but constitute an offence against human dignity. Discrimination against women or denying or limiting their equality with men is fundamentally unjust”; 206 : “This court is a creation of the Constitution. It is obliged to apply the constitution in circumstances that may be unique to Botswana. To this extent, the notion that a people without culture are a lost nation resonates with this court. The right to culture, although not finding express provision in our Constitution, is an inalienable right of every person in this country. It is not negotiable. It is God given. The above notwithstanding, culture, changes with time. In the wisdom of the framers of our Constitution, it must yield to the Constitution in the event of a conflict. To this extent, where a court arrives at the conclusion that our culture conflicts with the supreme law of the land, it must not hesitate to so pronounce”; 211: “I perceive it to be the function of the justices of this court to keep the law alive, in motion, and to make it progressive for the purposes of rendering justice to all, without being inhibited by those aspects of culture that are no longer relevant, to find every conceivable way of avoiding narrowness that would spell injustice”; 214: “In pursuit of the true and proper meaning of Section 3(a) of the Constitution, recourse should be heard to domestic law, so far as human rights provisions are concerned; the jurisprudence of courts of other countries should be interrogated and if relevant, applied. International law must also be examined. The writing of jurists in International law must be studied and internalized and their knowledge and scholarship utilized to illuminate the burning issues of the moment. This is so because human rights are universal and can no longer be understood within the straight jacket of domestic law”; 215 : “Having examined all the above, it is clear to me that the differential treatment captured by the Ngwaketse Customary law, does not meet the requirements of Section 3 and is wholly unjustifiable”; 216: “A large number of the people of this country may not be conscious of their rights. Those who are conscious may lack resources to litigate. If it so happens that they have the fortune to approach the court; and their complaint has merit, then it is the sacred duty of this court to protect their rights at all costs”; 217 : “It seems to me that the time has now arisen for the justices of this court to assume the role of the judicial midwives and assist in the birth of a new world struggling to be born, a world of equality between men and women as envisioned by the framers of the Constitution” ; 218: “In conclusion, I wish to point out that there is an urgent need for parliament to scrap/abolish all laws that are inconsistent with Section 3 (a) so that the right to equality ceases to be an illusion or a mirage, but where parliament is slow to effect the promise of the Constitution, this court, being the fountain of justice and the guardian of the Constitution, would not hesitate to perform its constitutional duty when called upon to do so” ; 219: “In all the circumstances of this case, it seems to me plain that the Ngwaketse Customary law rule sought to be impugned is unjustifiably discriminatory and does not pass constitutional scrutiny. It is ultra-vires Section 3 of the Constitution » ; 220 : « I have therefore come to the conclusion that the application succeeds” ; 222: “In the result, I make the following order: 1. The Ngwaketse Customary law rule that provides that only the last born son is qualified as intestate heir to the exclusion of his female siblings is ultra vires Section 3 of the Constitution of Botswana, in that it violates the applicants’ rights to equal protection of the law/ 2. The judgment of the Customary Court of Appeal under Civil Case Number 99 of 2010 and dated 22 September, 2010, to the extent that it applied such rule, is hereby reviewed and set aside. / 3. There is no order as to costs”. ↩︎
- En ce sens Togo, Cour d’appel de Lomé, 24 septembre 2009, MATHEY-ADELY Mathéky Michel et autres c. Veuve MATHEY-ADELY Dédévi Virginie née BOCCOVI, arrêt n° 140/2009 : « Attendu que l’article 391 du [Code togolais des personnes et de la famille ] dont se prévalent les appelants énonce : « les dispositions du présent Titre ne sont applicables qu’à la succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de succession. Cette déclaration peut résulter soit d’un testament, soit d’une option déclarée devant l’officier d’état civil » ; Attendu que par déclaration, il faut entendre une articulation ou une expression manifeste, un aveu quant à sa volonté de renoncer à son statut coutumier, en matière successorale ; qu’ainsi, ni la mariage, ni le testament laissé par le de cujus n’établissent pas que celui-ci a renoncé à son statut coutumier en matière successorale, s’il ne la pas exprimé de façon manifeste ; Attendu que dans le cas d’espèce le de cujus n’a ni exprimé de façon manifeste ni avoué sa volonté de renoncer à son statut coutumier en matière successorale ; qu’on ne saurait déduire cette renonciation du fait qu’il a laissé un testament ou de celui qu’il avait contracté mariage suivant les règles légales ; Attendu qu’il suit de ce qui précède que le de cujus n’avait pas renoncé à son statut coutumier en matière successorale ; qu’en l’état, la question de droit qui se pose est celle de savoir si l’article 391 du CTPF peut, malgré la convention sur l’élimination de toutes le formes de discrimination à l’égard de la femme, être utilisé contre la veuve en matière successorale ; Attendu que dans la hiérarchie des normes, les traités ou accords internationaux, les conventions internationales, ont primauté sur les lois internes des Etats, en conséquence, lorsque les dispositions d’une loi nationale sont contraires à celle d’une convention internationale régulièrement ratifiée, le juge, en attendant leur dérogation ou notification par l’organe qui les a édictées, les écarte en faveur de la convention internationale ; Attendu que la CEDEF a été régulièrement ratifiée par le Togo suivant la loi n° 93-15 du 20 juin 1983 ; qu’en son article 16, elle invite les Etats membres à adopter toutes les mesures pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les prestations sociales ; Attendu que l’article 391 du [Code togolais des personnes et de la famille ], en ce qu’il conduit à l’exclusion de la veuve de la succession de son défunt mari, lorsque celui-ci n’avait pas renoncé à son statut coutumier en matière successorale, est contraire à cette convention ; Attendu que par conséquent et en attendant son abrogation ou sa modification par l’organe compétent, il y a lieu tout simplement de l’écarter ». ↩︎