Les modalités d’acceptation par chaque système juridique africain des droits allogènes

Pour citer : J. Matringe, « Les modalités d’acceptation par chaque système juridique des droits allogènes », https://droitsafricainsonline.com/themes/droits-africains-et-pluralisme-juridique-en-afrique/3-la-gestion-du-pluralisme-juridique-en-afrique/approche-macro-juridique-de-la-gestion-du-pluralisme-normatif-2/approche-macro-juridique-de-la-gestion-du-pluralisme-normatif/, consulté le 03/11/2023

Les modalités d’acceptation des droits allogènes peuvent obéir à différentes logiques qui peuvent s’entremêler et se combiner.

Plan

1. La pluralité des statuts juridiques sur une base personnelle

Une première approche consiste pour un droit à consentir que plusieurs droits peuvent s’appliquer à ses sujets, mais avec des champs d’application différents. Il s’agit donc de gérer le pluralisme juridique par un système de pluralité de droits.

1.1. Les « privilèges » et la limitation du champ d’application ratione personae des autres droits

  1. La technique des privilèges, qui consiste à neutraliser l’application d’un droit dans le chef de certaines personnes qui auraient dû en relever au profit de l’application d’un autre droit, est ancienne[1]. Est également ancienne la technique qui consiste à accepter l’application d’un droit exogène à ses sujets, mais en limitant cette application à certaines situations, relations ou institutions.

[1] Voir notamment J. Gilissen, « Introduction à l’étude comparée du pluralisme juridique », in J. Gilissen (dir.), Le pluralisme juridique, Bruxelles, Université de Bruxelles, 1972, 332 p., 7-17, 13 : « L’ancien droit [belge], le droit du bas moyen âge surtout, est caractérisé par le système des privilèges : les ecclésiastiques, les nobles, les bourgeois jouissent de privilèges qui peuvent les faire échapper aux juridictions locales et qui peuvent leur reconnaître un régime particulier quant à – par exemple – leur système de dévolution successorale. Même la nature des biens immeubles, qu’ils soient détenus par des personnes de même statut ou de statuts différents, entraîne une diversité de règles juridiques ; les fiefs, les censives, les alleux ne sont pas soumis aux mêmes règles de succession ou de transfert de biens ».

  1. Cette technique est utilisée par le droit musulman à l’égard des croyants des autres religions abrahamiques. Celui-ci tolère en effet que les tribunaux rabbiniques règlent les différends religieux et civils entre juifs[1]. Toutefois, en vertu du principe d’autodétermination de chaque système (voir « Considérations préliminaires à l’étude de la gestion macro-juridique du pluralisme), cette acceptation est subordonnée au respect d’un certain ordre public musulman qui commande non seulement aux croyants, mais également aux sujets tributaires (d’immi)[2]. Car ce droit de ces individus de faire appliquer un droit particulier par des juridictions non musulmanes vient d’une autorisation du droit musulman et est soumis à lui[3].

[1] Gamal M. Badr, « Islamic Law: Its Relation to Other Legal Systems », The American Journal of Comparative Law, Vol. 26, No. 2, 1977-1978, pp. 187-198, 193 ss.

[2] Parallèlement, les instances des autres droits religieux ont dû prendre position à l’égard du droit musulman. Voir Phillip I. Ackerman-Lieberman, “Legal Pluralism among the Court Records of Medieval Egypt”, Bulletin d’études orientales [Online], LXIII | 2015, Online since 01 April 2017, connection on 06 May 2019. URL : http://journals.openedition.org/beo/2904  ; DOI : 10.4000/beo.2904

[3] En ce sens, M. Morand, « Le droit musulman et le conflit des lois » [1926], in Etudes de droit musulman et de droit coutumier berbère, Alger, Ancienne maison Bastide-Jourdan, Jules Carbonnel, Imprimuer de l’Université, 1931, 316 p., 101 ss., 103 : « même dans les matières où le droit musulman tolère l’application d’une loi infidèle et en abandonne l’application au juge religieux des parties, il est certaines dispositions d’ordre public musulman dont […] l’observation s’impose aux infidèles et à leurs juges. / Mais, en quelques circonstances qu’ils surgissent, ces conflits se présentent toujours sous l’aspect de conflits de droit international privé interne (Arminjon, Le droit international privé interne, principalement dans les pays musulmans, p. 4 s.), parce qu’en pays musulman, les non musulmans, quels qu’ils soient, – qu’ils soient étrangers (Moustamin) ou qu’ils soient protégés, sujets tributaires (d’immi), ne sont régis par leurs lois personnelles et jugés par leurs juges religieux que par tolérance et, seulement, dans la mesure où le législateur musulman a bien voulu permettre qu’il en fût ainsi [note omise]. – Si leurs juges religieux peuvent les juger, et les juger conformément à leurs lois religieuses, – c’est par délégation su Souverain musulman ».

  1. La technique des privilèges a également été largement utilisée par les Etats colonisateurs. A cette fin, ils prirent soin, notamment par les traités de capitulation ou le droit colonial selon le rapport de domination, de circonscrire drastiquement le champ d’application des règles existant sur les territoires concernés afin qu’elles ne s’appliquent pas aux ressortissants de la puissance dominante ainsi que la compétence des autorités locales qui ne devaient pas statuer sur les affaires concernant ceux-ci[1].

[1] Voir A. de Laubadère, « Le statut international du Maroc depuis 1955 », AFDI, Vol. II, 1956, pp. 122-149, 142 : « On se bornera à rappeler que le régime des capitulations consistait en des privilèges de juridiction consulaire dont bénéficiaient avant 1912 au Maroc les ressortissants des puissances étrangères (V. notre étude « Les obligations internationales du Maroc moderne », in La technique et les principes du droit public. Etudes en l’honneur de Georges Scelle, 1950, I, pp. 315 ss. et notre article « Remarques sur le fondement juridique des capitulations américaines au Maroc », in Gazette des tribunaux du Maroc, 25 octobre 1948) ». Voir également R.P. Anand, « Role of the “New” Asian-African States in the Present International Legal Order », AJIL, 1962, vol. 56, n° 2, pp. 383 et s., 385.

Ainsi, échappaient aux règles et institutions locales non seulement les relations entre Européens, mais également entre les relations entre Européens et Africains. Le champ d’application des droits locaux était donc limité aux relations entre les indigènes[1].


[1] J. John-Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et société, 2002/2, n° 51-52, pp. 325-344, 331 : « Le droit coutumier, dans ce cadre colonial policé, était exclusivement réservé à une catégorie de justiciables clairement identifiée, les indigènes, qui avaient vu leur justice aménagée et clairement structurée : la justice indigène avec ses tribunaux et son personnel judiciaire, les juges coutumiers ».

Les Etats colonisateurs parvinrent en outre à imposer, sans réciprocité, que leurs ressortissants résidant dans les Etats non chrétiens soient soustraits aux tribunaux de ceux-ci, notamment dans les différends les opposant entre eux mais également pour les affaires criminelles où ils pouvaient être mis en cause. On songe notamment à l’institution des tribunaux mixtes en Egypte, « composés de magistrats étrangers et de magistrats indigènes, qu’une entente des puissances a introduite en Egypte à partir de 1876 »[1]. De même, au Congo belge qui fit suite à l’Etat indépendant du Congo, un système dual fut institué avec, d’un côté, des tribunaux de droit européen et, d’un autre côté, des « tribunaux indigènes »[2].


[1] Voy. P. Fauchille, « Les tribunaux mixtes d’Egypte. Leur prorogation et leurs modifications », RGDIP 1894, pp. 126-135, 126 qui les qualifie de « tribunaux internationaux ». L’auteur semble ne rien avoir à redire à cet aménagement de la souveraineté de l’Egypte. V. ainsi p. 128 : « Le ministre des affaires étrangères du Khédive, dans le préambule de sa circulaire, rédigée en termes comminatoires, semble revendiquer pour le gouvernement égyptien le droit de trancher en quelque sorte, de son autorité, la question de la compétence des tribunaux mixtes en matière réelle immobilière ; il ne met pas en doute que la volonté du Khédive puisse avoir une influence sur le maintien ou la disparition de ces tribunaux. […]. Cette double affirmation du ministre nous semble contraire aux principes qui ont présidé à l’établissement de la Réforme judiciaire en Egypte. Si la première pensée de la réforme appartient au gouvernement khédivial, celle-ci n’a été réalisée que par le consentement des puissances : elle a été leur œuvre commune. Il ne saurait donc dépendre du cabinet égyptien de résoudre, par lui-même, aucune des questions que soulève l’organisation des tribunaux mixtes. Les deux points, relevés par Tigrane-Pacha, ont d’ailleurs été spécialement prévus dans le Règlement judiciaire de 1874, qui, établi par les puissances, a toute la valeur d’une convention internationale ; c’est le texte même de ce Règlement, et non la volonté du gouvernement égyptien, qui peut servir à les trancher » ; pp. 129-130 : « La question de l’abolition des tribunaux mixtes est laissée, par l’article 40, à la seule initiative des puissances. […]. Contrairement à ce qu’admet Tigrane-Pacha, l’Egypte ne saurait donc prendre l’initiative du maintien ou de l’abolition de la juridiction que les puissances lui ont donnée » ; p. 132 : « Le gouvernement khédival deviendrait ainsi l’arbitre non seulement des contestations entre indigènes, mais aussi des contestations intéressant les étrangers. Une pareille conséquence dit assez qu’on ne peut accepter le système qui y conduit. Réserver à un membre désigné par le Khédive le rôle de répartiteur entre des magistrats qui, par leur origine, seront le plus souvent le plus souvent en désaccord, c’est en définitive mettre le Tribunal des conflits aux mains de l’Egypte et par suite diminuer l’importance des tribunaux mixtes […]. Le système préconisé par Tigrane-Pacha a un autre défaut. Il laisse sans représentation dans le tribunal des conflits la juridiction consulaire, dont la compétence, malgré la Réforme, a té conservée pour certains cas, et qui dès lors peut entrer en conflit avec celle des autres corps judiciaires ». ; p. 134 : « Les puissances peuvent-elles aller jusqu’à confier les intérêts de leurs nationaux à la justice indigène ? En vérité, cette justice n’est pas encore suffisamment établie, elle n’offre pas des garanties assez sérieuses pour que cet état de choses soit souhaitable »

[2] Voir F. Buelens, « Le tournant de 1908 : de l’Etat indépendant du Congo au Congo belge », in Cent ans d’histoire des Outre-Mers, Paris, Société française d’histoire des outre-mers, 2013, pp. 197-209, 207.

  1. Il s’agissait en somme d’établir des statuts juridiques selon les statuts personnels des individus. Nous sommes bien ici dans une logique personnelle et non territoriale de gestion du pluralisme puisque la détermination du droit applicable ne dépend pas tant (même si cela pouvait être le cas avec les communes de plein exercice du Sénégal) de la situation spatiale des personnes que de considérations tenant à leur personne.
  1. Plus encore, l’Etat colonial avait pu distinguer, dans des mesures variables, la condition des Africains selon des considérations également personnelles. Que ce soit la France, la Belgique ou encore le Portugal (qui opéra également une différenciation selon que les personnes étaient catholiques ou non[1]), furent ainsi distingués certains « évolués » qui adoptaient le mode de vie métropolitain et étaient par conséquent « assimilés » aux métropolitains – et les simples « indigènes ». Les premiers pouvaient bénéficier d’un statut plus favorable allant jusqu’à la jouissance et l’exercice de droits politiques dont étaient exclus les seconds. En ce sens, par exemple, le Décret du 20 juillet 1900 relatif au régime de la propriété foncière au Sénégal et Dépendances conditionnait le statut juridique des biens fonciers au statut personnel des individus, déclarant ne s’appliquer qu’aux « Européens », aux « descendants d’Européens « et « indigènes naturalisés Français », les biens des « indigènes » étant quant à eux régis par les coutumes et usages locaux sauf s’ils désiraient faire immatriculer leurs immeubles selon la technique de l’option sur laquelle on reviendra[2].

[1] Voir P. Tjipilica & N. Valério, « Idéaux républicains et régime des indigènes dans l’empire colonial portugais après l’instauration de la République en 1910 », Cent ans d’histoire des Outre-Mers, Société française d’histoire des outre-mers, 2013, pp. 227-236.

[2] Décret du 20 juillet 1900 relatif au régime de la propriété foncière au Sénégal et dépendances, Bulletin officiel du ministère des Colonies année 1900, n° 7, p. 618, art. 1 : « Les immeubles appartenant dans la colonie du Sénégal et dépendances à des Européens et descendants d’Européens ou à des indigènes naturalisés Français seront seuls soumis aux dispositions du présent décret » ; art. 2 : « Les biens appartenant aux indigènes sont régis par les coutumes et usages locaux pour tout ce qui concerne leur acquisition, leur conservation et leur transmission. / Toutefois il est loisible aux indigènes qui le désirent de faire immatriculer leurs immeubles. Dans ce cas, ces immeubles seront soumis aux dispositions du présent décret ». Voir toutefois l’abandon de cette logique à l’article 4 du Décret du 24 juillet 1906 portant organisation du régime de la propriété foncière dans les Colonies et Territoires relevant du Gouvernement général de l’Afrique occidentale française, promulgué par l’Arrêté n° 1008 du 25 octobre 1906, J.O.A.O.F., 1906, p. 570 : « L’immatriculation des immeubles aux livres fonciers est autorisée, quel que soit l’état ou le statut des propriétaires ou détenteurs ».

  1. Indépendamment de cette différenciation entre Africains, les droits coloniaux avaient décidé que les droits locaux ne s’appliquaient aux Africains qu’à certaines branches du droit, comme le mariage, le droit foncier ou les successions[1], le reste du droit applicable étant celui forgé par le colonisateur. Plus encore, l’application des droits exoétatiques pouvait être possible seulement dans les limites posées par des textes coloniaux particuliers. Ainsi, aux Comores, en matière foncière, l’arrêté du 12 août 1927, circonscrivait drastiquement les droits d’usage et occupations sur les terres du domaine privé non forestier[2].

[1] G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernité dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, p. 55 : « En vertu des dispositions du décret du 20 mai 1857 repris par le décret du 20 novembre 1932, les droits traditionnels ne s’appliquaient aux originaires des quatre communes de plein exercice du Sénégal que dans des matières limitativement déterminées ; l’état des personnes, le mariage, les successions, les donations et les testaments. Pour toutes les autres matières, ils étaient soumis à la loi française. Ils pouvaient, d’ailleurs, renoncer à l’application des droits traditionnels dans ces matières réservées et se placer sous la compétence de la législation française (P. Lampué, « L’option de législation et de statut des originaires des communes de plein exercice du Sénégal”, Penant, 1948, II, p. 1 et s.) ».

[2] Comores, Arrêté du 12 août 1927 réglementant les droits d’usage et prohibant les occupations sans droit sur les terres du domaine privé non forestier, en dehors des réserves villageoises et des périmètres de terres domaniales cessibles

  1. En tout état de cause, si les relations entre Africains pouvaient ainsi dans certains cas être régies par leurs propres règles (coutumières ou religieuses) et leurs différends jugés par leurs propres instances (coutumières ou religieuses), cela devait se faire dans le respect du droit colonial et sous l’empire en dernier ressort de la norme édictée par la métropole[1] ainsi que, on le verra, sous le contrôle de son juge[2]. En effet, les Etats européens avaient édicté une règle de conflit entre le droit colonial et les droits coutumiers et religieux selon laquelle, en cas d’incompatibilité entre celui-là et ceux-ci, le premier prévalait. Les droits indigènes ne s’appliquaient donc au mieux que dans la mesure de leur compatibilité avec le droit de l’Etat colonisateur.

[1] Voir ainsi en matière foncière, Article 1er du Décret de l’Etat Français du 21 juillet 1932 règlementant au Cameroun la constatation des droits fonciers des indigènes : « Dans le territoire du Cameroun, lorsque les terres sont détenues par des indigènes originaires du territoire suivant les règles du droit coutumier local, sans titre écrit, et notamment dans le cas de détention traditionnelle du sol par une collectivité, les détenteurs ou leurs représentants ont la faculté de faire constater et affirmer leurs droits réels au regard de tous tiers et à l’égard du domaine privé du territoire, moyennant l’observation des dispositions ci-après ».

[2] G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, 311 p., 17-18.

  1. Au-delà d’assurer une hiérarchie entre des normes coloniales et locales déterminées, il s’agissait plus généralement de garantir le respect d’un ordre public dessiné par l’Etat européen.

On trouvait cela notamment avec la fameuse Repugnancy Clause du Royaume-Uni qui s’imposait tant aux autorités locales qu’aux juridictions de l’Etat colonial[1]. Cela dit, il ne fut pas toujours possible pour l’Etat colonial de mettre fin aux règles contraires[2].


[1] Voir par exemple : Section 17 of the African Courts Ordinance of Kenya: “Subject to the provisions of this Ordinance, an African Court shall administer and enforce – (a) the native law and custom prevailing in the area of the jurisdiction of the court so far as it is not repugnant to justice or morality or inconsistent with the provisions of any Order of His Majesty in Council or with any Ordinance in force in the Colony”, cité in E. Cotran, “The Unification of Laws in East Africa”, The Journal of Modern African Studies, Vol. 1, No. 2, 1963, pp. 209-220, 210, l’auteur précisant qu’il en était de même en Ouganda ou au Tanganyika. Voir aussi African Courts (Amendment) ordinance No. 50 of 1962. Sur l’affirmation de la supériorité du droit colonial et le jeu de l’ordre public colonial, voir notamment G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernité dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, p. 55 et s. ; J. Montain-Domenach, « L’ordre public, mode de légitimation juridique et politique de « la guerre » en Algérie », in S. Kodjo-Grandvaux et G. Koubi (dir.), Droit & Colonisation, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 181 et s. Voir également Sally E. Merry, “Legal Pluralism.” Law and Society Review, Vol. 22, No. 5, 1988, pp.869-896, 870 : “In Africa, the British and the French superimposed their law onto indigenous law, incorporating customary law as long as it was not “repugnant to natural justice, equity, and good conscience,” or “inconsistent with any written law,” (Okoth-Ogendo, 1979: 160; Adewoye, 1986: 60; Bentsi-Enchill, 1969). The repugnancy principle was used to outlaw unacceptable African customs” ; F. Okafor, “From Praxis to Theory: A Discourse on the Philosophy of African Law”, Cambrian Law Review, Vol. 37, 2006, pp. 37-48, 40: “But not all African indigenous laws were recognised by the customary courts. Section 10 (1) (a) of the Native Court Ordinance (chap 142) stipulates as follows, ‘… Subject to the provision of this ordinance a native court shall administer – (a) The Native law and custom prevailing in the area of the jurisdiction of the court, so far as it is not repugnant to natural justice or morality (Section 10 (1) (a) of the Native Courts Ordinance (chap. 142). / This clause, which is also known as the doctrine of repugnancy, is expressed in section 62 of the High Court law of the Northern Region of Nigeria as ‘… not being repugnant to natural justice, morality, equity and good conscience’. Following this provision, the customary courts could only take judicial notice of those laws, which are considered to have passed the test of Western jurisprudence or philosophy of law. But because African and Western legal systems are born of two different cultural and philosophical parentages, some African laws naturally failed the test of Western Jurisprudence. / The failure to meet the requirements of the doctrine of repugnancy is because the legal notions and conception of reality in the West is different from those of the Africans. […]. Similarly, the Western notion of human right and justice, which is a major determinant of social and political action and used to assess what is politically correct and socially just is laden with Western cultural values including its metaphysics and religion”.

[2] G.H. Bousquet, “Islamic Law and Customary Law in French North Africa”, Journal of Comparative Legislation and International Law, Vol. 32, 1950, pp. 57-65, 64 au sujet des coutumes de la Grande Kabylie en Algérie : “from the point of view of family law they continue to be governed by customs which you will agree with me are barbarous. Even customs which French law does not tolerate and which indeed no civilized law could tolerate, are difficult to suppress in opposition to the feelings and instincts of the people. Thus illegitimate children, and usually their mothers also, are normally put to death. The vendetta flourishes, as it did until the 19th century in Corsica, the succession of murders going on from family to family, and from generation to generation. But what is perhaps peculiar to Kabylie is the trade of the hired assassin, who will kill anyone for a definite price cash down. There are even brokers in this trade. […]. But there are other customs almost as bad with which the French law did not until recently venture to interfere. The Kabyle woman, often while still immature, is sold for a price to her husband. She has no rights of inheritance and no right to divorce, not even the right which Maliki law would give her. The husband may divorce her at his pleasure; and, even so, may exact from the second husband (if she marries again) a money payment at his discretion. France hesitated for a very long while before attempting to interfere with these customs, and our judges applied them, deploring at the same time in their judgments that they had to do so (in 1899 a juge de paix, M. Ricci, who is still living, had the courage to pronounce a divorce in favour of a Kabyle woman, but it was not until 23 years later that the court of appeal in Algiers admitted the legality of this reform. / At last in 1930 and 1931 the legislature intervened with statutes governing the age of marriage and the right of the woman to divorce and, finally, granting rights of inheritance to women)”.

  1. Quel que soit le système, s’il s’agissait bien de régler une question de pluralisme, le résultat conduisait à une négation du pluralisme « au sein du » droit colonial pour un monisme à primauté du droit du for. En effet, les bénéficiaires des privilèges n’étaient soumis qu’à un type de juridicité qui se substituait et non s’ajoutait à une autre. Il y avait au mieux un système de pluralité de droits.
  1. Les droits des Etats indépendant ont pu utiliser la même technique consistant à permettre l’application de droits exoétatiques, mais dans certains domaines seulement[1].

[1] Par exemple Loi n° 2018-37 du 1er juin 2018, fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, art. 72 : « Sous réserve du respect des conventions internationales régulièrement ratifiées, des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l’ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties : 1) dans les affaires concernant leur capacité à contracter et agir en justice, l’état des personnes, la famille, le mariage, le divorce, la filiation, les successions, donations et testaments ; 2) dans celles concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent, sauf lorsque le litige porte sur un terrain immatriculé ou dont l’acquisition ou le transfert a été constaté par un mode de preuve établi par la loi ».

1.2. L’option de droit ou de renonciation à un droit

Cette technique a pu connaître plusieurs variantes.

  1. Ainsi, le droit qui offre la faculté d’option ou renonciation peut se déclarer applicable à défaut d’une manifestation de volonté contraire du sujet[1] ou au contraire seulement à ceux qui ont renoncé à l’autre droit[2].

[1] Ainsi en était-il au Togo en matière de polygamie Loi n° 2012-014 du 6 juillet 2012 portant Code des personnes et de la Famille, Journal officiel, 6 juillet 2012, n° spécial, pp. 6-72, art. 42 : « La loi reconnaît la monogamie et la polygamie. / L’option est déclarée par les époux dans les conditions fixées par l’article 51. / Toutefois, la monogamie est la forme de mariage de droit commun » (l’art. 51 dispose : « La déclaration d’option de monogamie ou de polygamie est souscrite par les futurs époux devant l’officier de l’état civil au moment de la célébration du mariage, et en cas de mariage à l’étranger devant l’agent diplomatique ou consulaire territorialement compétent »), art. 42 qu’il faut lire avec l’art. 59 en matière successorale qui revient sur l’art. 391 de l’ancien code (voir infra) « [l’officier d’état civil] interpelle également les futurs époux sur le régime de succession qu’ils entendent choisir. Il leur explique, qu’en l’absence de toute option contraire, ils seront réputés de plein droit avoir choisi l’application des dispositions du présent code en matière de succession », tout comme le fait l’art. 404 : « Les dispositions du présent titre sont applicables à la succession de ceux qui en auront fait l’option. […]. En l’absence d’option, les dispositions du présent code s’appliquent de plein droit » (voir aussi l’art. 412 : « Nonobstant toutes dispositions contraires, le conjoint survivant conserve pendant trente mois à compter de l’ouverture de la succession, le droit d’habiter le domicile conjugal et la résidence habituels de la famille, même lorsque l’immeuble est un bien personnel du conjoint prédécédé, quelle que soit l’option faite conformément à l’article 404 ».

[2] Voir ainsi en matière de succession, au Togo, l’Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille, Journal officiel, 31 janvier 1980, n° spécial, pp. 1-52, art. 391 : « Les dispositions du présent Titre ne sont applicables qu’à la succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de successions. / Cette déclaration peut résulter soit d’un testament soit d’une option déclarée ».

  1. De même peut-il décider de rendre cette option irrévocable ou au contraire permettre aux personnes de la modifier[1].

[1] Voir par exemple au Togo, la Loi n° 2012-014 du 6 juillet 2012 portant Code des personnes et de la Famille, Journal officiel, 6 juillet 2012, n° spécial, pp. 6-72, art. 404 : Les dispositions du présent titre sont applicables à la succession de ceux qui en auront fait l’option. […]. Toute modification de cette déclaration d’option doit être portée devant le juge, conjointement par les époux et mentionnée sur l’acte de mariage et en marge des actes de naissance des époux. […] ».

  1. Cette technique a été utilisée par le colonisateur européen. Ainsi, l’assimilation générale et forcée des indigènes aux Français n’ayant pas réussi, la France passa à une incitation à l’assimilation[1] en établissant une faculté de renonciation au statut indigène pour le statut colonial. Ainsi, ceux qui optaient pour le droit français se voyaient généreusement offrir la citoyenneté française avec les avantages que celle-ci comportait, mais sans possibilité de retour vers son droit alors que l’option pour la loi française pouvait se faire à tout moment[2].

[1] Voir notamment la Loi n° 215 du 24 avril 1833 concernant l’exercice des droits civils et des droits politiques dans les Colonies, Bulletin des lois du Royaume de France, Ixe série, Ie Partie, Tome V., N° 82 à 109, Paris, Imprimerie Royale, août 1833, B. n° 94, p. 116 (art. 1: « toute personne née libre ou ayant acquis légalement la liberté jouit, dans les colonies françaises, : 1° des droits civils, 2) des droits politiques, sous les conditions prescrites par les lois » ; art. 2 : « Sont aborgées toutes dispositions de lois, édits, déclaration du Roi, ordonnances royales ou autres actes contraires à la présente loi, et notamment toutes restrictions ou exclusions qui avaient été prononcées, quant à l’exercice des droits civils et des droits politiques, à l’égard des hommes de couleur libres et des affranchis ».

[2] Voir G.-A. J. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pedone, 1974, 311 p., 17-18.

On notera que, ce faisant, le droit colonial pouvait compliquer l’ordonnancement juridique en distinguant, là encore, parmi les « indigènes »[1]. Ainsi, seuls certains pouvaient, à certaines conditions, opter entre l’assimilation aux Français – et donc l’application du droit colonial français – et le maintien du statut dit coutumier.


[1] J. John-Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et société, 2002/2, n° 51-52, pp. 325-344, 335 : « la création par le législateur colonial des tribunaux coutumiers lui a surtout permis de consolider la scission entre des communautés relevant pourtant du même univers traditionnel. A côté des catégories sociales préexistantes (citoyens et indigènes), on a créé des justiciables « évolués » soumis aux principes du droit commun français et des justiciables indigènes qui, eux, relèvent du droit coutumier en évolution ».

  1. Cette technique est également utilisée par les Etats africains qui peuvent offrir à leurs sujets de choisir entre son droit et les autres droits selon diverses variantes.
  • Il peut s’agir ainsi de poser par la loi une réglementation étatique générale qui s’applique à défaut pour les individus d’opter pour un régime coutumier ou religieux. Voir ainsi Mali, Loi n° 2011-087 portant Code des personnes et de la famille, 30 décembre 2011, Journal officiel, 31 janvier 2012, numéro spécial, art. 751 : « L’héritage est dévolu selon les règles du droit religieux, coutumier ou selon les dispositions du présent livre. / Les dispositions du présent livre s’appliquent à toute personne : – dont la religion ou la coutume n’est pas établie par écrit, par témoignage, par le vécu ou la commune renommée ; – qui, de son vivant, n’a pas manifesté par écrit ou par devant témoins sa volonté de voir son héritage dévolu autrement ; – qui de son vivant n’a pas disposé par testament de tout ou partie de ses biens, sauf la mesure compatible avec la réserve héréditaire et les droits du conjoint survivant. /Nul ne peut déroger aux règles du mode de dévolution successorale retenu » [1].

[1] Voir également en matière de successions au Sénégal A. Sow Sidibe, Le pluralisme juridique en Afrique, Paris, LGDJ, Bibliothèque africaine et malgache, 1992

  • Il peut sinon s’agir, comme la loi du Togo de 1980 sur les successions, de poser une réglementation générale qui ne s’appliquera aux individus que s’ils renoncent au droit coutumier[1].

[1] Voir K. Adjamagbo, « Pluralisme juridique et pratiques successorales loméenne », Politique africaine, n° 40, décembre 1990, pp. 12-20., 12 : « Au Togo, le régime des successions se caractérise par une situation très originale consacrée depuis 1980 par le code des personnes et de la famille [note : Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier]. Selon la logique unificatrice et moderniste propre aux législateurs africains, ce texte aurait dû adopter en matière de successions une législation uniforme et inspirée du droit français. En 1980, le législateur togolais a adopté une tout autre position en décidant que les dispositions relatives aux successions ne sont applicables qu’à ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier par voie d’option (Article 391, alinéa 1 du code). / Le code togolais de la famille présente de ce fait l’originalité de permettre la coexistence entre un système de droit exogène, ensemble de règles ordonné et cohérent, et un droit endogène très concret, mais dont le contenu n’est pas codifié ou rassemblé dans un document quelconque. / La reconnaissance formelle de ce pluralisme juridique (Pour un approfondissement de la notion, se référer à N. Rouland, Anthropologie juridique, Paris, PUF, 1988, 496 p) est une innovation dans l’histoire récente des législations francophones. Les coutumes successorales sont déclarées applicables sans être énoncées expressément, et les règles « modernes », loin de s’imposer aux individus, s’offrent à eux comme un choix qu’ils ont libres de faire par déclaration ».

  • Il peut encore s’agir de poser un corps de règles applicable spécifique aux personnes qui manifestent leur volonté de voir leur situation ou relation régie par un droit exo-étatique. Voir article 571 du Code de la famille Sénégalais – Définition des successions de droit musulman : « Les dispositions du présent titre s’appliquent aux successions des personnes qui, de leur vivant, ont, expressément ou par leur comportement, indiscutablement manifesté leur volonté de voir leur héritage dévolu selon les règles du droit musulman ».
  • Il peut enfin s’agir de reconnaître la liberté des individus d’appliquer un droit exoétatiques dans certains domaines de la vie[1].

[1] Constitution de l’Egypte de 2014, art. 3 : « Les principes religieux des Egyptiens chrétiens et juifs sont les principales sources de la législation régissant leur statut personnel, leurs affaires religieuses et le choix de leurs dirigeants spirituels ».

  1. Il ne faut cependant pas se méprendre sur la portée de cette technique en matière de gestion du pluralisme qui paraît au premier regard mettre les droits concernés sur un plan d’égalité.

Certes, du point de vue du droit qui offre l’option, celle-ci a bien pour effet de régler une question de pluralisme de manière respectueuse de la volonté des personnes concernées de se ranger sous un droit plutôt qu’un autre. Si cette technique constitue en ce sens un témoignage d’ouverture du premier droit au second, elle conduit toutefois à une situation de monisme juridique avec pluralité de droits, seul le droit pour lequel la personne a opté étant applicable à celle-ci. Il faut toutefois s’intéresser à l’autre droit ainsi mis à la disposition de l’individu. Ce droit peut refuser d’être ainsi mis à l’écart par un individu à l’invitation d’un autre droit. Dans ce cas, la situation de pluralisme perdure puisque le droit écarté en vertu d’un autre reste tout de même applicable à la personne concernée faute de vouloir plier.

2. L’incorporation de la norme allogène

  1. Ce qu’on appellera ici technique d’incorporation consiste pour un droit à intégrer en son sein, à faire sienne, une norme, relation ou situation exogène. Cette technique ne fait pas non plus disparaître le pluralisme. En effet, l’élément exogène garde sa validité dans son système d’origine ; l’incorporation consiste seulement à lui donner validité dans l’ordre de réception, laquelle validité, donc, se surajoute et non se substitue à la première.
  2. Le droit musulman a pu procéder ainsi à l’égard des coutumes anté-islamiques, autant dans le Coran que dans la sunna et par le biais de l’idjma[1].

[1] L. Milliot, F.-P. Blanc, Introduction à l’étude du droit musulman, 2e éd., Paris, Sirey, 1987, 669 p., § 171 : « outre que, par le moyen du Coran, et surtout du h’adith, des coutumes anté-islamiques se sont insérées, parfois tout d’une pièce, dans le système du fiqh, l’idjma a permis que d’autres coutumes y trouvent droit de cité ». En effet, la Sunna est, pour une grande part, une rédaction de l’orf en vigueur à l’époque du Prophète, et l’idjma une régularisation de pratiques de provenance diverse, souvent étrangère. En tant que source autonome, sa régularité est justifiée par le hadith : « Ce que les croyants ont considéré comme beau est beau devant Allah » et par l’exemple des fondateurs du rite qui y puisèrent largement ».

  1. Cette incorporation peut épouser des modalités différentes même s’il s’agit de normes venant d’un même système étranger. Ainsi, la reconnaissance par le droit étatique des éléments du droit international est-elle différente selon la nature internationale des éléments considérés.
  • D’un côté, les normes conventionnelles internationales doivent faire l’objet d’un acte de réception dans l’ordre étatique pour y produire des effets, soit leur publication dans un document officiel de l’Etat, soit l’adoption d’une loi dite de transformation, d’incorporation ou encore de réception (on verra dans ce second cas que l’incorporation peut être simple ou transformer l’élément importé)[1].

[1] Voir notamment J.H. Jackson, « Status of Treaties in Domestic Legal Systems: A Policy Analysis », AJIL, Vol. 86, No. 2, 1992, pp. 310-340, 313 ss.

  • D’un autre côté, et alors même que les constitutions africaines sont relativement récentes et que leurs auteurs savaient donc que la question de l’existence et de l’efficacité du droit international coutumier en droit interne allait se poser, on notera la rareté des énoncés constitutionnels concernant les normes internationales coutumières. Ceux-ci déclarent alors que les normes coutumières font partie du droit étatique sans besoin d’aucune réception interne[1], la Constitution sud-africaine conditionnant quant à elle cette existence à la compatibilité des règles avec la Constitution et les actes du Parlement[2]. Cela ne veut cependant pas dire que ces normes sont de plein droit applicables, mais seulement que l’incorporation est opérée par l’énoncé constitutionnel lui-même. Pour les juges étatiques africains, ces normes internationales coutumières – parfois seulement celles universellement reconnues ou auxquelles l’Etat a consenti[3] – intègrent le droit étatique et y sont donc applicables et invocables sans besoin d’une réception par un acte du Parlement ou un acte de publication[4]. Si certains juges ont senti le besoin de fonder cette solution sur une interprétation de la constitution éclairée par ses travaux préparatoires[5], elle est communément admise sans besoin d’une norme constitutionnelle en ce sens. Il ne faut cependant pas croire que la reconnaissance de ces normes serait automatique et opérerait de plein droit. En réalité, l’opération de réception est le fait du juge lui-même à l’occasion des affaires qu’il est appelé à trancher.

[1] Voir ainsi : Constitution de la République d’Angola du 21 janvier 2010, article 13 : « 1. Le droit international général ou commun, reçu dans les termes de la présente Constitution, fait partie intégrante de l’ordre juridique angolais » ; Constitution du Cap Vert – Titre II Relations internationales et droit international. Article 10 relatif aux relations internationales, art. 11 § 1 : « Le droit international général ou commun fait partie intégrante de l’ordre juridique capverdien pendant qu’il est en vigueur dans le système juridique international » ;The Constitution of Kenya, 2010, Article 2 (5): “The general rules of international law shall form part of the law of Kenya”. Constitution of Zimbabwe Amendment (No. 20) Act, 2013, Section 326 – Customary international law: “(1) Customary international law is part of the law of Zimbabwe, unless it is inconsistent with this Constitution or an Act of Parliament”

[2] Voir ainsi la section 232 de la Constitution sud-africaine: “Customary international law is law in the Republic unless it is inconsistent with the Constitution or an Act of Parliament”. Le juge sud-africain se fonde donc désormais sur cette disposition pour justifier le recours qu’il fait au droit international coutumier (par exemple: The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 53 ss. qui précisa que cette section constitutionnalisa ce qui était déjà l’état du droit, citant South Atlantic Islands Development Corporation Ltd v Buchan 1971 (1) SA 234 © at 238C-F; High Court of South Africa, Eastern Cape Local Division, Port Elizabeth, 15 June 2017, The Saharawi Arab Democratic Republic and The Front Polisario v The Owner and Cherteres of the MV ‘NM Cherry Blossom’ and Others, Case No 1487/17, at 29 ss. et 87). Voir aussi The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others (867/15) [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), para 103: “it does not undermine customary international law, which as a country we are entitled to depart from by statute as stated in s 232 of the Constitution. What is commendable is that it is a departure in a progressive direction”.

[3] En ce sens notamment, une vieille jurisprudence sud-africaine : South Africa, Appellate Division, 24 November 1977, Nduli and another v Minister of Justice and others 1978 (1) SA 893 (A), 906C-D : « It was conceded by counsel for appellants that according to our law only such rules of customary international law are to be regarded as part of our law as are either universally recognised or have received the assent of this country [reference omitted]. I think that this concession was rightly made ».

[4] Voir ainsi : Bénin, Cour constitutionnelle, 31 mai 2002, Décision DCC 02-052, Monsieur Laurent Fanou, in Annuaire béninois de justice constitutionnelle – Dossier spécial : 21 ans de jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Bénin (1991-2012), I-2013, Association béninoise de droit constitutionnel, Centre de droit constitutionnel, Université d’Abomey-Calavi (Bénin), Presses Universitaires du Bénin, 2014, p. 491 : « Considérant qu’il ressort tant de la lecture combinée et croisée de ces dispositions que de la doctrine et de la coutume internationale, que de tels préjudices [torture et traitements cruels, inhumains et dégradants] subis par toute personne ouvrent droit à réparation ; que dans le cas d’espèce, Monsieur Fanou a droit à réparation pour les préjudices qu’il a subis » ; South Africa, Supreme Court, Cape Provincial Division. 29 September 1970, South Atlantic Islands Development Corporation Ltd. V Buchan, 1971 (1) SA 234 (C), at 238C-E; High Court of Botswana, 12 October 2003, Angola v Springbok Investments (Pty) Ltd, Application for Review, MISCA No 4/2002, in Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, Oxford Public International Law, Report by Magnus Killander. Pour un exemple de l’approche classique fondée sur une incorporation du droit coutumier par la jurisprudence de common law: Supreme Court of Ghana, 20 June 2013, The Republic v. High Court (Commercial Division) Accra, ex parte Attorney General and NML Capital Ltd (Interested Parties : NML Capital & Republic of Argentina), Civil Motion No. 15/102013, ILR 156/2014, p. 2 : « Ghanaian law on this basic question is no different from the usual position of Commonwealth common law jurisdictions. It is that customary international law is part of the Ghanaian law; incorporated by the weight of common law case law” (citant notamment Lord Denning in Trendtex Trading Corporation v Central Bank of Nigeria [1977] QB 529 (Court of Appeal); p. 9: “Such customary public international law would, of course, be given effect in Ghanaian law as part of the common law of Ghana”.

[5] Voir ainsi : High Court of Kenya at Nairobi, Milimani Law Courts Constitutional and Human Rights Division, 26 July 2013, Kituo Cha Sheria and others v. The Attorney General, Petition No. 19 of 2013 consolidated with Petition No. 115 of 2013 at 71 : « […] the drafting history from the previous drafts constitutions prepared by the Constitution of Kenya Review Commission (CKRC) and the National Constitution Conference (Bomas) from which the Constitution is derived shows the intent of Article 2(5) is to incorporate customary international law as art of the law of Kenya and therefore “general rules of international law” means customary international law”.

  1. L’incorporation des autres éléments non conventionnels du droit international n’obéit quant à lui à aucun modèle établi. Dédaignés par les constitutions, leur incorporation pourra être le fait du pouvoir législatif ou réglementaire qui, par exemple, incorporera une décision du Conseil de sécurité ou du pouvoir judiciaire qui pourra décider de leur donner effet à l’occasion d’un différend. Dans ce cadre, les juges africains acceptent, bien qu’avec parcimonie, de donner effet à d’autres produits du droit international bien qu’ils ne soient pas couverts expressément par le texte constitutionnel.
  • Certains se réfèrent ainsi aux principes de droit international sans toutefois justifier une telle attitude[1] ou encore à des énoncés internationaux non contraignants et non incorporés.

[1] V. par exemple South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04, 2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC), O’Regan, at 225: “The ordinary principle of international law is that juridction of states is territorial” South Africa, Supreme Court of Appeal, 20 September 2007, Van Zyl and ors v South Africa and ors, Case No 170/06, [2007] ZASCA 109, (2007) SCA 109 (RSA), [2008] 1 All SA 102 (SCA),2008 (3) SA 294 (SCA), ILDC 839 (ZA 2007).

  • Ils peuvent également donner effet à un acte unilatéral obligatoire d’une organisation internationale en s’abstenant généralement de fonder en droit cette efficacité interne dudit acte[1] ou de manière peu rigoureuse du point du vue du droit interne[2].

[1] Voir par exemple : Niger, Cour d’appel de Niamey, 19 octobre 2009, La carte brune CEDEAO et al c. Dame F.H., 2009 CA 11 (JN). Contra, s’appuyant sur l’article 25 de la Charte des Nations Unies : The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 56: “The Security Council referred the situation in Darfur to the Prosecutor in terms of this provision [art. 13(b) of the Rome Statute]. While there is debate among commentators as to the full effect of such a referral, it is accepted by all that it confers jurisdiction upon the ICC in respect of the actions of a non-party state and its citizens [note omitted]. UN member states are obliged to accept the authority of the decision by the Security Council to refer the situation in Farfur t the Prosecutor”.

[2] Voir en ce sens : Côte d’Ivoire, Conseil constitutionnel, 4 mai 2011, Décision n° CI-2011-EP-036/04-05/CC/SG portant proclamation du Monsieur Allassane Ouattara en qualité de Président de la République de Côte d’Ivoire  qui  « fait siennes les décisions du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union Africaine, sur le règlement de la crise en Côte d’Ivoire », « Considérant que les normes et dispositions internationales, acceptées par les organes nationaux compétentes, ont une autorité supérieure à celle des lois et des décisions juridictionnelles internes, sous réserve de leur application par l’autre partie ».

  • Certains se sont même risqués dans les méandres du droit international impératif[1]. Ce peut être en tant que ce dernier fait parties des règles coutumières internationales que la constitution reçoit dans l’ordre interne[2].

[1] Voir ainsi Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No.108 of 2014 au sujet du principe de non-refoulement.

[2] High Court of Kenya at Nairobi, Milimani Law Courts Constitutional and Human Rights Division, 26 July 2013, Kituo Cha Sheria and others v. The Attorney General, Petition No. 19 of 2013 consolidated with Petition No. 115 of 2013 at 71 : « As a peremptory norm of international law, [The principle of non-refoulement] is part of “the general rules of international law” which are part of the law of Kenya under Article 2(5) of the Constitution”. La Cour d’appel déclara endosser la solution mais sans se pronnoncer expressément sur ce point (Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No.108 of 2014). De même: South Africa Constitutional Court, 30 October 2014, National Commissioner of the South African Police Service v Southern African Human Rights Litigation Centre & Another (CCT 02/14) [2014] ZACC 30; 2015 (1) SA 315 (CC), at 35 en lien avec des obligations conventionnelles: “Coupled with treaty obligations, the ban on torture has the customary international law status of a peremptory norm from which no derogation is permitted [footnote omitted]” et at 37 en tant que tel: “Torture, whether on the scale of crimes against humanity or not, is a crime in South Africa in terms of section 232 of the Constitution because the customary international law prohibition against torture has the status of a peremptory norm [footnote omitted]”.

  • Quant aux jugement internationaux[1], les juges africains ont adopté des solutions différentes. Ainsi le juge ghanéen refusa-t-il d’exécuter des jugements du Tribunal international du droit de la mer ainsi que de la Cour de justice de la CEDAO pour défaut d’incorporation dans l’ordre interne de l’obligation d’exécuter les jugements de ces deux juridictions[2]. En sens contraire, le juge sud-africain décida, à défaut d’une même incorporation, de “développer” le common law sud-africain, qui ne permettait pas l’exécution des décisions du Tribunal de la SADC, pour garantir un droit d’accès au juge sud-africain et donner pouvoir à celui-ci de reconnaître et faciliter l’exécution des décisions dudit Tribunal et ce, afin de permettre à l’Afrique du Sud de remplir ses obligations internationales[3].

[1] Richard F. Oppong, “Enforcing Judgments of the SADC Tribunal in the Domestic Courts of Member States”, Monitoring Regional Integration in Southern Africa Yearbook, Vol. 10, 2010, pp. 115-142.

[2] Voir pour le premier : Supreme Court of Ghana, 20 June 2013, The Republic v. High Court (Commercial Division) Accra, ex parte Attorney General and NML Capital Ltd (Interested Parties : NML Capital & Republic of Argentina), Civil Motion No. 15/102013, ILR 156/2014, p. 240, p. 3 : « Under a dualist approach, orders of the Tribunal cannot be binding on Ghanaian courts, in the absence of legislation making the orders binding on Ghanaian courts. In any case, the orders of the tribunal given subsequent to the orders and ruling of the high court cannot be a valid basis for the grant of certiorari, according to the authorities governing the grant of that remedy in this jurisdiction”. Or, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui avait établi le Tribunal international du droit de la mer n’avait pas été incorporée dans l’ordre ghanéen sauf en ce qui concerne la délimitation des zones maritimes, ce qui empêchait de fonder le caractère obligatoire des décisions de celui-ci dans l’ordre interne de cet Etat. Voir pour le second : High Court of Ghana, 2016, In the Matter of an Application to Enforce the Judgment of the Community Court of Justice of the ECOWAS against the Republic of Ghana and In the Matter of Claude Mba v. The Republic of Ghana, Suit No. HRCM/376/15, p. 8 :  “from the foregoing, as it is not in doubt that Parliament has not enacted any legislation incorporating the ECOWAS Community Court protocol into municipal law […], it means that its orders cannot be enforced by this Court”, cité in Richard F. Oppong “The High Court of Ghana Declines to Enforce an ECOWAS Court Judgment”, African Journal of International and Comparative Law, Vol. 25, Issue 1, 2017, pp. 127-132, 130.

[3] South Africa, Constitutional Court, 27 June 2013, Zimbabwe v. Fick and ors, Judgment, CCT 101/12, [2013] ZACC 22, 2013 (5) SA 325 (CC), ILDC 2083 (ZA 2013), paras 53 ss. et 69.

2.1. L’incorporation simple

  1. Il s’agit ici d’intégrer purement et simplement dans le droit les éléments allogènes considérés. L’étendue d’une telle incorporation peut bien sûr varier.
  2. Il ne s’agit jamais d’incorporer les droits étrangers dans leur globalité, mais, au plus, certains ensemble de normes de celui-ci. On peut citer en ce sens certaines constitutions africaines qui déclarent que certains instruments internationaux en font partie intégrante[1].

[1] Par exemple, Bénin, Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, préambule : « Réaffirmons notre attachement aux principes de la démocratie et des droits de l’homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations Unies de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’unité africaine, ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois et ont une valeur supérieure à la loi interne ». Voir également, embrassant tous les accords ratifies par l’Etat, Constitution of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 8 December 1994, Article 9 – Supremacy of the Constitution: “4. All international agreements ratified by Ethiopia are an integral part of the law of the land” appliqué in Ethiopia, Court of Appeal, Addis-Ababa, 31 July 2006, W/t (Miss) Rahel Melis v BS School Group Private Ltd Co., File No. 48008: “The labour law, Proclamation No. 377/2003, and the ILO Convention (No. 158) on termination of contract of employment which was adopted in 1982 and which Ethiopia has ratified, under article 4, state that ‘inadequate performance of duties’ is one of the grounds for termination of contract of employment in relation with conduct of the worker. […]. The stand that the burden of proof falls on the employer is in line with the stipulation of article 9/2//a/ of the above mentioned Convention, wich Ethiopia has ratified. Therefore, as the file shows that the respondent (the employer) has not produced evidence to show valid reasons for the termination of the contract of employment, the appellant must not be required to produce any evidence in support of her allegations”.

  1. On peut subsumer sous cette idée, les mécanismes d’intégration interne de leurs engagements internationaux par les Etats qu’on dira rapidement d’inspiration « moniste ». En effet, dans ces Etats, la règle posée dans la constitution est que les traités et accords régulièrement ratifiés et approuvés sont valides dans l’ordre étatique dès leur publication (généralement sous réserve de leur application réciproque)[1].

[1] Voir ainsi : Constitution du Bénin du 11 décembre 1990, art. 147 ; Constitution du Burkina Faso du 11 juin 1991, modifiée le 12 novembre 2013, art. 151 ; Constitution du Cameroun de 1996, Titre VI – Des traités et accords internationaux, art. 45 ; Loi n° 2016-886 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire, numéro spécial, 58e année, n° 16, mercredi 9 novembre 2016, art. 123 ; Madagascar, Constitution de la IIIe République, 19 août 1992 (version de 2007), Titre IV – Des traités et accords internationaux, art. 132 ; Constitution of the Republic of Mozambique, 2004, art. 18 § 1 ; Constitution de la République du Niger, adoptée le 18 juillet 1999 et promulguée par le décret n° 99-320/PCRN du 9 août 1999 (Constitution à jour au 22 septembre 2004 avec intégration de la révision opérée par la Loi n° 2004-15 du 13 mai 2004, JORN, spécial n° 7 du 14 mai 2004, art. 132 ; Constitution de la République du Rwanda du 4 juin 2003, révision n° 01 de décembre 2003 (JO n° spécial du 2 décembre 2003, 2003, p. 11), révision n° 02 du 8 décembre 2005 (JO, n° spécial du 8 décembre 2005), révision du 13 août 2008 (JO n° spécial du 13 août 2008), article 190 ; Constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001 telle que modifiée par la Loi n° 2003-15 du 19 juin 2003 portant révision de la Constitution et instituant un Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales, la Loi n° 2006-37 du 15 novembre 2006 modifiant l’article 33 de la Constitution, la Loi constitutionnelle n° 2007-19 du 19 février 2007 modifiant l’article 34 de la Constitution, la Loi constitutionnelle n° 2007-06 du 12 février 2007 créant un Sénat, la Loi constitutionnelle n° 2007-26 du 25 mai 2007 relative au Sénat, art. 98 ; Togo, Constitution de la IVe République, adoptée par référendum le 27 septembre 1992, promulguée le 14 octobre 1992, révisée par la loi n° 2002-029 du 31 décembre 2002, Titre XI – Des traités et accords internationaux, article 140. Dans un sens proche : Constitution du Cap Vert – Titre II Relations internationales et droit international. Article 10 relatif aux relations internationales, art. 11 § 2 : « 2. Les traités et les accords internationaux dûment approuvés ou ratifiés sont appliqués dans l’ordre juridique capverdien après leur publication officielle et leur entrée en vigueur dans l’ordre juridique international, dans la mesure où ils créent des liens internationaux pour le Cap Vert ». Voir également Constitution de la République d’Angola du 21 janvier 2010, article 13 : « 2. Les traités et les accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés sont applicables dans l’ordre juridique angolais, dès leur publication officielle et leur entrée en vigueur dans l’ordre juridique international, dans la mesure où ils engagent l’Etat angolais au niveau international ». Voir en revanche, l’absence de publication in Algérie, Constitution du 28 novembre 1996, version consolidée en 2008, art. 132 devenu 150 dans la version de 2016 : « Les traités ratifiés par le président de la République, dans les conditions prévues par la Constitution, sont supérieurs à la loi ».

La Constitution sud-africaine a quant à elle prévu un double système à sa section 231(4). En effet, le principe est qu’un traité international ne saurait produire d’effet dans l’ordre interne qu’à la condition qu’il soit incorporé par un acte du pouvoir législatif[1]. Cependant, une exception est prévue – singulière pour un système dit dualiste – s’agissant des dispositions conventionnelles dites « self-executing » approuvées par le pouvoir législatif qui font automatiquement partie du droit interne pourvu qu’elles ne soient pas contraires à la Constitution ou à un acte du Parlement[2]. Il en est de même dans la Constitution du Swaziland, devenu Eswatini, de 2005[3].


[1] Entre autres applications, voir South Africa, Constitutional Court, 25 July 1996, Azanian Peoples Organization (AZAPO) and Others v President of the Republic of South Africa and Others (CCT 17/96) [1996] ZACC 16; 1996 (8) BCLR 1015; 1996 (4) SA 672, IDLC 648 (ZA 1996), §§ 26-27 ; South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, para 92 ss., spécialement para 94: “In jurisdictions that require legislative incorporation of an international agreement in order for the agreement to create rights and obligations under domestic law, the legislative act which incorporates the international agreement into domestic law has the effect of transforming an international obligation that binds the sovereign at the international level into domestic legislation that binds the state and citizens as a matter of domestic law”; South Africa Constitutional Court, 30 October 2014, National Commissioner of the South African Police Service v Southern African Human Rights Litigation Centre & Another (CCT 02/14) [2014] ZACC 30; 2015 (1) SA 315 (CC), Majiedt AJ, para 24: “The Constitution provides that: […] international treaty law becomes law in the Republic once enacted into domestic legislation”; High Court of South Africa (Western Cape Division, Cape Town), 28 February 2017, Armand v. Refugee Appeal Board and Ors, Case No. 19483/2015  at 12 : « The Refugees Act gives effect to South Africa’s international law obligations […] ».

[2] Pour une application : Transvaal Provincial Division, 12 December 1997, Swissborough Diamond Mines (Pty) Ltd v Governement of the Republic of South Africa 1999 (2) SA 279 (T), Joffe J at 327J-328A: “Some international agreements contain self-executory provisions. These international agreements form part of municipal law. It is not contended that the international agreements relevant in this matter are self-executory”; at 329I-330B: “It would appear to follow from the aforegoing that: 1. This Court can take cognisance of the treaty, protocol IV and the other international agreements, as well as the contents thereof, as facts, just as it can take cognisance of any fact properly proved before it. 2. This Court, however, may not interpret or construe the treaty, protocol IV or the ancillary agreements, nor may it determine the legal consequence arising therefrom. 3. This Court may not determine the true agreement allegedly concluded between the RSA and GOL. Accordingly, and even if relevant as an issued raised on the pleadings in the action, this Court is unable to construe the agreements between RSA and GOL, nor is it able to determine true agreement between them. Accordingly, and even if raised in the particulars of claim, these issues are not relevant”). Sur ce point, voir entre autres W. Scholtz & G. Ferreira, “The Interpretation of Section 231 of the Southern African Constittution: A Lost Ball in the High Weeds”, Comparative and International Law Journal S.Afr., Vol. 41, 2008, pp. 324-338 et G. Ferreira & W. Scholtz, “Has the Constitutional Court Found the Lost Ball in the High Weeds – The Interpretation of Section 231 of the South African Constitution”, Comparative & International Law Journal S.Afr., Vol. 42, 2009, pp. 264-271.

[3] The Constitution of the Kingdom of Swaziland Act 2005, Article 238 (4) : « Unless it is self-executing, an international agreement becomes law in Swaziland only when enacted into law by Parliament ».

  1. Dans le silence de la constitution, la jurisprudence des systèmes d’inspiration anglo-saxonne, héritée de la tradition de common law, est ici constante et homogène[1]. Selon celle-ci, malgré quelques incongruités[2], un traité ne peut produire des effets internes qu’à la condition qu’il ait été incorporé dans cet ordre au moyen d’un acte du titulaire du pouvoir législatif[3].

[1] Ainsi en Afrique du Sud, voir notamment, sous conditions : South Africa, Appelate Division, 1 April 1965, Pan American World Airways Incorporated v. SA Fire and Accident Insurance Co. Ltd, 1965 (3) SA 150 (A), Steyn CJ, 161B-D: “It is common cause, and trite law I think, that in this country the conclusion of a treaty, convention or agreement by the South African Government with any other Government is an executive and not a legislative act. As a general rule, the provisions of an international instrument so concluded, are not embodied in our municipal law except by legislative process. The Universal Postal Convention and the Bilateral Air Transpor Agreement are no exceptions. In the absence of any enactment giving their relevant provisions the force of law, they cannot affect the rights of the subject” confirmé in Bophuthatatswana Supreme Court, 17 October 1980, Maluleke v Minister of Internal Affairs, 1981 (1) SA 707 (B), Hiemstra CJ, at 712H qui précisa : « The rights of the subject are not affected by a treaty as such, nor does the subject derive any rights from it – still less an alien. If legislation is passed to give effect to a treaty, that will be the source of the citizen’s rights » ; South Africa, Appellate Division, 24 November 1977, Nduli and another v Minister of Justice and others 1978 (1) SA 893 (A), Rumpff CJ at 906B : « it is obvious that international law is to be regarded as part of our law » ; C-D : « It was conceded by counsel for appellants that according to our law only such rules of customary international law are to be regarded as part of our law as are either universally recognised or have received the assent of this country [reference omitted]. I think that this concession was rightly made ».

[2] Voir : South Africa, Constitutional Court, 7 June 2000, Rahim Dawood and Another v Minister of Home Affairs and Others; Nazila Shalabi and Another v Minister of Home Affairs and Others; Maureen Shaila Thomas and Another v Minister of Home Affairs and Others (CCT35/99) [2000] ZACC 8; 2000 (3) SA 936; 2000 (8) BCLR 837, at 29 où la Cour précise que le Pacte international sur les droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ont été ratifiés mais sans préciser qu’ils ont été incorporés par un acte du Parlement ; High Court of Botswana, 10 June 2005, Sefu and Others v The Attorney General of Botswana, Case No. F46 of 2005 où la Cour se réfère à la Convention de 1951 sur les réfugiés et à la Convention de 1969 sur les aspects propres des réfugiés en Afrique sans préciser les fondements de cette référence. De même, Malawi, In the Resident Magistrate Court, Lilongwe District Registry, 9 May 2005, The Republic vs. Abdul Rahman and Others (Somalians) (Criminal Case No. 26 of 2005), G 26 of 2005 où la Cour se réfère à la ratification de la Charte des droits de l’homme… Voir également Kenya, Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No.108 of 2014 qui mentionne le fait que le traité invoqué était incorporé dans l’ordre interne alors que la Constitution ne fait pas de cette incoporation une condition d’efficacité juridique.

[3] Voir ainsi Constitution of the Republic of Ghana, 1992 as amended by the Constitution of the Republic of Ghana (Amendmen) Act, 1996, art. 75 – Execution of Treaties, § 2 qui dispose seulement qu’un traité, accord ou convention conclu doit être soumis à ratification par le Parlement. Mais voir : Supreme Court of Ghana, 20 June 2013, The Republic v. High Court (Commercial Division) Accra, ex parte Attorney General and NML Capital Ltd (Interested Parties : NML Capital & Republic of Argentina), Civil Motion No. 15/102013, ILR 156/2014, p. 240, p. 2 : « [T]reaties, even when the particular treaty has been ratified by Parliament, do not alter munipal law until they are incorporated into Ghanaian law by appropriate legislation”, p. 4: “The mere fact that a treaty has been ratified by Parliament through one of the two modes indicated above does not, of itself, mean that it is incorporated into Ghanaian law. A treaty may come into force and regulate the rights and obligations of the State on the international plane, without changing rights and obligations under municipal law. Where the mode of ratification adopted is through an Act of Parliament, that Act may incorporate the treaty, by appropriate language, into the municipal law of Ghana”, p. 5 : “The need for the legislative incorporation of treaty provisions into municipal law before domestic courts can apply those provisions is reflective of the dualist stance of Commonwealth common law courts and backed by a long string of authorities”.

  1. Parfois, dans la même veine, notamment en matière pénale, de droit des personnes ou encore de droit des biens, le droit étatique intègre les droits exoétatiques, en les faisant sien, les incorporant dans son propre droit qu’il s’agit d’adapter ou de réformer[1]. Il adopte ainsi des règles « identiques » à celles de l’ordre traditionnel, coutumier et/ou religieux comme le délai avant que la femme, divorcée ou veuve, se remarie et/ou des règles qui reflètent ces droits[2].

[1] V. Kangulumba Mbambi, « Les droits originellement Africains dans les récents mouvements de codification : le cas des pays d’Afrique francophone subsaharienne », Les Cahiers de droit, Vol. 46, No. 1-2, 2005, pp. 315-358, 319.

[2] Voir ainsi, dans le code pénal nigérian (Penal Code Act Chapter 53 LFN (Abuja), 1960), entre autres, les sections 401 à 404 relatives à l’ivresse. Voir toutefois, sur les réticences de la police nigériane à appliquer le droit pénal religieux, Enyinna S. Nwauche, “The Nigerian Police Force and the Enforcement of Religious Criminal Law”, African Human Rights Law Journal, Vol. 14, 2014, pp. 203-216.

2.2. L’incorporation avec modification de l’élément incorporé

  1. On l’a dit, dans un certain nombre d’Etats, généralement qualifiés de « dualistes », la constitution énonce que les traités ne produisent des effets en droit interne – n’existent dans cet ordre – qu’à la condition d’être incorporés dans l’ordre juridique étatique au moyen d’un acte du Parlement[1]. Or, ce faisant, le législateur est libre d’incorporer la norme conventionnelle telle quelle ou de la modifier. Il peut ainsi reproduire en tout ou partie le texte international en annexe ou dans son propre corps, mais également ne reprendre que certaines de ses dispositions qu’il peut adapter ou auxquelles il peut ajouter d’autres prescriptions[2]

[1] P. ex. Constitution of the Federal Republic of Nigeria, 1999, section 12 (1) : « No treaty between the Federation and any other country shall have the force of law [except] to the extent to which any such treaty has been enacted into law by the National Assembly », disposition rappelée pour affirmer qu’un traité non incorporé n’a pas de force juridique dans l’ordre interne et que ses dispositions ne sont pas justiciables devant les juges internes in the Supreme Court of Nigeria, April 28, 2000, General Sami Abacha and Others v. Chief Justice Fawehimmi, S.C. 45/1997, 4 FWLR 533, [2000] 4 SCNJ 400, Ogundare, JSC confirmé in Nigeria, Supreme Court, 11 January 2008, Registered Trustees of National Association of Community Health Prctitioners of Nigeria and Ors v Medical and Health Workers Union of Nigeria, Final Appeal Judgment, Case No. SC 201/2005, (2008) 2 NWLR (Pt 1075) 575, ILDC 1087 (NG 2008), in Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, OPI.Voir également Constitution of Zimbabwe Amendment (No. 20) Act, 2013, Secttion 327 – International conventions, treaties and agreements:  “(2) An international treaty which has been concluded or executed by the President or under the President’s authority – (a) does not bind Zimbabwe until it has been approved by Parliament and (b) does not form par of the law of Zimbabwe unless it has been incorporated into the law through an Act of Parliament”. Contra : The Constitution of Kenya, 2010, Article 2 (6) “Any treaty or convention ratified by Kenya shall form part of the law of Kenya under this Constitution”.

[2] Voir South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, para 91: “The approval of an international agreement under section 231(2), therefore, constitutes an undertaking at the international level, as between South Africa and other states, to take steps to comply with the substance of the agreement This undertaking will, generally speaking, be given effect by either incorporating the agreement into South African law or taking other steps to bring our laws in line with the agreement to the extent they do not already comply”; para 99: “For an international agreement to be incorporated into our domestic aw under section 231(4), our Constitution requires, in addition to the resolution of Parliament approving the agreement, further national legislation incorporating it into domestic law. There are three main methods that the legislature appears to follow in incorporating international agreements into domestic law [note omitted]. (a) the provisions of the agreement may be embodied in the text of an Act [examples]; (b) the agreement may be included as a schedule to a statute [examples]; and (c) the enabling legislation may authorise the executive to bring the agreement into effect as domestic law by way of a proclamation or notice in the Government Gazette [example]”.

3. La logique de l’application

  1. Parfois, le droit d’un système peut accepter d’appliquer les normes d’un droit allogène[1], fût-ce en prévoyant la faculté (et non l’obligation) de demander un avis d’« assesseurs » (voir « La gestion du pluralisme institutionnel »). Il peut naturellement choisir les normes allogènes qu’il appliquera en son sein[2] et conditionner cette application à la conformité de la norme allogène au système du for, comme cela pu se faire sous la colonisation[3], puis après les indépendances[4].

[1] Constitution du Tchad de 2018, art. 161 : « jusqu’à leur codification, les règles coutumières et traditionnelles ne s’appliquent que dans les communautés où elles sont reconnues. / Toutefois, les coutumes contraires à l’ordre public ou celles qui prônent l’inégalité entre les citoyens sont interdites ».

[2] A. Toublanc, « Conceptions de l’Etat », in M. Kamto & J. Matringe (dir.), Droit constitutionnel africain, à paraître, Paris, Pedone, 2024, p. 108 : « L’unification juridique a pu aussi se réaliser de manière plus progressive et moins brutale. Ainsi un arrêté sénégalais de 1961 fixa-t-il la liste des coutumes (78 en tout) applicables sur le territoire de la République (Arrêté du 28 février 1961. De manière similaire, au Niger, les domaines dans lesquels les coutumes pouvaient être invoquées devant les juridictions furent délimités par la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 fixant l’organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger), suivi rapidement par la rédaction d’un Code civil censé en réaliser la synthèse. Le but de cette politique était clairement affiché dans le rapport de présentation du projet de loi : « La mise en œuvre d’un Code civil sénégalais s’imposait pour l’institution d’un droit de la famille unique, élément indispensable de l’unité fondamentale d’une Nation » (Rapport de présentation du projet de loi portant Code de la famille, cité par M. Brossier, « Les débats sur le droit de la famille au Sénégal. Une mise en question des fondements de l’autorité légitime ? », Politique Africaine, n° 96, 2004, p. 80) ».

[3] Voir ainsi l’article 75 du décret du 10 novembre 1903 portant réorganisation du service de la justice dans les colonies relevant du Gouvernement général de l’Afrique occidentale française qui conditionnait l’application par la justice indigène des coutumes locales à leur conformité aux principes de la civilisation française. Ce principe fut repris aux articles 36 et s. du décret du 16 août 1912 réorganisant la justice indigène en Afrique occidentale française.

[4] The Constitution of Kenya, 2010, Section 10(2): “In the application and formulation of any Act of Parliament and in the application and development of the common law and customary law, the relevant organs of State shall have due regard to the principles and provisions of this Constitution” ; Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, art. 153, alinéa 4 : « Les Cours et Tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifies, les lois, les actes réglementaires pour autant qu’ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » ; RDC, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, art. 118 : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle soit conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. / En cas d’absence de coutume ou lorsque celle-ci n’est pas conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs, les Gours et tribunaux s’inspirent des principes généraux du droit. / Lorsque les dispositions légales ou réglementaires ont eu pour effet de substituer d’autres règles à la coutume, les Cours et tribunaux appliquent ces dispositions ».

  1. Cependant, même avec la précaution (peu satisfaisante[1]) du recours aux assesseurs, faire appliquer les droits locaux par un juge étranger ne pouvait pas ne pas poser de difficulté et conduire in fine à une modification des droits locaux au contact du droit colonial et de la culture qui l’imprègne[2], quand il ne s’agissait pas d’une substitution du droit colonial aux droits locaux ou d’une éviction de ces derniers[3].

[1] Voir L. Manière, « Deux conceptions de l’action judiciaire aux colonies. Magistrats et administrateurs en Afrique occidentale française (1887-1912) », ClioThémis, 4, 2011, pp. 1-34. DOI : 10.35562/cliothemis.1390, § 29 : « Une limite fondamentale à l’action de la Chambre [spéciale d’homologation de la Cour d’appel de l’AOF] était que ses membres français ignoraient pour la plupart tout des coutumes locales. Les assesseurs indigènes eux- mêmes, pourtant présentés comme les garants du droit, étaient dans l’incapacité de connaître tous les usages juridiques de l’Afrique occidentale française. En 1905, le Procureur général remarquait que sur les douze notables parmi lesquels le Président de la Chambre choisissait ses deux assesseurs, quatre seulement se trouvaient au Sénégal, les huit autres représentants étaient issus des autres colonies de l’Afrique occidentale française mais étaient dans l’impossibilité matérielle de siéger. Les Sénégalais étaient donc, de facto, les seuls habilités pour évaluer toutes les « coutumes » de l’Afrique occidentale française [note omise]. Cette limite n’échappa pas au Gouverneur du Haut-Sénégal-Niger qui critiquait ainsi la situation : La vérité est que la Chambre ne trouvera jamais assez d’assesseurs, car chaque race a sa coutume, et qu’il faudrait autant de conseillers indigènes qu’il existe de coutumes et de variétés de coutume. La Chambre d’homologation ne peut donc pas manquer d’être très mal renseignée sur le droit indigène. C’est à elle cependant que revient, la haute et difficile mission, d’apprécier en dernier ressort, et d’infirmer les jugements rendus par les administrateurs qui, vivant constamment au milieu de nos sujets, sont généralement mieux informés sur leurs traditions et leurs mœurs que les magistrats et les fonctionnaires de Dakar. Il y a là un cercle vicieux manifeste : la Cour tire sa science juridique des jugements rendus par les administrateurs, et elle a ensuite la prétention de les réformer. N’y a-t-il pas quelque incohérence à charger de l’appel le juge le moins informé, contre le juge bien informé ? [référence omise] ».

[2] J. John-Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et société, 2002/2, n° 51-52, pp. 325-344, 334 : « En ce qui concerne sa compétence, le magistrat appelé à exercer aux colonies a été formé à l’école coloniale qui n’est autre que celle de la France coloniale. Le droit qu’il connaît le mieux, c’est le droit français applicable dans les tribunaux et cours de la métropole. La jurisprudence sur laquelle il s’appuie est essentiellement celle de la Cour de cassation de Paris. Et il ne peut comprendre le système juridique colonial qu’en se référant au système qu’il connaît le mieux, le sien, car chacun de nous transporte toujours avec lui, dans ses pérégrinations, son univers mental. Dans l’esprit du magistrat colonial européen, la coutume par exemple n’est que l’envers de la loi, il ne s’agit que de pratiques non écrites, incertaines, dépourvues de toute rationalité et qui ne peuvent donc pas s’adapter aux innovations souhaitées. Voilà pourquoi les coutumes africaines n’étaient pas considérées comme des droits originaux, mais comme de simples prédroits qui devaient, par une sorte d’évolution naturelle ou suggérée, devenir de véritables droits comme ceux de l’Occident. Et en cela les coutumiers juridiques, rédigés par des auteurs coloniaux, n’ont pas beaucoup aidé à la compréhension de ces coutumes dans un milieu où le culte des codes et de la loi de l’Etat tout puissant n’accorde que peu de place aux droits traditionnels africains, originaux ou islamisés »

[3] Voir notamment E. Cotran, “The Unification of Laws in East Africa”, The Journal of Modern African Studies, Vol. 1, No. 2, 1963, pp. 209-220.

  1. Il peut s’agir de décider l’applicabilité de principe du droit étatique, le droit religieux ou la coutume ne s’appliquant que dans le silence de celui-ci. En ce sens, notamment l’art. 1er du Code civil algérien de 1975 mis à jour en 2007 : « La loi régit toutes les matières auxquelles se rapporte la lettre ou l’esprit de l’une de ses dispositions. En l’absence d’une disposition légale, le juge se prononce selon les principes du droit musulman et, à défaut, selon la coutume. Le cas échéant, il a recours au droit naturel et aux règles de l’équité » [1]. La loi peut également, dans la même logique, affirmer un principe de subsidiarité avec, tout de même, l’affirmation du nécessaire respect de la légalité étatique[2].

[1] Voir également l’article 1er de la Loi n° 61-30 du 19 juillet 1961 fixant la procédure de confirmation d’expropriation des droits fonciers coutumiers dans la République du Niger : « Dans la République du Niger, sont confirmés les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non-appropriées selon les règles du Code Civil ou du régime de l’immatriculation ».

[2] Voir ainsi Cameroun, Loi nº 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, article 9 : « La gestion de l’environnement et des ressources naturelles s’inspire, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, des principes suivants : […] f) le principe de subsidiarité selon lequel, en l’absence d’une règle de droit écrit, générale ou spéciale en matière de protection de l’environnement, la norme coutumière identifiée d’un terroir donné et avérée plus efficace pour la protection de l’environnement s’applique ».

  1. Comme avec la reconnaissance (voir infra), l’application de la norme allogène ne pourra se faire qu’à la condition qu’elle ne heurte pas l’ordre public du for et sa constitution[1].

[1] Voir ainsi C. Cardahi, « Conflict of Law”, in M. Khadduri & Herbert J. Liebesny (eds.), Law in the Middle East. Vol. I: Origin and Development of Islamic Law, Washington D.C., The Middle East Institute, 1955, pp. 334 ss., 338 : “When a Muslim judge agreed to hear a suit [brought before him by dhimmīs], he did so as an arbitrator trying to reconcile the parties. But what law did he apply? The Mālikis stated that he should apply the national law of the litigants unless it directly contradicted Muslim law in which case it was to be rejected for reasons of public order. (The concept of public order among a people who relate everything to God and have established their law on the depth of their faith is essentially a religious one) ». Cela dit, voir p. 339 en matière de succession : “The Hanafi jurists held, in various cases, that the law of the community, even if opposed to Muslim doctrine, determined the validity of the will. Even in this matter, many controversies arose among the jurists concerning the applicability of the laws of the community”

4. La reconnaissance de relations ou situations allogènes

  1. Il s’agit, le plus souvent, sans faire du droit exogène du droit endogène, de reconnaître en son sein des effets de droit à des normes, situations, relations et droits particuliers, voire de les protéger contre des atteintes par des tiers[1]. Cette seconde hypothèse est à ne pas confondre avec celle où l’Etat accorde ou reconnaît des droits à des communautés traditionnelles. Dans ce cas, sauf précision que ce sont des droits d’origine exoétatiques qu’il s’agit d’incorporer, nous sommes face à du droit étatique applicable à un groupe comme cela peut se produire pour d’autres groupes.

[1] Par exemple Togo, Loi n° 2018-005 du 14 juin 2018 portant Code foncier et domanial, art. 8 : « L’Etat et les collectivités territoriales, en tant que garants de l’intérêt général, doivent : […]; 2- sécuriser les droits réels immobiliers établis ou acquis selon la coutume » ; art. 627 : « Les droits fonciers issus de la coutume et des pratiques et normes locales, reconnus, constatés et enregistrés selon la réglementation en vigueur ou les dispositions du présent Code, peuvent servir de garantie à l’octroi de crédits fonciers » ; High Court of Namibia Main Division, Windhoek, 13 June 2013, Zeraeua Traditional Authority v Mathe and Others (A 169/2013) [2013] NAHCMD 163: “[37] As I pointed out during argument, the Republic of Namibia is by virtue of Article 1 of the Constitution, founded upon the rule of law. This court cannot countence parties taking the law into their own hands and engaging in seek help or a free for all when it comes to grazing and occupying land. That is inimical to the rule of law. The property of others, including the State, is to be respected and, as in this case, the possession and control of statutory authorities such as duly constituted traditional authorities in respect of the land under their possession and control ». Voir également The Supreme Court of Appeal of South Africa, 1 June 2018, Gongqose and Others v Minister of Agriculture, Forestry and Others, Gongqose and S (1340/16, 287/17) [2018] ZASCA 87; [2018] 3 All SA 307 (SCA); 2018 (5) SA 104 (SCA) ; 2018 (2) SACR 367 (SCA) : “[37] In this case there is extensive evidence concerning the nature of a customary system governing all aspects of life in the Dwesa-Cwebe communities, having regard to the study of the history of those communities and their usages[1]. These aspects range from relations between parents and children, husbands and wives, household heads and neighbours, headmen and sub-headmen. They include ceremonial events (weddings, payment of bridal wealth and circumcision); access to and use of natural resources, more particularly land, forest and marine resources; and the resolution of disputes. There is historical evidence of fishing and collection of shellfish since at least the 18th century. [38] Knowledge of the customary system was transmitted from generation to generation, typically from father to son as regards fishing and from mother to daughter with regard to the harvesting of intertidal resources. Knowledge was also conveyed through a range of rituals and practices within the larger customary system within which fishing was located. All of this evidence was not disputed by the State. Indeed, the prosecutor put it to Ms Sunde that the State did not deny that the Dwesa-Cwebe communities had a right in terms of customary law (of access to marine resources), and that customary law had to be given equal recognition as legislation. [39] The appellants accordingly proved that since time immemorial, the Dwesa-Cwebe communities, of which they are part, have a tradition of utilising marine and terrestrial natural resources. It is thus not surprising that the Magistrate found that the evidence established the existence of a customary right to fish within the relevant coastal waters by the Dwesa-Cwebe communities. The high court described that right and its regulation as follows: ‘[T] hey understood that nature had a way of protecting itself and this is what regulated their harvesting; the tides and the weather did not allow them to go fishing every day; they also had their own way of making sure that there would be enough fish for the generations to come, having been taught by their fathers and elders not to take juveniles and to put the small fish back. These rights were never unregulated, and were always subject to some form of regulation either under customary and traditional practices’”. Rappelé in High Court of South Africa, Eastern Cape Division, Grahamstown, 28 December 2021, Sustaining the Wild Coast NPC and Others v. Minister of Mineral Resources and Energy and Others, Case No. 3491/2021, Judgment, Bloem J, § 31 qui ajoute: “[32] I accept that the customary practices and spiritual relationship that the applicant communities have with the sea may be foreign to some and therefore difficult to comprehend. How can ancestors reside in the sea and how can they be disturbed, may be asked. It is not the duty of this court to seek answers to those questions. We must accept that those practices and beliefs exist. What this case is about is to show that had Shell consulted with the applicant communities, it would have been informed about those practices and beliefs and would then have considered, with the applicant communities, the measures to be taken to mitigate against the possible infringement of those practices and beliefs. In terms of the constitutional those practices and beliefs must be respected and where conduct offends those practices and beliefs and impacts negatively on the environment, the court has a duty to step in and protect those who are offended and the environment ».

4.1. Variété des conditions posées à la reconnaissance

La reconnaissance peut être faite sans condition particulière[1] ou sous condition.


[1] Togo, Loi n° 2018-005 du 14 juin 2018 portant Code foncier et domanial, art. 640 : « La propriété d’une terre rurale de tenure foncière coutumière est établie par son inscription au registre spécial visé à l’article 629, alinéa 2 du présent Code».

  1. La condition peut être purement formelle et consister dans l’exigence d’une procédure d’enregistrement, d’homologation ou de constatation d’une situation ou institution née dans un autre système pour lui donner effet dans son système[1]. Elle peut également être de fond, hypothèse plus intéressante.

[1] Voir ainsi RDC, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art.370 : « Dans le mois qui suit la célébration du mariage en famille, les époux et éventuellement leurs mandataires doivent se présenter devant l’officier de l’état civil du lieu de la célébration en vue de faire constater le mariage et d’assurer sa publicité et son enregistrement. […] », disposition toutefois difficile à articuler avec l’art. 379 : « Sans préjudice des dispositions de l’art. 330 de la présente loi, le mariage célébré en famille sort tous ses effets à la date de sa célébration, même en l’absence d’enregistrement » et l’art. 380 : « Avant l’enregistrement, le mariage célébré en famille n’est opposable qu’aux époux et à ceux qui ont participé à cette célébration conformément à la coutume. / Tant que le mariage célébré en famille n’a pas été enregistré et que l’un des époux en invoque les effets en justice, le tribunal suspend la procédure jusqu’à l’enregistrement » ; Côte d’Ivoire, Loi n° 64-381 du 7 octobre 1964, relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments, et portant modification des articles 11 et 21 de la loi no. 61-415 du 14 décembre 1961 sur le Code de la nationalité, art. 10 : « Les mariages contractés conformément à la tradition, antérieurement à la date d’entre en vigueur de la loi nouvelle, régulièrement déclarés à l’état civil ou constatés par jugements transcrits sur les registres de l’état civil auront, sous les réserves ci-après, les mêmes effets que s’ils avaient été contractés sous l’empire de ladite loi ».

  1. Ainsi un droit étatique peut-il accepter de reconnaître une situation exoétatique, mais pourvu que celle-ci ait été constituée conformément aux conditions de fond qu’il pose[1] ou, beaucoup plus rarement, aux conditions posées par un autre droit[2].

[1] Voir ainsi Décret n° 2006-255 du 28 juin 2006 portant institution, composition et fonctionnement d’un organe ad hoc de reconnaissance des droits fonciers coutumiers (abrogé par le Décret n° 2018-484 du 26 décembre 2018 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement de la commission nationale de reconnaissance des terres coutumières), article 7 : « Les terrains, objet de droit coutumier ne peuvent être immatriculés qu’après leur mise en valeur, dûment reconnue par les services du cadastre, de l’agriculture et de l’économie forestière. / Pour les terres rurales, la mise en valeur consiste à réaliser l’une des activités suivantes : cultures, élevage, activités piscicoles et d’une manière générale, à entreprendre les travaux productifs » ; Section 254 du projet de nouvelle Constitution de la Gambie intitulée « Principles of land, environment and natural resources policy”: « 1. Land, environment and natural resources in The Gambia shall be held, used and managed in a manner that is equitable, efficient, productive and sustainable, and in accordance with the following principles – […] i. Encouragement of communities to settle land disputes through recognized local community initiatives consistent with this Constitution and other laws” ; République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), après l’affirmation, art. 368 que « Le mariage peut être célébré en famille selon les formalités prescrites par les coutumes », précise, art. 375 au sujet de l’enregistrement du mariage en famille : « L’officier d’état civil vérifie si les conditions légales du mariage ont été respectées » et, art. 394 : « L’union violant les conditions du mariage telles que définies par la présente loi ou par la coutume ne peut être enregistrée ni célébrée par l’officier d’état civil ». Voir également l’art. 212 : « Toute personne peut exercer ses droits civils conformément à la loi ou à la coutume sauf les exceptions établies par la loi » l’art. 579 : « Le remboursement de la dot se fera conformément à la coutume des parties ; toutefois, le mari peut toujours renoncer à demander le remboursement de la dot. / Dans tous les cas, le tribunal apprécie la demande de remboursement e la dot et peut soit refuser celui-ci soit ordonner le remboursement partiel, notamment en cas de présence d’enfants, en cas de mariage de longue durée ou si l’épouse est inapte au travail » ; Togo, Loi n° 2018‐005 du 14 juin 2018 portant Code foncier et domanial, art. 609 : « L’Etat reconnaît aux populations riveraines des plans et des cours d’eau, les droits d’usage établis ou acquis selon la coutume. Ces droits sont exclusivement transmissibles par succession et ne sont susceptibles d’aucune transaction. / L’exercice de droit de pêche traditionnelle se fait dans le strict respect des dispositions des textes en vigueur, notamment celles de la législation sur la pêche ainsi que celles du présent Code » ; art. 628 : « Lorsque les terres sont détenues suivant les règles du droit coutumier, les détenteurs ont la faculté de faire constater et affirmer leurs droits au regard de tous tiers sous réserve de l’observation des dispositions des articles 629 à 639 du présent Code. / Toutefois, l’égalité homme/femme à l’accès à la terre doit être respecté ». Voir également Zambie, Protection of Traditional Knowledge, Genetic Resources and Expressions of Folklore Act, 2016 (No. 16 of 2016), 6 June 2016: “29. (1) The rights of a Traditional Community to regulate access to its genetic resources shall include the following: […]. (2) The Minister may, by statutory instrument, prescribe the conditions and procedures under which prior consent for access to genetic resources may be given”. Voir encore Voir ainsi les articles 45 (« Les droits coutumiers individuels ainsi constatés quand ils comportent emprise évidente sur le sol se traduisant par des constructions ou une mise en valeur régulière sauf, le cas échéant, interruptions justifiées par les modes de culture peuvent être grevés de droits nouveaux ou concédés au profit de tous tiers. / Dans ce cas le nouveau concessionnaire est tenu de requérir sans délai l’immatriculation de l’immeuble. / Les droits ainsi constatés lorsqu’ils comportent une emprise évidente et permanente sur le sol peuvent également être transformés en droit de propriété au profit de leur titulaire qui requiert à cet effet leur immatriculation ») et 46 (« Les droits coutumiers autres que ceux définis à l’article précédent ne peuvent être immatriculés. Ils ne peuvent être transférés qu’à des individus ou à des collectivités susceptibles de posséder les mêmes droits en vertu de la coutume et seulement dans les conditions et limites qu’elle prévoit. / Néanmoins il peut être fait abandon de tous droits fonciers tant en faveur des collectivités et établissements publics qu’en faveur des demandeurs de concessions ») du Code domanial et foncier du Mali, mais à des conditions qu’il ajoute. Voir en effet Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 8 octobre 2007, arrêt n° 225 : « Attendu qu’il résulte de ces articles que le législateur tout en reconnaissant l’existence de droits coutumiers soumet cependant leur consécration à la notion d’emprise évidente et permanente que ce concept d’emprise évidente et permanente se traduit par une mise en valeur régulière ou par des constructions » ; Mali, Ordonnance n° 00-027 du 22 mars 2000 portant Code domanial et foncier, modifiée par la loi n° 02-008 du 12 février 2002, la loi n° 2012-001 du 10 janvier 2012 et la loi n° 2016-025 du 14 juin 2016 (abrogée), art. 45 : « Les droits coutumiers individuels ainsi constatés, quand ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol se traduisant par des constructions ou une mise en valeur régulière sauf, le cas échéant, interruptions justifiées par les modes de culture, peuvent être grevés de droits nouveaux ou concédés au profit de tous tiers. Dans ce cas, le nouveau concessionnaire est tenu de requérir et sans délai l’immatriculation de l’immeuble. / Les droits ainsi constatés lorsqu’ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol peuvent également être transformés en droit de propriété au profit de leur titulaire qui requiert à cet effet leur immatriculation ».

[2] Voir ainsi l’art. 394 précité de République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016). Voir également son art. 362 : « La coutume applicable au mariage détermine les débiteurs et les créanciers de la dot, sa consistance et son montant, pour autant qu’elle soit conforme à l’ordre public et à la loi, plus particulièrement aux dispositions qui suivent. […] ».

  1. Un droit étatique peut également reconnaître une situation ou institution exoétatique mais en en fixant, en tout ou partie, le régime et les effets dans son propre ordre[1]. Ainsi, certains Etats africains ont décidé de reconnaître l’institution d’origine exo-étatique qu’est la dot, mais pour mieux l’encadrer[2], un éventuel aspect du régime exo-étatique pouvant être déclaré de nul effet s’il est contraire au droit étatique[3]. De même, un droit étatique peut reconnaître une institution formée conformément à un droit allogène, mais décider d’être seul maître de sa terminaison[4].

[1] Voir par exemple au Togo la Loi n° 2012-014 du 6 juillet 2012 portant Code des personnes et de la Famille, Journal officiel, 6 juillet 2012, n° spécial, pp. 6-72, art. 59 : « […]. Lorsque les époux ont opté pour un régime polygamique, l’officier de l’état civil leur indique que seul le régime de droit commun de la séparation de biens leur est applicable et qu’ils ne peuvent, en aucun cas, changer de régime matrimonial, sans avoir renoncé à l’option polygamique. […] » et art. 362 : La séparation des biens s’établit à défaut de contrat ou par simple déclaration qu’on se marie sous le régime de la séparation. / Il est le régime de droit en cas d’option polygamique et ne peut faire l’objet d’aucune modification, sauf renonciation préalable à l’option polygamique. […] ». Voir également l’art. 441 de République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016) : « Tous les mariages produisent les mêmes effets, qu’ils aient été enregistrés ou célébrés » ou encore l’art. 538 : « Les causes de dissolution de tous les mariages ainsi que les effets de cette dissolution sont les mêmes quelle que soit la forme selon laquelle le mariage a été célébré », précisé par l’art. 541 : « Nonobstant toute coutume contraire, le mariage se dissout de plein droit par la mort de l’un des époux ».

[2] Voir ainsi République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 361 et s.

[3] Voir ainsi République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 364 : « La dot ne peut être majorée ou réévaluée en cours du mariage ou lors de sa dissolution ; toute coutume ou convention contraire est de nul effet ». Voir également Côte d’Ivoire, Loi n° 64-381 du 7 octobre 1964, relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments, et portant modification des articles 11 et 21 de la loi no. 61-415 du 14 décembre 1961 sur le Code de la nationalité, art. 23 : « Les dots versées à l’occasion des mariages contractés antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. / Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts exclusifs de l’épouse, le tribunal pourra en ordonner la restitution partielle ou totale ».

[4] Par exemple Côte d’Ivoire, Loi n° 64-381 du 7 octobre 1964, relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments, et portant modification des articles 11 et 21 de la loi no. 61-415 du 14 décembre 1961 sur le Code de la nationalité, art. 12 : « Ces mariages [contractés conformément à la tradition, antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle] ne pourront être dissous que dans les formes et pour les motifs prévus par la loi nouvelle ».

  1. Un autre type de condition réside dans l’absence de droit du for applicable. Ainsi, lors de la colonisation, était prévu, tant en France qu’au Royaume-Uni ou en Belgique[1], le principe de l’application résiduelle des droits préexistants, signifiant que ceux-ci ne s’appliquaient qu’en cas de silence ou lacune du droit colonial[2]. Or, les juges coloniaux voyaient souvent de telles lacunes, soit parce qu’ils voulaient appliquer le droit colonial, soit parce qu’ils ne connaissaient pas les autres droits[3]. Cette logique a pu être également suivi par les nouveaux Etats africains[4].

[1] Voir Ordonnance de l’Administrateur général au Congo – Principes à suivre dans les décisions judiciaires, 14 mai 1886, Bull. Off. De l’E.I.C., 1886 ; B.A., 1886, pp.188-189, art. 1 : « Quand la matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité », étant ajouté, art. 2 : « Lorsque la décision du litige entraîne l’application d’une coutume locale, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes ou non-indigènes, choisis parmi les notables les plus capables ».

[2] Voir ainsi article 1, Ordonnance de l’Administrateur général au Congo, 14 mai 1886, Bull. Off. De l’E.I.C., 1886 ; B.A., 1886, pp.188-189 : « Quand la matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité ». Voir également l’art. 3, alinéa 1, du Décret n° 55-580 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale en Afrique occidentale française et en Afrique équatoriale française, JORF du 21 mai 1955, Quatre-vingt-septième année, n° 121, p. 5079 : « En Afrique occidentale française et en Afrique équatoriale française, sont confirmés les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non appropriées selon les règles du code civil ou du régime de l’immatriculation ».

[3] G. Otis, « Les figures de la théorie pluraliste dans la recherche juridique », in G. Otis (dir.), Méthodologie du pluralisme juridique, Paris, Karthala, coll. 4 vents, 2012, pp. 9-24, 14 qui cite H. Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé, Paris, Sirey, 1927, pp. 275-278. Voir aussi J.C.A. Agbakoba & E.S. Nwauche, “African Conceptions of Justice, Responsibility and Punishment”, Cambrian Law Review, Vol. 37, 2006, pp.73 ss., 82, qui citent plusieurs affaires en ce sens : « See for example the cases of Thomas v Ademola 1118 NLR 12, where a judge read the rule of fair hearing into the rules of a secret society by stating that he knew its application as a matter of fact. See also the cases of Guri v Hadeija Native Authority (1959) 4 FSC 44 where the Federal Supreme Court declared invalid a rule of Maliki law that prevented persons accused of highway robbery from defending themselves. See the following conflicting decisions as to whether ‘widow inheritance’ by the family of a deceased husband is contrary to the repugnancy test: Re Estate of Agboruja (1949) 19 NCR 38, Moribe v Egwu (1976) 6 ECSLR 342; Solomon v Gbobo (1974) UILR 396 and Yusuf v Okhia (1976) 6 ECSLR 274 » (…) See also Ademola CJ in AIhaji Amadi John Holt v Momodu (1956) NRNLR 81: ‘A procedure is not contrary to natural justice merely because it foreign to English Law, so far it is clear that substantial justice is done.’ See further Brook J in Katsina v Kogo 14 NLR 49: ‘There is no desire to interfere with decisions which are in accordance with native law, the principle has been the verdict and sentence of a native court which is an integral part of our judicial system carried out in accordance with procedure enjoined by native law and not obviously inequitable will be accepted even though the procedure is widely different from the practice of English Criminal Court.’”.

[4] Loi n° 60- 29 du 25 mai 1960 portant interdiction de la dîme et de l’Achoura, art. 2, alinéa 2 : « Les droits successoraux non soumis au Code Civil restent régis par les coutumes ou par le Droit coranique, abstraction faite seulement de la redevance coutumière ci- dessus ».

  1. Dans un autre type de relations, les droits étatiques exigent, pour éventuellement donner force exécutoire sur leur territoire à un jugement étatique étranger, que celui-ci fasse l’objet d’une procédure d’exéquatur par des autorités, généralement judiciaire, de l’Etat sollicité. Cette procédure permet de vérifier si les conditions posées par la loi à l’octroi de l’exéquatur sont remplies[1]. De manière plus générale, le droit international privé agit sur la mobilité ou circulation de statuts ou régimes personnels ou des situations que des personnes ont pu créer ou dont elles ont été investies ailleurs, qu’il s’agisse de situations matrimoniales ou familiales comme d’autres plus économiques. Il permet, à ses conditions, de décider de la validité en son sein d’éléments créés sur le fondement de droits étrangers ou de la validité sur son territoire de situations juridiques établies en vertu de règles relevant d’un autre système juridique mais appelées à exister dans le cadre de son système juridique. En particulier, il peut empêcher que des personnes étrangères fassent valoir en son sein une situation juridique établie dans un autre ordre juridique ou que ses nationaux puissent créer une telle situation juridique sous l’empire d’une loi étrangère. On pense, par exemple, au refus de reconnaissance sur le territoire français d’une situation, institution ou relation (polygamie, procréation assistée, union du même sexe, répudiation, etc.) fondé sur une exception d’ordre public car elle heurterait certaines des « valeurs » de la société d’accueil exprimées dans son droit national. Cela pourra se faire en refusant de reconnaître une décision étrangère, un jugement étranger ou une loi étrangère ; il s’agit dans tous les cas de rendre juridiquement inefficace dans l’ordre juridique d’un Etat, concrètement sur son territoire, des produits d’un ordre juridique étranger.

[1] Sur ces conditions, entre autres, Article 7 de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécutif et fixant les conditions de l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que les sentences arbitrales étrangères « Le juge du contentieux de l’exécution se borne à vérifier que : a)  la décision émane d’une juridiction compétente dans son pays d’origine ; b) les parties ont été régulièrement citées, représentées et déclarées défaillantes ; c) la décision est susceptible d’exécution dans son pays d’origine ; d) la décision n’est contraire, ni à l’ordre public camerounais, ni à une décision judiciaire définitive rendue au Cameroun ».

  1. Un autre type de condition, encore, est celle de la conformité de l’élément allogène au droit du for. On a vu que tel pouvait être le cas dans le cadre de l’exéquatur, un grand nombre de droit soumettant celle-ci, notamment, au respect de l’ordre public de l’Etat de réception.
  2. On trouve également ce type de condition dans les droits étatiques africains en matière de reconnaissance des droits exoétatiques. En effet, quand le droit étatique reconnaît (voire promeut la reconnaissance) des normativités juridiques ou des droits et libertés individuels exoétatiques, c’est généralement en posant une règle de conflit entre de telles normes qui subordonne expressément ces normativités au droit étatique ou à d’autres référents[1]. En effet, cette coexistence obéit – comme à l’époque coloniale entre le droit colonial et les droits locaux – à l’affirmation de la supériorité du droit étatique sur les autres droits que les Etats africains savaient ne pas avoir éradiqués par la seule puissance de la loi ou auxquels, comme les colonisateurs, ils avaient offert de pouvoir être choisis par les habitants. Les nouveaux tribunaux allaient en ce sens faire primer le droit étatique qui devait devenir le droit commun.

[1] Ainsi, bien que l’article 11 (« Fundamental Objectives ») de la Constitution du Mozambique de 2004 dispose : « The fundamental objectives of the Republic of Mozambique shall be: […] i) the affirmation of the Mozambican identity, of its traditions and other social and cultural values », l’article 4 (« Legal Pluralism ») précise : « The State recognises the different normative and dispute resolution systems that co-exist in Mozambican society, insofar as they are not contrary to the fundamental principles and values of the Constitution » et l’art. 118 (“Traditional Authority”) ajoute : « 1. The State shall recognise and esteem traditional authority that is legitimate according to the people and to customary law. 2. The Sate shall define the relationship between traditional authority and other institutions and the part that traditional authority should play in the economic, social and cultural affairs of the country, in accordance with the law ». Voir aussi Constitution du Ghana de 1992 telle qu’amendée en 1996, art. 26: “1. Every person is entitled to enjoy, practice, profess, maintain and promote any culture, language, tradition or religion subject to the provisions of this Constitution. 2. All customary practices which dehumanise or are injurious to the physical and mental well-being of a person are prohibited »; Constitution of Kenya, 2010, Chapter Five – Land and Environment – Part 1 – Land, Principles and land policy, Section 60: “(1) Land in Kenya shall be held, used and managed in a manner that is equitable, efficient, productive and sustainable, and in accordance with the following principles – […] (f) elimination of gender discrimination in law, customs and practices related to land and property in land” à lire avec le (g) : “encouragement of communities to settle land disputes through recognised local community initiatives consistent with this Constitution” ; Kenya, Judicature Act, Chapter 8, 4th July 1967, Revised Edition 2012 [2010] – An Act of Parliament to make provision concerning the jurisdiction of the High Court, the Court of Appeal and subordinate courts, and to make additional provision concerning the High Court, the Court of Appeal and subordinate courts and the judges and officers of courts [Act No. 16 of 1967, Act No. 8 of 1968, Act No. 4 of 1975, Act No. 6 of 1976, Act No. 14 of 1977, Act No. 6 of 1979, L.N. 162/1980, Act No. 12 of 1981, Act No. 19 of 1982, Act No. 10 of 1983, Act No. 19 of 1984, L.N. 65/1984, L.N. 275/1990, Act No. 10 of 1997, Act No. 7 of 2007, Act No. 10A of 2012.] : “3. Mode of exercise of jurisdiction. […]. (2) The High Court, the Court of Appeal and all subordinate courts shall be guided by African customary law in civil cases in which one or more of the parties is subject to it or affected by it, so far as it is applicable and is not repugnant to justice and morality or inconsistent with any written law, and shall decide all such cases according to substantial justice without undue regard to technicalities of procedure and without undue delay”. Voir également en RDC Loi n° 5/2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones, art. 13 : « Les coutumes et les institutions traditionnelles des populations autochtones conformes aux droits fondamentaux définis par la Constitution et aux standards internationaux relatifs aux droits humains sont garanties » et Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 362 : « La coutume applicable au mariage détermine les débiteurs et les créanciers de la dot, sa consistance et son montant, pour autant qu’elle soit conforme à l’ordre public et à la loi, plus particulièrement aux dispositions qui suivent. […] » et art. 368 : « La célébration du mariage en famille se déroule conformément aux coutumes des parties pour autant que ces coutumes soient conformes à l’ordre public ». Voir encore Togo, Loi n° 2012-014 du 6 juillet 2012 portant Code des personnes et de la Famille, Journal officiel, 6 juillet 2012, n° spécial, pp. 6-72, art. 403 : « La loi reconnaît en matière de succession la coutume du défunt et les dispositions du présent code. / Toutefois, la coutume ne sera appliquée autant qu’elle est conforme aux droits humains et aux principes fondamentaux de la Constitution » ; Zambie, Protection of Traditional Knowledge, Genetic Resources and Expressions of Folklore Act, 2016 (No. 16 of 2016), 6 June 2016: “27. Subject to this Act, a traditional community has the following rights over its genetic resources: (a) the exclusive right to regulate access to its genetic resources; (b) an inalienable right to use its genetic resources; (c) the exclusive right to share the benefits arising from the utilisation of its genetic resources; and (d) the right to assign and conclude access agreements”. République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 362 : « La coutume applicable au mariage détermine les débiteurs et les créanciers de la dot, sa consistance et son montant, pour autant qu’elle soit conforme à l’ordre public et à la loi, plus particulièrement aux dispositions qui suivent. […] ».

  1. Parfois cette condition de conformité renvoie non seulement au droit du for, mais également à un autre droit allogène[1].

[1] Voir ainsi Article 63 de la Loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, JORN spécial n° 14 du 20 août 2004, p. 1028 et s. et Loi n° 2018-37 du 1er juin 2018 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, Titre III : La compétence des juridictions, chapitre premier : les règles générales applicables aux litiges de droit coutumier et civil, art. 72 : « Sous réserve du respect des conventions internationales régulièrement ratifiées, des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l’ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties : […] » ; Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 18 mai 2006, Aïssata Wangueye c. Abdoulkarim Dodo Boukari SCPA Nazir-Chaibou, arrêt n° 06-142, la chambre statuant pour les affaires coutumières sur pourvoi contre jugement du Tribunal régional : « Attendu que par ailleurs, l’application d’une coutume (en l’espèce touarègue) implique sa conformité à l’ordre public et, si nécessaire, compte tenu du caractère fondamentalement évolutif de toute norme coutumière, s’adapter à l’évolution générale du pays. Qu’ainsi, toute coutume qui n’est pas conforme aux conventions internationales régulièrement ratifiées doit être écartée ; qu’en tout état de cause, il doit être tenu compte de l’intérêt des enfants ; que cet intérêt a été édicté dans des conventions internationales régulièrement ratifiées par le Niger ».

4.2. Variété des modalités de reconnaissance

  1. Cette logique de la reconnaissance a pu être adoptée par les Etats africains indépendants selon des modalités variées. Il convient toutefois, au préalable, de préciser qu’un élément d’un droit exo-étatique que le droit étatique reconnaît n’est que ce que celui-ci dit être un élément de ce droit exo-étatique au terme d’une procédure qu’il détermine lui-même. C’est donc lui qui détermine celui-là qui n’est donc jamais tout à fait l’élément établi par le système allogène[1] comme cela se passe avec la technique de la codification. Au mieux, le droit étatique pourra-t-il se rapprocher de la signification endogène de ce droit en déterminant (ou en commandant à ses autorités de déterminer) celui-ci en tenant compte des règles du système d’origine au moyen de la technique qu’on verra de la « prise en considération ».

[1] Voir en ce sens, notamment, Loi nº 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 août 2004 portant Code du domaine foncier rural de Côte d’Ivoire, et par la loi n° 2019-868 du 14 novembre 2019, art. 7 : « Les droits coutumiers sont constatés au terme d’une enquête officielle réalisée par les Autorités administratives ou leurs délégués et les conseils des villages concernés soit en exécution d’un programme d’intervention, soit à la demande des personnes intéressées ».

5. L’édiction d’une règle pour laisser un autre droit produire ses effets

  1. Dans cette hypothèse, le droit semble s’effacer devant un autre.
  • Voir ainsi la loi du 1er août 1987 portant code de la famille en RDC (qui invoque également une volonté de modernisation du droit étatique) : « C’est dans cette perspective heureuse que la présente Loi entend intégrer dans ses différentes articulations des normes modernes du droit de la nationalité et des conventions internationales, plus particulièrement la convention sur la réduction des cas d’apatridie, […]. En vue de répondre aux impératifs de la modernité et des conventions internationales, la Loi fixe […] »[1]. Il en découle que « La nationalité congolaise est reconnue, s’acquiert ou se perd selon les dispositions fixées par la présente Loi, sous réserve de l’application des conventions internationales et des principes de droit reconnus en matière de nationalité »[2].

[1] République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), exposé des motifs

[2] République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 2.

  • En ce sens également à l’égard d’un droit exoétatique, la même loi du 1er août 1987 portant code de la famille en RDC : « Les cadeaux reçus de part et d’autre [à l’occasion des fiançailles] doivent être restitués sauf : […] 2. Si la coutume applicable ne prévoit pas la restitution des cadeaux ou de certains cadeaux »[1].

[1] République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 345.

  • Voir encore, cette fois-ci dans l’autre sens, la résolution du 22 décembre 1996 de la famille royale des Valoyi (Afrique du Sud) confiant la chefferie à une femme : “[T]hough in the past it was not permissible by the Valoyis that a female child be heir, in terms of democracy and the new Republic of South African Constitution it is now permissible that a female child be heir since she is also equal to a male child. […] The matter of Chieftainship and regency would be conducted according to the Constitution of the Republic of South Africa”[1].

[1] Cité in Constitutional Court, 4 June 2008, Shilubana and Others v Nwamitwa (CCT 03/07) [2008] ZACC 9; 2008 (9) BCLR 914 (CC); 2009 (2) SA 66 (CC), para 4.

  1. Cela dit, un droit peut faire cela en posant comme condition que l’application du droit allogène ne conduise pas à violer ses propres prescriptions. Ainsi si le droit juif obéit au principe de soumission au droit de l’Etat sur le territoire duquel vivent les juifs, c’est sous réserve que cela ne conduise pas ceux-ci à violer la halaka[1].

[1] Gamal M. Badr, « Islamic Law: Its Relation to Other Legal Systems », The American Journal of Comparative Law, Vol. 26, No. 2, 1977-1978, pp. 187-198, 195: “the development of Jewish law in the diaspora was considerably hindered by the principle known as “dina de-malkhuta dina” whereby Jewish lawyers admitted that the law of the land, that is the law of the territorial sovereign, was applicable to the Jews as part of their law except in religious and personal matters”; H. Rabault, « Le droit au-delà de l’Etat. Sens du droit religieux », Droit et Société, no 97, 2017/3, pp. 643-651, 645 : « Ainsi la relation entre le droit talmudique et le « droit des nations » est-elle, en pratique, complexe. Elle pose des problèmes qui ressortissent, en droit interne, à ce qu’on appelle le droit international privé. Parfois le droit talmudique fait prévaloir le droit des nations, selon la maxime talmudique « la loi du royaume est la loi » (p. 36). Mais parfois, comme tout droit « religieux », il peut entrer en contradiction avec le droit étatique. […]. « D’après certains décisionnaires, le droit de l’Etat n’est obligatoire qu’à la condition qu’il ne s’oppose pas à la halakhah » (p. 163). […]. Ces considérations amènent à la conclusion que le droit talmudique ne se considère pas comme subordonné au droit des Etats, mais entretient avec ceux-ci une relation complexe ».

  1. Certains droits semblent toutefois jusqu’à admettre l’application de règles pourtant contraires à la Constitution[1]. D’autres conditionnent l’exercice de certains droits et libertés au respect des prescriptions religieuses[2], voire rendent de manière générale les règles religieuses, en réalité la Shari’a, à un niveau qu’on pourrait qualifier de supra constitutionnel[3].

[1] Voir en ce sens la section 23 de la Constitution de la Zambie telle qu’amendée en 1996 énonce le principe de non-discrimination mais dispose que ce principe ne s’applique à aucune loi dans la mesure où celle-ci régit des questions d’adoption, de mariage, de divorce, d’enterrement, de succession ou autres questions de droit personnel (Section 23 (4)(c)) ni dans la mesure où elle prévoit l’application du droit coutumier entre membres d’une race ou tribu particulière (Section 23 (4)(d)). De même, l’art. 15 de la Constitution du Botswana de 1966 telle qu’amendée en 2016 : « Subsection (1) of this section [15 relating to protection from discrimination] shall not apply to any law so far as that law makes provision […]; d) for the application in the case of members of a particular race, community or tribe of customary law with respect to any matter whether to the exclusion of any law in respect to that matter which is applicable in the case of other persons or not”.

[2] Voir par exemple Constitution de la République algérienne démocratique et populaire, JO n° 76 du 8 décembre 1996, modifiée par la Loi n° 02-03 du 10 avril 2002 – JO n° 25 du 14 avril 2002, la Loi n° 08-19 du 15 novembre 2008 – JO n° 63 du 16 novembre 2008 et la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016 – Journal officiel n° 14 du 7 mars 2016, art. 50 (nouveau) : « […]. La diffusion des informations, des idées, des images et des opinions en toute liberté est garantie dans le cadre de la loi et du respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles de la Nation. […] ».

[3] Voir ainsi : Constitution de la Somalie de 2012 amendée, art. 2 § 3 : « No law which is not compliant with the general principles of Shari’ah can be enacted”; Constitution de la Somalie de 2012 amendée, art. 3 § 1: “The Constitution of the Federal Republic of Somalia is based on the foundations of the Holy Quran and the Sunna of our prophet Mohamed (PBUH) and protects the higher objectives of Shari’ah and social justice”; art. 4 § 1: “After the Shari’ah, the Constitution of the Federal Republic of Somalia is the supreme law of the country. It binds the government and guides policy initiatives and decisions in all sections of government”. Voir également Constitution de l’Egypte de 2014, art. 2 : « L’islam est la religion de l’Etat, l’arabe sa langue officielle et les principes de la Shari’a islamique constituent la source principale de la législation ».

6. La prise en considération

  1. Il arrive régulièrement à une autorité d’un système juridique d’attacher des effets internes à un élément exogène en l’appréhendant à titre préalable dans le cadre de l’application d’une norme de son système qui régit l’issue du procès. Il s’agit pour cette autorité, sans l’appliquer en tant que tel, de tirer des conséquences de l’existence de cet élément et de son efficacité juridique dans son ordre d’origine en tant que cela est nécessaire à l’application d’une norme de son système.
  2. On peut distinguer deux hypothèses dans lesquelles cette autorité appréhende à titre préalable un élément d’un droit exogène : d’une part, parce qu’une norme de son système qu’il doit appliquer désigne cet élément, ou un type d’éléments dont il fait partie, comme condition des effets qu’elle détermine ; d’autre part, sans renvoi exprès d’une norme applicable de son système, parce qu’elle estime que cet élément est tout de même pertinent dans l’établissement du présupposé ou des conditions d’application de cette norme.

6.1. Illustration 1 : Le droit musulman à l’égard de la coutume

  1. La coutume, appelée urf/orf ou ãdda (Azref au Maroc), n’a jamais été intégrée dans les sources du droit musulman[1]. Toutefois, le droit musulman prit rapidement en considération les droits anté-islamiques.

[1] L. Milliot, F.-P. Blanc, Introduction à l’étude du droit musulman, 2e éd., Paris, Sirey, 1987, 669 p., § 171.

  1. Ainsi, contrairement au droit chrétien qui rejeta certains pans des droits « originellement » africains de la famille, le droit musulman se contenta souvent de les aménager, qu’il s’agisse du mariage, du divorce ou du statut de la femme[1].

[1] M. Khadduri, “Marriage in Islamic Law: The Modernist Viewpoints”, American Journal of Comparative Law, Vol. 26, No. 2, 1978, pp. 213-218, 213: “Under pre-Islamic law, there were no limitations on men’s rights to marry or obtain a divorce. Although the new law under Islam-the Shari’a-reformed marital practices, it did not abolish polygamy or prohibit divorce as did the canon law in early Christian society. / Under the pre-Islamic law of status, the patria potestas, women had virtually no rights. The Shari’a accorded women a number of rights, and thus changed marriage from an institution characterized by unquestioned male superiority to one in which the woman was somewhat of an interested partner. For example, the dowry, previously regarded as a bride-price paid to the father, became a nuptial gift retained by the wife as part of her personal property. / The Shari “a also changed the nature of marriage from “status” to “contract,” in the words of Sir Henry Maine. An offer of marriage by the man, an acceptance by the woman, and the performance of such conditions as the payment of dowry are all essential elements of the marriage contract. Although an offer to marry is actually made through a woman’s father, the woman’s consent is considered imperative if the contract is to be binding. Additionally, the offer and acceptance must be made in the presence of at least two witnesses for the marriage contract to be valid ».

  1. Les coutumes servirent ainsi pour apprécier la teneur de certaines situations et pour adapter des fatwa au contexte dans lequel celles-ci avaient vocation à produire des effets.
  2. En tout état de cause, semble-t-il, si les coutumes non islamiques pouvaient servir à adapter et enrichir le droit musulman, celui-ci ne les prenait en considération que dans la mesure de leur compatibilité avec lui[1].

[1] En ce sens, notamment, S. Sait, “Not Just another ‘Custom’: Islamic Influence on African Land Laws”, in R. Home (ed), Essays in African Land Law, Pretoria University Law Press, 2011, pp. 91-111, 93.

6.2. Illustration 2 : Les droits étatiques africains à l’égard des droits exoétatiques

  1. Il y a prise en considération lorsque le droit étatique ne fait pas application en tant que telle de la norme traditionnelle ou religieuse, mais doit s’y référer pour appliquer le droit étatique en tant que celui-ci y renvoie. Il en est ainsi, par exemple, quand le droit étatique dit reconnaître les droits coutumiers ou religieux tels qu’ils sont établis par les processus coutumiers ou religieux[1], quand il conditionne (dans une certaine mesure) la reconnaissance d’autorités exo-étatiques au respect des règles et procédures du droit exo-étatique concerné[2], ou demande au juge de statuer en tenant compte de la coutume[3].

[1] Voir notamment Côte d’Ivoire, Loi n° 64-381 du 7 octobre 1964, relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments, et portant modification des articles 11 et 21 de la loi no. 61-415 du 14 décembre 1961 sur le Code de la nationalité, art. 11 : « La validité, au fond, des mariages visés à l’article précédent [mariages contractés conformément à la tradition, antérieurement à la date d’entrée de la loi nouvelle], s’appréciera conformément aux coutumes en vigueur à l’époque à laquelle ils auront été constatés » ; Mali, Ordonnance n° 00-027 du 22 mars 2000 portant Code domanial et foncier, modifiée par la loi n° 02-008 du 12 février 2002, la loi n° 2012-001 du 10 janvier 2012 et la loi n° 2016-025 du 14 juin 2016 (abrogée), article 28 : « Font partie du domaine privé immobilier de l’Etat :  […] les terres non immatriculées y compris : – celles vacantes et sans maîtres sur lesquelles ne s’exerce aucun droit d’usage ni de disposition, que ce soit en vertu des règles de droit écrit ou de celles des droits fonciers coutumiers ; – celles sur lesquelles s’exercent des droits fonciers coutumiers d’usage ou de disposition, que ce soit à titre collectif ou individuel ; […] », art. 46 : « Les droits coutumiers autres que ceux définis à l’article précédent ne peuvent être immatriculés. Ils ne peuvent être transférés qu’à des individus ou collectivités susceptibles de posséder les mêmes droits en vertu de la coutume et seulement dans les conditions et limites qu’elle prévoit./Néanmoins, il peut être fait abandon de tous droits fonciers coutumiers tant en faveur des collectivités et établissements publics qu’en faveur des demandeurs de concessions » ; Loi n° 43/2013 du 16 juin 2013 portant régime foncier au Rwanda, art. 10 : « Les terres individuelles privées comprennent les terres acquises en vertu de la coutume ou du droit écrit. Ces terres sont soit concédées définitivement par les autorités compétentes, soit acquises par achat, don, héritage, succession, partage d’ascendant, échange ou partage. La présente loi prévoit une égale protection des droits fonciers résultant des voies stipulées au paragraphe précédent » ; République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 612 : « Si l’action [en contestation de paternité] est exercée contre un enfant mineur, interdit ou hors d’état de manifester sa volonté, celui-ci sera représenté par sa mère, son tuteur, ou par un membre de sa famille maternelle, désigné par le tribunal [de paix] conformément à la coutume » ; art. 631 relatif à l’action en recherche de paternité : « Si la mère de l’enfant est décédée ou encore si elle se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté, l’action sera intentée par un membre de la famille maternelle de l’enfant, désigné par le tribunal conformément à la coutume ou par celui qui a la garde de l’enfant » ; art. 765 : « Est indigne de succéder et comme tel exclu de l’hérédité, l’héritier légal ou le légataire : […] d) qui, au cours des soins à devoir apporter au de cujus lors de sa dernière maladie, a délibérément négligé de les donner, alors qu’il y était tenu conformément à la loi ou à la coutume ; […] » ; art. 788 : « Lorsque le droit de reprise est exercé par un des enfants, celui-ci est tenu d’assurer les charges prévues par la coutume en faveur des autres enfants » ; Togo, Loi n° 2018‐005 du 14 juin 2018 portant Code foncier et domanial, art. 582 : « Les forêts non appropriées, non détenues en vertu de droits établis ou acquis selon la coutume, appartiennent à l’Etat ou aux collectivités territoriales. […] » ; •Zambie, Protection of Traditional Knowledge, Genetic Resources and Expressions of Folklore Act, 2016 (No. 16 of 2016), 6 June 2016, Section 30 on the Right to use: “(1) A traditional community has an inalienable right to use or exchange with other traditional communities its genetic resources for sustaining its livelihood systems in accordance with customary laws and practices” ; Zimbabwe, Environmental Management (Access to Genetic Resources and Indigenous Genetic Resource-based Knowledge) Regulations, SI No. 61 of 2009 (Cap. 20:27), 1 June 2009, Preliminary Title: 2. In these regulations – […] ; “communal rights claim” means a claim by an indigenous community for the recovery or recognition of ancestral rights to genetic resources and genetic resource-based knowledge made in terms of section Part VII; “Chief” means any person appointed as a Chief in terms of section 3(1) of the Traditional Leaders Act, 1998; “community” or “indigenous community” means a community of persons that has inhabited Zimbabwe continuously since before the year 1890 and whose members share the same language or dialect or the same cultural values, traditions or customs; […] ; “headman” means any headman appointed in terms of section 8 of the Traditional Leaders Act, 1998; “indigenous genetic resource-based knowledge” means any knowledge or innovation (however expressed, mediated, articulated or transmitted) in relation to genetic materials and their use that constitutes part of the common, traditional or customary patrimony of a local authority or indigenous community, and includes traditional medical knowledge; […] ; “traditional leadership” means the Chief or any headman or village head of any community or part of community residing within the area of a local authority ; “traditional medical knowledge” means any knowledge or innovation in relation to genetic materials and their use for therapeutic purposes— (a) that constitutes part of the common, traditional or customary patrimony of a local authority or indigenous community; or (b) that is held by a traditional medical practitioner, whether or not by virtue of being a member of a local authority or community referred to in paragraph (a) ; […] ; “traditional medicine” means any medicine— (a) that constitutes part of the common, traditional or customary patrimony of a local authority or indigenous community; or (b) that is manufactured or dispensed by a traditional medical practitioner, whether or not a member of a local authority or community referred to in paragraph (a)”. Voir également, par exemple, Loi nº 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 août 2004 portant Code du domaine foncier rural de Côte d’Ivoire, et par la loi n° 2019-868 du 14 novembre 2019, art. 3 : « le Domaine Foncier Rural coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur lesquelles s’exercent : des droits coutumiers conformes aux traditions, des droits coutumiers cédés à des tiers ».

[2] Voir ainsi Afrique du Sud, Traditional Leadership and Governance Framework Act, 2003 (No. 41 of 2003) (Old Act), Section 9.

[3] Kenya, Judicature Act, Chapter 8, 4th July 1967, Revised Edition 2012 [2010] – An Act of Parliament to make provision concerning the jurisdiction of the High Court, the Court of Appeal and subordinate courts, and to make additional provision concerning the High Court, the Court of Appeal and subordinate courts and the judges and officers of courts [Act No. 16 of 1967, Act No. 8 of 1968, Act No. 4 of 1975, Act No. 6 of 1976, Act No. 14 of 1977, Act No. 6 of 1979, L.N. 162/1980, Act No. 12 of 1981, Act No. 19 of 1982, Act No. 10 of 1983, Act No. 19 of 1984, L.N. 65/1984, L.N. 275/1990, Act No. 10 of 1997, Act No. 7 of 2007, Act No. 10A of 2012.] : “3. Mode of exercise of jurisdiction. […]. (2) The High Court, the Court of Appeal and all subordinate courts shall be guided by African customary law in civil cases in which one or more of the parties is subject to it or affected by it, so far as it is applicable and is not repugnant to justice and morality or inconsistent with any written law, and shall decide all such cases according to substantial justice without undue regard to technicalities of procedure and without undue delay” ; République démocratique du Congo, Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille (modifié en 2016), art. 367 au sujet du refus de la dot : en cas de désaccord, le tribunal de paix «  statue par décision motivée accordant ou non l’autorisation du mariage et fixant le montant de la dot en tenant compte de la coutume des parties et des possibilités financières du futur époux et de sa famille » ; art. 461 : « Lorsque la coutume le prévoit, le tribunal de paix peut, en cas de violation de leurs devoirs par un des époux, le condamner à une réparation en faveur de l’autre époux. […] », art. 462 : « Lorsque la coutume le prévoit, le tribunal de paix peut, en cas de violation par l’un des époux de ses devoirs, ordonner à celui-ci l’accomplissement de rites coutumiers susceptibles de réparer la faute commise ou de resserrer les liens conjugaux ou d’alliance, pourvu que ces rites soient conformes à l’ordre public et à la loi ».

  1. Il faut en effet pour l’autorité, non seulement reconnaître tel ou tel droit exoétatique particulier, mais également prendre en considération d’autres éléments de celui-ci, précisément, savoir si existe bien le droit coutumier ou religieux qu’il doit reconnaître.
  2. Cette prise en considération peut ne pas être limitée dans le temps. Elle peut également avoir vocation à être seulement provisoire, le droit étatique attendant que ces droits s’étatisent[1].

[1] Mali, Ordonnance n° 00-027 du 22 mars 2000 portant Code domanial et foncier, modifiée par la loi n° 02-008 du 12 février 2002, la loi n° 2012-001 du 10 janvier 2012 et la loi n° 2016-025 du 14 juin 2016 (abrogée), art. 45 : « Les droits coutumiers individuels ainsi constatés, quand ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol se traduisant par des constructions ou une mise en valeur régulière sauf, le cas échéant, interruptions justifiées par les modes de culture, peuvent être grevés de droits nouveaux ou concédés au profit de tous tiers. Dans ce cas, le nouveau concessionnaire est tenu de requérir et sans délai l’immatriculation de l’immeuble. / Les droits ainsi constatés lorsqu’ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol peuvent également être transformés en droit de propriété au profit de leur titulaire qui requiert à cet effet leur immatriculation ».

  1. En application du principe déjà vu d’affirmation de sa propre supériorité, le droit étatique conditionne cette prise en considération. En ce sens, de manière expresse : Madagascar, Ordonnance n° 62-041 du 19 septembre 1962 relative aux dispositions générales de droit interne et de droit international privé (JO n° 244 du 28 septembre 1962, p. 1989), complétée par la loi n° 98-019 du 2 décembre 1998 (JO n° 2549 du 15 décembre 1998, p. 3642 et 3654 ; Errata : JO n° 2571 du 26 avril 1999, p. 1060, titre I – dispositions générales de droit interne, art. 11 : « Aucun juge ne peut refuser de juger un différend qui lui est soumis, sous quelque prétexte que ce soit ; en cas de silence, d’insuffisance ou d’obscurité de la loi, le juge peut s’inspirer des principes généraux du droit et, le cas échéant, des coutumes et traditions des parties en cause, à condition que ces coutumes et traditions soient certaines, parfaitement établies et ne heurtent en rien l’ordre public et les bonnes mœurs ». La Cour suprême en a inféré que la coutume ne pouvait supplanter la loi là où le législateur a expressément légiféré[1].

[1] Voir Madagascar, Cour suprême, Formation de contrôle, Toutes chambres réunies, 26 avril 2007, Ralaiboa Marcel c. Rakotomamonly Philibert, arrêt n° 85, dossier n° 340/99-CO : « Attendu, en droit, que conformément à l’article 11 de l’Ordonnance n° 62.041 du 19 septembre 1962, relative aux dispositions générales de droit interne et de droit international privé, la coutume qui peut être une source d’inspiration pour le Juge, en cas de silence, d’insuffisance ou d’obscurité de la loi, à condition qu’elle soit certaine, parfaitement établie et ne heurte en rien l’ordre public et les bonnes mœurs, ne saurait en aucun cas supplanter la loi, là où le législateur a expressément légiféré ».

La supériorité de la règle étatique, y compris législative, sur la règle coutumière peut se faire de manière moins explicite[1].


[1] Voir ainsi Guinée, Cour suprême, Chambre civile, pénale, commerciale et sociale, 29 mai 2006, Héritiers de feu AI Y X c. Héritiers feu C A AG, arrêt ° 28 : même si le défendeur avait prouvée établie la propriété du défunt en vertu d’« une certaine coutume », son inaction au bout de 10 ans entraîne sa déchéance en vertu de la loi quoi qu’en dise la coutume ; Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, Hamadou Kessel et autres c. Mounkaila Barkiré, 18 mai 2006, arrêt n° 06-146, la Chambre statuant pour les affaires coutumières sur le moyen unique de cassation tiré de la mauvaise application de la coutume musulmane et de la violation de la loi : « Attendu que comme l’a relevé le demandeur au pourvoi, la Cour Suprême a depuis longtemps admis que «le serment coranique peut être déféré par une partie à l’autre et le serment prêté dans ces conditions a pour effet d’entraîner nécessairement l’abandon par le déférant de toutes ses prétentions dans ce procès»; / Mais attendu que le serment coranique ne met fin au litige que lorsqu’il est prêté conformément à la loi et aux règles coutumières; / Attendu qu’en l’espèce il n’est pas établi que le serment a été déféré par le défendeur au requérant; que le serment prêté par une partie sans le consentement de l’autre ne vaut conciliation; / Attendu qu’en déclarant irrégulier le serment dont il s’agit, le jugement attaqué s’est conformé à la loi et à la coutume énoncée; qu’en conséquence, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant mal fondé » ; Tchad, Cour suprême, Civile, 5 juin 2008, 137/CS/CJ/SC/08 : « Attendu que pour débouter les héritiers NADJIAMBANG de leur demande et déclarer la vente parfaite entre X A et C B la Cour d’Appel retient que A avait toutes les qualités et pouvoirs pour réaliser la vente dans la mesure ou il détenait tous les pouvoirs du conseil de famille qui dans certaines coutumes, exerce une influence certaine dans le règlement des affaires familiales d’une part et que d’autre part GANDA MADINGUE n’est pas membre de la famille et de ce fait n’a de qualité pour ester en justice ; / qu’en se déterminant ainsi, alors que l’ordre et la catégorie des héritiers a été clairement spécifié par les articles 734 et 735 du Code Civil d’une part et que d’autre part, malgré que l’acte ait été établi par le juge résident de KOUMRA, A X ne pouvait légalement hériter son défunt frère en présence des enfants vivants, la Cour d’Appel a, contre le droit, décidé que la vente était parfaite entre A X et C B contrairement à la vente opérée par les héritiers légaux qui elle, a été déclarée nulle comme étant intervenue sur la chose d’autrui, n’a ni donné des bases légales à ses constatations ni mis la Cour en l’état d’exercer son contrôle ».

  1. Le droit international peut commander à l’Etat d’opérer une telle prise en considération. En ce sens, voir l’art. 7 de la Convention n° 107 de l’OIT sur droit coutumier des communautés autochtones : « 1. En définissant les droits et les obligations des populations intéressées, on devra tenir compte de leur droit coutumier ». Voir également le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique, art. 12 – Connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques : « 1. En s’acquittant de leurs obligations aux termes du présent Protocole, les Parties tiennent dument compte, conformément au droit interne, s’il y a lieu, des lois, des protocoles et procédures communautaires, des communautés autochtones et locales relatives aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. […]. 3. Les Parties s’efforcent d’appuyer, selon qu’il convient, l’élaboration par les communautés autochtones et locales, y compris les femmes de ces communautés, de : a) Protocoles communautaires relatifs à l’accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ; […]. 4. En appliquant le présent Protocole, les Parties, dans la mesure du possible, ne limitent pas l’utilisation coutumière ou l’échange de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées au sein des communautés autochtones et locales et entre elles, conformément aux objectifs de la Convention ».
  2. Déjà le « droit international colonial » reconnaissait cette technique. Ainsi, l’article 8 de l’accord de tutelle concernant la Tanzanie disposait : “In framing laws relating to the holding or transfer of land and natural resources, the Administering Authority shall take into consideration native laws and customs, and shall respect the rights and safeguard the interests, both present and future, of the native population. No native land or natural resources may be transferred except between natives, save with the previous consent of the competent public authority. No real rights over native land or natural resources in favour of non-natives may created except with the same consent”.

Toutefois, comme on l’a vu, de leur côté, les autorités coloniales appliquaient les droits locaux et les interprétaient de telle sorte que l’ordre public et la morale coloniale l’emportassent toujours[1].


[1] Ainsi A. Yade, « Stratégies matrimoniales au Sénégal sous la colonisation. L’apport des archives juridiques », op. cit., sp. § 45 : « Dans beaucoup de sociétés africaines, l’adultère de la femme était assimilé à un crime passible de châtiments corporels, voire de la peine de mort (Courant 1939 : 223). La loi musulmane, quant à elle, condamnait les coupables à la flagellation. L’adultère, acte grave qui en conséquence était lourdement puni par la coutume, n’avait pas la même portée en droit français. Ce dernier ne considérait l’adultère que comme un délit ; à ce titre, la justice indigène a cherché à commuer les peines en condamnation à une amende ou à la prison (Sarr 1975 : 146) ».

Cela dit, on peut observer des phénomènes de prises en considération croisées. Ainsi, dans une affaire foncière, la Cour d’appel à Dar es Salam, devant se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ayant entre autres pour objet d’éteindre les droits coutumiers avait à considérer si les droits fonciers coutumiers constituaient des propriétés protégées par la Constitution. A cette fin, bien que cela concernait des normes qui n’étaient plus en vigueur, elle prit en considération non seulement la législation coloniale, mais également l’accord de tutelle qui lui-même prescrivait à l’Etat de tutelle de prendre en considération les droits et coutumes indigènes et qui lui servit d’appui à son interprétation de la Constitution[1]. De même prit-elle en considération les droits coutumiers (“We are satisfied in our minds that the indigenous population of this country are validly in occupation of land as beneficiaries of such land under customary law and any disposition of land between them under customary law is valid and requires no prior consent from the President”)


[1] Court of Appeal of Tanzania at Dar es Salaam, 21 October 1993, Attorney General v Lohay Aknonaay & Other, Civil Appeal No. 31 of 1994, Misc. Civil Cause No. 1 of 1993, in UNEP, Compendium of Judicial Decisions on Matters Related to Environment. National Decisions, Vol. II, 2001, 347 p., 340.

  1. Quant à la prise en considération par le droit international du droit étatique, c’est le mode normal de fonctionnement du premier. La lecture d’un bon traité ou manuel de droit international suffit à s’en convaincre.

6.3. Illustration 3 : Les droits étatiques à l’égard du droit international public

  1. Nous avons traité ailleurs de la question de la prise en considération des éléments du droit international et y renvoyons pour une approche générale[1]. On peut toutefois ajouter ici quelques éléments propres à la pratique des juges africains. Ceux-ci, en effet, à défaut de souvent « appliquer » les normes du droit international, se réfèrent régulièrement, bien que souvent implicitement, au droit international pour régler les différends à eux soumis selon cette technique.

[1] J. Matringe, « Les actes unilatéraux des organisations internationales devant le juge français », in G. Cahin, F. Poirat, S. Szurek dir., Le droit des organisations internationales en France, Paris, Pedone, 2014, pp. 85-120.

  1. Il s’agit, ici, d’attacher des effets juridiques internes à l’existence d’un élément international –norme, situation, relation, institution –, mais en appréhendant celui-ci seulement à titre préalable dans le cadre d’une opération d’application d’une norme interne qui régit l’issue du procès et non en tant que fondement direct du jugement. Il s’agit en somme pour le juge, sans l’appliquer en tant que tel au différend qui lui est soumis, de tirer des conséquences de l’existence de cet élément et de son efficacité juridique dans l’ordre international en tant que cela est nécessaire à l’application d’une norme étatique. Les éléments du droit international pris en considération sont invisibles du dispositif du jugement et même généralement de ses motifs[1].

[1] Contra : Bénin, Cour constitutionnelle, 23 décembre 1994, Décision DCC 34-94, Président de la République, op. cit.,qui affirma l’intégration de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle et de la Charte africaine dans la Constitution sans ensuite examiner expressément la conformité de la loi déférée à ces éléments.

  1. Ainsi, le droit international peut être pris en considération pour l’établissement d’éléments du droit étatique. Par exemple, le juge sud-africain s’est référé aux règles secondaires du droit international pour rejeter la prétention du demandeur à un droit à la protection diplomatique prétendument fondé sur le droit international coutumier[1], le juge de la République démocratique du Congo pour juger un chef de milice[2] ou encore le juge malien pour apprécier l’existence d’une atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat[3]. De même, pour décider s’il peut juger un litige, le juge africain utilise les règles internationales relatives aux immunités des Etats étrangers et des organisations internationales ainsi que de leurs agents[4]. Le droit international peut également être pris en considération pour l’établissement de situations internationales ou la détermination d’engagements internationaux dont l’existence ou non commande la résolution du litige[5].

[1] South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v. President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04, 2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC), Chaskalson CJ at 23 et s. Voir aussi Madagascar, Cour suprême, Chambre administrative, 4 juillet 1984, Andrianarison Jean Doré c. Etat malagasy, 13/84-ADM

[2] République démocratique du Congo, tribunal militaire, 2 août 2006, Ituri District Military Prosecutor v. Kahwa Panga Mandro (Ives), First Instance Decision, RMP No 227/PEN/2006, ILDC 524 (CD 2006). Voir également Zimbabwe, High Court, 5 October 2006, The State v. R M (A Juvenile), Judgmet No. HB 93/06, Case No. HC 2830/06, CRB 3711/06 [prise en considération du droit international pour confirmer la peine prononcée par le juge inférieur].

[3] Mali, Cour constitutionnelle, 4 juillet 2017, arrêt n° 2017-04/CCM/Réf. : « Considérant que si depuis sa signature, certains irréductibles continuent de se comporter en terroristes en posant des actes de défiance dont sont victimes les populations maliennes et ces des pays limitrophes, créant une situation d’insécurité préoccupante, force est de constater qu’il n’a plus été attesté d’une présence de troupes d’occupation étrangères sur le territoire malien, de façon à en compromettre son intégrité au sens du droit international ». Car, là était le point principal : alors que les requérants définissaient la notion d’atteinte à l’intégrité territoriale par référence au code pénal, la Cour se fonda sur le droit international : Considérant que cette notion d’intégrité territoriale n’est cependant pas définie par lesdites dispositions textuelles du droit interne qui en réalité ne font que cerner les différents comportements individuels ou collectifs susceptibles d’être punis comme tels ainsi que les peines y applicables ; Qu’il ne pouvait en être autrement, la notion d’intégrité territoriale s’entendant concrètement de l’entièreté d’une entité territoriale dans ses rapports avec les autres, il va de soi que cette notion relève du droit international public qui la définit comme étant le droit et le devoir inaliénable d’un État souverain à préserver ses frontières de toutes influences extérieures ; Que dès lors toute référence au droit interne pour apprécier l’effectivité ou non de l’intégrité du territoire malien est impertinente […] ».

[4] Voir par exemple Sierra Leone, Supreme Court, 14th October 2005, Sesay (Issa) and ors v. President of the Special Court for Sierra Leone and ors, Original application, SC No 1/2003, ILDC 199 (SL 2005); Sierra Leone, 14th March 2007, Fillie v. Representative, World health Organization and Monrovia, Merits, Case No CC 1215/2005, ILDC 1540 (SL 2007). Dans un sens différent, mais relevant de la même logique, voir Cameroun, Cour suprême, 21 août 2008, Telezing Jean Dozang c. Tadounla Pierre, arrêt n° 134 prenant en considération le fait que l’arrêt objet du pourvoi en cassation avait appliqué l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies des d’exécution pour décider qu’elle était incompétente au profit de la CCJA, conformément aux articles 14 et 15 du traté OHADA.

[5] Sierra Leone, Supreme Court, 14 October 2005, Sesay (Issa) and ors v. President of the Special Court for Sierra Leone and ors, Original application, SC No 1/2003, ILDC 199 (SL 2005) ;South Africa, Supreme Court, Transvaal Provincial Division, 18 December 1979, Inter-Science Research and Development Services (Pty) Ltd v. República Popular de Moçambique [1980] 2 SA 111 (T), 113D-114A [recours à l’accord de Lusaka conclu entre le Frelimo et le Portugal pour établir la qualité d’Etat de la République populaire du Mozambique et la succession du gouvernement de cet Etat aux obligations acceptées par le Front] ; South Africa High Court Gauteng, 23 June 2008, Goodwin v. Director-General Department of Justice and Constitutional Development and Others (21142/08) [2008] ZAGPHC 220, §§ 24 et s. où la Cour se référa à la convention de Vienne considérée comme faisant partie du droit de l’Afrique du Sud sur le fondement de l’article 232 de la Constitution pour déterminer les effets internationaux de l’accord d’extradition litigieux ; South Africa, Constitutional Court, 27 June 2013, Government of the Republic of Zimbabwe v. Louis Karel Fick and Others, Case, CCT 101/12, [2013] ZACC 22, 2013 (5) SA 325 (CC), ILDC 2083 (ZA 2013) [référence au droit international pour décider, §. 48, que l’Afrique du Sud et le Zimbabwe avaient accepté que les juridictions étatiques des Etats membres de la SADC auraient compétence pour mettre en œuvre les décisions prises par le Tribunal de la Communauté à leur encontre et référence au droit international pour décider, §s. 47 et 50, que le Tribunal de la SADC avait compétence pour juger de l’affaire entre les fermiers expropriés et le Zimbabwe qui avait décidé cette expropriation] ; South Africa, Supreme Court of Appeal, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v. Southern Africa Litigation Centre & others (867/15) [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), § 56 où la Cour se référa, sur le fondement de l’article 13 (b) du Statut de la CPI, au renvoi par le Conseil de sécurité de la situation au Darfour à la CPI pour déterminer la compétence de celle-ci et apprécier les obligations des Etats à son égard.

  1. Parfois, le texte constitutionnel requiert lui-même cette prise en considération en renvoyant au droit international pour déterminer, par exemple, les pouvoirs et obligations de l’Etat[1], ses frontières (et donc l’étendue de ses compétences et pouvoirs territoriaux)[2] ou encore des crimes dont il détermine le régime[3]. Il peut également conditionner l’établissement de situations et relations internes ou internationales à leur conformité au droit international[4]. Cela dit, les juges peuvent se référer à ces éléments du droit international pour résoudre la question qui leur est posée même dans le silence de la Constitution[5].

[1] Constitution de la République algérienne démocratique et populaire, JO n° 76 du 8 décembre 1996, modifiée par Loi n° 02-03 du 10 avril 2002 – JO n° 25 du 14 avril 2002 ; Loi n° 08-19 du 15 novembre 2008 – JO n° 63 du 16 novembre 2008 et Loi n° 16-01 du 6 mars 2016 – Journal officiel n° 14 du 7 mars 2016, art. 13 : « […] L’Etat exerce […] son droit souverain établi par le droit international sur chacune des différentes zones de l’espace maritime qui lui reviennent » ; Constitution de la République d’Angola du 21 janvier 2010, art. 11 § 1 : « La République d’Angola est une Nation à vocation pour la paix et le progrès, et c’est un devoir de l’Etat et une responsabilité de tous de garantir, dans le respect de la Constitution et de la loi, comme des conventions internationales, la paix et la sécurité nationale ».

[2] Constitution de la République d’Angola du 21 janvier 2010, art. 3 : « 2. L’Etat exerce la souveraineté sur tout le territoire angolais, qui comprend, comme défini par la présente Constitution, la loi et le droit international, l’extension de l’espace territorial, les eaux intérieures et la mer territoriale, ainsi que l’espace aérien, le sol et le sous-sol, le fonds marin et les lits y attenant. 3. L’Etat exerce la juridiction et les droits de souveraineté en matière de conservation, exploitation et utilisation de ressources naturelles, biologiques et non biologiques, sur la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental, conformément à la loi et au droit international » ; art. 5 : « 1. Le territoire de la République d’Angola correspond à celui historiquement défini par les limites géographiques d’Angola telles qu’elles existaient le 11 novembre 1975, date de l’Indépendance nationale. 2. Le paragraphe précédent ne concerne pas les ajouts qui ont été ou seront mis en place par les traités internationaux » ; Constitution of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 8 December 1994, Article 2 – Ethiopian Territorial Jurisdiction : « The territorial jurisdiction of Ethiopia shall comprise the territory of the members of the Federation and its boundaries shall be as determined by international agreements ».

[3] Constitution of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 8 December 1994, Article 28 – Crimes against humanity : « 1. Criminal liability of persons who commit crimes against humanity, so defined by international agreements ratified by Ethiopia and by other laws of Ethiopia, such as genocide, summary executions, forcible disappearances or torture shall not be barred by statute of limitation. Such offenses may not be commuted by amnesty or pardon of the legislature or any other state organ. 2. In the case of persons convicted of any crime stated in sub-Article 1 of this Article and sentenced with the death penalty, the Head of State may, without prejudice to the provisions here in above, commute the punishment to life imprisonment ».

[4] Par exemple : Constitution of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 8 December 1994, Article 33 – Rights of Nationality : « 4. Ethiopian nationality may be conferred upon foreigners in accordance with law enacted and procedures established consistent with international agreements ratified by Ethiopia » ; The Constitution of the Republic of Namibia, 2010, art. 145 – Saving: « (1) Nothing contained in this Constitution shall be construed as imposing upon the Government of Namibia: (a) any obligations to any other State which would not otherwise have existed under international law; (b) any obligations to any person arising out of the acts or contracts of prior Administrations which would not otherwise have been recognised by international law as binding upon the Republic of Namibia ».

[5] Voir ainsi Mauritius, Intermediate Court of Mauritius, 6 November 2014, Police v. Abdeoulkader Mohamed Ali & others, Case No. 850/2013, §§ 54, 90 et 118 et s. pour la définition de l’acte de piraterie et de la haute mer et pour apprécier la licéité de la détention des accusés à bord d’un navire, § 121 pour déterminer le caractère de navire de guerre de deux navires (« There is no doubt that both the USS Halyburton and the Surcouf were warships pursuant to the definition of warship under article 29 of the UNCLOS »). Contra, pour un refus de prendre en considération le fait que le Tribunal de la SADC connaît d’un différend soumis à elle parce que rien dans la Constitution ne fait des cours internes des sujets du Tribunal, voir Zimbabwe, High Court, 4 February 2009, Richard Thomas Etheredge Minister of State for National Security Responsible for Lands, Land Reform And Resettlement and Another (HC 3295/08) [2009] ZWHHC 16.

  1. Dans tous ces cas, les juges africains se réfèrent à ces éléments du droit international dans leur acception internationale, c’est-à-dire en tant qu’ils existent en droit international en vertu de celui-ci. Car, lorsqu’il s’agit de faire jouer un élément de l’ordre international, le juge doit l’avoir reconnu comme tel, c’est-à-dire en tant qu’il est déterminé par le droit international, ce qu’il fait en se référant non aux règles internes qui n’ont pas vocation à gouverner ces questions, mais aux règles secondaires du droit international puisque ce sont elles qui régissent la qualité internationale et le régime international de ces éléments[1]. Celui-ci est donc pris en considération deux fois. En effet, parce que les éléments de droit international susceptibles d’influer sur l’issue du litige sont posés par le droit international lui-même, ce ne peut être qu’en ayant recours à celui-ci que le juge peut déterminer ce dont il est composé et ce à quoi il faut éventuellement donner effet[2].

[1] Par exemple : The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v. Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA) at 67 et s., at 78 ; Kenya, Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No. 108 of 2014.

[2] South Africa Constitutional Court, 30 October 2014, National Commissioner of the South African Police Service v. Southern African Human Rights Litigation Centre & Another (CCT 02/14) [2014] ZACC 30; 2015 (1) SA 315 (CC), § 25 : « The next stage of the enquiry requires us to examine jurisdiction in an international law context » [Références dans ce cadre à l’affaire du Lotus et au Statut de la CPI].

  1. De même, le juge africain se réfère aux normes internationales secondaires pour identifier l’élément international qui est invoqué devant lui et décider si cela peut influer sur l’issue du litige, par exemple pour déterminer si une entité est un Etat souverain[1], pour déterminer si le texte invoqué par un plaideur est un traité international (et s’il est affecté de réserves)[2], pour déterminer s’il existe une norme coutumière[3] ou un principe de droit international ou encore pour déterminer si une norme est de jus cogens. En ce sens, le juge sud-africain a pu se référer au droit international pour apprécier la formation d’un titre territorial fondé sur la conquête[4], pour décider si la Constitution sud-africaine pouvait s’appliquer en dehors du territoire sud-africain[5], pour apprécier le droit à l’auto-détermination du peuple du Sahara occidental, la position du Maroc au regard de ce territoire et le droit d’exploiter les ressources naturelles qui y sont situées[6] ; pour statuer sur une défense tirée des immunités d’Etat[7] ; pour apprécier la qualité d’Etat membre de l’Union africaine et déterminer les conditions de représentation de celle-ci et de celui-là afin de statuer sur l’immunité d’une personne, en l’espèce le Président du Soudan[8]. Il s’y réfère également pour considérer s’il est face à une organisation internationale ou à une juridiction internationale et déterminer la force et le régime de leurs actes.

[1] Voir Tanzania, 21 November 2000, SMZ v. Khamis Ali and others, The Revolutionary Government of Zanzibar v. Khamis Ali (Machano), Appeal Judgment [2000] TZCA 1, ILDC 922 (TZ 2000).

[2] Voir par exemple : implicitement in Sénégal, Cour suprême, 25 juillet 2013, Henry James Fitzsimons c. Etat du Sénégal, arrêt n° 44 : « Considérant que la directive n° 7/2002 CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats membres de l’UEMOA n’est pas un traité relatif à l’extradition au sens de l’article 1er de la loi de 1971. Qu’il s’agit d’un objectif de l’Union transposé dans le droit national, par l’adoption de la loi uniforme n° 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux » ; explicitement in South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v. President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, § 91 : « The approval of an international agreement under section 231(2) of the Constitution, conveys South Africa’s intention, in its capacity as a sovereign state, to be bound at the international level by the provisions of the agreement. As the Vienna Convention on the Law of treaties provides, the act of approving a convention is an « international act […] whereby a State establishes on the international plane its consent to be bound by a treaty ». The approval of an international agreement under section 231(2), therefore, constitutes an undertaking at the international level, as between South Africa and other states, to take steps to comply with the substance of the agreement This undertaking will, generally speaking, be given effect by either incorporating the agreement into South African law or taking other steps to bring our laws in line with the agreement to the extent they do not already comply » [notes omises].

[3] Voir par exemple High Court of Kenya at Nairobi, 9 February 2017, Kenya National Commission on Human Rights & another v. Attorney General & 3 others, Petition No. 227 of 2016 [2017] eKLR et Kenya, Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No.108 of 2014 au sujet du caractère coutumier du principe de non-refoulement.

[4] Cour suprême du Transvaal, Van Deventer v. Hancke and Mossop, 1903 TS 401, at 409-410.

[5] South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v. President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04, 2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC), Chaskalson CJ at 38 et s.

[6] High Court of South Africa, Eastern Cape Local Division, Port Elizabeth, 15 June 2017, The Saharawi Arab Democratic Republic and The Front Polisario v. The Owner and Cherteres of the MV ‘NM Cherry Blossom’ and Others, Case No 1487/17, at 29 et s.

[7] The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v. Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15, [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 42 et 66 et s. [avec la législation interne] ; High Court of South Africa, Eastern Cape Local Division, Port Elizabeth, 15 June 2017, The Saharawi Arab Democratic Republic and The Front Polisario v. The Owner and Cherteres of the MV ‘NM Cherry Blossom’ and Others, Case No 1487/17, at 53 et s. Voir aussi Côte d’Ivoire, Cour suprême, Chambre judiciaire, formation civile et commerciale, 10 juin 2010, OIM c. M. M., arrêt n° 448, Juris OHADA, n° 2012, n° 4, octobre-décembre, p. 33 [Prise en considération d’une correspondance de l’OIM par laquelle le Ministère ivoirien l’avait rétablie dans ses privilèges et immunités pour casser un arrêt d’appel puis évoquer l’affaire où ladite correspondance rendait la saisie-attribution contraire à l’article 30 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution].

[8] The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v. Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 45 et s. Voir également South Africa, Constitutional Court, 27 June 2013, Zimbabwe v. Fick and ors, Judgment, CCT 101/12, [2013] ZACC 22, 2013 (5) SA 325 (CC), ILDC 2083 (ZA 2013), §§ 58 et s. [référence, pour déterminer l’existence d’une obligation d’exécuter un arrêt du Tribunal de la SADC, au Protocole audit Tribunal exigeant des Etats qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’exécution des décisions de ce dernier et énonçant que les règles de procédure civile pour la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en vigueur sur le territoire de l’Etat où le jugement doit être exécuté doivent gouverner l’exécution des décisions du Tribunal].

7. Le jeu de l’interprétation

La documentation disponible ne nous permet de développer ce point qu’en examinant essentiellement la pratique du juge étatique africain à l’égard du droit international.

7.1. L’interprétation comme mode d’articulation des droits

  1. La technique de l’interprétation peut être un moyen, parmi d’autres[1], d’articulation entre les éléments de l’ordre juridique étatique et de l’ordre juridique international.

[1] Voir notamment M. Kanetake, “UN Human Rights Treaty Monitoring Bodies before Domestice Courts”, ICLQ, 2017, pp. 1-32.; A. Nollkaemper, National Courts and the International Rule of Law, Oxford, Oxford University Press, 2011, xiv-337 p., sp. Chapter 7 on Consistent interpretation ; J. d’Aspremont, « The Systemic Integration of International Law by Domestic Courts : Domestic Judges as Architects of the Consistency of the International Legal Order », in Fauchald OK & Nollkaemper A. (eds.), The Practice of International and National Courts and the (De-)Fragmentation of International Law, Hart Publishing, 2012, 141 ; M. Kanetake & A. Nollkaemper, « The Application of Informal Instruments before Domestic Courts », Geo Washington Law Review, Vol. 46, 2014, 765 ; A. Miller & H.E. Kjos, Judicial Dialogue and Human Rights, Cambridge University Press, 2017 ; C. McCrudden, « A Common Law of Human Rights ? Transnational Judicial Conversations on Constitutional Rights », OJLS, Vol. 20, 2000, 499 ; M.A. Water, « Creeping Monism : The Judicial Trend toward Interpretative Incorporation of Human Rights Treaties », Columbia Law Review, Vol. 107, 2007, 628.

  1. Ainsi, à défaut d’« appliquer » au sens strict un énoncé international parce que celui-ci ne lie pas l’Etat, n’est pas applicable dans son ordre interne ou est incompatible avec une norme interne à laquelle le droit interne ne permet pas qu’il y soit fait échec sur son fondement, l’adoption d’une interprétation du droit interne conforme au – ou compatible avec le – droit international permet de prendre en considération le premier et ainsi de lui donner tout de même effet[1]. Dans cette hypothèse, l’énoncé international ne produit pas lui-même d’effets juridiques en droit interne où il n’a pas de valeur juridique formelle, mais sert à déterminer la portée et la signification du droit interne, seul fondement de la décision. Sur un autre plan, mais dans le même sens, quand la norme internationale est censée être applicable et primer sur une norme incompatible, ce genre de politique permet de sauver cette dernière en la tordant suffisamment pour la considérer comme compatible avec la prescription internationale et donc pour l’appliquer. Enfin, le juge peut considérer qu’il a à sa disposition une norme interne applicable mais souhaiter utiliser le droit international pour l’aider à trancher la question sub judice ou conforter sa décision[2].

[1] Sur la différence entre l’application d’une norme conventionnelle reçue par le droit interne et l’efficacité donnée via l’interprétation : South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, at 98: “But treating international conventions as interpretative aids does not entail giving them the status pf domestic law in the Republic. To treat them as creating domestic rights and obligations is tantamount to “incorporat[ing] the provisions of the unincoporated convention into our municipal law by the back door”[1]; para 106 “[…]. I also accept that, in giving content to the obligations of the state in section 7(2), a court must consider international law as an interpretative tool as required by section 39(1)(b)”; para 108: “A distinction must be drawn between using international law as an interpretative aid, on the one hand, and relying on international law as a source of rights and obligations, on the other. The purpose of section 39(1)(b), as its heading, “Interpretation of Bill of Rights”, makes clear, is to provide courts with an interpretive tool when interpreting the Bill of Rights. It does not purport to incorporate international agreements into our Constitution. Nor can it be used to create constitutional obligations that do not exist in our Constitution”; Madagascar, Cour suprême, Formation de contrôle, 05 décembre 2003, La SOMAPECHE c. Ramiandrisoa Jean-Louis, arrêt n° 334, dossier n° 108/02-50C ; Zambia, Supreme Court, 24 January 2008, Attorney General v Clarke, Appeal Judgment, Appeal No 96A/2004, ILDC 1340 (ZM 2008), in Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, OPIL, [83].

[2] Voir ainsi Zimbabwe, Constitutional Court, 18 July 2005, Kachingwe and ors v Minister of Home Affairs and Commissioner of Police, Final Appeal Judgment, Decision No SC 145/04, [2004] ZWSC 145, ILDC 722 (ZW 2005), in Oxford Reports on international law in domestic courts, OPIL, report T. Mutangi (Inutilité de statuer sur effets internes du droit international, la Constitution fournissant une norme applicable, mais utilisation du droit international comme guide utile pour décider du cas).

  1. De même, quand le droit étatique présente une incertitude ou ambiguïté, le juge africain peut se référer au droit international pour trancher la difficulté, orientant ou développant ainsi le premier[1].

[1] Voir M. E. Adjami, « African Courts, International Law, and Comparative Case Law: Chimera or Emerging Human Rights Jurisprudence », Mich. J. Int’l L., Vol. 24, 2002, pp. 103-167, spéc. pp. 130 et s.

7.2. Les politiques d’« interprétation conforme »

  1. Quand elle est confrontée à un risque de conflit entre une norme de son système et une norme allogène, mais ne veut pas trancher le conflit de normes, une autorité peut donc décider d’interpréter son droit et le droit allogène de manière à les rendre compatible.
  1. Ainsi peut procéder le juge étatique à l’égard des normes exoétatiques[1]. Déjà, l’Etat colonial pouvait également inviter ses juges à tenir compte des droits locaux pour statuer dans certaines affaires dans le respect, toutefois, du droit et de l’ordre public colonial[2].

[1] Voir ainsi Botswana, Court of Appeal, Lobatse, 3 July 1992 (No. 4/91), The Attorney-General v. Unity Dow , 1992, BLR 119 (CA) ; (1992) LRC (Const) 623 ; (1998) 1 HRLRA 1 ; (2001) AHRLR 99 (BwCA 1992), 1992 BLR, Amissah P, p137 E-F : « Notre attention a été attirée sur les coutumes et traditions patrilinéaires du peuple Batswana pour montrer, je crois, qu’il était approprié pour le Parlement de légiférer pour préserver ou faire progresser ces coutumes et traditions. Les coutumes et les traditions n’ont jamais été statiques. Même alors, elles ont toujours cédé le pas à la législation expresse. La coutume et la tradition doivent a fortiori, et d’après ce que j’ai déjà dit sur la prééminence de la Constitution, céder le pas à la Constitution du Botswana. La coutume ne peut pas passer outre à une garantie constitutionnelle. Bien entendu, la coutume sera, dans la mesure du possible, lue de manière à être conforme à la Constitution. Mais lorsque cela est impossible, c’est la coutume et non la Constitution qui doit aller » [notre traduction].

[2] Voir ainsi Section 9(3) of the Judicature and Application of Laws Ordinance of Tanganyika : « In all cases, civil and criminal, to which persons subject to native law and custom are parties, every court shall be guided by native law and custom so far as it is applicable and is not repugnant to justice or morality or inconsistent with any written law and shall decide all such cases according to substantial justice without undue regard to technicalities of procedure and without undue delay”, cité in E. Cotran, “The Unification of Laws in East Africa”, The Journal of Modern African Studies, Vol. 1, No. 2, 1963, pp. 209-220, 210, l’auteur précisant qu’il en était de même au Kenya et en Ouganda.

  1. On trouve idéalement ce cas de figure et ce genre de pratiques de l’interprétation conforme chez les juges étatiques à l’égard du droit international public, tiraillés qu’ils sont entre l’obligation de donner effet au droit de leur Etat et l’obligation de leur Etat de respecter le droit international.
  2. Ainsi se dégage en Afrique, comme ailleurs, un « principe » d’interprétation « conforme » selon lequel le droit interne doit ou devrait être interprété d’une manière compatible avec les engagements internationaux de l’Etat[1]. Tel est bien sûr le cas des traités considérés comme étant valides dans l’ordre interne ; cela est logique, la juridiction veillant à vider un éventuel conflit de normes simultanément applicables tout en refusant d’avoir à faire prévaloir la norme internationale sur la norme interne[2]. Cela est également le cas dans l’hypothèse où le traité n’est pas applicable à l’affaire faute d’une telle étatisation[3]. Ainsi, le droit international est de plus en plus souvent pris en compte pour interpréter non seulement la loi d’incorporation elle-même[4], et plus généralement la législation de l’Etat[5], mais également la Constitution[6], l’interprétation devant se faire à la lumière du droit international dans son ensemble[7].

[1] P. ex. : Burkina Faso, Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, chambre sociale, RG n° 20 du 3 juin 2004, arrêt n° 35 du 5 juillet 2006, KARAM Katénin – BAKOUAN Bayomboué c. Société industrielle du Faso (SIFA) : « le principe de l’interprétation conforme qui permet de présumer que le législateur national n’a pas et ne veut pas violer l’esprit des traités internationaux qu’il a ratifiés, s’applique ; ce faisant, il devient loisible au juge de ce pays, de se référer auxdits instruments internationaux et aux commentaires des experts y relatifs, en cas de contradictions, d’insuffisances et de lacunes, ou de recul par rapport à l’avancée préconisée par l’esprit de ces traités ». Référence à affirmation du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT publiée dans le recueil de décisions et de principes. « aucune juridiction ou aucun organe indépendant de l’administration partie concernée par la grève, n’a été saisie pour apprécier de sa légalité ou de son illégalité, alors qu’il devrait en être ainsi conformément à l’indication du Comité de la liberté syndicale du BIT contenue dans son Recueil ci-dessus aux paragraphes […] ». « Finalement, il n’y a pas eu d’actes d’indiscipline des appelants, mais l’exercice d’un droit fondamental en matière de liberté syndicale. Par conséquent leur licenciement sur cette base est abusif ; ce pour quoi, le jugement attaqué sera infirmé ». « Le licenciement pour fait de grève licite constitue un abus et une discrimination en matière d’emploi ; c’est pourquoi et par application de l’article 22 alinéa 2 du Code du travail ancien, dont les dispositions sont renforcées par les prévisions du Comité de la liberté syndicale du BIT contenues dans son Recueil ci-dessus aux paragraphes […], les appelants doivent être réintégrés au sein de l’intimée s’ils le désirent ; A défaut de ce faire et compte tenu dans le cas d’espèce de la violation d’un droit fondamental consacré par l’article 22 de la Constitution, de leur ancienneté, il sera alloué à chacun des appelants la somme de […] de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices » ; Lesotho, Court of Appeal, 30 June 2005, Ts’epe v Independent Electoral Commission and Ors, Appeal Judgment (2005) C of A (Civ) No 11/05, ILDC 161 (LS 2005), Gauntlett, JA, para [16]; In the Supreme Court of Nigeria, April 28, 2000, General Sami Abacha and Others v. Chief Justice Fawehimmi, S.C. 45/1997, 4 FWLR 533, [2000] 4 SCNJ 400 , Ogundare, JSC faisant en conséquence primer la loi d’incorporation sur les autres lois; Achike JSC

[2] Voir ainsi The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 53; ; Uganda, Constitutional Court, 30th May 2008, Oulanyah v. Attorney General of Uganda, Decision on Constitutional Petition, Case No 28/2006, ILDC 1074 (UG 2008), Judgment of Hon. Lady Justice L.E.M. Mukasa-Kikonyogo, DCJ [§73].

[3] Voir en ce sens, entre autres, Bophuthatatswana Supreme Court, 17 October 1980, Maluleke v Minister of Internal Affairs, 1981 (1) SA 707 (B), Hiemstra at 713A : When interpreting such legislation, the Courts are entitled to take treaties into account, but nly as a guide on doubtful points. […] a treaty is no more than an aid to interpretation […]” ; Haute Cour du Botswana siégeant à Lobatse, juin 1991, Unity Dow v Attorney General, HRQ, 1991, pp. 614-626 (arrêt confirmé par la cour d’appel le 3 juillet 1992 ci-dessous) [non in site Centre for Human Rights ni SAFLII], p. A 245c according to the Court of Appeal (1992 BLR p. 154 AB) : « I am strengthened in my view by the fact that Botswana is a signatory to the O.A.U. Convention on Non-Discrimination. I bear in mind that signing the Convention does not give it the power of law in Botswana but the effect of the adherence by Botswana to the Convention ust show that a construction of the section which does not do violence to the language but is consistent with ad in harmony with the Convention must be preferable to a ‘narrow construction’ which results in a finding that section 15 of the Constitution permits unrestricted discrimination on the basis of sex » ; Botswana, Court of Appeal, Lobatse, 3 July 1992 (No. 4/91), The Attorney-General v. Unity Dow , 1992, BLR 119 (CA) ; (1992) LRC (Const) 623 ; (1998) 1 HRLRA 1 ; (2001) AHRLR 99 (BwCA 1992), Amissah P, 151F-154D-E; Aguda J.A. 170G-H, 171B-H, 172A-C; Kenya, Court of Appeal at Eldoret, 29 April 2005, Mary Rono v. Jane and William Rono, Civil Appeal No. 66 of 2002 (2008) 1 KLR (G&F) 803, ILDC 1259 (KE 2005), P.N. Waki ; Lesotho, 14 August 2001, Director of Public Prosecutions v. Sole and Another (CRI/T/111/99)[2001] LHSC 63 [Références à la Convention européenne des droits de l’homme, au Pacte international sur les droits civils et politiques, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à la Convention américaine des droits de l’homme]; South Africa Constitutional Court, 30 October 2014, National Commissioner of the South African Police Service v Southern African Human Rights Litigation Centre & Another (CCT 02/14) [2014] ZACC 30; 2015 (1) SA 315 (CC), para 24: “The Constitution provides that: national legislation should […] be interpreted in the light of international law that has not been domesticated into South African law by national legislation but that is nonetheless binding upon it”; In the Supreme Court of Nigeria, April 28, 2000, General Sami Abacha and Others v. Chief Justice Fawehimmi, S.C. 45/1997, 4 FWLR 533, [2000] 4 SCNJ 400, Ejiwunmil JSC.

[4] The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA), at 86: “we are dealing with a statute that incorporated an international agreement into South African law and are requires by s 233 of the Constitution to construe it in manner consistent with international law. As international law requires state parties to international agreements to comply with the obligations they have assumed under those agreements, an interpretation of the Implementation Act that results in South Africa not complying with its obligations under the Rome Statute is to be avoided if possible”; para 90: “It is therefore important that the purposes of the Implementation Act is to provide a framework to ensure the effective implementation of the Rome Statute. It is to ensure that South Africa conforms to its obligations under the Rome Statute”

[5] Court of Appeal, Lobatse, 3 July 1992 (No. 4/91), The Attorney-General v. Unity Dow , 1992, BLR 119 (CA) ; (1992) LRC (Const) 623 ; (1998) 1 HRLRA 1 ; (2001) AHRLR 99 (BwCA 1992), Amissah P, 154D-E: “I am in agreement that Botswana is a member of the community of civilised States which has undertaken to abide by certain standards of conduct, and, unless it is impossible to do otherwise, it would be wrong for its courts to interpret its legislation in a manner which conflicts with the international obligations Botswana has undertaken. This principle, used as an aid to construction as is quite permissible under section 24 of the Interpretation Act, adds reinforcement to the view that the intention of the framers of the Constitution coul not have been to permit discrimination purely on the basis of sex”; Lesotho, Labour Court held at Maseru, 9 February 1996, Ntahli Matete and Another v. Lesotho Highlands Development Authority and Another, Case No. LC 131/95.

[6] P. ex. Botswana, Court of Appeal, Lobatse, 3 July 1992 (No. 4/91), The Attorney-General v. Unity Dow , 1992, BLR 119 (CA) ; (1992) LRC (Const) 623 ; (1998) 1 HRLRA 1 ; (2001) AHRLR 99 (BwCA 1992), Amissah P, 151F: “by the law of Botswana, relevant international treaties and conventions, may be referred to as an aid to interpretation”; Amissah P, 153G-H: “Botswana is a signatory to this Charter [the African Charter on Human and Peoples’ Rights]. Indeed, it would appear that Botswana is one of the credible prime movers behind the promotion and supervision of the Charter. The learned judge a quo made reference to Botswana’s obligations under such treaties and conventions. Even if it is accepted that those treaties and conventions do not confer enforceable rights on individuals, within the State until Parliament has legislated its provisions into the law of the land, in so far as such relevant international treaties and conventions may be referred to as an aid to construction of enactments, including the Constitution, I find myself at a loss to understand the complaint made against their use in that manner in the interpretation of what no doubt are some difficult provisions of the Constitution” et Aguda J.A., 170G-H.; Botswana, Court of Appeal, 27th July 2005, Good v. The Attorney-General of Botswana, Civil Appeal No 028 of 2005, (2) BLR 337 (CA), ILDC 8 (BW 2005), Judge President for the majority [25] ; Ghana High Court, 2 May 2008, Asare and Three other individuals v Ga West District Assembly and Attroney General, Suit No. AP 36/2007, ILDC 1488 (GH 2008) ; Lesotho, Court of Appeal, 30 June 2005, Molefi Ts’epe v. The Independent Electoral Commission and Ors, Appeal Judgment (2005) C of A (Civ) No 11/05, ILDC 161 (LS 2005), [22] ;Maurice, Cour suprême, 27 octobre 1995, Marie-Gérard Christian Pointu et autres c. Le Ministre de l’Education et des Sciences et autres, affaires n° 53877, 54203 : « Selon nous, la meilleure approche est qu’une Constitution, notamment la partie qui contient les droits fondamentaux, doit être interprétée dans une perspective historique, à la lumière de ses origines et, autant que possible, des décisions sur des dispositions similaires aux nôtres par des juridictions nationales et internationales » ; South Africa, Constitutional Court, 25 July 1996, Azanian Peoples Organization (AZAPO) and Others v President of the Republic of South Africa and Others (CCT 17/96) [1996] ZACC 16; 1996 (8) BCLR 1015; 1996 (4) SA 672, IDLC 648 (ZA 1996), § 26, s’appuyant sur la Constitution : “International law and the contents of international treaties to which South Africa might or might not be a party at any particular time are, in my view, relevant only in the interpretation of the Constitution itself, on the ground that the lawmakers of the Constitution should not lightly be presumed to authorise any law which might constitute a breach of the obligations of the State in terms of international law”; Supreme Court, 21 January 2009, Attorney General v. Susan Kigula and 417 Others, No. 03 of 2006 [2009] UGSC 6 (SC) ; South Africa Constitutional Court, 4 October 2000, Government of the Republic of South Africa and Others v. Grootboom and Others (CCT11/00) [2000] ZACC 19; 2001 (1) SA 46; 2000 (11) BCLR 1169 (CC), ILDC 285 (ZA 2000) 27 ; South Africa, Constitutional Court, 27 June 2013, Government of the Republic of Zimbabwe v. Louis Karel Fick and Others, Case, CCT 101/12, [2013] ZACC 22, 2013 (5) SA 325 (CC), ILDC 2083 (ZA 2013), Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, para. 69 ; Tanzania, High Court at Dodoma, 1992, Mg’omongo v. Kwankwa & Attorney-General, Civil Case No. 22, reprinted in African Journal of International & Comparative Law, Vol. 5, 1993, pp. 703 et s., at 706, Mwalusanya, J. : « That problem can only be answered by looking at the international human rights instruments and other comparative jrisprudence. It is a general principle of law that the interpretation of our provisions in the Constitution have to be made in light of the jurisprudence which has developed on similar provisions in other international and regional statements of the law » ; Zimbabwe, Constitutional Court, 18 July 2005, Kachingwe and ors v. Minister of Home Affairs and Commissioner of Police, Final Appeal Judgment, Decision No SC 145/04, [2004] ZWSC 145, ILDC 722 (ZW 2005).

[7] En ce sens : Constitution Afrique du Sud de 1996 tel qu’amendée en 2017, section 39 « (1) When interpreting the Bill of Rights, a court, tribunal or forum – […] (b) must consider international law […] ». ; Section 233: “When interpreting any legislation, every court must prefer any reasonable interpretation of the législation that is consistent with international law aver any alternative interpretation that is inconsistent with international law”. De même, South Africa Constitutional Court, 6 June 1995, S v Makwanyane and Another (Case CCT3/94) [1995] ZACC 3; 1995 (6) BCLR 665 (CC); 1995 (3) SA 391 (CC); [1996] 2 CHRLD 164; 1995 (2) SACR 1, Chaskalson, para 34 qui y inclut, para 35, le droit non obligatoire ainsi que les décisions d’organes régionaux non africains, mais, para 39, sans voir dans la prise en considération du droit international une obligation; South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, para 96: “This is not to suggest that the ratification of an international agreement by a resolution of Parliament is to be dismissed “as a merely platitudinous or ineffectual act”[7]. The ratification of an international agreement by Parliament is a positive statement by Parliament to the signatories of that agreement that Parliament, subject to the provisions of the Constitution, will act in accordance with the ratified agreement. International agreements, both those that are binding and those that are not, have an important place in our law. While they do not create rights and obligations in the domestic legal space, international agreements, particularly those dealing qith human rights, may be used as interpretive tools to evaluate and understand our Bill of Rights”.

  1. Ce jeu – généralement jurisprudentiel – de l’interprétation « conforme » permet ainsi de donner effet aux deux normes simultanément.
  2. De création prétorienne, ce principe d’interprétation conforme peut être posé par la constitution[1] ou par la loi[2] qui peut même renvoyer à des instruments internationaux non obligatoires. Dans ce cas, le juge se réfère à la disposition constitutionnelle[3] ou législative[4] pour justifier son recours au droit international pour interpréter le droit interne, y compris la Constitution.

[1] Voir ainsi : Constitution Afrique du Sud de 1996 tel qu’amendée en 2017, section 39 : « (1) When interpreting the Bill of Rights, a court, tribunal or forum – […] (b) must consider international […] » et Constitution Afrique du Sud de 1996 tel qu’amendée en 2017, Chapter 14 – General Provisions. International law, section 233. Application of international law : “When interpreting any legislation, every court must prefer any reasonable interpretation of the législation that is consistent with international law over any alternative interpretation that is inconsistent with international law” ; Constitution de la République d’Angola du 21 janvier 2010, article 26 § 2 : « Les normes constitutionnelles et légales relatives aux droits fondamentaux devront être interprétées et appliquées en harmonie avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les traités internationaux dans ce domaine ratifiés par la République d’Angola » ; Constitution du Cap Vert, article 15 § 3 : « Les règles constitutionnelles et légales relatives aux droits fondamentaux doivent être interprétées et intégrées conformément à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme »Constitution of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 8 December 1994, Article 13 § 2: “The fundamental rights and freedoms specified in this chapter shall be interpreted in a manner conforming to the principles of the Universal Declaration of Human Rights, International Covenants on Human Rights and International instruments adopted by Ethiopia”; Constitution of the Republic of Malawi, 1994, Section 11(2): “In interpreting the provisions of this Constitution a court of law shall […] (c) where applicable, have regard to current norms of public international law and comparable foreign case law” (Voir aussi la Section 13(k) lue conjointement avec la section 14); article 43 de la Constitution de la République du Mozambique de 2004 sur l’interprétation des droits fondamentaux : « The constitutional principles in respect of fundamental rights shall be interpreted and integrated in harmony with the Universal Declaration of Human Rights and with the African Charter of Human and Peoples Rights » ; Constitution des Seychelles du 8 juin 1993, art. 48 ; Constitution of Zimbabwe Amendment (No. 20) Act, 2013, Section 46 – Interpretation of Chapter 4 [Declaration of Rights]: “(1) When interpreting this Chapter, a court, tribunal, forum or body – (c) must take into account international law and all treaties and conventions to which Zimbabwe is a party” ; Constitution of Zimbabwe Amendment (No. 20) Act, 2013, Section 326 – Customary international law: “(2) When interpreting legislation, every court and tribunal must adopt any reasonable interpretation of the legislation that is consistent with customary international law applicable in Zimbabwe, in preference to an alternative interpretation inconsistent with that law”; Constitution of Zimbabwe Amendment (No. 20) Act, 2013, Section 327 – International conventions, treaties and agreements: “(6) When interpreting legislation, every court and tribunal must adopt any reasonable interpretation of the legislation that is consistent with any international convention, treaty or agreement which is binding on Zimbabwe, in preference to an alternative interpretation inconsistent with that convention, treaty or agreement”.

[2] Voir, par exemple, Botswana, Chapter 01:04, Interpretation Act, Act 20, 1984. An Act to provide for the interpretation of the Constitution and other enactments, Section 24.

[3] Voir notamment South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04,  2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC), at 33; Ngcobo J. at 160..; South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Ngcobo CJ, at 97: “Our Constitution reveals a clear determination to ensure that the Constitution and South African law are interpreted to comply with international law, in particular international human rights law; South Africa, Constitutional Court, 27 June 2013, Government of the Republic of Zimbabwe v. Louis Karel Fick and Others, Case, CCT 101/12, [2013] ZACC 22, 2013 (5) SA 325 (CC), ILDC 2083 (ZA 2013), Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, para. 66 ; South Africa Constitutional Court, 30 October 2014, National Commissioner of the South African Police Service v Southern African Human Rights Litigation Centre & Another (CCT 02/14) [2014] ZACC 30; 2015 (1) SA 315 (CC), at 55 and 77: “The SAPS has misconceived the legal position in its decision not to investigate the torture allegations. […]. The SAPS has further failed to recognise that we are requires to interpret all national laws in accordance with binding international law as prescribed by section 233 of the Constitution”.

[4] Voir In the High Court of South Africa (Western Cape Division, Cape Town), 18 November 2015, Tshiyombo v. The Members of the Appeal Board et al., Case No. 13131/2015, § 28 ; Lesotho, Labour Court held at Maseru, 1 August 1995, Palesa Peko v. The National University of Lesotho, Case No. LC/33/94.

  1. Va dans le même sens que ce principe d’interprétation conforme la doctrine jurisprudentielle de la présomption selon laquelle le législateur entend se conformer aux engagements de l’Etat[1], y compris coutumiers[2].

[1] Voir en ce sens E. Lagrange, « L’efficacité des normes internationales concernant la situation des personnes privées dans les ordres juridiques internes », RCADI, vol. 356, 2011, p. 392. Pour l’affirmation d’une telle présomption, entre autres : Botswana, Court of Appeal, 27 July 2005, Good v. The Attorney-General of Botswana, Civil Appeal No 028 of 2005, (2) BLR 337 (CA), ILDC 8 (BW 2005), Judge President for the majority, § 25 [cite le PIDCP et la CADHP, traités que le Botswana a ratifiés mais n’a pas incorporés par voie législative] ; Lesotho, Court of Appeal, 30 June 2005, Ts’epe v. Independent Electoral Commission and Ors, Appeal Judgment (2005) C of A (Civ) No 11/05, ILDC 161 (LS 2005), Gauntlett, JA, § [16]. Dans un sens proche : Tanzania, High Court Labour Division at Shinyanga, 15 November 2013, Nicodemu G. Mwita v. Bulyanhulu Gold Mine Ltd,Labour Revision No. 12 of 2013 (original CMA/SHY/113/2011) : « the laws of this country and the law enforcing instruments have to support the 1993 Vienna Declaration and Programme of Action adopted at the world conférence on human rights and the Beijing Platform for action ».

[2] J. Dugard, op. cit., note 19, p. 246.

  1. Qui plus est, le juge étatique applique dans ce cas les normes internationales telles qu’elles sont interprétées par leur garant international s’il en existe un[1]. Ainsi, certains juges se réfèrent au raisonnement d’instances internationales développés dans le cadre de l’examen de la conformité de produits du droit étatique au droit international pour régler eux-mêmes des questions de pur droit interne[2]. Les juges africains vont même jusqu’à se référer à des jugements internationaux, quand bien même leur Etat n’était pas partie à l’affaire jugée ni même justiciable devant l’organe considéré[3] ainsi que, sans aucun fondement textuel en ce sens, à des énoncés internationaux non contraignants pour leur Etat et non reçu par celui-ci dans l’ordre interne[4].

[1] Voir par exemple : Cameroun, Tribunal de grande instance du wouri, 15 janvier 2013, Société Toy’s Center SARL c. Tabeth Ernest, arrêt n° 002/CIV [se référant à la jurisprudence de la CCJA pour interpréter l’acte uniforme OHADA sur le droit commercial général]. Sur la réception de la jurisprudence internationale par les jurisprudences nationales, voir notamment M. Kamto, « Les interactions des jurisprudences internationales et des jurisprudences nationales », in La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone, 2003, pp. 393-460, spéc. pp. 423 et s.

[2] Voir en ce sens : Burkina Faso, Cour suprême, Chambre constitutionnelle, 15 janvier 2002, Décision N° 2002-02/CS/CC relative au contrôle de constitutionnalité des lois, op. cit., p. 37 ; Supreme Court of Gambia, 5 December 2001, Sabally v Inspector General of Police and ors, Referral from the High Court on Constitutional Review, Civil Ref No 2/2001 (Supreme Court), (2002) AHRLR 87 (GaSC 2001), [1997-2001] GR 878, ILDC 11 (GM) 2001, in Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, OPIL, Report by M. Killander où après une référence à une décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples : « Although the Commission was there concerned not with the constitutionality of the measures complained of but their compatibility with the legal obligations undertaken by Nigeria under the Charter, an instrument to which the Gambia incidentally is also a State party, the principles laid down are pertinent and relevant to the instant case. / The court accordingly holds that the application of Act no 5 of 2001 to terminate the legal proceedings instituted by the plaintiff and pending at the time of the enactment, will constitute a contravention of section 100(2)(c) of the Constitution and exceeds the competence of the legislative authority to the extent that the plaintiff would be deprived retroactively of his vested right to continue such proceedings »; South Africa Constitutional Court, 6 June 1995, S v. Makwanyane and Another (Case CCT3/94) [1995] ZACC 3; 1995 (6) BCLR 665 (CC); 1995 (3) SA 391 (CC); [1996] 2 CHRLD 164; 1995 (2) SACR 1, Chaskalson, § 34; République démocratique du Congo, tribunal militaire, 2 août 2006, Ituri District Military Prosecutor v. Kahwa Panga Mandro (Ives), First Instance Decision, RMP No 227/PEN/2006, ILDC 524 (CD 2006) [jurisprudence des tribunaux pénaux ad hoc].

[3] Voir ainsi la référence à l’affaire Goering devant le tribunal militaire de Nuremberg in Ghana, Court of Appeal, 4 November 1966, State v Director of Prisons, ex parte Schumann, Appeal Decision [1966] GLR 703 (CA), ILDC 2377 (GH 1966), at [11] pour savoir si les crimes commis par l’individu dont l’extradition était demandée par l’Allemagne relevaient d’un “acte de l’Etat” don’t il n’avait pas à répondre. Voir également les références à l’arrêt Barcelona traction in South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04,  2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC) et South Africa, Supreme Court of Appeal, 20 September 2007, Van Zyl and ors v South Africa and ors, Case No 170/06, [2007] ZASCA 109, (2007) SCA 109 (RSA), [2008] 1 All SA 102 (SCA),2008 (3) SA 294 (SCA), ILDC 839 (ZA 2007), à l’arrêt de la CPJI dans l’affaire des concessions Mavromatis en Palestine in South Africa, Supreme Court of Appeal, 20 September 2007, Van Zyl and ors v South Africa and ors, Case No 170/06, [2007] ZASCA 109, (2007) SCA 109 (RSA), [2008] 1 All SA 102 (SCA),2008 (3) SA 294 (SCA), ILDC 839 (ZA 2007), at 64 ; aux arrêts Interhandel et Diallo de la CIJ in South Africa, Supreme Court of Appeal, 20 September 2007, Van Zyl and ors v South Africa and ors, Case No 170/06, [2007] ZASCA 109, (2007) SCA 109 (RSA), [2008] 1 All SA 102 (SCA),2008 (3) SA 294 (SCA), ILDC 839 (ZA 2007), at [89] ; à un arrêt de la CJUE et deux arrêts de la CIJ in High Court of South Africa, Eastern Cape Local Division, Port Elizabeth, 15 June 2017, The Saharawi Arab Democratic Republic and The Front Polisario v The Owner and Cherteres of the MV ‘NM Cherry Blossom’ and Others, Case No 1487/17, at 42 ss.; aux arrêts de la CIJ dans les affaires du mandat d’arrêt, des questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale et des immunités juridictionnelles ainsi qu’à des arrêts de la CPI in The Supreme Court of Appeal of South Africa, 15 March 2016, Minister of Justice and Constitutional Development & others v Southern Africa Litigation Centre & others, Case 867/15 [2016] ZASCA 17; 2016 (3) SA 317 (SCA) at 67 ss.; à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme in Lesotho, 14 August 2001, Director of Public Prosecutions v. Sole and Another (CRI/T/111/99)[2001] LHSC 63 ; à la jurisprudence de « Strasbourg » au motif que la Constitution contient des dispositions similaires à la Convention européenne des droits de l’homme in Mauritius, Intermediate Court, 6 November 2014, Police v. Abdeoulkader Mohamed Ali & others, Case No. 850/2013, §§ 126 et s. au point de conclure, § 138 : « All these circumstances make it clear that there is a flagrant breach of the requirement guaranteed under section 5(3) of the Constitution as well as article 5(3) of the ECHR ; à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme in Namibia, Supreme Court, 21 July 2004, S v. Mushwena and Others, CaseSA 6/2004) [2004] NASC 2 ; à l’arrêt de la CPJI dans l’affaire du Lotus in Namibia, Supreme Court, 22 August 2016, Munuma and Others v State, Case No SA 37/2015 [2016] NASC 19, Damaseb DCJ at 22 ; à des arrêts de la « Cour européenne de Justice » in Nigeria, National Industrial Court in the Abuja Judicial Division, 11 November 2011, Mrs Folarin Oreka Maiya v. The Incorporated Trustees of Clinton Health Access Initiative, Nigeria and others, Suit No. NIC/ABJ/13/2001 ; à la « jurisprudence de l’OIT » in Nigeria, National Industrial Court in the Lagos Judicial Division, 8 March 2012, Nestoil Plc v. National Union of Petroleum and Natural Gas Workers, Suit No. NIC/LA/08/2010 ; à des arrêts des Cours interaméricaine et européenne des droits de l’homme in Zimbabwe, Constitutional Court, 18 July 2005, Kachingwe and ors v Minister of Home Affairs and Commissioner of Police, Final Appeal Judgment, Decision No SC 145/04, [2004] ZWSC 145, ILDC 722 (ZW 2005), in Oxford Reports on international law in domestic courts, OPIL, report T. Mutangi. Pour d’autres exemples, Voir notamment R.F. Oppong, op. cit. note 1, pp. 319-320. Voir encore la référence à l’affaire Golder de la Cour européenne des droits de l’homme in Tanzania, High Court at Dodoma, 1992, Mg’omongo v. Kwankwa & Attorney-General, Civil Case No. 22, reprinted in African Journal of International & Comparative Law, Vol. 5, 1993, pp. 703 et s., at 707, Mwalusanya, J.

[4] Par exemple Burkina Faso, Cour suprême, Chambre constitutionnelle, 20 juillet 1994, Convention nationale des patriotes progressistes Parti social démocrate (CNPP/PSD) contre Parti pour la démocratie et le progrès (PDP), in Centre pour la gouvernance démocratique, Burkina Faso, Avis et décisions commentées de la justice constitutionnelle de 1960 à nos jours, 2009, p. 15 ; Gambia, Supreme Court, 5 December 2001, Sabally v. Inspector General of Police and ors, Referral from the High Court on Constitutional Review, Civil Ref No 2/2001 (Supreme Court), (2002) AHRLR 87 (GaSC 2001), [1997-2001] GR 878, ILDC 11 (GM) 2001, [11 et s.] [observation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Constitutional Rights Project and Others v. Nigeria] ;Gambia, High Court, 24th July 2006, Denton v. Director General National Intelligence Agency and ors, Decision on Application for Declaratory Relief, Civil HC 241/06/MF/087/F1, ILDC 881 (GM 2006), §§ 55 et s. [Déclaration universelle des droits de l’homme et jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples] ; Ghana High Court, 2 May 2008, Asare and Three other individuals v Ga West District Assembly and Attorney General, Suit No. AP 36/2007, ILDC 1488 (GH 2008) (observation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Kazeem Aminu v ; Nigeria) ; Kenya, Court of Appeal at Nairobi, 17 February 2017, The Honorable Attorney General v. Kituo Cha Sheria and Others, Civil Appeal No.108 of 2014 (grand nombre d’actes non obligatoires et de traités auxquels le Kenya n’est pas partie); Lesotho, Labour Court held at Maseru, 9 November 1995, Maisaaka ‘Mote v Lesotho Flour Mills, Case No. LC/59/95 (recommandation 166 de 1992 de l’OIT); Lesotho, Court of Appeal, 30 June 2005, Ts’epe v Independent Electoral Commission and Ors, Appeal Judgment (2005) C of A (Civ) No 11/05, ILDC 161 (LS 2005, Gauntlett, JA (observation générale n° 18 du Comité des droits de l’homme concernant le principe de non-discrimination ; Madagascar, Tribunal de première instance antsirabe, Tribunal du travail, 7 juin 2004, Ramiaranjatovo c. Fitsaboana Maso, procédure n° 128/RG/TT/04, jugement n° 58 (Déclaration universelle des droits de l’homme ) ; Madagascar, Tribunal du travail antsirabe, 22 mai 2006, M. Rakotoarisona Faly Tinasoa c. Société Antoka Sécurité, procédure n° 13/RG/TT/06  (Rapport V de la Conférence internationale du Travail) » ; Tanzania, High Court Labour Division at Shinyanga, 15 November 2013, Nicodemu G. Mwita v. Bulyanhulu Gold Mine Ltd,Labour Revision No. 12 of 2013 (original CMA/SHY/113/2011) [une enquête du Comité d’experts sur l’application des conventions et recommandations de l’OIT et la recommandation CEDAW n° 19] ; Zimbabwe Supreme Court, 24 June 1993, Catholic Commission for Justice and Peace in Zimbabwe v. Attorney General of Zimbabwe and Others 1993 (4) SA 239 (ZS) et Zimbabwe Supreme Court, 13 June 1994, Rattigan and Others v. Chief Immigration Officer of Zimbabwe, Cases No 45/94; 92/94 1995 (2) SA 182 (ZS) (arrêt Soering de la Cour EDH et communications du Comité des droits de l’homme) ; Zimbabwe, Labour Relations Tribunal, Harare, 8 May 2001, Frederick Mwenye v. Textile Investment Company, Judgment No. LRT/MT/11/01, Case No. LRT/MT/3494, Bhunu CE [recommandations CEDAW n° 12 et 19]. Voir également High Court of Kenya at Nairobi, 2 March 2012, Famy Care Ltd v. Public Procurement Administrative Review Board & another [2012] eKLR, at 17 (déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme, après avoir déclaré que le droit à l’information est reconnu par les instruments auxquels le Kenya est partie et déclarant que cette déclaration a donné une déclaration autorisée sur le champ de l’article 9 de la Charte africaine…); South Africa, Constitutional Court, 7 June 2000, Rahim Dawood and Another v Minister of Home Affairs and Others; Nazila Shalabi and Another v Minister of Home Affairs and Others; Maureen Shaila Thomas and Another v Minister of Home Affairs and Others (CCT35/99) [2000] ZACC 8; 2000 (3) SA 936; 2000 (8) BCLR 837, at 29 (Déclaration universelle des droits de l’homme); South Africa, Constitutional Court, 4 August 2004, Samuel Kaunda and others v President of the Republic of South Africa and others, Case CCT 23/04,  2004 (10) BCLR 1009 (CC), 2005 (4) SA 235 (CC), Chaskalson CJ at 25 ss.,  Ngcobo J at 149, O’Regan at 214 ss. (travaux de la CDI sur la protection diplomatique) ; South Africa, Supreme Court of Appeal, 20 September 2007, Van Zyl and ors v South Africa and ors, Case No 170/06, [2007] ZASCA 109, (2007) SCA 109 (RSA), [2008] 1 All SA 102 (SCA),2008 (3) SA 294 (SCA), ILDC 839 (ZA 2007) (travaux de la CDI sur la protection diplomatique) ; South Africa, Constitutional Court, 17 March 2011, Hugh Glenister v President of the Republic of South Africa and others (CCT 48/10) [2011] ZACC 6 ; 2011 (3) SA 347 (CC) ; 2011 (7) BCLR 651 (CC), IDLC 1712 (ZA 2011) (Glenister II), Moseneke DCJ and Caeron J, at 187 (rapport de l’OCDE); South Africa, High Court, Western Cape, 11 December 2013, Hassan Asman Harerimana v The Chairperson of the Refugee Appeal Board and Others, Case No. 10972/2013 (Guide du HCR sur les procédures et critères pour déterminer le statut de réfugié) ; High Court of South Africa (Western Cape Division, Cape Town), 28 February 2017, Armand v. Refugee Appeal Board and Ors, Case No. 19483/2015  (Manuel du HCR sur les procédures et critères pour déterminer le statut de réfugié) ; High Court of South Africa, Eastern Cape Local Division, Port Elizabeth, 15 June 2017, The Saharawi Arab Democratic Republic and The Front Polisario v The Owner and Cherteres of the MV ‘NM Cherry Blossom’ and Others, Case No 1487/17, at 35 ss. (avis de la CIJ sur le Sahara occidental, opinion de Hans Corell sur le Sahara occidental et différentes résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU).

  1. Le juge africain, cependant, n’adopte pas systématiquement la même politique interprétative, mais déploie de manière variable l’une ou l’autre politique selon qu’il veut ou non donner un certain effet à ces énoncés internationaux[1]. De même la portée des énoncés varie-t-elle selon que le recours à ceux-ci ne fait que confirmer une interprétation déjà retenue sur un autre fondement[2] ou qu’il participe à la formulation d’une nouvelle interprétation.

[1] Pour un exemple de refus d’interprétation conformément au droit international : Zambia, Supreme Court, 24 January 2008, Attorney General v Clarke, Appeal Judgment, Appeal No 96A/2004, ILDC 1340 (ZM 2008), in Oxford Reports on International Law in Domestic Courts, OPIL, [83] : “The provisions relating to deportation as contained in Section 26(2) [of the Immigration and Deportation Act] […] are clear. We cannot import in our interpretation of Section 26(2) glosses and interpolations derived from Article 13(1) [of the ICCPR] aforesaid”.

[2] En ce sens South Africa Constitutional Court, 8th October 2004, Jaftha and van Rooyen v Schoeman and ors (2004) CCT 74/03, [2004] ZACC 25, ILDC 1846 (ZA 2004), 2005 (2) SA 140 (CC), 2005 (1) BCLR 78 (CC) (référence, sur le fondement de l’article 39(1)(b) de la Constitution, à l’observation générale n° 4 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, alors que l’Afrique du Sud n’était pas partie au PIDESC, pour renforcer ses conclusions concernant le concept international de logement adéquat), Mokgoro J, paras 23-25 selon la numérotation de l’OPIL.