Le jeu possible du droit international public dans le pluralisme juridique en Afrique

Pour citer : J. Matringe, « Le jeu possible du droit international public dans le pluralisme juridique en Afrique », in Droits africains et pluralisme juridique en Afrique. 2 : La formation du pluralisme juridique en Afrique, https://droitsafricainsonline.com/themes/droits-africains-et-pluralisme-juridique-en-afrique/2-la-formation-du-pluralisme-juridique-en-afrique-2/2-la-formation-du-pluralisme-juridique-en-afrique/, à jour au 27/12/2022

  1. Le droit international constitue une nouvelle « strate » de juridicité susceptible d’être applicable aux Africaines et Africains. Plus précisément, il ajoute trois nouvelles strates : le droit international à vocation universelle, le droit continental et le droit appelé communément « sous-régional ». En effet, pour éviter d’être liés à d’autres Etats par des normes qui ne correspondraient pas aux réalités ou aux conceptions africaines du droit, les Etats africains ont très tôt créé un droit applicable entre eux.

1      L’acceptation par les Etats africains d’être liés par le droit international

Les Etats africains s’engagent assez volontiers au niveau international. Il convient toutefois de souligner un tempérament à ce mouvement qui a quelque chose à voir avec la gestion du pluralisme juridique.

1.1. L’acceptation de principe

En réalité, l’attitude des Etats africains n’est pas constante et on peine à trouver un schéma explicatif général.

  1. S’agissant des normes internationales à vocation universelle, les Etats africains ont pu élaborer différentes stratégies qu’il conviendra de développer sous une autre entrée. Disons seulement ici que, s’ils ont pu contester un certain nombre de ces règles, ils acceptent très largement de s’imposer des obligations internationales à ce niveau[1].

[1] Voir notamment la ratification du Statut de la Cour pénale internationale, le premier Etat ayant opéré celle-ci ayant été le Sénégal.

  1. La situation est également contrastée, bien que de manière différente, en ce qui concerne le droit international d’origine africaine.
    • D’un côté, on a pu assister à un excès d’engagements auprès d’organisations « sous-régionales » abusivement qualifiées dans leur ensemble de Communautés ou d’intégrations alors que très peu d’entre elles présentent les caractéristiques de ce type d’institutions. Excès, dit-on, dans la mesure où, certains Etats étant parties à plusieurs de ces organisations, cela conduit à des chevauchements de celles-ci dont les normes et institutions ne coexistent pas toujours harmonieusement (image du « bol de spaghettis » de Bhagwati) ainsi qu’à l’inefficacité de leur participation. En outre, cette « anarchie » interdit toute construction d’une architecture cohérente à l’échelle continentale comme en attestent l’échec de la mise en place de la Communauté économique africaine et les difficultés de mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine censées pourtant s’appuyer sur ces organisations.
    • D’un autre côté, on observera que si les Etats africains ont produit un grand nombre de traités au niveau continental sous l’égide de l’OUA et de l’UA, à peine la moitié de ces traités est entrée en vigueur faute du nombre de ratifications nécessaires à cette fin. Certains n’ont été ratifiés par aucun Etat négociateur, même l’Etat sur le territoire duquel un traité a pu être adopté. On songe en particulier au Protocole de Malabo portant amendement du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme[1]

[1] Sur celui-ci et plus généralement sur l’attitude des Etats africains à l’égard de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, J. Matringe, « Les politiques juridiques des Etats africains à l’égard de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in F. Couveinhes Matsumoto et R. Nollez-Goldbach (dir.), Les Etats face aux juridictions internationales. Une analyse des politiques étatiques relatives aux juges internationaux, Paris, Pedone, 256 p., pp. 191-209.

1.2. L’aménagement de l’engagement des Etats par des réserves

  1. Le droit international reconnait la faculté aux Etats qui ont adopté un traité d’exclure ou modifier l’effet juridique de certaines de ses dispositions à leur égard au moment où ils manifestent leur intention d’être liés par le texte à l’aide de « réserves » et autres déclarations interprétatives. Les Etats africains n’ont pas hésité à attacher de tels instruments à leurs engagements internationaux[1].
  2. Ils ont pu utiliser cette technique, en particulier à l’égard des traités portant protection des droits de la personne humaine, afin de faire échapper au champ d’application de leurs engagements internationaux une part des autres droits, étatiques comme exoétatiques. Il s’agit en somme pour eux de neutraliser à l’avance le jeu du droit international à l’égard de ces autres droits.

[1] On notera toutefois que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a appelé les Etats membres de l’Union africaine à lever certaines d’entre elles. Voir ainsi Commission ADHP, 4 juin 2004, Résolution 66 sur la Situation des Femmes et Enfants en Afrique – CADHP/Res.66(XXXV)03 : « 2. Exhorte tous les Etats membres de l’UA à la ratification de la Convention des Nations Unies contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et, pour les Etats qui ont déjà ratifié ladite Convention en exprimant des réserves, de lever celles-ci ». Voir également Commission ADHP, 5 décembre 2005, Résolution 85 sur le Statut de la Femme en Afrique et sur l’Entrée en vigueur du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique – CADHP/Res.85(XXXVIII)05

1.2.1. Pour préserver l’application du droit étatique

  1. Un Etat peut neutraliser une partie d’un engagement dans la mesure de son incompatibilité avec son droit interne.

Il peut s’agir d’une clause générale d’exclusion en ce sens que l’Etat décide qu’une disposition du traité ne s’appliquera pas à lui si elle entre en conflit avec son droit interne en général[1].

Il peut s’agir d’une exclusion plus ciblée, visant à préserver l’application, par exemple, de la constitution[2] ou de certaines lois[3].


[1] Par exemple : Déclaration interprétative de l’Algérie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, § 4 : « Le gouvernement algérien interprète les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 23 du Pacte sur les droits civils et politiques relatives aux droits et responsabilités des époux, comme ne portant pas atteinte aux fondements essentiels du système juridique algérien » ; Déclaration interprétative de l’Algérie relative à l’art. 14, aliénas premier et deuxième, de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Les dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article 14 seront interprétées par le Gouvernement algérien compte tenu des fondements essentiels du système juridique algérien, en particulier : – de la Constitution qui stipule en son article 2 que l’Islam est la religion de l’Etat, et en son article 35 que la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables ; – de la loi n° 84-11 du 9 juin 1994 portant code de la famille, qui stipule que l’éducation de l’enfant se fait dans la religion de son père » ; Réserve du Botswana à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement de la république de Botswana formule une réserve à l’égard des dispositions de l’article 1 de la convention et ne se considère pas lié par les dispositions de cet article, dans la mesure où celles-ci seraient en conflit avec les lois du Botswana ».

[2] Voir ainsi : Réserve du Lesotho à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Lesotho déclare qu’il ne se considère pas comme lié par l’article 2 dans la mesure où cet article est contraire aux dispositions constitutionnelles du Lesotho régissant la succession au trône du Royaume du Lesotho et à la loi relative à la succession aux fonctions de chef. […]. Par ailleurs, le Gouvernement du Lesotho déclare qu’il ne prendra aucune mesure législative en vertu de la Convention si ces mesures sont incompatibles avec la Constitution du Lesotho » ; Réserve du Lesotho à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Lesotho déclare qu’il ne se considère pas comme lié par l’article 2 dans la mesure où cet article est contraire aux dispositions constitutionnelles du Lesotho régissant la succession au trône du Royaume du Lesotho et à la loi relative à la succession aux fonctions de chef. La ratification du Gouvernement du Lesotho est subordonnée à la condition qu’aucune de ses obligations découlant de la Convention, notamment du paragraphe e) de l’article 2, ne soit considéré comme s’appliquant aux affaires d’ordre religieux. Par ailleurs, le Gouvernement du Lesotho déclare qu’il ne prendra aucune mesure législative en vertu de la Convention si ces mesures sont incompatibles avec la Constitution du Lesotho » ; Déclaration du Rwanda au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « La République rwandaise ne s’engage toutefois, en ce qui concerne l’enseignement, qu’aux stipulations de sa Constitution » ; Déclaration de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 1. Le Gouvernement de la République tunisienne déclare qu’il ne prendra en application de la présente Convention aucune décision législative ou réglementaire en contradiction avec la constitution tunisienne ». Déclaration générale de la Tunisie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement tunisien déclare qu’il n’adoptera en vertu de la Convention aucune décision administrative qui serait susceptible d’aller à l’encontre des dispositions du chapitre 1er de la Constitution tunisienne ».

[3] Voir Déclaration interprétative de l’Algérie relative aux articles 13, 16 et 17 de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Les articles 13, 16 et 17 seront appliqués en tenant compte de l’intérêt de l’enfant et de la nécessité de la sauvegarde de son intégrité physique et morale. A ce titre, le Gouvernement algérien interprétera les dispositions de ces articles en fonction : [des dispositions du Code pénal et d’une loi relative à l’information] » ; Réserve du Congo au Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Le Gouvernement de la République populaire du Congo déclare qu’il ne se sent pas lié par les dispositions de l’article 11. L’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques diverge sensiblement avec les articles 386 et suivants du Code congolais de procédure civile, commerciale, administrative et financière, résultant de la loi 51/83 du 21 avril 1983 aux termes desquels […] » ; Réserve du Maroc au paragraphe 2 de l’art. 9 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard de ce paragraphes, étant donné que le Code de la nationalité marocaine  […] » ; Déclaration de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 3. Le Gouvernement de la république tunisienne déclare que le préambule ainsi que les dispositions de la Convention […] ne seront pas interprétées comme faisant obstacle à l’application de la législation tunisienne relative à l’interruption volontaire de la grossesse » ; Réserve de la Tunisie à la Convention relatives aux droits de l’enfant : « 3. Le Gouvernement de la république tunisienne considère que l’article 7 de la Convention ne peut être interprété comme interdisant l’application de sa législation nationale en matière de nationalité et en particulier le cas de la perte de la nationalité tunisienne ».

Il peut encore s’agir d’une branche entière du droit interne[1], principalement le droit de la famille et plus généralement le statut personnel[2].


[1] Par exemple : Réserve du Congo au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Le Gouvernement de la république populaire du Congo déclare qu’il ne se sent pas lié par les dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 13 […]. Les paragraphes 3 et 4 de l’article 13 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels consacrent le principe de la liberté de l’enseignement en laissant les parents libres de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics et autorisent des particuliers à créer et à diriger les établissements d’enseignement. De telles dispositions violent dans notre pays le principe de nationalisation de l’enseignement et le monopole donné à l’Etat dans ce domaine ».

[2] Voir Réserve de l’Algérie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Article 2 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions du Code algérien de la famille » ; «  Article 9, paragraphe 2 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire émet des réserves à l’égard des dispositions du paragraphe 2 de l’article 9 qui ne sont pas compatibles avec les dispositions du Code de la nationalité algérienne et du Code algérien de la famille » ; «  Article 15, paragraphe 4 : Le Gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire déclare que les dispositions du paragraphe 4 de l’article 15 notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, ne doivent pas être interprétées dans un sens qui irait à l’encontre des dispositions du chapitre 4 (art. 37) du Code algérien de la famille » ; « Article 16 : Le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire déclare que les dispositions de l’article 16 relatives à l’égalité de l’homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions du Code algérien de la famille » ; Déclarations du Maroc à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 15 : le Gouvernement du Royaume du Maroc déclare qu’il ne pourrait être lié par les dispositions de ce paragraphe, notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces dispositions ne seraient pas contraires aux articles 34 et 36 du Code marocain du statut personnel » ; Réserve de la Tunisie à la Convention relative aux droits de l’enfant : « 1. Le Gouvernement de la République tunisienne émet une réserve sur les dispositions de l’article 2 de la Convention qui ne peuvent constituer un obstacle à l’application des dispositions de sa législation nationale relative au statut personnel, notamment […] » ; Réserve de la Tunisie aux alinéas c, d, f, g et h de l’article 16 de la Convention relatives aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement tunisien ne se considère pas lié par les alinéas c, d, et f de l’article 16 de la Convention et déclare que les paragraphes g et h du même article ne doivent pas être en contradiction avec les dispositions du Code du statut personnel relatives à l’octroi du nom de famille aux enfants et à l’acquisition de la propriété par voie de succession » ; Déclaration de la Tunisie concernant le paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités en date du 23 mai 1969, le Gouvernement tunisien souligne que les dispositions du paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, ne doivent pas être interprétées dans un sens qui irait à l’encontre des dispositions des chapitres […] du Code du statut personnel qui ont trait à la même question ».

1.2.2. Pour protéger l’application des droits exoétatiques

  1. Les Etats africains attachent également parfois des réserves à leur engagement à l’égard de traités internationaux à vocation universelle au nom du respect des traditions, coutumes et prescriptions religieuses existant sur leur territoire. L’objectif est de permettre, sans risquer d’engager leur responsabilité internationale, l’applicabilité de pratiques et coutumes internes incompatibles ou susceptibles d’être incompatibles avec les prescriptions internationales contenues dans le traité[1]. A vrai dire, l’essentiel de ces réserves concerne l’application de la Shari’a[2].

[1] En ce sens Réserve du Lesotho à la Convention sur les droits politiques de la femme : « L’article III est accepté avec des réserves qui demeureront valables, dans chaque cas, tant qu’il n’y aura pas eu de notification de retrait dans la mesure où il concerne les domaines régis par la loi et la coutume basotho » ; Réserves du Niger à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Article 2, alinéas d et f : Le Gouvernement de la république du Niger émet des réserves à l’égard des alinéas d et f de l’article 2 relatifs à la prise de mesures appropriées pour abroger toute coutume et pratique qui constituent une discrimination à l’endroit de la femme ; en particulier en matière de succession. Article 5-a : Le Gouvernement de la république du Niger émet des réserves en ce qui concerne la modification des schémas et modèles de comportement socio-culturels de l’homme et de la femme. […]. Le Gouvernement de la république du Niger déclare que les dispositions des articles 2, alinéas d et f ; 5-a, 5-b ; 15-4 ; 16-1c, 1-e, 1-g, relatives aux rapports familiaux ne peuvent être l’objet d’application immédiate en ce qu’elles sont contraires aux coutumes et pratiques actuellement en vigueur, qui de par leur nature ne se modifient qu’au fil du temps et de l’évolution de la société, et ne sauraient, par conséquent, être abrogées d’autorité » ; Swaziland au sujet de la Convention sur les droits politiques de la femme : « La Convention ne s’appliquera pas aux affaires qui sont régies par la loi et coutume souazies conformément au paragraphe 2 de la section 62 de la Constitution du Royaume du Souaziland ».

[2] Voir : Déclaration de Djibouti à la Convention relative aux droits de l’enfant : « [Le Gouvernement de la République de Djibouti ne se considérera pas] lié par les dispositions ou articles incompatibles avec sa religion et ses valeurs traditionnelles » ; Réserve de l’Egypte à l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne l’article 2 : Réserve sur l’ensemble des dispositions de l’article 2 dont la République arabe d’Egypte est prête à appliquer les différents alinéas à condition qu’ils n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la chari’a musulmane » ; Réserve de l’Egypte à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Attendu que la loi islamique est l’une des principales sources du droit positif égyptien et que tout en considérant qu’il est impératif d’assurer par tous les moyens aux enfants la protection dont ils ont besoin, ladite loi, contrairement à d’autres types de droit positif, ne reconnaît pas l’adoption. Le Gouvernement de la République arabe d’Egypte émet des réserves sur toutes les dispositions de la Convention concernant l’adoption, et en particulier celles des articles 20 et 21 » ; Réserve de l’Egypte à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Réserve sur les dispositions de l’article 16 relatives à l’égalité de l’homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, qui ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions de la chari’a garantissant à l’épouse des droits équivalents à ceux de son conjoint afin d’assurer un juste équilibre entre eux, compte tenu de la valeur sacrée des liens du mariage et des relations familiales en Egypte qui trouve sa source dans de profondes convictions religieuses qu’on ne saurait transgresser et du fait que ces liens sont essentiellement fondés sur l’égalité des droits et des devoirs et sur la complémentarité qui réalise la véritable égalité entre les conjoints. Les dispositions de la Chari’a font notamment obligation à l’époux de fournir à son épouse une dote appropriée, de subvenir totalement à ses besoins et de lui verser une allocation en cas de divorce, tandis qu’elle conserve la totalité de ses droits sur ses biens sans avoir à les utiliser pour subvenir à ses besoins. C’est pour cette raison que la chari’a n’accorde le divorce à la femme que sur décision du tribunal tandis qu’elle n’impose pas cette condition à son époux » ; Réserve de la Libye la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « 1. Pour l’application de l’article 2 de la Convention, il y a lieu de tenir dûment compte des normes péremptoires édictées par la Chari’a islamique en ce qui concerne la détermination de la part revenant à chaque héritier dans la succession d’une personne décédée, de sexe masculin ou de sexe féminin. 2. Les paragraphes 16 c) et d) de la Convention seront appliqués sans préjudice des droits garantis aux femmes par la Chari’a islamique » ; Déclarations du Maroc à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « En ce qui concerne l’article 1 : Le Gouvernement du Royaume du Maroc se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition : – qu’elles n’aient pas d’effet sur les dispositions constitutionnelles régissant les règles de succession au trône du Maroc. – qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la Chari’a islamique, étant donné que certaines dispositions contenues dans le Code marocain du statut personnel qui donnent à la femme des droits qui diffèrent de ceux octroyés à l’époux, ne pourraient être transgressés ou abrogées du fait qu’elles sont fondamentalement issues de la Chari’a islamique qui vise, entre autres, à réaliser l’équilibre entre les conjoints afin de préserver la consolidation des liens familiaux » ; Réserve du Maroc à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard des dispositions de cet article, notamment celles relatives à l’égalité de l’homme et de la femme en ce qui concerne les droits et responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution, du fait qu’une égalité de ce genre est contraire à la Chari’a islamique qui garantit à chacun des époux des droits et responsabilités dans un cadre d’équilibre et de complémentarité afin de préserver les liens sacrés du mariage. En effet, les dispositions de la Chari’a islamique obligent […] » ; Réserve du Maroc à la Convention relative aux droits de l’enfant : « Le Gouvernement du Royaume du Maroc dont la constitution garantit à chacun l’exercice de la liberté du culte, formule une réserve concernant les dispositions de l’article 14, qui reconnaît à l’enfant le droit à la liberté de religion, puisque l’Islam est religion d’Etat ».

  1. Toutefois, les effets de ces réserves sont limités pour deux raisons essentielles.
    • La première tient dans le fait que l’essentiel des règles énoncées dans ces traités étant de nature coutumière, les Etats sont déjà liés et doivent respecter les droits énoncés. Le risque de s’engager à l’égard d’un traité est alors seulement d’être lié par une règle plus précise — et donc intrusive — que la règle coutumière et d’être éventuellement attrait devant un organe international non africain. En outre, la validité de ces réserves peut être appréciée par l’organe international chargé de contrôler le respect du traité concerné qui peut décider d’écarter une réserve qu’il estimerait illicite et donc d’appliquer la règle qui en fait l’objet.
    • La seconde tient dans le fait que ces Etats se sont souvent engagés, sans réserve cette fois-ci, à être liés par d’autres traités comprenant des règles analogues comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et son protocole relatif aux droits des femmes ainsi que la Charte des droits et du bien-être de l’enfant.
  2. Notons qu’un Etat peut retirer une réserve[1] ou la modifier.

[1] En ce sens la [déclaration] du Malawi à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le 24 octobre 1991, le Gouvernement malawien a notifié au Secrétaire général sa décision de retirer les réserves suivantes faites lors de l’adhésion qui se lisent comme suit : certaines coutumes et pratiques traditionnelles étant profondément enracinées, le Gouvernement de la République du Malawi ne se considérera pas, pour le moment, lié par les dispositions de la Convention exigeant l’abolition immédiate de ces coutumes et pratiques. […] ».

2. Identification du droit international pertinent

  1. Les normes produites dans l’ordre juridique international peuvent directement affecter la situation et les relations des individus quand elles sont d’effet direct dans les ordres juridiques étatiques. Tel est le cas des trois nouvelles strates en matière de droits de la personne humaine ; tel est également le cas, dans une certaine mesure, du droit « sous-régional » en matière économique. Sinon, ces normes ne régiront la situation des individus que par le biais d’actes juridiques étatiques qui les transforment en droit étatique.

2.1. Le droit international à vocation universelle

  1. Leur seul mode juridique de protection à l’égard des Etats colonisateurs étant le droit international et la qualité d’Etat qui leur assuraient souveraineté et liberté, les peuples africains ont décidé de s’ériger en Etats et de s’inscrire résolument dans le droit international à vocation universelle. En effet, celui-ci est fondé sur le principe de souveraineté des Etats qui signifie qu’ils ne connaissent aucun supérieur et ne sont soumis qu’aux règles qu’ils ont acceptées et aux institutions qu’ils ont reconnues. Ce principe est la formulation juridique de l’indépendance qui signifie, outre leur liberté sur le plan international sauf engagement de leur part de limiter celle-ci, leur liberté sur le plan interne, à nouveau sauf autolimitation.
  2. Or, ce faisant, ils acceptèrent d’être régis par un corpus juridique qui avait été produit sans eux. Certes, ils pouvaient dénoncer quelques traités conclus par l’ancien Etat colonisateur, mais ils acceptèrent la quasi-totalité du droit international.
  3. Surtout, sitôt indépendants, les Etats africains ont adhéré à l’ONU et aux organisations de la famille des Nations Unies tout comme ils ont ratifié un très grand nombre de traités élaborés à l’origine sans eux, se soumettant ainsi à un très grand nombre de règles et contraintes dont ils ne mesurèrent pas immédiatement le poids. Ils ont donc produit et continuent à produire, avec d’autres Etats, de nouvelles normes.
  4. Parmi celles-ci, certaines ont vocation à s’appliquer aux individus, créant une nouvelle strate de droit applicable dans le chef de ceux-ci. Or, les normes étatiques internes et les normes exoétatiques existant en Afrique ne sont pas toujours compatibles avec ces règles internationales. En effet, le droit international que ces Etats ont accepté et acceptent encore obéit dans une certaine mesure à une logique étrangère à la prise en considération de la réalité du droit en Afrique, ce qui rend parfois difficile son acceptation par les populations, à supposer qu’il soit connu d’elles. On verra comment les différents systèmes régissent techniquement leur articulation réciproque.

2.2. Le droit international africain

  1. Les Etats africains peuvent produire du droit international entre eux et ne s’en privent pas. Il peut s’agir de créer des règles spécifiques et/ou d’adapter les règles internationales à vocation universelle à certaines réalités propres à l’Afrique[1].
  2. Comme on l’a dit, les Etats africains ont décidé de faire du droit international entre eux à deux niveaux. En effet, après les débats opposant les partisans d’un fédéralisme panafricain immédiat et ceux d’une intégration d’abord régionale puis continentale, un compromis fut trouvé : il serait créé une organisation à vocation continentale, l’OUA, qui fut remplacée en 2002 par l’UA, et en même temps des regroupements dits sous-régionaux.
  3. Sur le plan continental, l’OUA et l’UA, à défaut de s’être vu confier par les Etats un véritable pouvoir de commandement à l’égard des Etats, devaient constituer a minima des enceintes à l’élaboration de traités applicables à l’échelle de l’Afrique dans son ensemble. Cependant, on l’a vu, les Etats peinent à produire de tels traités et quand ils s’entendent, c’est pour ensuite rechigner à mettre en œuvre leurs engagements internationaux.
  4. Le droit dit « sous-régional » — essentiellement celui produit par les Communautés économiques régionales (CER) — ajoute une strate supplémentaire à la normativité applicable aux individus africains[2]. En effet, les CER élaborent via des règlements, outre un droit de la protection de la personne humaine, des normes en matière économique qui peuvent également être d’effet direct et prétendent primer sur le droit étatique. Le double jeu de la primauté du droit et de son effet direct a pour effet de gommer le pluralisme pouvant exister entre le droit international et le droit étatique dans la mesure où le premier se substitue au second en le rendant inapplicable.

[1] Voir notamment : Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique / OAU Convention governing the specific aspects of refugee problems in Africa, conclue à Addis-Abeba le 10 septembre 1969, U.N.T.S., Vol. 1001, I-14691 entrée en vigueur le 20 juin 1974 ; Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, OAU Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L. 58 (1982), 27 juin 1981, entrée en vigueur 21 octobre 1986 ; Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, 11 juillet 2003 ; Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, CAB/LEG/153/Rev.2, juillet 1990 ; Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique / African Union Convention for the protection and Assistance of Internally Displaced Persons in Africa, adoptée le 23 octobre 2009 et entrée en vigueur le 6 décembre 2012

[2] Huit Communautés économiques régionales sont reconnues par l’UA ; l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) ; la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ; la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ; la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ; la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; la Communauté des Etats sahélo Sahariens (CEN-SAD) ; le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Voir par exemple l’article 6 du traité modifié de l’Union économique et monétaire ouest-africaine : « Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire antérieure ou postérieure », à lire avec l’article 43 : « Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre. (…) ». Ainsi la CJUEMOA, dans l’avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 relatif à la création de la Cour des comptes du Mali, celle-ci déclara : « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales, administratives, législatives, juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ».

  1. Il convient d’ajouter l’OHADA qui n’est pas une Communauté économique régionale, mais un espace juridique. Créée par le traité de Port-Louis du relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 17 octobre 1993 et révisé le 17 octobre 2008 à Québec, l’OHADA regroupe 17 Etats membres[1] et constitue une initiative unique au monde de production par une organisation internationale d’un droit des affaires devant se substituer aux droits étatiques dans les matières concernées[2].
  2. Son objet est d’assurer une uniformisation du droit et non seulement, comme son appellation peut le laisser suggérer, une harmonisation des droits étatiques. Ainsi, les actes prévus à cet effet s’appellent bien « actes uniformes »[3]. Ils présentent la caractéristique d’être d’effet direct dans les droits des Etats membres et donc d’affecter immédiatement la condition des individus. En effet, aux termes de l’article 10 du Traité OHADA de 1993, « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».

[1] Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.

[2] Article 1 du Traité de 1993 : « Le présent traité a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économiques, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ».

[3] P. ex. l’acte uniforme sur le droit commercial général ; l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique ; l’acte uniforme portant organisation des sûretés ; l’acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d’exécution ; l’acte uniforme sur le redressement et la liquidation judiciaire ; l’acte uniforme sur le droit de l’arbitrage.

  1. Cette uniformisation est également garantie par leur interprétation en dernier ressort par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. En effet, si l’article 13 du traité de 1993 énonce que le contentieux et l’application des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties, l’article 14 ajoute : « La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application communes du présent Traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes ». Elle assure cette uniformisation par la voie d’avis demandés par les Etats parties, le Conseil des ministres ou les juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ou par la voie du recours en cassation contre les décisions des juridictions des Etats parties portés devant elle par une partie au différend ou sur renvoi d’une juridiction étatique de cassation.
  2. L’article 20 précise quant à lui : « Les arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie ».

3. Influence du droit international sur le pluralisme

Avant d’entrer dans les détails, il convient de retenir deux idées principales sur la manière dont le droit international influe sur le pluralisme.

  1. Le droit international présente cette particularité de s’intéresser au pluralisme (sans le dire expressément), mais sans que celui-ci ne pénètre son monde. D’une part, il ne considère pas les droits étatiques et exoétatiques comme existant d’une quelconque manière comme droits dans son univers, mais, au mieux, peut les prendre en considération au moment de sa formation ou de sa réalisation. Il en résulte que ce à quoi il s’intéresse est la place que chaque ordre étatique accorde en son sein aux droits exoétatiques, intervenant comme une sorte de tiers droit dans des relations entre deux systèmes qui lui sont étrangers, mais l’intéressent dans la mesure où ces relations peuvent avoir des conséquences sur son respect.
  2. Instinctivement, on pourrait estimer que le droit international n’intervient dans le jeu du pluralisme que lorsqu’il est d’effet direct, s’insérant alors dans le maillage des juridicités susceptibles de s’appliquer directement aux Africaines et Africains. Tel n’est pourtant pas le cas ; même quand il ne régit pas directement la situation des personnes, il peut s’y intéresser et vouloir influer sur le pluralisme qui gouverne la condition de ces personnes.
  3. Ainsi, avant même les indépendances, le droit n’avait pas vocation à s’appliquer directement aux personnes, se contenant de régir les relations entre Etats européens et, dans une moindre mesure entre ceux-ci et les Etats africains (p. ex. statut des traités conclus entre ces Etats ou certains de leurs ressortissants et les « chefs » locaux, mandat de la Société des Nations, Charte des Nations Unies). Toutefois, il a pu demander aux mandataires de prendre en considération les droits coutumiers présents sur le territoire placé sous mandat. Il en fut de même en matière de tutelle[1]. Il put en être de même à l’égard du droit musulman[2].

[1] En ce sens, l’art. 8 identique de l’Accord de tutelle pour le territoire du Tanganyika, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 116, p. 91, de l’Accord de tutelle pour le Territoire du Cameroun sous administration britannique, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 118, p. 119 : « L’Autorité chargée de l’administration devra, dans l’établissement des lois relatives à la tenure du sol ou au transfert de la propriété foncière et des ressources naturelles, prendre en considération les lois et les coutumes indigènes, respecter les droits et sauvegarder les intérêts, tant présents que futurs, de la population indigène […] ». Voir également Accord de tutelle pour le Territoire du Cameroun sous administration française, approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946, RTNU, vol. 8, n° 119, p. 135, art. 7 : « L’Autorité chargée de l’administration devra, dans l’établissement des règles relatives la la tenure du sol et au transfert de la propriété foncière, et en vue de favoriser le progrès économique et social des populations autochtones, prendre en considération les lois et les coutumes locales ».

[2] Voir ainsi l’art. 7 de la Déclaration de principes constitutionnels annexée à l’Accord de tutelle pour le Territoire de la Somalie sous administration italienne, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 2 décembre 1950, RTNU, Vol. 118, n° 381, p. 255 : « […] Selon qu’il sera opportun dans chaque cas d’espèce, l’Autorité chargée de l’administration appliquera la législation territoriale, le droit musulman et le droit coutumier local ».