Les mécanismes régionaux et continentaux de protection des droits de l’homme en Afrique

Pour citer : J. Matringe, « Les mécanismes régionaux et continentaux de protection des droits de l’homme en Afrique », https://droitsafricainsonline.com/themes/droits-de-la-personne-humaine-travail-en-cours/les-mecanismes-de-garantie-des-droits-de-la-personne-humaine-en-afrique/les-mecanismes-regionaux-et-continentaux-de-protection-des-droits-de-la-personne-humaine-en-afrique/, à jour au 17/01/2023

Si, de plusieurs points de vue, les mécanismes non contentieux sont plus ouverts et paraissent plus protecteurs que les mécanismes contentieux, la chose n’est pas évidente. Certes, la compétence des organes dédiés est bien plus large, tant ratione materiae que ratione personae, ratione loci ou encore ratione temporis que celle des organes chargés des contentieux. Toutefois, alors qu’un organe contentieux est obligé de répondre à une communication qui relève de sa compétence et obéit aux conditions de recevabilité, un organe contentieux bénéficie d’une large discrétion qui peut se faire au détriment de certaines personnes. Par exemple, saisie d’une communication, une procédure spéciale décide discrétionnairement de lui donner suite et de contacter l’Etat visé pour qu’il réagisse aux allégations. Cela donne un aléa non négligeable pour les individus, d’autant que les plaignants ne sont pas informés du sort donné à leur saisine. De même, l’organe saisi d’un rapporteur étatique choisira les questions sur lesquelles il demandera des explications à l’Etat concerné et formulera des observations.

1. Les mécanismes contentieux

1.1. Fondement de la compétence des organes contentieux

Aucune (quasi) juridiction obligatoire n’existe en droit international. Le pouvoir de juger (ou de « quasi-juger ») de tous les organes contentieux est subordonné au consentement des parties au différend, donc à « un droit particulier », la seule exception étant la juridiction pénale du point de vue des individus.

La compétence est l’étendue de ce pouvoir de juger (ou « quasi-juger ») confié à une juridiction, c’est-à-dire le ou les différends qu’elle a le pouvoir de régler[1].


[1] C. Santulli, Droit du contentieux international, Paris, Montchrestien, 2005, 584 p., § 253.

En principe, la compétence de l’organe de contrôle trouve son fondement dans le traité de protection des droits de la personne humaine qui l’institue ou dans le Protocole adossé au traité qui institue le mécanisme de contrôle si celui-ci n’est pas prévu dans le traité initial[1].


[1] Parfois, plusieurs traités confèrent compétence de contrôle au même organe, selon des procédures identiques ou non. Voir ainsi l’article 19 § 6 du protocole de San Salvador additionnel à la Convention interaméricaine relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Au cas où les droits établis au paragraphe a de l’article 8 et à l’article 13 ont été violés par une action imputable directement à un Etat partie au présent Protocole, cette situation peut donner lieu par le recours à la Commission interaméricaine des droits de l’homme et, le cas échéant, à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, à l’application du système de requêtes individuelles prévu aux articles 44 à 51 et 61 à 69 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme ». De même, le Protocole à la Charte africaine sur les droits des femmes confie le contrôle de celui-ci à la Cour africaine.

Tel n’est toutefois pas toujours le cas. Certaines juridictions régionales ont effet affirmé leur compétence en matière de contrôle du respect d’instruments internationaux de protection des droits de la personne humaine en l’absence de disposition conventionnelle expresse en ce sens. Dit autrement, à l’origine incompétentes pour connaître de contentieux relatifs à ces droits, elles ont développé cette compétence. On sait que tel fut le cas de la CJCE/CJUE ; tel est également le cas de certaines juridictions africaines régionales, du moins à titre incident.

Il en fut ainsi du Tribunal de la Communauté pour l’Afrique australe (SADC). Si, en effet, celui-ci n’avait pas expressément reçu compétence en matière de droits de la personne humaine[1], il n’en a pas moins connu de différends y relatifs en prenant appui sur l’art. 4 (c) du traité SADC qui dispose que la Communauté et ses Etats membres doivent agir conformément aux principes des droits de la personne humaine de la démocratie et de l’Etat de droit[2]. Toutefois, cette position a provoqué la colère des Etats membres de celle-ci qui ont amendé son statut pour limiter sa compétence aux contentieux interétatiques.


[1] Le tribunal fut établi comme institution de la Communauté par l’article 9 § 1 (f) du traité de la SADC adopté le 17 août 1992 et entré en vigueur en septembre 1993 avec comme compétence, article 16 § 1 : “The Tribunal shall be constituted to ensure adherence to and the proper interpretation of the provisions of this Treaty and subsidiary instruments and to adjudicate upon such disputes as may be referred to it”, la seule mention relative aux droits de l’homme figurant à l’article 4 : « SADC and its member States shall act in accordance with the following principles : […] (c) human rights, democracy and the rule of law ». Le Protocole portant création du tribunal et établissement de ses règles de procédure fut adopté en 2000 et entra en vigueur en 2001, précisant la compétence du tribunal : “The Tribunal shall have jurisdiction over all disputes and all applications referred to it in accordance with the Treaty and this Protocol which relate to: (a) the interpretation and application of the Treaty; (b) the interpretation, application or validity of the Protocols, all subsidiary instruments adopted within the framework of the Community, and acts of the institutions of the Community; (c) all matters specifically provided for in any other agreements that States may conclude among themselves or within the Community and which confer jurisdiction on the Tribunal”.

[2] Voir en particulier #SADC Tribunal, November 28, 2008, Mike Campbell (Pvt) Ltd. and 78 others v. The Republic of Zimbabwe, 02/07, http://caselaw.ihrda.org/doc/02.07_jud/view/en/ : “In deciding this issue, the Tribunal first referred to Article 21 (b) which, in addition to enjoining the Tribunal to develop its own jurisprudence, also instructs the Tribunal to do so “having regard to applicable treaties, general principles and rules of public international law”, which are sources of law for the Tribunal. That settles the question whether the Tribunal can look elsewhere to find answers where it appears that the Treaty is silent. In any event, we do not consider that there should first be a Protocol on human rights in order to give effect to the principles set out in the Treaty, in the light of the express provision à article 4 (c) of the Treaty which states as follows: “SADC and Member States are required to act in accordance with the following principles – (a)… (b) … (c) human rights, democracy and the rule of law”. It is clear to us that the Tribunal has jurisdiction in respect of any dispute concerning human rights, democracy and the rule of law, which are the very issues raised in the present application”. Voir également #SADC Tribunal, 9 December 2010, Barry L. Gongo and Others v. The Republic of Zimbabwe, Case No. 05/2008, http://www.worldcourts.com/sadct/eng/decisions/2010.12.09_Gondo_v_Zimbabwe.htm, §§ 9-10, le Tribunal se référant ensuite immédiatement, §§ 11-13, au PIDCP, ratifié par l’Etat défendeur de même qu’aux systèmes régionaux européen, américain et africain, § 15 et s. (il ne se référa à la Charte des droits sociaux fondamentaux de la SADC qu’au moment de l’établissement de la reparation) pour décider, § 23: “We hold, therefore, in the light of the authorities quoted above, that the Respondent is in breach of Articles 4 (c) and 6 (1) of the Treaty in that it has acted in contravention of various fundamental human rights, namely the right to an effective remedy, the right to have access to an independent and impartial Court or tribunal and the right to a fair hearing”; § 32: “It follows, therefore, that the list of grounds of discrimination in Article 26 is non- exhaustive and that section 5(2) of the State Liability Act of the Respondent is discriminatory in its content under Article 26 of the Covenant since it treats judgment creditors unequally in that a judgment creditor who obtains judgment against the State is not given the same protection and benefit that a judgment creditor who obtains judgment against a private litigant is accorded”; § 36: “We consider that section 5 (2) of the State Liability Act of the Respondent is also in contravention of Article 3 (2) of the Charter which lays down that “every individual shall be entitled to equal protection of the law””; § 38: “We hold, therefore, that, in the light of all the authorities already quoted by us, section 5(2) of the State Liability Act of the Respondent is not only in breach of the right to an effective remedy, the right to have access to an independent and impartial court or tribunal and the right to a fair hearing but also in contravention of the right to equality before the law and the right to equal protection of the law, and, therefore, is incompatible with the Respondent’s obligations under Articles 4 (c) and 6 (1) of the Treaty” et enfin, § 44: “[…]. We therefore hold and declare that – (a) section 5 (2) of the State Liability Act [Chapter 8:14] of the Respondent is in contravention of the fundamental rights to have an effective remedy; to have access to the Courts; to be entitled to a fair hearing, to equality before the law and to equal protection of the law; in so far as it provides that property of the State may not form the subject-matter of execution, attachment or process to satisfy a judgment debt; (b) the Respondent has acted in contravention of Article 4 (c) and 6 (1) of the Treaty by: (i) failing to comply with the orders of the High Court of Zimbabwe regarding the Applicants; (ii) persisting in its non-compliance with the Court orders referred to in sub paragraph (i) above”.

Il en fut de même, bien que de manière différente, de la Cour de justice de la Communauté d’Afrique de l’Est. Il était prévu à l’article 27 du traité l’établissant (amendé en 2006) qu’elle pourra avoir compétence en vertu d’un protocole à conclure[1]. La Cour n’a cependant pas attendu cette conclusion pour connaître du respect des droits de la personne humaine à titre incident dans l’exercice du règlement de différends pour lesquels compétence lui avait été expressément attribuée, se fondant pour ce faire sur les articles 5 à 7 du traité établissant la Communauté[2].


[1] « 1. La Cour doit en premier lieu être compétente pour l’interprétation et l’application du présent traité, sous réserve que la compétence en matière d’interprétation du traité conférée à la Cour en vertu de ce paragraphe n’inclue pas l’application de toute interprétation de compétence donnée par le traité à des organes des Etats membres. 2. Les autres compétences, en matière d’appel, de droits de l’homme, etc., sont décidées par le Conseil à une date ultérieure appropriée. A cette fin, les Etats membres doivent conclure un protocole pour donner effet aux autres compétences ».

[2] Voir East African Court of Justice, 1 November 2007, Katabazi and 21 Others v Secretary General of the East African Community and Another (Ref. No. 1 of 2007) [2007] EACJ 3 : “Does this Court have jurisdiction to deal with human rights issues? The quick answer is: No it does not have. Jurisdiction of this Court is provided by Article 27 in the following terms: […]. It is very clear that jurisdiction with respect to human rights requires a determination of the Council and a conclusion of a protocol to that effect. Both of those steps have not been taken. It follows, therefore, that this Court may not adjudicate on disputes concerning violation of human rights per se. / However, let us reflect a little bit. The objectives of the Community are set out in Article 5 […]. / Then Article 6 sets out the fundamental principles of the Community which governs the achievement of the objectives of the Community, of course as provided in Article 5 (1). Of particular interest here is paragraph (d) which talks of the rule of law and the promotion and the protection of human and peoples’ rights in accordance with the provisions of the African Charter on Human and Peoples’ Rights. / Article 7 spells out the operational principles of the Community which govern the practical achievement of the objectives of the Community in Sub-Article (1) and seals that with the undertaking by the partner States in no uncertain terms of Sub-Article (2): The partner States undertake to abide by the principles of good governance, including adherence to the principles of democracy, the rule of law, social justice and the maintenance of universality accepted standards of human rights. (Emphasis supplied.) / Finally, under Article 8 (1) (c) the Partner States undertake, among other things: Abstain from any measures likely to jeopardise the achievement of those objectives or the implementation of the provisions of this treaty. While the Court will not assume jurisdiction to adjudicate on human rights disputes, it will not abdicate from exercising its jurisdiction of interpretation under Article 27 (1) merely because the reference includes allegation of human rights” et la Cour de citer la Commission africaine pour nourrir son traitement de la plainte. Voir aussi EACJ, 30 March 2007, Peter Ayang’ Nyong’O & Others vs. Attorney General, Reference No. 1/2006 ; EACJ, First Instance Division, 29 June 2011, Independant Medical Unit vs. The Attorney General of the Republic of Kenya and 4 Others, Reference No. 3/2010; EACJ, 29 September 2011, Emmanuel Mwakisha Mjawasi &748 others v. Attorney General of Kenya, No. 2/2010, pp. 5-6 : “It is not in dispute that the steps in Article 27(2) have not yet been taken. It follows therefore, that this Court may not adjudicate on disputes concerning violation of human rights per se. The Court has no appellate jurisdiction as well. / However, in this Reference, this Court is neither being asked to adjudicate on a dispute concerning violation of human rights per se nor to exercise an appellate jurisdiction over the decision by the Kenya High Court. The Court is being asked to determine whether the alleged failure by the Kenya Government to pay the Claimants their terminal benefits constitutes a violation of Articles 6(d) and 7(2) of the Treaty. The fact that the Reference also contains allegations of violations of human rights under the conventions listed therein cannot prevent this Court from exercising its mandate under Article 27(1) of the Treaty. We have considered this objection and come to the same conclusion in a number of references including James Katabazi & 21 Others ‐vs. ‐ The Secretary General of the EAC and the AG of the Republic of Uganda (supra). We still hold the same view ».

De son côté, l’article 11 du Traité de la CEDAO du 28 mai 1975 institua le Tribunal de la Communauté pour assurer le respect du droit et des principes d’équité dans l’interprétation des clauses du Traité et régler les différends dont il est saisi conformément à l’article 56[1]. Le Protocole (A/P.1/7/91) relatif à la Cour de justice de la Communauté (adopté le 6 juillet 1991 et entré en vigueur le 5 septembre 1996) régit sa constitution et l’exercice de ses fonctions. La mise en place de cette Cour fut formalisée par le Traité révisé de la Communauté de 1993[2] et celle-ci s’est vu expressément confier compétence pour connaître de cas de violation des droits de l’homme qui se produisent dans tout Etat membre, sans autre précision, en 2005 à l’article 3 § 4 du Protocole additionnel (A/SP.1/01/05) portant amendements du Protocole relatif à la Cour de justice de la Communauté qui substitue un nouvel article 9 à l’article 9 du protocole de 1991. La Cour de justice de la CEDEAO inféra de la combinaison de ces dispositions sa compétence pour connaître de plaintes pour violation de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples[3].


[1] Lequel dispose : « Tout différend pouvant surgir entre les Etats membres au sujet de l’interprétation ou de l’application du présent traité est réglé à l’amiable par un accord direct. A défaut, le différend est porté par l’une des parties devant le tribunal de la Communauté dont la décision est sans appel ».

[2] Dont l’article 4 dispose : « Les Hautes Parties contractantes, dans la poursuite des objectifs énoncés à l’article 3 du présent Traité affirment et déclarent solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux suivants : […] g) respect, promotion et protection des droits de l’homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ».

[3] Ainsi a-t-elle décidé dans sa décision rendue dans l’affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger du 27 octobre 2008, Jugement n° ECW/CCJ/JUD/06/08, para. 41, que, en affirmant à l’article 4(g) du traité révisé que « les Etats membres de la CEDEAO adhèrent aux principes fondamentaux de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », le législateur communautaire a voulu tout simplement intégrer cet instrument dans le droit applicable devant la Cour de justice de la CEDEAO. Plus encore, § 42 : « L’adhésion de la Communauté aux principes de la Charte signifie que même en l’absence d’instruments juridiques de la CEDEAO relatifs aux droits de l’homme, la Cour assure la protection des droits énoncés dans la Charte sans pour autant procéder de la même manière que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples » car, § 43, on ne saurait déduire de l’article 4 (g) que les modalités de protection et de promotion des droits de l’homme par la Cour doivent être celles prévues dans la Charte. Pour d’autres décisions jugeant de la conformité de comportements étatiques à la Charte africaine, entre autres, CJCEDEAO, 5 juin 2008, CJCEDEAO, 5 June 2008, Chief Ebrimah Manneh v. Gambie, Judgment No. ECW/JUD/04/07 ; CJCEDEAO, 18 novembre 2010, Hissein Habré c. République du Sénégal, ECW/CCJ/JUD/06/10 ; CEDEAO, Cour de justice, 22 février 2013, Simone Ehivet et Michel Gbagbo c. République de Côte d’Ivoire, ECW/CCJ/JUD/03/13, http://dev.ihrda.org/fr/doc/ecw.ccj.jud.03.13/view/.

1.2. Compétence matérielle des organes de contrôle

1.2.1. Le principe

Le plus souvent, les organes contentieux de contrôle établis par les conventions de protection des droits de la personne humaine ou leurs protocoles ne sont compétents que pour garantir la mise en œuvre dudit traité. Ne peuvent donc être attraits que les Etats qui se sont engagés à être liés par ce traité (dans la mesure des réserves valides qu’ils auront formées au moment de cet engagement et à condition qu’ils aient accepté la compétence de l’organe de contrôle, comme on le verra) pour les seules violations de celui-ci.

Font toutefois exceptions à ce schéma le système américain et surtout le système africain.

1.2.2. Le tempérament américain

Ainsi, si la Cour américaine est chargée du seul contrôle de la Convention de 1969, la Commission américaine applique quant à elle la Convention à l’égard des Etats qui y sont parties ainsi que la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme de 1948 aux Etats membres de l’OEA tiers à la Convention de 1969 en tant que cette Déclaration définit et précise les droits auxquels la Charte de l’OEA se réfère.

En outre, les deux organes ont entendu de manière large leur compétence. Ainsi, si la Cour se déclare incompétente pour appliquer la déclaration de 1948, elle se réfère à celle-ci pour interpréter la Convention[1]. Elle considère également que l’acceptation par les Etats parties à la Convention de 1969 de sa compétence vaut pour tout traité interaméricain qui lui a confié un pouvoir de contrôle[2]. De son côté, la Commission affirme sa compétence pour connaître de plaintes pour violations d’autres traités interaméricains que la Convention de 1969 comme la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture alors même que celle-ci ne lui confère pas compétence à cette fin[3].


[1] Cour IADHP, 20 novembre 2014, Arguelles et autres c. Argentine, arrêt, Série C n° 288, §§ 32-38.

[2] Cour IADH, 7 juillet 2004, Hermanos Gomez Paquiyauri c. Pérou, Série C n° 110, § 101 et s. pour la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture ; Cour IADH, 16 novembre 2009, Gonzalez et autres c. Mexique, Série C n° 205, §§ 35-77 et Cour IADH, 24 novembre 2009, Massacre de « Dos Erres » c. Guatemala, Sécrie C, n° 211, §§ 137-141 et Cour IADH, 20 novembre 2014, Espinoza Gonzalez c. Pérou, Série C, n° 289, § 39 et s. au sujet de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence à l’égard des femmes ; Cour IADH, 24 février 2011, Gelman c. Uruguay, Série C n° 221, § 139 et s. pour la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.

[3] Comm. IADH, 29 mars 2012, Godoy c. Argentine, pétition n° 12.324, Rapport n° 66/12.

1.2.3. L’exception africaine

Le mandat de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est incontestablement le plus large des trois cours régionales, s’étendant de manière très originale à des instruments extérieurs à la Charte. En effet, en vertu de l’article 3 du Protocole de Ouagadougou, la Cour a compétence contentieuse pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant non seulement l’interprétation et l’application de la Charte et du Protocole la créant, mais également de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par les Etats concernés. A ce sujet, la Cour a décidé que la Charte africaine sur la démocratie et le protocole de la CEDEAO sur la démocratie sont des instruments relatifs aux droits de l’homme et qu’elle a, en conséquence, compétence pour les interpréter et les faire appliquer[1]. Logiquement au regard d’une telle compétence, l’article 7 inclut dans le droit applicable par la Cour les dispositions de la Charte ainsi que celles de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par l’Etat concerné par une requête.


[1] CADHP, 18 novembre 2016, Actions pour la protection des droits de l’homme (APHD) c. Côte d’Ivoire, req. n° 001/2014, § 57 : « Pour déterminer si une convention est un instrument des droits de l’homme, la Cour considère qu’il y a lieu de se rapporter principalement à l’objet de ladite convention. Un tel objet est décliné soit par une énonciation expresse de droits subjectifs au profit des individus ou groupes d’individus, soit par la prescription à l’égard des États d’obligations impliquant la jouissance conséquente des mêmes droits » ; § 58 : « En ce qui concerne l’énonciation expresse des droits subjectifs, elle est illustrée par des dispositions qui confèrent directement les droits concernés » ; § 59 : « L’article 13 (1) et (2) de la Charte des droits de l’homme [sic] dispose que : […] » ; § 60 : « S’agissant de la prescription d’obligations à l’égard des États, la Charte des droits de l’homme [sic] stipule, en son article 26 que […] » ; § 62 : « L’article 1er de la Charte des droits de l’homme [sic] dispose que […] » ; § 63 : « La Cour observe donc que l’obligation des États parties à la Charte africaine sur la démocratie et au Protocole de la CEDEAO sur la démocratie de créer des organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux vise la mise en œuvre des droits ci-dessus mentionnés, prévus par l’article 13 de la Charte des droits de l’homme, à savoir le droit, pour chaque citoyen de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, conformément aux règles édictées dans la loi » » ; § 65 : « De ce qui précède, la Cour conclut que la Charte africaine sur la démocratie et le protocole de la CEDEAO sur la démocratie sont des instruments relatifs aux droits de l’homme, au sens de l’article 3 du protocole, et qu’elle a, en conséquence, compétence pour les interpréter et les faire appliquer ». Voir également Cour ADHP, 28 mars 2014, Ayants droit de feus Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo et Blaise Ilboudo & le Mouvement Burkinabè des droits de l’homme et des peuples c. Burkina Faso, Requête n° 013/2011, arrêt (fond), § 48 : « En ce qui concerne sa compétence matérielle, l’article 3.1 du protocole portant création de la Cour dispose qu’elle « a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends sont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés ». / Dans la présente affaire, les requérants allèguent la violation par l’Etat défendeur, des dispositions de la Charte, du PIDCP (Les requérants allèguent en même temps une violation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui n’est pas un traité), ainsi que d’une disposition du Traité révisé de la CEDEAO qui garantit les droits des journalistes. / Par oie de conséquence, la Cour a compétence matérielle pour examiner de telles allégations ».

Notons encore que l’article 27 du Protocole relatif aux droits des femmes confie compétence à cette cour pour connaître des litiges relatifs à l’interprétation du Protocole, découlant de son application ou de sa mise en œuvre. De son côté, si la Charte des droits et du bien-être de l’enfant ne donne compétence au Comité que pour connaître de plaintes individuelles et examiner les rapports étatiques au regard de la Charte, son article 46 dispose : « Le Comité s’inspire du droit international relatif aux droits de l’homme, notamment des dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments adoptés par l’organisation des Nations Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l’homme ainsi que des valeurs du patrimoine traditionnel et culturel africain ».

Le caractère restreint de la compétence matérielle des organes contentieux peut limiter l’intérêt de ces mécanismes par rapport à d’autres mécanismes qui sont gérés de manière non contentieuse par des organes ayant une compétence transversale aux traités, soit pour s’occuper d’un type d’êtres humains, soit d’un type de violation (voir infra). Toutefois, au gré des contextes politiques, ces organes régionaux peuvent, à l’instar des organes universels, étendre leur compétence grâce à une interprétation dynamique du traité qu’ils sont appelés à protéger et en faisant appel au droit international coutumier. Ils peuvent ainsi découvrir de nouveaux éléments constitutifs d’un droit (ainsi, le Comité des droits de l’homme applique-t-il le principe de non-discrimination dans le cadre de droits non énoncés dans le PIDCP), comme ils peuvent subsumer de nouveaux droits sous les droits expressément énoncés (ainsi, la Commission africaine fit découler la reconnaissance d’un droit à un logement sain d’un faisceau de droits expressément énoncés dans la Charte africaine).

Les dimensions spatiales et temporelles de la compétence de la Commission et de la Cour africaines ne présentent pas de particularité notoire par rapport à celles des compétences des autres organes contentieux des droits de l’homme, qu’ils soient régionaux ou universels.

1.3. Les parties au contentieux

Les trois cours régionales peuvent connaître de contentieux initiés par les individus et les Etats (sous réserve dans les systèmes africain et américain d’une acceptation de leur compétence par les Etats pour certains types de contentieux), voire par d’autres entités.

1.3.1. Les défendeurs

Les plaintes susceptibles d’être portées devant la Commission et la Cour africaines ne peuvent viser que des Etats. Il en est de même dans le cadre des systèmes européen et américain ainsi que dans celui des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ou dans celui des communications adressées aux comités conventionnels universels.

1.3.1.1. Seuls des Etats peuvent être défendeurs

Les mécanismes contentieux ne connaissent que de plaintes ou communications dirigées contre des Etats.

1.3.1.1.1. Affirmation du principe

Ce sont les Etats qui reconnaissent les droits de la personne humaine et s’engagent à les respecter. En ce sens, la structure des énoncés du droit international des droits de la personne humaine mettent principalement face à face des individus et des Etats. De même, les mécanismes internationaux de plainte mis en place par les instruments de protection des droits de l’homme mettent face à face un individu isolé ou un groupe d’individus face à un Etat, très exceptionnellement – on y reviendra – des entités collectives et un Etat. Enfin, tout se passe comme si les seuls remèdes à une violation des droits de l’homme prévus par le DIDH étaient des remèdes octroyés par l’Etat, laissant de côté un bon nombre de violateurs potentiels des droits de la personne humaine.

Dans ce schéma, l’Etat est le seul débiteur des droits humains conçus comme un mode de résistance à celui-ci ; seul un État peut être responsable de violations des droits de l’homme à l’exclusion d’autres violateurs potentiels des DH comme les OI et personnes privées. C’est sur ce principe que tous les systèmes de protection des droits de l’homme, régionaux comme universels, sont fondés.

1.3.1.1.2. Corollaire 1 : Rejet des plaintes formées contre des individus, entreprises et groupes rebelles

Il en résulte que sont rejetés les recours formés contre des individus, ainsi qu’illustré par l’arrêt de la CJCDEAO, ECW/CCJ/JUD/05/10 du 8 novembre 2010, Mamadou Tandja c/ Général Salou Djibo et l’Etat du Niger. Dans cette affaire, l’ancien Président de la République du Niger qui fut détenu pendant 6 mois en captivité, sans jugement ni inculpation, après le coup d’Etat du Général Salou Djibo, demandait à la Cour d’examiner la question de la violation de ses droits humains, tant par le Général Salou Djibo que par l’Etat du Niger. En réponse, la Cour de Justice de la CEDEAO examina d’abord, bien que la question n’eût pas été soulevée par les parties, la question de savoir si elle avait compétence pour juger le Général Djibo, premier défendeur. Partant de l’article 9.4 du protocole additionnel de 2005 relatif à la Cour selon lequel « La Cour est compétente pour connaître des cas de violations des droits de l’homme dans tout Etat », la Cour précisa, § 18.1 : « Or, il est de principe général admis que les procédures de violation des droits de l’homme sont dirigées contre les Etats et non contre les individus. En effet, l’obligation de respecter et de protéger les droits de l’homme incombent aux Etats »[1] et affirma : « le Général Salou Djibo, en tant qu’individu ne peut faire l’objet devant la Cour d’une requête en violation des droits de l’homme. Il s’ensuit que la Cour n’a pas compétence pour apprécier la violation des droits de l’homme à l’égard du Général Salou Djibo ».


[1] Puis : « Les obligations de respect et de protection des droits de l’Homme sont issues des Conventions Internationales acceptées et signées par les Etats. En ce sens la jurisprudence de la Cour est fermement établie de par les arrêts CJCEDEAO, 27 octobre 2008, Dame Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, n° ECW/CCJ/JUD/06/08 et EWC/CCJ/RUL/03/10 du 11 juin 2010 (Peter David c/ Ambassador Ralph UWECHWE), au sens desquels la Cour a expressément admis la recevabilité à l’égard de l’Etat du Niger d’une action en violation des Droits de l’Homme commise par un individu à titre personnel, et exclu formellement sa compétence pour des violations des Droits de l’Homme alléguées par un individu contre un autre individu ».

Voir également dans ce sens : Cour ADHP, 27 novembre 2020, Akwasi Boateng & 351 autres c. République du Ghana, requête n° 059/2016, compétence, § 32 : « La compétence de la Cour repose sur le principe selon lequel les Etats ont l’ultime responsabilité du respect des Droits de l’Homme et, en tant que tels, sont les principaux responsables de l’exécution de leurs obligations. Ce principe découle, in casu, des articles 5 et 34 (6) du Protocole » ; § 35 : « en l’espèce, les deuxième et troisième parties défenderesses, respectivement J. E. Ellis et Emmanuel Wood et le chef Morkwa, ne sont pas des États parties au Protocole, mais des particuliers et aucune action ne peut être entendue contre eux devant la Cour de céans. Comme indiqué au paragraphe 2 de la présente Décision, le premier Défendeur est un État, qui est devenu partie au Protocole le 16 août 2005 et, à ce titre, remplit les conditions requises pour agir devant la Cour de céans, en vertu des articles 5 et 34(6) du Protocole, lus conjointement » ; § 37 : « En conséquence, la seule partie en l’espèce ayant la qualité de Défendeur devant la Cour de céans est la République du Ghana ». Voir encore Cour EDH, 30 novembre 1999, Brochu c. France, requête n° 41333/98, décision partielle sur la recevabilité, § 8 : « La Cour souligne qu’il ressort des termes de l’article 34 de la Convention qu’elle ne peut être saisie de requêtes dirigées contre  un particulier, tel le voisin du requérant (voir, parmi beaucoup d’autres, la décision de la Commission européenne des droits de l’homme du 12 janvier 1994 dans l’affaire Durini c. Italie, requête n° 19219/91, DR n° 76, p. 76). Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention ».

Cela signifie que, pour contester un comportement particulier devant un de ces mécanismes et organes, le requérant doit convaincre qu’il peut être attribué à un Etat. A cette fin, il conviendra d’utiliser les règles d’imputation du droit international de la responsabilité des Etats pour faits illicites car ce sont ces règles qui sont utilisées par ces organes. Cela peut être très difficile, notamment lorsque les Etats sous-traitent l’exercice de leurs pouvoirs.

A défaut de pouvoir imputer une violation des droits à un Etat, il peut être possible à certaines conditions de faire valoir un manque de diligence de la part de celui-ci qui a permis la violation ou n’a pas enquêté ni n’a essayé de punir l’auteur de la violation ou d’accorder réparation à la victime. Les organes régionaux comme universels admettent en effet l’engagement de la responsabilité de l’Etat même pour des faits qu’on ne peut pas lui imputer, au motif qu’il n’a pas pris les mesures raisonnables pour les empêcher alors qu’il savait ou devait savoir qu’une telle violation se produirait ou au motif qu’il n’y a pas réagi. Cette idée est très ancienne en droit international et s’appelait naguère l’obligation de due diligence. Aujourd’hui les organes internationaux de protection des droits de la personne humaine préfèrent utiliser l’expression d’« obligations positives ».

Les entreprises ne peuvent pas non plus être attraites dans les systèmes régionaux comme universels. Elles peuvent cependant être poursuivies devant les tribunaux internes même si ceux-ci reconnaissent très rarement leur responsabilité pour violation des droits de l’homme. Il reste qu’il sera éventuellement possible, sous conditions, d’essayer de poursuivre l’Etat pour manquement à son obligation de diligence en lien avec une activité d’une entreprise selon le schéma qu’on vient de dire.

Il en est encore de même des groupes rebelles[1].


[1] Commission interaméricaine, Chapitre IV. Situation des droits de l’homme dans certains pays, Nicaragua, Rapport annuel 1984-1985, 1985 : la Commission ne dispose pas de la compétence pour connaître de violations des droits de l’homme perpétrées par de tels groupes ; Commission interaméricaine, 22 février 1991, El Aguacate c. Guatemala, Cas n° 10.400, Rapport n° 6/91, § 90.

1.3.1.1.3. Corollaire 2: Rejet des plaintes formées contre des organisations internationales

Il y a ici un nouvel angle mort dans la protection internationale des droits de l’homme : en principe, les organisations internationales ne peuvent pas voir leur responsabilité mise en œuvre devant un organe de contrôle des droits de la personne humaine, n’étant pas parties aux traités garantis par ces organes.

Voir ainsi Cour ADHP, 26 juin 2012, Femi Falana c. Union africaine, requête n° 001/2011, arrêt (exception d’incompétence), arrêt dans lequel la Cour affirma, à l’issue d’un raisonnement quelque peu compliqué, son incompétence aux fins de connaître la plainte dirigée contre l’Union africaine au motif que lui serait imputable l’énoncé de l’article 34 (6) du protocole de Ouagadougou qui serait incompatible avec les articles 1, 2, 7 ; 13, 26 et 66 de la Charte africaine[1].


[1] « 63. La Cour considère que le fait qu’une entité non étatique comme l’Union africaine ne soit pas tenue par l’article 34 (6) du protocole de faire la déclaration ne donne pas nécessairement compétence à la Cour pour accepter les requêtes introduites par des individus contre cette entité ; il pourrait y avoir d’autres bases sur lesquelles la Cour pourrait se fonder pour constater qu’elle n’a pas compétence. En l’espèce, ce qui est expressément envisagé par le Protocole et par l’article 34 (6) en particulier, c’est précisément une situation où des requêtes émanant d’individus et d’ONG sont introduites contre les Etats parties. A cet égard, l’article 3 (1) du Protocole, qui traite de la compétence de la Cour se réfère à l’interprétation et à l’application des instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme et ratifiés par les « Etats concernés ». De la même manière, l’article 34 (6) du Protocole lui-même fait seulement référence à un « Etat partie » » ; « 67. « […]. La Cour considère donc que le fait que le Protocole ait été adopté par la Conférence des Chefs d’Etat et gouvernement ne suffit pas pour établir que l’Union africaine est partie au Protocole et de ce fait, peut être attraite en justice sur cette base » ; « 68. En ce qui concerne l’affirmation du requérant selon laquelle l’Union africaine peut être attraite entant que personne morale au nom de ses Etats membres, de l’avis de la Cour, en tant qu’organisation internationale, l’Union africaine a une personnalité juridique distincte de celle de ses Etats membres. […] » ; « 70. Dans la présente instance, l’Union africaine n’est pas partie au Protocole. En tant que personne morale, une organisation internationale comme l’Union africaine ne pourra être partie à un traité conclu. Entre Etats que si un tel traité permet à une organisation internationale de devenir partie. Tant que l’organisation internationale n’est pas partie à un traité, elle ne peut être soumise aux obligations juridiques découlant de ce traité. […] ». Pour conclure : « 72. La Cour considère donc que l’Union africaine ne peut pas être attraite devant la Cour au nom de ses Etats membres. 73. A ce stade, il convient de souligner que la Cour a été créée par le Protocole et que sa compétence est clairement prescrite par ce protocole. Lorsqu’une requête est introduite devant la Cour par un individu, la compétence ratione personae de la Cour est définie par les articles 5 §3) et 34 (6) lus conjointement, qui, comme mentionné plus haut, prescrivent qu’une telle requête ne peut être recevable que si elle est déposée contre un Etat qui a ratifié le Protocole et qui  a fait la déclaration. La présente affaire, dans laquelle la requête a été introduite contre une entité autre qu’un Etat ayant ratifié le Protocole et fait la déclaration en question, tombe en dehors du champ de compétence de la Cour. En conséquence, la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête ».

Voir également, au sujet de l’ONU, entre autres, Cour EDH [GC], 2 mai 2007, Agim Behrami et Bekir Behrami c. France, Ruzdhi Saramati c. France, Allemagne et Norvège, décision sur la recevabilité, §§ 144-152 ; Cour EDH, 16 octobre 2007, Beric et autres c. Bosnie-Herzégovine, requête n° 36357/04 et s., décision d’irrecevabilité, §§ 26-30.

Toutefois, dans certaines configurations qu’on ne peut développer ici où s’entremêlent des comportements d’Etats et d’organisations internationales, il sera parfois possible, face à un comportement qui s’inscrit dans une action d’une organisation, d’attribuer ce comportement à un Etat et obtenir éventuellement justice.

1.3.1.2. L’exigence du consentement de l’Etat défendeur aux normes invoquées et à la compétence contentieuse de l’organe de contrôle

L’essentiel des règles énoncées dans les traités de protection des droits de la personne humaine étant de nature coutumière, les Etats sont déjà liés et doivent respecter les droits énoncés. Le risque de s’engager à l’égard d’un traité n’est cependant pas anodin : il s’agit d’une part d’être lié par une règle plus précise – et donc intrusive – que la règle coutumière ; il s’agit d’autre part d’être éventuellement justiciable d’une procédure de contrôle du respect des engagements pris.

L’essentiel de l’enjeu des engagements étatiques tient dans ce contrôle de leur respect. En effet, dans tous les traités existent un ou plusieurs mécanismes de contrôle – a minima un mécanisme de rapports étatiques – qui peuvent présenter des risques pour un Etat, même « vertueux ». D’autres mécanismes plus intrusifs, comme les mécanismes de plainte par des individus ou ONG ou par les autres Etats parties peuvent également être institués mais que les Etats dissocient autant que faire se peut de leur engagement au fond, pouvant choisir de s’engager au fond sans risquer d’être attraits devant l’organe de contrôle et d’être « condamnés ».

A ce titre une précision doit être faite. Dans l’ensemble des systèmes de protection des droits de la personne humaine, il faut distinguer les mécanismes de contrôle non contentieux des mécanismes contentieux prévus par les traités. D’une manière générale, le mécanisme de l’EPU au niveau du Conseil des droits de l’homme et celui des procédures spéciales régionales ou universelles ne sont pas liés aux engagements des Etats : tous peuvent être contrôlés sans qu’ils aient accepté ce contrôle et ce, à l’égard de toute norme conventionnelle ou coutumière même s’ils n’ont pas expressément accepté cette norme. En revanche, les autres mécanismes requièrent un double engagement de la part des Etats : à la fois quant aux normes qu’ils doivent appliquer et quant au contrôle du respect de ces engagements.

A ce titre une précision doit être faite. Dans l’ensemble des systèmes de protection des droits de la personne humaine, il faut distinguer les mécanismes de contrôle non contentieux des mécanismes contentieux prévus par les traités. D’une manière générale, le mécanisme de l’EPU au niveau du Conseil des droits de l’homme et celui des procédures spéciales régionales ou universelles ne sont pas liés aux engagements des Etats : tout Etat peut être contrôlé sans qu’il ait accepté ce contrôle et ce, à l’égard de toute norme conventionnelle ou coutumière même s’il n’a pas expressément accepté cette norme. En revanche, les autres mécanismes requièrent un double engagement de la part de l’Etat pour pouvoir engager un contentieux contre lui : à la fois quant aux normes qu’il doit appliquer (qu’on appellera ici « substantiel » et quant à la compétence contentieuse de l’organe de contrôle du traité (qu’on appellera « juridictionnel »).

Le contentieux international des droits de l’homme connaît en effet le même principe que celui qui anime le droit international du contentieux interétatique et du contentieux transnational, celui de l’exigence du consentement des parties comme fondement de la compétence de la juridiction internationale. En ce sens, une plainte ne peut être examinée par un organe de contrôle qu’à la condition que l’Etat mis en cause ait accepté la compétence de celui-ci pour en connaître.

Le contentieux international des droits de l’homme ne repose qu’exceptionnellement sur un accord direct des parties à la compétence de l’organe de contrôle. Les mécanismes contentieux de garantie des droits de l’homme reposent essentiellement sur un consentement de l’Etat antérieur à la naissance du différend, laissant peu de place à la technique du compromis tout en laissant toutefois place au jeu du forum prorogatum. Il s’agit en somme d’une sorte d’offre de recours par les Etats aux individus que ceux-ci peuvent actionner ensuite de manière unilatérale, leur saisine valant acceptation de ladite compétence.

1.3.1.2.1. Modalités d’expression du consentement

Le consentement de l’Etat à la compétence contentieuse de l’organe de contrôle peut se manifester à deux grands moments : soit, très exceptionnellement, au même moment que l’Etat s’engage à l’égard des dispositions de fond, soit de manière différée.

1.3.1.2.1.1. Simultanéité des engagements substantiel et juridictionnel

La simultanéité des engagements peut tenir au fait que la compétence de l’organe de contrôle est prévue de plein droit par l’instrument énonçant les droits de la personne humaine et les obligations des Etats. Dans ce cas, l’engagement à être lié par le traité vaut tant pour les dispositions de fond que pour le contrôle et constitue donc un unique engagement à la fois substantiel et juridictionnel. Cette hypothèse existe au niveau des traités régionaux comme onusiens.

Au niveau régional, c’est le cas de la compétence de la Commission africaine pour connaître de communications étatiques. C’est également le cas de la compétence du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant pour connaître d’un grand nombre de communications, y compris étatiques et individuelles[1]. C’est maintenant le système de la convention EDH tant pour les plaintes individuelles[2] qu’étatiques[3] devant la Cour européenne. C’est encore le cas dans le cadre de la Convention américaine au sujet des plaintes individuelles devant la Commission[4], les individus n’ayant en revanche aucun droit de recours devant la Cour.


[1] Article 44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant : « Le Comité est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la présente Charte, de tout individu, groupe ou organisation de l’unité africaine, par un Etat membre, ou par l’Organisation des Nations Unies ».

[2] Article 34 CEDH – Requêtes individuelles : « La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. Les hautes parties contractantes s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit ».

[3] Article 33 CEDH – Affaires interétatiques : « Toute haute Partie contractante peut saisir la Cour de tout manquement aux dispositions de la Convention et de ses protocoles qu’elle croira pouvoir être imputée à une autre Haute Partie contractante ».

[4] Convention américaine des droits de l’homme, article 44 : « Toute personne ou tout groupe de personnes, toute entité non gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats membres de l’Organisation peuvent soumettre à la Commission des pétitions contenant des dénonciations ou plaines relatives à une violation de la présente Convention par un Etat partie ».

Cette hypothèse existe également au niveau universel en matière de compétence de l’organe de contrôle pour connaître de communications étatiques en vertu de l’article 11 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 7 mars 1966[1].


[1] « Si un Etat partie estime qu’un autre Etat également partie n’applique pas les dispositions de la présente Convention, il peut appeler l’attention du Comité sur la question. Le Comité transmet alors la communication à l’Etat partie intéressé ».

La simultanéité des engagements peut également se manifester par la formulation par un Etat, au moment de l’engagement à être lié par le traité, d’une déclaration unilatérale d’acceptation de la compétence de l’organe pour un certain type de contentieux qui n’est pas ouvert de plein droit. Ici, il y a simultanéité de deux engagements distincts et non, comme dans l’hypothèse précédente, un seul engagement commun.

On rencontre cette hypothèse dans le système de la convention interaméricaine au sujet des plaintes étatiques devant la Commission et la Cour. L’article 45 § 1 permet en effet aux Etats de reconnaître la compétence de la Commission pour connaître de telles plaintes soit au moment de leur engagement à être liés par la convention soit ultérieurement[1]. De même, l’article 62 § 1 dispose que tout Etat peut déclarer qu’il reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale la compétence de la Cour pour connaître de toutes les espèces relatives à l’interprétation ou à l’application de la convention soit au moment du dépôt de son engagement à être lié par la convention, soit à tout autre moment ultérieur[2].


[1] Convention américaine relative aux droits de l’homme, art. 45 § 1 : « Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, ou ultérieurement, déclarer qu’il reconnaît la compétence de la Commission pour recevoir et examiner les communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie a violé les droits de l’homme énoncés dans la présente convention ».

[2] Convention interaméricaine des droits de l’homme, art. 62 § 1 : « Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion à la présente convention, ou à tout autre moment ultérieur, déclarer qu’il reconnaît comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, la compétence de la Cour pour connaître de toutes les espèces relatives à l’interprétation ou à l’application de la Convention ».

C’est une hypothèse retenue également dans les mécanismes universels. Ainsi, l’article 41 § 1 du PIDCP dispose que tout Etat partie au Pacte peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité des droits de l’homme pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte, étant précisé que le Comité n’est compétent en cas de communication étatique qu’à la seule condition que les deux Etats concernés ont fait une telle déclaration[1]. On peut citer également dans ce sens l’article 21 de laconvention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[2], l’article 76 de la convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[3] ou encore l’article 32 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées [4].


[1] PIDCP, art. 41 § 1 : « Tout Etat partie au présent Pacte peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du présent Pacte. Les communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[2] Article 21 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants :  « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Ces communications ne peuvent être reçues et examinées conformément au présent article que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[3] Article 76 de la convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille : « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente convention. Es communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[4] Article 32 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : « Tout Etat partie à la présente Convention peut déclarer, à tout moment, qu’il reconnaît a compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications par lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication concernant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration, ni aucune communication émanant d’un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

Une autre possibilité est envisageable qui consiste dans la ratification simultanée du traité de protection des droits de l’homme et du protocole établissant l’organe de contrôle ou étendant sa compétence à un certain type de contentieux.

1.3.1.2.1.2. Caractère différé de l’engagement « juridictionnel » par rapport à l’engagement « substantiel »

Les Etats peuvent dissocier leur engagement juridictionnel et leur engagement substantiel de différentes manières.

1.3.1.2.1.2.1. Par déclaration unilatérale ultérieure à la ratification du traité ou à l’adhésion à celui-ci

La technique des déclarations unilatérales ultérieures d’acceptation de la compétence de l’organe de protection des droits de l’homme est courante, qu’il s’agisse de la compétence de cet organe pour connaître de différends interétatiques ou transétatiques. Si l’hypothèse généralement envisagée est celle d’une déclaration valant pour l’avenir, rien ne semble empêcher que la déclaration puisse se faire pour un cas donné. En effet, les organes de contrôle connaissant dans une certaine mesure le forum prorogatum, on voit mal pourquoi ils refuseraient le jeu d’une déclaration expresse de l’Etat de se soumettre à la compétence de la Cour pour une affaire particulière.

Ainsi, en vertu de l’article 45 § 1 de la Convention interaméricaine relative aux droits de l’homme[1], l’acceptation de la compétence de la Commission interaméricaine pour connaître de plaintes étatiques peut être faite non seulement au moment de l’engagement à être lié par la convention, mais également par une déclaration unilatérale d’acceptation ultérieure. On notera dans ce cadre l’exigence d’une double déclaration, non seulement de l’Etat défendeur, mais également de l’Etat demandeur[2]. De même, en vertu de l’article 62 § 1, la compétence de la Cour américaine pour connaître de plaintes d’un Etat ou de la Commission est facultative c’est-à-dire soumise à une déclaration d’acceptation spéciale des Etats parties qui peut être faite au moment de leur engagement à être lié par la Convention ou ultérieurement[3].


[1] Convention interaméricaine des droits de l’homme, art. 45 § 1 : « Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, ou ultérieurement, déclarer qu’il reconnaît la compétence de la Commission pour recevoir et examiner les communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie a violé les droits de l’homme énoncés dans la présente convention ».

[2] L’article 45 § 2 de la convention interaméricaine des droits de l’homme énonce en effet : « Les communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence de la Commission. La Commission ne reçoit aucune communication dénonçant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[3] Convention interaméricaine des droits de l’homme, art. 62 § 1 : « Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion à la présente convention, ou à tout autre moment ultérieur, déclarer qu’il reconnaît comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, la compétence de la Cour pour connaître de toutes les espèces relatives à l’interprétation ou à l’application de la Convention ».

On trouve également cette technique s’agissant de communications individuelles notamment à l’article 14 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[1] ; à l’article 22 § 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[2] ; à l’article 77 § 1 de la convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[3] ; ou encore à l’article 31 § 1 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées[4].


[1] Article 14 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale : « 1. Tout Etat partie peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation par ledit Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un tat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[2] Article 22 § 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par un Etat partie, des dispositions de la Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[3] Article 77 § 1 de la convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille : « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent que leurs droits individuels établis par la présente Convention ont été violés par cet Etat partie. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[4] Article 31 § 1 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : « Tout Etat partie peut déclarer, au moment de la ratification de la présente Convention u ultérieurement, qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des personnes ou pour le compte de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation, par cet Etat partie, des dispositions de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

On trouve encore cette technique en matière de communications étatiques notamment à l’article 41 du Pacte international sur les droits civils et politiques[1] qui prévoit que la déclaration peut avoir lieu à tout moment, donc, possiblement, ultérieurement à l’engagement à être lié par le Pacte ; à l’article 21 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[2] ; à l’article 76 de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[3] ou encore à l’article 32 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées [4]. On notera que, à l’instar de ce qui se passe dans le système américain au sujet des plaintes étatiques devant la Commission, ces dispositions précisent que les comités dont il s’agit ne reçoivent de communications que provenant d’un Etat ayant lui-même fait une telle déclaration.


[1] Op. cit.

[2] Article 21 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Ces communications ne peuvent être reçues et examinées conformément au présent article que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[3] Article 76 de la convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille : « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente convention. Es communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[4] Article 32 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : « Tout Etat partie à la présente Convention peut déclarer, à tout moment, qu’il reconnaît a compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications par lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication concernant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration, ni aucune communication émanant d’un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

1.3.1.2.1.2.2. Par engagement ultérieur à l’égard d’un protocole établissant l’organe de contrôle ou établissant sa compétence pour certains contentieux

Il peut s’agir également de l’engagement à être lié par un protocole annexé au traité énonçant les droits et dont l’objet exclusif est de régir le mécanisme de règlement des différends susceptibles de découler du premier traité. Le protocole peut être adopté et être ouvert à engagement en même que l’instrument principal ou ultérieurement. Dans les deux cas, l’engagement à être lié par les deux traités est distinct de sorte que si, dans la première hypothèse, un Etat peut s’engager simultanément à l’égard des deux traités, il peut également – comme en cas de traités différés – ne s’engager que sur l’instrument principal portant les obligations de fond sans accepter la compétence de l’organe de contrôle ou en reportant celle-ci.

Cette hypothèse se rencontre régulièrement concernant la procédure de plaintes individuelles.

Voir en ce sens, au niveau régional, le Comité européen des droits sociaux qui ne peut connaître de réclamations collectives que contre un Etat partie à la Charte sociale de 1961 ou à la Charte révisée et également partie au Protocole additionnel du 9 novembre 1995 qui prévoit ce système de réclamations[1].


[1] Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives, Strasbourg, 9.XI.1995, art. 1 : « Les Parties contractantes au présent Protocole reconnaissent aux organisations suivantes le droit de faire des réclamations alléguant une application non satisfaisante de la Charte: a les organisations internationales d’employeurs et de travailleurs, visées au paragraphe 2 de l’article 27 de la Charte; b les autres organisations internationales non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe et inscrites sur la liste établie à cet effet par le Comité gouvernemental; c les organisations nationales représentatives d’employeurs et de travailleurs relevant de la juridiction de la Partie contractante mise en cause par la réclamation ».

Il en est de même au niveau universel, en vertu de l’article 1 du 1er Protocole additionnel au PIDCP adopté le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, le Pacte ne prévoyant pas lui-même ce type de plainte[1]. De même, en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant adopté le 19 décembre 2011 et entré en vigueur le 14 avril 2014, la Convention ne prévoyant pas non plus de tel mécanisme[2]. Il est de même dans le cadre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes avec l’adoption d’un Protocole facultatif le 6 octobre 1999[3] ou dans le cadre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, avec l’adoption d’un protocole facultatif le 13 décembre 2006 entré en vigueur le 3 mai 2008[4]. Tel est encore le cas, désormais, avec le Protocole facultatif se rapportant au PIDESC adopté le 10 décembre 2008 et entré en vigueur le 5 mai 2013, donnant un fondement conventionnel au mécanisme de plaintes individuelles devant le Comité DESC non prévu à l’origine par le PIDESC mais créé au sein de l’ONU[5].


[1] Article 1 du 1er protocole additionnel au PIDCP : « Tout Etat partie au Pacte qui devient partie au présent Protocole reconnaît que le comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par cet Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans le pacte. Le comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie au pacte qui n’est pas partie au présent Pacte ».

[2] protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, art. 5 : « 1. Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie de l’un quelconque des droits énoncés dans l’un quelconque des instruments suivants auquel cet Etat est partie : […]. 2. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou de groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur puise justifier qu’l agit en leur nom sans un tel consentement »

[3] Protocole facultatif à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adopté le 6 octobre 1999, résolution de l’AG 54/4, entré en vigueur le 22 décembre 2000, RTNU, vol. 2131, p. 83, art. 2 : « Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie d’un des droits énoncés dans la Convention. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement »

[4] Protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits des personnes handicapées, adopté le 13 décembre 2006, entré en vigueur le 3 mai 2008, RTNU, Vol. 2518, p. 283 ; Doc. A/61/611., art. 1 : « Tout Etat partie au présent protocole reconnaît que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation par cet Etat partie des dispositions de la Convention. 2. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie à la Convention qui n’est pas partie au présent protocole »

[5] Art. 1 : « 1. Tout Etat partie au Pacte qui devient Partie au présent Protocole reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner les communications prévues par ls dispositions du présent protocole. 2. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie au pacte qui n’est pas Partie au présent Protocole ». A l’origine, le contrôle de l’application du second pacte était confié au Conseil économique et social de l’ONU qui avait constitué à cette fin un groupe de travail composé d’experts gouvernementaux qui n’obtint jamais la confiance des Etats. Le Conseil avait donc établi un Comité d’experts indépendants sur le modèle du Comité des droits de l’homme. Organe subsidiaire de cet organe onusien, son existence est désormais garantie par un traité international.

Cette hypothèse est plus rare en matière de plaintes étatiques.

On peut cependant noter en ce sens, et même de manière plus large, le système devant la Cour africaine. Il fallut l’adoption en 1998 du protocole de Ouagadougou à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples pour établir une Cour internationale de protection. La ratification de ce protocole ou l’adhésion à celui-ci vaut consentement à la compétence de la Cour pour connaître des plaintes soumises à la Cour par la Commission de l’UA ; l’Etat partie qui a saisi la Commission ; l’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ; l’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme ; les organisations intergouvernementales africaines. Avec l’adhésion de Madagascar au Protocole le 28 mars 2022, 33 Etats africains sont parties à ce traité.

1.3.1.2.1.2.3. Par le cumul de deux engagements

Le schéma peut être plus compliqué, exigeant d’un Etat, pour qu’il soit soumis à la compétence contentieuse de l’organe de contrôle, l’engagement à être lié par un protocole facultatif, lequel exige à son tour des Etats parties qu’ils fassent une déclaration unilatérale pour établir la compétence contentieuse de l’organe de contrôle.

Ainsi en est-il dans le système africain en ce qui concerne les plaintes d’individus et ONG devant la Cour africaine. En effet, la ratification du Protocole de Ouagadougou de 1998 ou l’adhésion à celui-ci ne vaut consentement à la compétence de la Cour que pour connaître des plaintes précitées autres que celles soumises par des individus et ONG. Pour ces dernières (les ONG devant avoir le statut d’observateur devant la Commission), le protocole exige un engagement supplémentaire sous forme d’une déclaration unilatérale d’acceptation de la compétence de la Cour (art. 5 § 3[1])[2]. Certes, ce schéma est banal en droit international de la personne humaine[3]. Cependant, au 28 mars 2022, seuls 8 Etats ont fait une telle déclaration : Burkina Faso, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Malawi, Mali, Niger et Tunisie ont fait la déclaration mentionnée à l’article 34 § 6 du Protocole. Le Rwanda, qui avait fait une telle déclaration, décida quant à lui, alors que des plaintes étaient en cours contre lui, de retirer celle-ci sans avoir préalablement contesté la compétence de la Cour pour connaître de ces plaintes et alors qu’un tel retrait n’était pas prévu par le protocole de 1998[4]. Le Bénin et la Côté d’Ivoire ont également retiré leur déclaration à la suite d’arrêts les condamnant.


[1] L’article 5 (3) du Protocole de 1998 dispose que la Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34 (6) du Protocole, lequel dispose : « A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5 (3) du présent protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5 (3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[2] Pendant longtemps, la plupart des décisions de la Cour africaine étaient des décisions d’incompétence au motif que l’Etat mis en cause n’avait pas fait la déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour (Michelot Yogogombaye c. La République du Sénégal, req. n° 001/2008, arrêt, 15 décembre 2009 ; Soufiane Ababou c. République algérienne démocratique et populaire, req. n° 002/2011, décision, 16 juin 2011), n’étant même pas, parfois membre de l’Union africaine (Youssef Ababou c. Royaume du Maroc, req. n° 007/2011, décision, 2 septembre 2011 ; Ekollo Moundi Alexandre c. République du Cameroun et République fédérale du Nigéria, req. n° 008/2011, décision, 23 septembre 2011), ou que la requête a été formée contre l’Union européenne (Femi Falana c. Union africaine, req. n° 001/2011, arrêt, 26 juin 2012) ou le parlement panafricain (Mbozo’o Samuel c. Le parlement panafricain, req. n° 010/2011, décision, 30 septembre 2011) ; au motif que l’association demanderesse n’a pas le statut d’observateur auprès de la Commission (Association juristes d’Afrique pour la bonne gouvernance c. République de Côte d’Ivoire, req. n° 006/2011, décision, 16 juin 2011), cette raison pouvant s’ajouter à la non ratification du protocole (Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) c. République du Gabon, req. n° 12/2011, décision,15 décembre 2011).

[3] Eno Robert W., “The Jurisdiction of the African Court on Human and Peoples’ Rights”, African Human Rights Law Journal, Vol. 2, 2002, pp. 223-233., 229-231.

[4] Voir Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 18 mars 2016, Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, requête n° 003/2014, ordonnance, http://fr.african-court.org/images/Cases/Orders/Ordonnance%20Requete%20003-2013-%20Chrisanthe%20Rutabingwa%20c.%20Republic%20du%20Rwanda.PDF. Le Rwanda précisa dans sa lettre du 1er mars 2016 adressée à la Cour notifiant le dépôt de son instrument de retrait de sa déclaration que « La République du Rwanda demande qu’après le dépôt dudit instrument, la Cour suspende toutes les affaires concernant la République du Rwanda, notamment l’affaire [en cours], jusqu’à la révision de la déclaration et que la Cour en soit notifiée en temps opportun ». Sans surprise, le Conseilleur juridique de l’Union africaine déclara, en notifiant de son côté ce retrait au greffe de la Cour que, s’il était valide, ce retrait n’affectait cependant pas le traitement des affaires déjà introduites devant la Cour. Celle-ci après avoir suspendu l’examen de toutes les affaires ont elle était saisie visant le Rwanda en attendant sa décision sur les effets du retrait, décida dans son arrêt sur les effets du retrait de la déclaration faite en vertu de l’article 34(6) du Protocole, rendu le 3 juin 2016 dans l’affaire 003/2014 que ledit retrait n’avait aucun effet sur la requête et que la Cour était compétente pour continuer son examen. Exigeant un délai de préavis, elle déclara qu’« un acte posé par le Défendeur ne saurait écarter la compétence de la Cour […]. Cette position est appuyée par le principe juridique de non-rétroactivité qui dispose que les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux situations futures. En conséquence, la Cour déclare que la notification par le Défendeur de son intention de retirer sa déclaration n’a aucun effet juridique sur les affaires pendantes devant la Cour ». Le même jour, elle décida dans son ordonnance rendue dans l’affaire Kayumba Nyamwasa et autres c. République du Rwanda, requête n° 016/2015 qu’en conséquence, le retrait n’avait pas pour effet de suspendre les procédures dans les affaires pendantes devant elle visant le Rwanda, ce qu’elle affirma également dans ses ordonnances rendues le 3 juin 2016 dans les affaires Kennedy Gihana et autres c. République du Rwanda, requête n° 017/2015, Rutabingwa Chrysanthe c. République d Rwanda, requête n° 022/2015 et Laurent Munyandilikiriwa c. République du Rwanda, requête n° 023/2015.

Quand on sait que la presque totalité du travail de la Commission dépend de ce genre de réclamation (elle n’a été saisie qu’une seule fois par un Etat partie à la Charte[1]), on mesure les difficultés que rencontrera la Cour pour constituer un centre d’impulsion de la protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique même si le nombre d’entités ayant qualité pour la saisir est plus important que pour les autres cours régionales[2].


[1] Cette réclamation étatique fut celle, n° 227/99, déposée par la RDC contre le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda qui fit l’objet d’une conclusion de la Commission du 19 mai 2003 transmise à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement sur le fondement de l’article 58 § 1 de la Charte.

[2] De manière plus générale, voir Solomon T. Ebobrah, “The Admissibility of Cases before the African Court on Human and Peoples’ Rights: Who Should do What?”, Malawi Law Journal, Vol. 3, 2009, pp. 87-113.

On précisera toutefois que les individus et ONG pourront toujours avoir la chance de voir leur affaire traitée par la Cour en saisissant la Commission si celle-ci saisit à son tour la Cour, comme cela se passe dans le système américain. Cela dit, le système devant la Cour africaine est différent de celui des deux autres grands systèmes régionaux dans la mesure où la Cour ne semble pas tenue de répondre aux plaintes qui lui sont soumises, mais dispose d’une liberté qui fait penser à celle de la Cour suprême américaine et au système du certiorary. Il est en effet seulement stipulé que, pourvu bien sûr que l’Etat attaqué ait accepté sa compétence, la Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle.

De même, en matière de communications étatiques, l’article 12 § 1 du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications dispose que tout Etat partie au Protocole peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie affirme qu’un autre ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de l’un des instruments qu’il vise auquel cet Etat est partie. On peut citer également en ce sens le système gouvernant les plaintes étatiques dans le cadre du PIDESC. Le Pacte lui-même ne prévoyait aucune procédure contentieuse. Il fallut attendre le protocole de 2008. Cependant, si, comme on l’a vu, l’engagement à être lié par le Protocole vaut acceptation de la compétence du Comité DESC pour connaître de communications individuelles, il faudra encore une déclaration unilatérale pour reconnaître la compétence du Comité pour connaître de communications interétatiques[1].


[1] Article 10 du protocole facultatif : « 1. Tout Etat partie au présent Protocole peut déclarer à tout moment, en vertu du présent article, qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie affirme qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte Les communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication visant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

Voir encore en matière de réclamations collectives, le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne de 1995[1].


[1] Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives, Strasbourg, 9.XI.1995, art. 2 : « 1 Tout Etat contractant peut, en outre, lorsqu’il exprime son consentement à être lié par le présent Protocole, conformément aux dispositions de l’article 13, ou à tout autre moment par la suite, déclarer reconnaître le droit de faire à son encontre des réclamations aux autres organisations nationales non gouvernementales représentatives relevant de sa juridiction et qui sont particulièrement qualifiées dans les matières régies par la Charte. 2 Ces déclarations peuvent être faites pour une durée déterminée. 3 Les déclarations sont remises au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe qui en transmet copies aux Parties contractantes, et qui en assure la publication ».

1.3.1.2.1.2.4. Par convention spéciale

Les Etats peuvent enfin accepter la compétence de l’organe de contrôle par convention spéciale. Cette hypothèse est prévue par l’article 62 § 3 de la convention interaméricaine des droits de l’homme qui semble embrasser aussi bien un traité compromissoire qu’un compromis[1].


[1] « La Cour est habilitée à connaître de toute espèce relative à l’interprétation et à l’application des dispositions de la présente convention, pourvu que les Etats en cause aient reconnu ou reconnaissent sa compétence, soit par une déclaration spéciale, comme indiqué aux paragraphes précédents, soit par une convention spéciale ».

1.3.1.2.2. La limitation par les Etats de la portée de leur engagement par des réserves

Un Etat peut accompagner son engagement de réserves et/ou déclarations interprétatives.

Pour déterminer la nature juridique de cet énoncé qui peut accompagner un engagement, la Cour EDH déclara dans l’arrêt Belilos c. Suisse du 29 avril 1988, § 49 : « il y a lieu de regarder au-delà du seul intitulé et de s’attacher à cerner le contenu matériel. En l’occurrence, il s’avère que la Suisse entendait soustraire à l’empire de l’article 6 § 1 certaines catégories de litiges et se prémunir contre une interprétation, à son sens trop large, de ce dernier. […] ». Partant, [la Cour] a traité cette déclaration comme une réserve. Dans la même veine, et dans le silence du PIDCP en la matière, le Comité des droits de l’homme a défini dans son observation générale no 24(52) du 2 novembre 1994 ce qu’est une réserve, apte à limiter la teneur de l’engagement de l’Etat pour la distinguer des déclarations interprétatives et déclarations purement politiques qui n’ont pas un tel effet. Ainsi, il déclara, § 3 : « Il faut prendre en compte l’intention de l’Etat plutôt que la forme de l’instrument. Si une déclaration, quels qu’en soient l’appellation ou l’intitulé, vise à exclure ou à modifier l’effet juridique d’un traité dans son application à l’Etat, elle constitue une réserve ».

1.3.1.2.2.1. La faculté de formuler des réserves

Certains instruments instituant un mécanisme de contrôle prévoient, sous conditions ou non, la faculté pour un Etat de poser des « limites », parfois appelées réserves, à la portée de son consentement à la compétence de l’organe de contrôle, comme l’article 62 § 2 de la convention américaine au sujet du consentement à la compétence de la Cour pour connaître de plaintes étatiques. La portée des réserves ainsi admises est variable ; par exemple, la Convention EDH admet seulement des limitations temporelles et l’exigence de réciprocité.

Dans ces cas, toute réserve qui ne respecterait pas les conditions devrait être considérée comme irrégulière et être privée de tout effet. Celle-ci est cependant détachable de l’engagement qui reste intact et produit ses effets. Telle est la position de la Cour EDH in Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), 23 mars 1995, Série A n° 310, §§ 96-97.

Certains interdisent les réserves qui entraveraient le fonctionnement des mécanismes de contrôle, comme l’article 20 § 2 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ou de manière générale comme l’article 4 du protocole n° 6 à la CEDH concernant l’abolition de la peine de mort.

Un certain nombre d’instruments instituant un mécanisme de contrôle ne régissent pas la faculté des Etats d’y émettre des réserves, comme la Charte africaine, le PIDCP et son premier protocole facultatif, le PIDESC et son Protocole facultatif.

Si les organes africains ne semblent pas s’être prononcés sur la question des réserves dans le silence du traité, le Comité des droits de l’homme limite de son côté les réserves aux mécanismes de garantie. Ainsi, il déclara dans son observation générale n° 24 précitée, § 11, que des réserves visant à éliminer les garanties nationales et internationales dont est assorti le Pacte sont « inacceptables ». S’agissant plus particulièrement des réserves au 1er protocole facultatif reconnaissant un droit de recours individuel, il affirma dans l’affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago, 2 novembre 1999 que « la réserve ne peut être déclarée compatible avec l’objet et le but du protocole facultatif ».

S’agissant des effets de telles réserves illicites, le Comité considéra, tant dans son observation générale (§ 18) que dans l’affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago (§ 6.7), qu’elles sont détachables de l’engagement juridictionnel et ne peuvent faire obstacle à l’examen des communications présentées à lui en vertu du Protocole facultatif.

1.3.1.2.2.2. Sur le pouvoir d’apprécier l’admissibilité des réserves et de déterminer leur effet

Certains traités prévoient la faculté pour un Etat partie d’émettre des objections aux réserves émises par d’autres, comme l’article 20 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La plupart sont cependant silencieux sur cette question.

Les organes internationaux de contrôle estiment qu’il leur revient d’apprécier eux-mêmes la licéité et l’efficacité de ces actes. Pour cela, ils se fondent notamment sur la nature particulière des traités concernés comme instruments de garantie collective des droits de la personne humaine et sur leur mission d’assurer le respect des engagements des Etats parties, estimant que la validité et l’efficacité des réserves ne peuvent pas être appréciées par les Etats eux-mêmes.

Cette position aurait très bien pu se fonder sur le principe de la compétence de la compétence des organes juridictionnels internationaux, principe largement reconnu selon lequel l’organe juridictionnel est juge de sa propre compétence et qu’on peut vraisemblablement considérer comme applicable aux Commissions africaine et américaine ainsi qu’aux comités de traités.

1.3.1.2.3. La question de la dénonciation de l’engagement

Celle-ci peut ne pas être prévue par le traité, l’éventuel protocole ni la déclaration ; elle obéit alors aux règles générales du droit international relatives aux engagements des Etats. Comme tout engagement international, le produit de l’engagement est obligatoire mais non impératif pour son auteur. Ainsi, en principe, la juridiction obligatoire en vertu d’une clause compromissoire peut être annihilée par un accord des parties à celle-ci. Cela devrait valoir y compris pendant l’instance dans la mesure où il est reconnu que le demandeur peut mettre fin à l’instance en se désistant et que les deux parties peuvent (et sont même souvent invitées à) régler leur différend à l’amiable et éviter le contentieux. Si l’engagement est unilatéral, l’Etat devrait pourvoir le dénoncer ultérieurement de manière unilatérale sauf à respecter certaines exigences qui doivent protéger les autres Etats, les individus, voire l’« ordre public » que constitue le système de protection.

Cela dit, tous les organes n’ont pas réagi de la même manière face à de telles dénonciations.

La Cour africaine eut à faire face à cette question. En effet, le Rwanda, qui avait fait une déclaration d’acceptation de sa compétence prévue par le protocole de 1998, décida, alors même que des plaintes à son encontre étaient en cours contre lui, de retirer celle-ci sans avoir préalablement contesté la compétence de la Cour pour connaître de ces plaintes et alors qu’un tel retrait n’était pas prévu par le protocole de 1998. Le Rwanda précisa dans sa lettre du 1er mars 2016 adressée à la Cour notifiant le dépôt de son instrument de retrait de sa déclaration : « La République du Rwanda demande qu’après le dépôt dudit instrument, la Cour suspende toutes les affaires concernant la République du Rwanda, notamment l’affaire [en cours], jusqu’à la révision de la déclaration […] ». Sans surprise, le Conseilleur juridique de l’Union africaine déclara, en notifiant de son côté ce retrait au greffe de la Cour que, s’il était valide, ce retrait n’affectait cependant pas le traitement des affaires déjà introduites devant la Cour. Celle-ci après avoir suspendu l’examen de toutes les affaires ont elle était saisie visant le Rwanda en attendant sa décision sur les effets du retrait, décida que ledit retrait était valide[1]. Cependant, son efficacité juridique ne pouvait valoir que pour l’avenir et n’avait donc aucun effet sur la requête en cours contre le Rwanda, la Cour restant compétente pour continuer son examen. Exigeant un délai de préavis qu’elle inféra de manière discutable du droit international, elle déclara en effet qu’« un acte posé par le Défendeur ne saurait écarter la compétence de la Cour […]. Cette position est appuyée par le principe juridique de non-rétroactivité qui dispose que les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux situations futures. En conséquence, la Cour déclare que la notification par le Défendeur de son intention de retirer sa déclaration n’a aucun effet juridique sur les affaires pendantes devant la Cour ». Le même jour, elle décida qu’en conséquence, le retrait n’avait pas pour effet de suspendre les autres procédures dans les affaires pendantes devant elle visant le Rwanda[2].


[1] Cour ADHP, 3 juin 2016, Arrêt sur les effets du retrait de la déclaration faite en vertu de l’article 34(6) du Protocole, Requête n° 003/2014.

[2] Voir l’ordonnance rendue dans l’affaire Kayumba Nyamwasa et autres c. République du Rwanda, requête n° 016/2015, ce qu’elle affirma également dans ses ordonnances rendues le 3 juin 2016 dans les affaires Kennedy Gihana et autres c. République du Rwanda, requête n° 017/2015, Rutabingwa Chrysanthe c. République d Rwanda, requête n° 022/2015 et Laurent Munyandilikiriwa c. République du Rwanda, requête n° 023/2015.

Dans deux décisions sur sa compétence du 24 septembre 1999, Ivcher Bronstein v. Peru et the Constitutional Court v. Peru, la Cour interaméricaine traita très différemment de la dénonciation par le Pérou de sa déclaration d’acceptation de sa compétence remplacée le jour même par une nouvelle déclaration assortie d’un grand nombre de réserves[1]. Après avoir classiquement déclaré sa compétence pour établir sa compétence et apprécier la validité et l’efficacité d’une telle dénonciation – et des limites à l’engagement juridictionnel -, elle nota que ni la Convention ni la déclaration péruvienne n’autorise le retrait d’une déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour et considéra qu’un Etat ne peut pas dénoncer son engagement juridictionnel facultatif sauf à dénoncer également l’engagement substantiel aux conditions fixées par celui-ci. Elle décida cela à l’issue d’un long raisonnement fondé tantôt sur la lettre de la Convention américaine elle-même, tantôt sur la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, tantôt encore sur la spécificité des traités de protection des droits de l’homme et la nécessité de préserver l’efficacité du mécanisme de plainte. Elle décida ainsi : « irrecevable le prétendu retrait par le Pérou de la déclaration reconnaissant la compétence contentieuse de la Cour, avec effet immédiat, ainsi que les conséquences éventuelles que ce retrait était censé avoir, parmi lesquelles le rejet de la requête, qui est sans objet » et poursuivit le traitement des requêtes.

Là encore, la spécificité de ces traités peut laisser songeur. Certains traités prévoient en effet la possibilité pour un Etat de retirer sa déclaration d’acceptation de la compétence de l’organe de contrôle…


[1] I/A Court H.R., 24 September 1999, Case of Ivcher Bronstein v. Peru, Competence, Judgment, Series C No. 54 et I/A Court H.R., 24 September 1999, Case of the Constitutional Court v. Peru, Competence, Judgment, Series C No. 55

1.3.2. Les demandeurs

Les auteurs d’une plainte, requête ou communication doivent avoir qualité pour agir. Celle-ci est inégalement reconnue dans les différents systèmes régionaux et universels. On peut toutefois distinguer les requérants classiques du contentieux international des droits de la personne humaine – les individus et les Etats – d’autres requérants dont la reconnaissance permettrait de dépasser le schéma classique de la matière. Par exemple, l’article 44 de la Charte des droits et du bien-être de l’enfant dispose que le Comité africain des droits et du bien-être de l’enfant est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la Charte provenant de tout individu, groupe ou organisation non gouvernementale reconnue par l’OUA, par un Etat membre ou par l’ONU.

1.3.2.1. Les requérants classiques

Le droit de recours individuel marque véritablement la fin d’une conception du droit international dont la réalisation ne relève que des Etats et ne peut se situer que dans une relation interétatique. Ce droit a été développé dans le cadre de la condition des étrangers devant des tribunaux arbitraux. Un changement radical tient dans le fait que le système de l’action diplomatique n’est plus le seul moyen d’internationaliser une réclamation privée contre un Etat.

1.3.2.1.1. Les individus

La Commission africaine et la Cour africaine peuvent connaître, sous conditions, de plaintes portées par des individus. Certains autres mécanismes internationaux à caractère juridictionnel ou quasi-juridictionnel prévoient également la faculté pour les individus, ou des groupes d’individus, de porter plainte ou d’adresser des communications à l’organe de contrôle contre un Etat partie de la juridiction duquel ils relèvent. La plupart des mécanismes acceptent en effet non seulement les plaintes ou communications individuelles mais également celles de groupes de particuliers si chacun d’entre eux a qualité pour agir.

On sait que les particuliers peuvent saisir directement la Cour EDH, seule Cour régionale pour laquelle est reconnu de plein droit, mais sous conditions un accès direct des individus.

Un tel mécanisme de requêtes individuelles – devant un organe « quasi juridictionnel » – est désormais prévu également par les grands traités onusiens de protection des droits de l’homme ou par des protocoles annexés à ceux-ci. Ainsi, les individus peuvent adresser des communications à plusieurs comités comme le Comité des droits de l’homme[1], le Comité des droits économiques, sociaux et culturels[2], le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale[3], le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)[4], le Comité contre la torture[5], le Comité des droits des personnes handicapées[6], le Comité des droits de l’enfant[7], ainsi que le Comité des disparitions forcées[8] et le Comité des travailleurs migrants[9].


[1] Article 1 du 1er Protocole additionnel au PIDCP : « Tout Etat partie au Pacte qui devient partie au présent Protocole reconnaît que le comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par cet Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans le pacte. Le comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie au pacte qui n’est pas partie au présent Pacte »

[2] Article 2 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC adopté par la résolution A/RES/63/117 de l’AGNU du 10 décembre 2008 : « Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie d’un des droits économiques, sociaux, culturels énoncés dans le Pacte. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement ».

[3] Article 14 § 1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale : « Tout Etat partie peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation par ledit Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un tat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[4] Article 2 du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adopté le 6 octobre 1999, résolution de l’AG 54/4, entré en vigueur le 22 décembre 2000, RTNU, vol. 2131, p. 83 : « Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie d’un des droits énoncés dans la Convention. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement »

[5] Article 22 § 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants : « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par un Etat partie, des dispositions de la Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[6] Article 1 du Protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits des personnes handicapées, adopté le 13 décembre 2006, entré en vigueur le 3 mai 2008 : « Tout Etat partie au présent protocole reconnaît que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation par cet Etat partie des dispositions de la Convention. 2. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie à la Convention qui n’est pas partie au présent protocole »

[7] Article 5 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications du 19 décembre 2911, entré en vigueur en avril 2014 : « 1. Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie de l’un quelconque des droits énoncés dans l’un quelconque des instruments suivants auquel cet Etat est partie : a) La Convention ; b) Le Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ; c) Le protocole facultatif à la Convention, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. 2. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou de groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement ».

[8] Article 31 § 1 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : « Tout Etat partie peut déclarer, au moment de la ratification de la présente Convention ou ultérieurement, qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des personnes ou pour le compte de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation, par cet Etat partie, des dispositions de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[9] Article 77 § 1 de la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990 : « 1. Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent que leurs droits individuels établis par la présente Convention ont été violés par cet Etat partie. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

En revanche, l’article 61 § 1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme énonce que seuls les Etats parties à la Convention et la Commission ont qualité pour saisir la Cour. Le mécanisme de plainte individuelle n’est ouvert que devant la Commission qui pourra éventuellement (comme un Etat partie à la Convention) saisir la Cour, ce qui correspond à la situation africaine si l’Etat mis en cause est partie au Protocole de Ouagadougou et n’a pas accepté la compétence de la Cour pour connaître de plaintes individuelles. On notera toutefois que la Cour interaméricaine a décidé d’accepter que les victimes parties à la procédure devant la Commission puissent faire valoir leurs arguments devant elle.

On peut distinguer deux grands schémas : certains systèmes ouvrent la qualité à agir à tout individu ; d’autres exigent du demandeur qu’il se prétende victime d’une violation d’un de ses droits.

1.3.2.1.1.1. Tout individu

Le système africain a une conception particulièrement généreuse de la qualité à agir devant les organes contentieux qu’il reconnaît à d’autres entités que celles qui se prétendent victimes.

A vrai dire, la Charte n’aménage pas expressément un droit de recours des individus devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’article 55 mentionnant de manière lapidaire les « communications autres que celles des Etats parties à la présente Charte »[1]. En l’absence de précision sur ces communications dont la Commission pouvait être saisie, celle-ci, dès 1988, soit un an après le début de sa mise en place, accepta des communications faites par des individus (et ONG).


[1] « 1. Avant chaque session, le Secrétaire de la Commission dresse la liste des communications autres que celles des Etats parties à la présente Charte et les communique aux membres de la Commission, qui peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la Commission. 2. La Commission en sera saisie, sur la demande la majorité absolue de ses membres ».

La question se posait toutefois de savoir s’il fallait exiger d’eux qu’ils allèguent une violation de leurs droits.

De manière originale, en effet, ni la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ni les protocoles y relatifs n’exigent des plaignants qu’ils se prétendent victimes de violations de ces instruments pour leur connaître qualité pour agir devant la Commission et la Cour. Cette absence d’exigence dans le texte de la Charte a conduit la Commission à affirmer que son prétoire était ouvert à l’actio popularis dont elle a ensuite rappelé le caractère utile en tant qu’elle permet la défense des personnes les plus vulnérables qui ne peuvent la saisir[1]. Cette prise de position fut certainement salutaire pour le fonctionnement du système africain dans la mesure où un très grand nombre de communications adressées à la Commission et à la Cour sont le fait d’individus (et d’ONG) non directement lésés par une violation de leurs droits.


[1] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) v Nigeria, Communication 155/96, 30e session ordinaire, 13-27 octobre 2001, § 49. Voir aussi Commission ADHP, 29 novembre 2006, FIDH, Organisation nationale des droits de l’Homme (ONDH) et Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) c. Sénégal, Communication n° 304/05,§ 40 : « Avant d’examiner la condition de l’épuisement des voies de recours, la Commission [africaine] voudrait aborder la question de l’identité des victimes soulevée par l’Etat Défendeur dans ses arguments. La Commission [africaine] rappelle à ce propos que la Charte africaine n’exige pas que les victimes d’une communication soient identifiées. Aux termes de l’Article 56.1, seule l’identification de l’auteur ou des auteurs de la communication est requise. Il n’est en outre pas nécessaire que l’auteur ou les auteurs soi(en)t la ou les victimes ni même qu’il existe un lien quelconque entre l’auteur et la victime. Cela a d’ailleurs été confirmé par la pratique de la Commission africaine (Voir notamment la décision sur les communications 54/91, 61/91, 98/93, 164/97 à 196/97, 210/98 Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr Diop, Union interafricaine des droits de l’homme et RADDHO, Collectif des veuves et ayants droits, Association mauritanienne des droits de l’homme c/ Mauritanie). La souplesse de l’Article 56 de la Charte africaine, qui en cela diffère des autres systèmes internationaux de protection des droits de l’homme, se justifie pleinement dans le contexte africain et “reflète une sensibilité aux difficultés pratiques auxquelles les individus peuvent être confrontés dans les pays où sont violés les droits de l’homme » (Idem, § 78) » (souligné par la Commission).

L’article 44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant n’exige pas non plus la qualité de victime, disposant : « Le Comité est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la présente Charte, de tout individu, groupe ou organisation de l’unité africaine, par un Etat membre, ou par l’Organisation des Nations Unies ».

C’était la solution adoptée dans le cadre de la procédure 1503 révisée. En effet, aux termes de l’article 87 de la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, « Une communication portant sur une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales sera recevable, aux fins de la procédure, à condition : […] qu’elle émane d’un individu ou d’un groupe d’individus qui affirme être victime d’une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui peut être une organisation non gouvernementale agissant de bonne foi conformément aux principes relatifs aux droits de l’homme, n’ayant pas de motivations politiques contraires aux dispositions de la Charte des Nations Unies et affirmant avoir une connaissance directe et sûre des violations en cause. Toutefois, des communications assorties d’éléments dignes de foi ne seront pas déclarées irrecevables simplement parce que la connaissance qu’ont leurs auteurs de la violation est indirecte, pourvu qu’elles soient étayées par des éléments de preuve incontestables ».

C’est la solution adoptée aujourd’hui dans le cadre des procédures spéciales du Conseil de droits de l’homme. En effet, selon l’article 9 (d) de la résolution du Conseil des droits de l’homme 5/2, Code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, 18 juin 2007, les « lettres d’allégation » « devraient être soumises par une personne ou un groupe de personnes qui affirment être victimes de violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou par toute personne ou tout groupe de personnes, y compris des organisations non gouvernementales agissant de bonne foi conformément aux principes des droits de l’homme, n’ayant pas de motivations politiques contraires aux dispositions de la Charte des Nations Unies et affirmant avoir une connaissance directe ou sûre des violations en cause, étayée par des informations claires » [1].


[1] Ainsi, la procédure de communications devant le Groupe de travail sur la détention arbitraire (voir Nation Unies, Conseil des droits de l’homme, Méthodes de travail du Groupe de travail sur la détention arbitraire, A/HRC/36/38, 13 juillet 2017, § 12 : « Les communications peuvent être soumises au groupe de travail par les personnes concernées, leur famille ou leurs représentants. Elles peuvent également être transmises par des gouvernements ou des organisations intergouvernementales ou non gouvernementales, ainsi que par des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme. Le groupe de travail examine les communications conformément aux articles 9, 10 et 14 du Code de conduite pour les titulaires demandant au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ») et devant le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants (voir Site OHCHR : « La communication doit émaner d’une personne ou groupe de personnes qui affirme être victime de violations ou de toute personne ou groupe de personnes, y compris d’organisations non gouvernementales, […], et affirme avoir une connaissance directe et fiable de ces violations, qu’elle accompagne de renseignements dûment motivés. La communication ne doit pas reposer exclusivement sur les informations diffusées dans la presse ») n’exigent pas la qualité de victime du requérant.

L’article 44 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme semblait également exclure cette condition de la qualité pour agir. Certes, en disposant que « Toute personne ou tout groupe de personnes, toute entité non gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats membres de l’Organisation peuvent soumettre à la Commission des pétitions contenant des dénonciations ou plaintes relatives à une violation de la présente convention par un Etat partie », il exige bien l’existence d’une violation et donc d’une victime. Cependant, il ne limite pas le droit de recours à celle-ci, ouvrant ainsi également la voie à l’actio popularis au bénéfice des individus et ONG qui peuvent, par voie de pétition, saisir les instances américaines de violations commises au préjudice de tiers sans avoir à présenter un mandat de représentation à cette fin. Dans la pratique, cependant, la Commission américaine demande fréquemment que l’auteur de la plainte soit une victime ou un parent de victime ou qu’il soit mandaté pour agir par la victime ou par un parent de victime[1]. La Cour n’exigeant toutefois pas un mandat en bonne et due forme (tout en exigeant l’identification des victimes[2])[3], il s’agirait en somme d’un système intermédiaire entre l’exigence d’une adéquation entre l’intérêt et la qualité à agir, d’une part (système européen) et l’actio popularis (système africain), dans la mesure où s’il faut une victime et un intérêt à agir, une autre personne peut saisir la Commission américaine au nom d’un « droit de dénonciation » au profit de tiers.


[1] IA Commission, 16 October 1996, Montoya González v. Costa Rica, Case 11.553, Report No. 48/96, Admissibility Decision, para. 28 : « The liberal standing requirement of the inter-American system should not be interpreted, however, to mean that a case can be presented before the Commission in abstracto. An individual cannot institute an actio popularis and present a complaint against a law without establishing some active legitimation justifying his standing before the Commission. The applicant must claim to be a victim of a violation of the Convention, or must appear before the Commission as a representative of a putative victim of a violation of the Convention by a state party. It is not sufficient for an applicant to claim that the mere existence of a law violates her rights under the American Convention, it is necessary that the law have been applied to her detriment. If the applicant fails to establish active legitimation, the Commission must declare its incompetence ratione personae to consider the matter ».

[2] Voir Cour IADH, 23 novembre 2011, Fleury et al. c ; Haïti, arrêt, Série C n° 236, §§ 20-21 ; Cour IADH, 20 novembre 2014, Espinoza Gonzalez c. Pérou, Série C n° 289, § 31.

[3] Voir I/A Court H.R., Judgment of September 4, 1998, Castillo Petruzzi Case. Preliminary Objections, Series C No. 41 : « 77. As to this objection, the Court takes note that irrespective of the examination that it could make, if it were necessary, of the existence and authority of FASIC and of the person who took action in its name, it is clear that Article 44 of the Convention permits any group of persons to lodge petitions or complaints of the violation of the rights set forth in the Convention. This broad authority to make a complaint is a characteristic feature of the system for the international protection of human rights. In the present case, the petitioners are a “group of persons,” and therefore, for the purpose of legitimacy, they satisfy one of the possibilities set forth in the aforementioned Article 44. The evident authority in this instance makes it unnecessary to examine the registration of FASIC, and the relationship that said foundation has or is said to have with those who act as its representatives. This consideration is strengthened if it is remembered that, as the Court has stated on other occasions, the formalities that characterize certain branches of domestic law do not apply to international human rights law, whose principal and determining concern is the just and complete protection of those rights. In other words, « failure to observe certain formalities is not necessarily relevant when dealing on the international plane. What is essential is that the conditions necessary for the procedural rights of the parties not be diminished or unbalanced, and that the objectives of the different procedures be met.” (Vélasquez Rodríguez Case, Preliminary Objections, supra 56, paras. 33 and 34; Fairén Garbi and Solís Corrales Case, Preliminary Objections, supra 56, paras. 38 and 39; Godínez Cruz Case, Preliminary Objections, supra 56, paras. 36 and 37; Paniagua Morales et. al. Case, Preliminary Objections, Judgment of January 25, 1996. Series C No. 23, para. 42, and Caballero Delgado and Santana Case, Preliminary Objections, supra note 56, para. 44). The International Court of Justice has spoken to this issue in stating that the Court, “whose jurisdiction is international, is not bound to attach to matters of form the same degree of importance which they might possess in municipal law (Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34; Legal Status of Eastern Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53, p. 71; Aegean Sea Continental Shelf, Judgment, I.C.J. Reports 1978, para. 42). 78. The Court has declared that certain formalities may be excluded, provided that there is a suitable balance between justice and legal certainty. (Cayara Case, Preliminary Objections, Judgment of February 3, 1993. Series C No. 14, para. 42; Paniagua Morales et al. Case, Preliminary Objections, supra 77, para. 38; Castillo Páez, Preliminary Objections, supra 56, para. 34, and Loayza Tamayo, Preliminary Objections, supra 56, para. 33). In the exercise of its authority to evaluate due process before the Court (Velásquez Rodríguez Case, Preliminary Objections, supra 56, para. 34; Fairén Garbi and Solís Corrales Case, Preliminary Objections, supra 56, para. 39; Godínez Cruz Case, Preliminary Objections, supra 56, para. 37), it deems that in the present case the essential matters implicit in the procedural rules of the Convention have been respected”. Voir également Cour IADH, 2 septembre 2004, ‘Instituto de Reeducacion del Menor’ c. Paraguay, Série C n° 112, § 109 ; I/A Court H.R., 23 June 2005, Yatama v. Nicaragua, Judgement (Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs), Series C No. 127, § 127 et s. ; Cour IADH, 5 juillet 2006, Montero Aranguren y Otros (Retén de Catia) c. Venezuela, arrêt, Série C n° 150.

1.3.2.1.1.2. Exigence de la qualité de victime du requérant

Par contraste, l’essentiel des traités de protection des droits de la personne humaine ne confèrent un droit de saisir l’organe d’une plainte ou communication contre un Etat partie qu’aux individus ou groupes d’individus voire personnes morales qui sont elles-mêmes victimes d’une violation du traité concerné ou à des personnes qui déposent une plainte en leur nom, rejetant ainsi l’hypothèse d’une actio popularis.

Tel est le cas, au niveau régional, de l’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme[1] et de l’article 4 d) du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 au sujet de la CJCEDEAO[2]. La Convention européenne donne toutefois qualité à agir à des personnes physiques ou morales qui ne se prétendent pas victimes d’une violation de ses dispositions et de celles des protocoles y annexés mais sont dûment mandatées pour représenter lesdites victimes.


[1] « La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. […] ». Voir ainsi : Cour EDH, 11 janvier 2011, Xhavara et autres c. Italie et Albanie, n° 39473/98, décision sur la recevabilité, p. 8 : « les requérants se plaignent de la compatibilité in abstracto avec la Convention de certaines dispositions du décret-loi n° 60 du 19 mai 1997, lequel est un acte normatif de portée générale adopté par les autorités italiennes. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, ne peut se prétendre victime d’une violation de la Convention que celui qui est capable de montrer qu’il est personnellement affecté, autrement que tout autre citoyen, par la loi qu’il critique puisque la convention n’autorise pas une telle actio popularis (arrêt Ihlan c. Turquie du 27 juin 2000, § 52, et Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande du 29 octobre 1992, série A n° 246, p. 22, § 44). En l’espèce, les requérants n’ont pas allégué avoir fait l’objet d’une procédure d’expulsion ou avoir introduit un recours sans effet suspensif au tribunal administratif. Dès lors, ils ne peuvent se prétendre victime d’une violation des dispositions qu’ils invoquent, au sens de l’article 34 de la Convention ».

[2] « Access to the Court is open to the following: […] d) individuals on application for relief for violation of their human rights […] ».

Tel est également le cas des traités adoptés sous l’égide de l’ONU. Voir en effet les articles 1 et 2 du Protocole additionnel au PIDCP[1], de l’article 2 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC [2], l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[3], l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[4], l’article 5 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications [5], l’article 1 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées[6], l’article 22 § 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[7], l’article 77 § 1 de la Convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[8], ainsi que l’article 31 § 1 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées[9].


[1] Selon l’article 1, « Tout Etat partie au Pacte qui devient partie au présent Protocole reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par cet Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte » et selon l’article 2 « Sous réserve des dispositions de l’article premier, tout particulier qui prétend être victime d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le pacte et qui a épuisé tous les recours internes disponibles peut présenter une communication écrite au Comité pour qu’il l’examine ».

[2] « Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat Partie d’un des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement ».

[3] « 1. Tout Etat partie peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation par ledit Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un tat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[4] RTNU, vol. 2131, p. 83 : « Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie d’un des droits énoncés dans la Convention. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement »

[5] « 1. Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet Etat partie de l’un quelconque des droits énoncés dans l’un quelconque des instruments suivants auquel cet Etat est partie : […]. 2. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou de groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur puise justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement »

[6] « Tout Etat partie au présent protocole reconnaît que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation par cet Etat partie des dispositions de la Convention. 2. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie à la Convention qui n’est pas partie au présent protocole »

[7] « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par un Etat partie, des dispositions de la Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[8] « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent que leurs droits individuels établis par la présente Convention ont été violés par cet Etat partie. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[9] « Tout Etat partie peut déclarer, au moment de la ratification de la présente Convention ou ultérieurement, qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des personnes ou pour le compte de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation, par cet Etat partie, des dispositions de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

Cela dit, cette qualité de victime a pu faire l’objet d’étirements « jurisprudentiels » qui reconnaissent, sous conditions, la qualité de victime « potentielle » ainsi que de victime « indirecte » et admettent que la seule existence d’une norme, même non mise en œuvre, peut violer les droits d’une personne[1]. Cela est le fait notamment de la part de la Cour EDH et des comités onusiens[2], mais également de juridictions africaines[3].


[1] Par exemple : Cour EDH, 7 novembre 2013, Vallianatos et autres c. Grèce, Requêtes nº 29381/09 et 32684/09, § 47 : « La Cour rappelle que, pour se prévaloir de l’article 34 de la Convention, un requérant doit remplir deux conditions : il doit entrer dans l’une des catégories de demandeurs mentionnées dans cette disposition de la Convention, et doit pouvoir se prétendre victime d’une violation de la Convention. Quant à la notion de « victime », selon la jurisprudence constante de la Cour, elle doit être interprétée de façon autonome et indépendante des notions internes telles que celles concernant l’intérêt ou la qualité pour agir (Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, § 35, CEDH 2004‑III). En effet, par « victime », l’article 34 de la Convention désigne la ou les victimes directes ou indirectes de la violation alléguée (SARL du Parc d’Activités de Blotzheim c. France, no 72377/01, § 20, 11 juillet 2006). Ainsi, l’article 34 vise non seulement la ou les victimes directes de la violation alléguée, mais encore toute victime indirecte à qui cette violation causerait un préjudice ou qui aurait un intérêt personnel valable à obtenir qu’il y soit mis fin (voir, mutatis mutandis, Defalque c. Belgique, no 37330/02, § 46, 20 avril 2006 ; Tourkiki Enosi Xanthis et autres c. Grèce, no 26698/05, § 38, 27 mars 2008) » ; § 49 : « Quant aux autres requérants, la Cour constate qu’il s’agit de personnes physiques adultes qui, d’après les éléments produits devant elle, entretiennent une relation homosexuelle soit dans le cadre soit en dehors d’une cohabitation. Dans la mesure où, par l’effet de l’article 1 de la loi n° 3719/2008 qui exclut les couples homosexuels du champ d’application de celle-ci, ces derniers ne peuvent conclure un « pacte de vie commune » et organiser leur relation de couple selon le régime juridique prescrit par cette loi, la Cour considère qu’ils sont directement concernés par la situation et ont un intérêt personnel légitime à ce qu’il y soit mis fin. Par conséquent, elle conclut que les requérants personnes physiques dans les présentes requêtes doivent être considérés comme « victimes » de la violation alléguée, au sens de l’article 34 de la Convention ».

[2] Par exemple, Cour EDH, 27 mars 2008, Tourkiki Enosi Xanthis et autres c. Grèce, Requête nº 26698/05, arrêt, § 38: « La Cour rappelle que, pour se prévaloir de l’article 34 de la Convention, un requérant doit remplir deux conditions : il doit entrer dans l’une des catégories de demandeurs mentionnées dans cette disposition de la Convention, et doit pouvoir se prétendre victime d’une violation de la Convention. Quant à la notion de « victime », selon la jurisprudence constante de la Cour, elle doit être interprétée de façon autonome et indépendante des notions internes telles que celles concernant l’intérêt ou la qualité pour agir (Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, n° 62543/00, § 35, CEDH 2004‑III). En effet, par « victime », l’article 34 de la Convention désigne la ou les victimes directes ou indirectes de la violation alléguée (SARL du Parc d’Activités de Blotzheim c. France, n° 72377/01, § 20, 11 juillet 2006). L’article 34 vise, ainsi, non seulement la ou les victimes directes de la violation alléguée, mais encore toute victime indirecte à qui cette violation causerait un préjudice ou qui aurait un intérêt personnel valable à obtenir qu’il y soit mis fin (voir, mutatis mutandis, Tanrıkulu et autres c. Turquie (déc.), no 40150/98, 6 novembre 2001, Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, arrêt du 29 octobre 1992, série A n° 246-A, p. 22, § 43, et Otto-Preminger-Institut c. Autriche, arrêt du 20 septembre 1994, série A n° 295-A, pp. 15-16, §§ 39-41). Voir sur ce point, entre autres, L. Hennebel & H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2016, § 398 et s. ; C. Santulli, « Observation et proposition sur l’extension du concept de victime d’une violation des droits de l’homme », in Mélanges Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004

[3] Voir notamment CJCEDEAO, 18 novembre 2010, Hissein Habré c. République du Sénégal, ECW/CCJ/JUD/06/10, § 51 : « […] la Cour rappelle sa jurisprudence dont l’arrêt Hadidjatou Mani Koraou Cl l’Etat du Niger pour redire qu’elle n’a pas pour compétence d’examiner des législations in abstracto mais des cas concrets de violation des Droits de L’Homme. Elle rappelle également dans le même sens la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de L’Homme dans la cause opposant la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah à la France, lorsque celle-ci rappelle que L’article 34 de la Convention Européenne des Droits de L’Homme n’autorise pas a « se plaindre in abstracto d’une loi par le seul fait qu’elle semble enfreindre la Convention » et qu’il ne suffit pas à un individu Requérant de soutenir qu’une loi viole par sa simple existence les droits dont il jouit aux Termes de la Convention; la loi doit avoir été appliquée a son détriment (Arrêt 10 Klass et autres c. Allemagne). Ainsi donne en principe la violation d’un droit de l’homme se constate à posteriori, lorsque la violation a déjà eu lieu. 52. Toutefois, cette jurisprudence a connu quelque atténuation ; l’évocation de « circonstances tout à fait exceptionnelles a fait admettre que le risque d’une violation future confère à un Requérant la qualité de victime d’une violation de la Convention » (requête n° 282 ou/95 Noel Naru Tauira et 18 autres c/France dec, 4.12.95 OR 83 p.112). Cette jurisprudence de la Cour Européenne des droits de L’homme n’est pas isolée, cf. Arrêt Dudgeon c/Royaume Uni du 22 octobre 1989, Arrêt Soering c. Royaume Uni du 7 juillet 1989). Pour que dans une telle situation le Requérant puisse se prétendre victime, il faut qu’il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de la réalisation d’une violation en ce qui le concerne personnellement, de simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes à cet égard ». En l’espèce, § 57 : « […]. Au vu de ces circonstances exceptionnelles, la Cour ne peut qu’acquiescer qu’il y a des indices raisonnables et convaincants de probabilité de réalisation de la violation des articles 7.2 et 11.2 de la Charte Africaine des Droits de L’Homme et des Peuples et de la Déclaration Universelle des Droits de L’Homme au détriment de Monsieur Hissein Habré ; que dès lors la qualité de victime de violation de ses droits de l’homme revendiquée par le Requérant sur la base de ces instruments internationaux est avérée ; qu’il échet conséquemment d’y faire droit ».

On notera, en sens inverse, que certaines dispositions exigent un certain degré de gravité du dommage subi par le requérant, ce qui permet à l’organe de contrôle contentieux de filtrer les plaintes afin d’alléger son rôle. Tel est le cas désormais de l’article 35 § 3 Convention EDH au sujet des requêtes individuelles[1]. Tel est le cas également de l’article 4 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels selon lequel le Comité peut, si nécessaire, refuser d’examiner une communication dont il ne ressort pas que l’auteur a subi un « désavantage notable, à moins que le Comité ne considère que la communication soulève une grave question d’importance générale.


[1] « La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34 lorsqu’elle estime […] b) que le requérant n’a subi aucun préjudice important sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses protocoles exige un examen de la requête au fond ».

1.3.2.1.2. Les Etats parties dans leur intérêt propre, celui de leurs nationaux ou dans l’intérêt général

Le caractère objectif des obligations en matière de protection de la personne humaine se manifeste notamment dans l’institution dans un certain nombre de traités de protection des droits de l’homme ou de protocoles à ceux-ci de la faculté de tout Etat partie d’adresser une communication ou plainte à l’organe de contrôle du respect du traité pour violation alléguée par un autre des dispositions de ce traité sans aucune condition qu’il ait subi lui-même ou en la personne d’un de ses nationaux un préjudice au sens classique du terme[1].


[1] « L’intérêt pour agir de chaque autre Etat partie est fondé sur cette violation. En exerçant un recours interétatique, l’Etat requérant invoque en fait son droit de voir la Convention appliquée normalement pour ce qui est des personnes relevant de la juridiction de l’Etat défendeur. La violation [du traité] constitue en soi un préjudice juridique au détriment de tout autre Etat partie, sans qu’il soit nécessaire que ce dernier soit lui-même lésé au sens classique du terme », L.-A. Sicilianos, « L’influence des droits de l’homme sur la structure du droit international. I : la hiérarchie de l’ordre juridique international », RGDIP, 2012/1, p. 13.

Au niveau régional, un tel mécanisme est institué par la Convention EDH, cadre dans lequel il a été le plus utilisé[1]. Le mécanisme des communications étatiques devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est beaucoup plus détaillé, aux articles 47[2], 48[3] 49[4] de la Charte africaine de 1981. La Commission ne fut saisie qu’une seule fois d’une telle communication, par la République démocratique du Congo contre trois Etats simultanément, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, qui aboutit à une conclusion du 19 mai 2003. Notons que l’article 5 du Protocole de Ouagadougou prévoit que peuvent saisir la Cour non seulement l’Etat partie au Protocole qui a saisi la Commission, mais également celui contre lequel une plainte a été introduite et celui dont le ressortissant est victime d’une violation, autant de configurations non encore mises en œuvre. La Commission américaine peut également connaître de plaintes étatiques sur le fondement de l’article 45 précité de la Convention interaméricaine pourvu que les deux Etats intéressés aient accepté sa compétence à cette fin (elle ne fut saisie à ce titre que deux fois, l’une des deux plaintes ayant été déclarée irrecevable). On notera toutefois que la Cour américaine, comme son homologue africaine, n’a pas encore connu de telle plainte.


[1] Art. 33 Convention EDH : « Toute Haute Partie contractante peut saisir la Cour de tout manquement aux dispositions de la Convention et de ses protocoles qu’elle croira pouvoir être imputé à une autre Haute Partie contractante ».

[2] « Si un Etat partie à la présente Charte a de bonnes raisons de croire qu’un autre État également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par communication écrite, l’attention de cet État sur la question. Cette communication sera également adressée au Secrétaire général de l’OUA et au Président de la Commission. Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la communication, l’État destinataire fera tenir à l’Etat qui a adressé la communication, des explications ou déclarations écrites élucidant la question, qui devront comprendre dans toute la mesure du possible, des indications sur les lois et règlements de procédure applicables ou appliqués et sur les moyens de recours, soit déjà utilisé

[3] « Si dans un délai de 3 (trois) mois à compter de la date de réception de la communication originale par l’État destinataire, la question n’est pas réglée à la satisfaction des deux États intéressés, par voie de négociation bilatérale ou par toute autre procédure pacifique, l’un comme l’autre auront le droit de la soumettre à la Commission par une notification adressée à son Président, à l’autre État intéressé et au Secrétaire général de l’OUA ».

[4] « Nonobstant les dispositions de l’article 47, si un Etat partie à la présente Charte estime qu’un autre État également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut saisir directement la Commission par une communication adressée à son Président, au Secrétaire général de l’OUA et à l’État intéressé ».

Un mécanisme de plainte étatique est également institué au niveau universel par l’article 41 du PIDCP [1], par l’article 21 de laConvention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[2], par l’article 76 de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[3], par l’article 32 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées[4], par l’article 10 § 1 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC[5], de même que par les articles 11 à 13 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ou encore par l’article 21 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[6].


[1] « 1. Tout Etat partie au présent Pacte peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du présent Pacte. Les communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[2] « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Ces communications ne peuvent être reçues et examinées conformément au présent article que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[3] « 1. Tout Etat partie à la présente convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente convention. Es communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[4] « Tout Etat partie à la présente Convention peut déclarer, à tout moment, qu’il reconnaît a compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications par lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Le Comité ne reçoit aucune communication concernant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration, ni aucune communication émanant d’un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

[5] « Article 10. Communications interétatiques. 1. Tout Etat Partie au présent protocole peut déclarer à tout moment, en vertu du présent article, qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat Partie affirme qu’un autre Etat Partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte. Les communications présentées en vertu du présent article ne peuvent être reçues et examinées que si elles émanent d’un Etat Partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication visant un Etat Partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

[6] « Tout Etat partie à la présente Convention peut, en vertu du présent article, déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre de la présente Convention. Ces communications ne peuvent être reçues et examinées conformément au présent article que si elles émanent d’un Etat partie qui a fait une déclaration reconnaissant, en ce qui le concerne, la compétence du Comité. Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration. […] ».

Toutefois, certains traités limitent le droit de communication au Comité aux seuls Etats qui acceptent la compétence du Comité pour connaître de communications formées contre eux. Ainsi, l’acceptation donne à la fois habilitation du Comité à juger l’Etat et faculté de celui-ci d’attraire d’autres.

On observera que, à l’instar de ce qui se passe au niveau régional, cette procédure n’est que très exceptionnellement utilisée par les Etats. Toutefois, le Comité pour l’élimination a reçu en 2018 deux communications du Qatar contre les Emirats arabes Unis, l’Arable Saoudite et une communication de la Palestine contre Israël[1].


[1] voir Comité contre la discrimination raciale, Qatar c. Emirats arabes unis, décision sur la recevabilité, 27 août 2019 et Palestine c. Israël, décembre 2019

Cela dit, un différend interétatique relatif au respect d’un traité de protection des droits de l’homme peut être réglé hors du jeu d’un tel mécanisme de contrôle ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la Cour internationale de justice dans l’affaire relative à l’obligation de poursuivre ou d’extrader opposant la Belgique au Sénégal au sujet de la Convention contre la torture. La Cour y déclara, § 68, « En raison des valeurs qu’ils partagent, les Etats parties à cet instrument ont un intérêt commun à assurer la prévention des actes de torture et, si de tels actes sont commis, à veiller à ce que leurs auteurs ne bénéficient pas de l’impunité. […]. Tous les autres Etats parties à la convention ont un intérêt commun à ce que l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé respecte ces obligations. Cet intérêt commun implique que les obligations en question s’imposent à tout Etat partie à la convention à l’égard de tous les autres Etats parties. L’ensemble des Etats parties ont « un intérêt juridique » à ce que les droits en cause soient protégés (citation Barcelona traction, § 33). Les obligations correspondantes peuvent donc être qualifiées d’« obligations erga omnes partes », en ce sens que, quelle que soit l’affaire, chaque Etat partie a un intérêt à ce qu’elles soient respectées ». Et de poursuivre, § 69, « L’intérêt commun des Etats parties à ce que soient respectées les obligations pertinentes énoncées dans la convention contre la torture implique que chacun d’entre eux puisse demander qu’un autre Etat partie, qui aurait manqué auxdites obligations, mette fin à ces manquements. Si un intérêt particulier était requis à cet effet, aucun Etat ne serait, dans bien des cas, en mesure de présenter une telle demande. Il s’ensuit que tout Etat partie à la convention contre la torture peut invoquer la responsabilité d’un autre Etat partie dans le but de faire constater le manquement allégué de celui-ci à des obligations erga omnes partes, telles que celles qui lui incombent en application du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7, et de mettre fin à un tel manquement ».

1.3.2.2. Le dépassement des confrontations Etat/Etat et Individu/Etat

  1. L’essentiel du contentieux international des droits de l’homme consiste à mettre face à face un individu (ou un groupe d’individus, voire une société) et un Etat ou deux Etats. Ces deux configurations n’épuisent cependant pas la question. Il existe d’autres catégories de requérants, bien que leur place contentieuse soit bien plus réduite que les premiers.
1.3.2.2.1. La place des organisations non gouvernementales
  1. Les ONG peuvent se trouver devant les juridictions internationales à plusieurs titres et selon différentes techniques. Cela ne laisse pas d’étonner puisqu’elles sont largement considérées comme ne bénéficiant pas de la personnalité juridique internationale. L’examen de leur qualité de partie à certains contentieux internationaux permet de révéler que, certes de manière rare, elles disposent bien d’une capacité juridique internationale – et sont donc bien, a fortiori, des sujets de normes internationales. D’autres types de participation montrent comment cette absence de personnalité peut dans une certaine mesure être contournée ou, plutôt, comment les organisations, bien que dépourvues de la qualité de partie à un procès, parviennent à intégrer celui-ci pour influencer son dénouement.
1.3.2.2.1.1. Les ONG comme requérantes et parties
  1. L’accès direct à une procédure contentieuse est très peu disponible pour les acteurs collectifs non étatiques pour défendre l’intérêt général ou un intérêt collectif. En principe, l’ONG ne peut agir qu’en défense d’un droit qui lui est propre. Par contraste, la procédure de réclamations collectives devant le Comité européen des droits sociaux n’est à la disposition que des seules organisations, cela étant lié au fait que ne sont susceptibles de contestation que les situations générales et non les situations individuelles (art. 1 du Protocole additionnel de 1995).

1.3.2.2.1.1.1. Pour la défense d’un droit propre

  1. Si elles peuvent parfois saisir un organe international en tant que parties à un procès, c’est généralement à la condition d’invoquer la violation d’un droit qui leur est propre, distincte de celle que pourrait avoir subie un de leurs membres[1].

[1] Dans ce sens entre autres, L.-A. Sicilianos, “Les ONG et l’évolution future du droit international des droits de l’homme”, in Les organisations non gouvernementales et le droit international des droits de l’homme / International Human Rights Law and Non-Governmental Organizations, Publications de l’Institut international des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2005, 256 p., pp. 233-251., 240.

  1. On trouve ce schéma dans le cadre de la CEDH où les ONG doivent pouvoir se prétendre elles-mêmes « victimes » d’une violation de la Convention, ce qui implique l’existence d’une atteinte directe à un droit subjectif qui leur est propre[1], distinct de celui de leurs membres ou des personnes qu’elles prétendent protéger voire d’un droit objectif qu’elles ont pour mission de promouvoir ou protéger (article 34 CEDH – Requêtes individuelles : « La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. (…) »)[2]. En ce sens, et par exemple, une association de défense des droits des homosexuels n’a pas qualité pour agir afin d’obtenir condamnation d’une violation du droit au respect de la vie privée du fait de l’existence d’une loi qui incriminerait certaines pratiques homosexuelles, ne subissant pas elle-même directement les effets d’une telle législation alors qu’une personne homosexuelle aurait une telle qualité[3].

[1] R. Ranjeva, « Les organisations non gouvernementales et la mise en œuvre du droit international », RCADI 1997, t. 270, pp. 11-105, 50.

[2] Et voir 28 mars 2006, Collectif national d’information et d’opposition à l’usine Melox – Collectif Stop Melox et Mox c/ France, req. n° 75218/01 : la Cour rejetterait toute possibilité de défendre des intérêts collectifs sauf à démontrer que la contestation soulevée par l’association requérante présente « un lien suffisant avec un droit » dont elle peut se dire titulaire en tant que personne morale ».

[3] Commission EDH, Norris et National Gay Federation v. Irland, No. 10581/83, D.R., 44, p. 132.

  1. La position des ONG dans le système américain est particulière. D’un côté, sur le fondement de l’art. 44 de la Convention américaine, elles peuvent porter plainte sans être elles-mêmes victimes[1]. D’un autre, la Commission considéra le 11 mars 1999 dans l’affaire Mevopal SA c. Argentine qu’une personne morale n’est pas recevable pour former des demandes en son nom propre. Elle se basa notamment sur le préambule de la Convention américaine et l’article 1 de la Convention qui porte l’engagement des Etats de reconnaître les droits énoncés dans la Convention à toute personne définie par le § 2 comme tout « être humain »[2]. Ainsi, si le système américain admet que des groupes de personnes puissent saisir la Commission, les personnes morales n’ont pas qualité pour agir devant la Commission en tant que « victimes » au motif qu’elles n’ont pas de droit propre à invoquer en vertu de la Convention interaméricaine. La Cour a confirmé cette position dans son avis consultatif de 2016 sur la titularité des droits des personnes morales dans le système interaméricain des droits de l’homme[3].

[1] « Toute personne ou tout groupe de personnes, toute entité non gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats membres de l’Organisation peuvent soumettre à la Commission des pétitions contenant des dénonciations ou plaintes relatives à une violation de la présente Convention par un Etat partie »

[2] Commission interaméricaine des droits de l’homme, MEVOPAL SA c. Argentine, résolution 39/99, décision du 11 mars 1999 : « 15. The Commission will now analyze whether it is competent to examine a petition in which the presumed victim is a legal entity. Article 1 of the Convention states the following: 1. The States Parties to this Convention undertake to respect the rights and freedoms recognized herein and to ensure to all persons subject to their jurisdiction the free and full exercise of those rights and freedoms, without any discrimination for reasons of race, color, sex, language, religion, political or other opinion, national or social origin, economic status, birth, or any other social condition. 2. For the purposes of this Convention, person means every human being. 16. Under this provision and in accordance with the reiterated doctrine of this Commission and the jurisprudence of the Court, the Commission holds the term « victim » to be every person protected by the Convention as established generically in Article 1(1) in accordance with the regulations establishing the rights and freedoms specifically recognized therein. 17. Moreover, in accordance with the second paragraph of the transcribed regulations, the person protected by the Convention is « every human being » – in Spanish « todo ser humano« , in French « tout être humain« . Consequently, the Commission considers that the Convention grants its protection to physical or natural persons, excluding juridical or ideal persons from its field of application, inasmuch as the latter are legal fiction and do not enjoy real existence in the material order. This interpretation is confirmed on verifying the true significance attributed to the phrase « person is every human being » with the text of the Preamble to the Convention which recognizes that the essential rights of man are « based on attributes of his human personality » and reiterates the necessity of creating conditions which permit every individual to « achieve the ideal of free human beings enjoying freedom from fear and want”. 18. In the present case, it is evident that the subject presenting itself before the Commission as presumed victim is a juridical person and not a physical or natural person, insofar as the petitioner has alleged that there is a substantial relationship between Mevopal, S.A. and the alleged violations. In effect, the violations stated by the petitioner before the Commission refer to acts or omissions on the part of the Argentine judicial authorities which allegedly caused damage to the company. Regarding the evidence presented by the petitioner, the Commission observes that all internal appeals were lodged and exhausted by Mevopal, S.A. as a juridical person. In this respect, the petitioner alleged that the case had been brought before the Supreme Court of Justice of the Province of Buenos Aires and the Argentine Supreme Court of Justice and recorded as Mevopal, S.A. vs. Province of Buenos Aires ref./Administrative Action (File N° M-143/97). 19. On the other hand, the Commission notes that Mevopal, S.A. has neither alleged nor proven that either its shareholders or any other physical person were victims of violations of human rights. Neither has it alleged that any physical or natural person exhausted the domestic remedies, came before the national authorities as an injured party or indicated any impediment to their doing so. 20. With regard to this petition, the Commission ratifies its practice and doctrine as set forth in the Banco del Perú (Inter-American Commission on Human Rights, Report Nº 10/91, Case 10.169, Peru, Annual Report 1990-1991, p.452) and Tabacalera Boquerón (Inter-American Commission on Human Rights, Report Nº 47/97, October 16, 1997, Paraguay, Annual Report 1987, p.229), in which it affirmed that it does not have ratione personae competence to hear a petition presented to the Commission by juridical or ideal persons, inasmuch as the latter are excluded from subjects entitled to protection under the Convention. 21. The Commission considers this petition inadmissible because it is « obviously out of order » in terms of the requirements established in Article 47(c) in conformity with Article 1(2) of the American Convention”.

[3] « La Cour a confirmé cette interprétation de la Convention dans un avis consultatif rendu en 2016 (Cour IADH. Titularité des droits des personnes morales dans le système interaméricain des droits de l’Homme (interprétation et portée de l’article 1.2, combiné aux articles 1.1, 8, 11.2, 13, 16, 21, 24, 25, 29, 30, 44, 46 et 62.3 de la Convention Américaine des Droits de l’Homme, ainsi que l’article 8.1 A et B du Protocole de San Salvador). Avis consultatif OC-22/16 du 26 février 2016. Serie A No. 22). : – La Convention a pour objet et but la protection des droits fondamentaux de la personne humaine ; l’interprétation évolutive de ce texte ne dicte pas d’élargir le bénéfice des droits fondamentaux aux personnes morales. La Cour tempère cette exclusive par deux exceptions. D’une part, les communautés indigènes sont titulaires de droits fondamentaux dans le système interaméricain et ont qualité pour saisir la Commission et participer à la procédure devant la Cour (cf. cours n° 7 et n° 9). D’autre part, les organisations syndicales sont titulaires de droits en vertu du Protocole de San Salvador et peuvent exercer un droit de saisine pour les faire valoir ».

  1. De même, en vertu de l’article 1er du protocole facultatif au PIDCP, qui ne mentionne pas les ONG comme requérantes potentielles contrairement à l’article 34 de la CEDH, seuls les particuliers ont le droit de saisir le Comité des droits de l’homme. Dans ce cadre, le Comité considère que les communications dont il peut connaître ne peuvent émaner d’associations, de groupes d’associations, de partis politiques ou de sociétés, mais, au mieux, de groupes de particuliers, chacun de ceux-ci devant démontrer un intérêt personnel à agir[1].

[1] CDH, 10 avril 1984, Groupe d’associations pour la défense des personnes handicapées c. Italie, Communication n° 163/1984, décision d’irrecevabilité. Voir également H. Gherari, « L’accès à la justice interétatique ? » in H. Gherari, S. Szurek dir., L’émergence de la société civile internationale. Vers la privatisation du droit international ? », CEDIN Paris X, coll. Cahiers internationaux n° 18, Paris, Pedone, 2003, 350 p, 147.

  1. Des dispositions analogues à celles de la CEDH ont toutefois été interprétées comme autorisant l’acceptation d’une plainte d’ONG, et ce à la faveur d’une interprétation large de la notion de victime.

Voir ainsi CERD, 15 août 2005, comm. N° 30/2003, The Jewish Community of Oslo et a. c. Norvège[1]. L’article 14 § 1 de la convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale dispose en effet « Tout Etat partie peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d’être victimes d’une violation, par ledit Etat partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente Convention ». Sur ce fondement, le Comité admit la recevabilité de plaintes formées, outre par des individus, par des communautés juives et le Centre antiracisme norvégien contre la Norvège. Les plaignants avaient attaqué cet Etat pour avoir laissé se dérouler des manifestations antisémites et accomplir des violences antisémites sans condamner leurs auteurs. Le Comité, § 7.3, accepta de considérer les plaignants comme des victimes en tant que faisant partie d’une catégorie de victimes potentielles (ils n’avaient pas eux-mêmes été victimes d’actes violents). Il précisa, § 7.4, que, de son avis, le fait que trois des auteurs étaient des organisations ne posait aucun problème pour ce qui était de la recevabilité. Il interpréta l’article 14 de la Convention, qui mentionne expressément sa compétence pour recevoir des communications émanant de « groupes de personnes », comme n’exigeant pas que chaque membre du groupe soit individuellement victime d’une violation présumée, ce qui ôterait son sens à la disposition. Il estima donc que, compte tenu de la nature de leurs activités et des catégories de personnes qu’elle représentent, les organisations requérantes avaient elles aussi la qualité de « victimes » au sens de l’article 14[2].


[1] In Nations Unies, Droits de l’homme, Haut-Commissariat, Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Sélection de décisions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Volume I. De la trente-sixième à la soixante-quinzième session (aout 1988 – août 2011), Nations Unies, New York et Genève, 2012, p. 95.

[2] “The Committee did not consider the fact that three of the authors are organizations posed any problem to admissibility. As has been noted, article 14 of the Convention refers specifically to the Committee’s competence to receive complaints from ‘groups of individuals’. The Committee considered that to interpret this provision in the way suggested by the State party, namely to require that each individual within the group be an individual victim of an alleged violation, would be to render meaningless the reference to ‘groups of individuals’. The Committee had not hitherto adopted such a strict approach to these words. The Committee considered that, bearing in mind the nature of the organisations’ activities and the classes of person they represent, they too satisfied the ‘victim’ requirement in article 14”.

De même, la Cour de Justice de la CEDEAO, face à une disposition ressemblant également à l’article 34 CEDH inCongrès pour la démocratie et le Progrès (CDP) et autres c. L’Etat du Burkina : « Au sujet de l’irrecevabilité du recours, tirée de ce que le droit en cause – droit de participer aux élections et à la gestion des affaires publiques – serait un droit de l’individu et non d’une formation politique, la Cour doit d’abord rappeler (que) même si elle n’était saisie que par des associations de type politique, la Cour estime que rien ne l’empêcherait d’en connaître, pour la raison qu’une restriction d’un tel droit peut parfaitement léser une formation politique, structure dont la vocation consiste précisément à solliciter le suffrage des citoyens et à participer à la gestion des affaires publiques. Non seulement les textes qui régissent la Cour n’excluent pas que celle-ci puisse être saisie par des personnes morales – à la condition qu’elles soient cependant victimes- (article 10 d) du Protocole de 2005), mais ce serait de façon purement artificielle et déraisonnable que la Cour refuserait à des partis politiques le droit de la saisir dès lors que des droits liés à leur vocation de compétiteurs électoraux étaient violés »[1].


[1] CJCEDEAO, 13 juillet 2015, Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP) et autres c. L’Etat du Burkina, N°ECW/CCJ/JUD/16/15, paragraphe 20. Voir S. M. Ouedraogo, D. Ouedraogo, « Libres propos sur la transition politique au Burkina Faso ; Du contexte au texte de la Charte de la transition », Afrilex-u-bordeaux 4.fr.pdf, consulté le 10 janvier 2918, 28 p. ; O. Narey, Les facteurs déterminants pour la réussite d’une transition démocratique, 20, https://west africa.hss.de>west_Africa, 20 p., consulté le 10 janvier 2018.

1.3.2.2.1.1.2. Pour la défense de droits d’autres personnes ou de droits collectifs

  1. Parfois, le droit de saisir un organe d’une plainte ou communication est étendu à des associations et ONG ou autres personnes morales, sans exiger qu’elles soient elles-mêmes victimes (stricto ou lato sensu) des violations qu’elles allèguent ou qu’elles obtiennent une autorisation pour ce faire des victimes. Elles peuvent donc dénoncer des situations générales, donnant corps à l’actio popularis[1].

[1] ICJ, Practitioners Guide, No. 6, 2014, p. 299.

  1. On a vu que tel pouvait être le cas dans le système interaméricain sur le fondement de l’article 44 de la Convention interaméricaine. La Commission américaine admet ainsi que des associations agissent en défense de victimes même hors de la technique de la représentation, notamment dans l’affaire Yatama v. Nicargua, 23 juin 2005[1].

[1] Inter-American Court of Human Rights, Yatama v. Nicaragua, Judgement (Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs), 23 June 2005: “93. Given some of the arguments put forward by the State (supra para. 74), the Court considers it should clarify that, even if CENIDH and CEJIL, the Commission or any of the representatives of YATAMA had manifested in writing that the first two organizations represented “all” the alleged victims, when the Court has referred to these organizations as “the representatives of the alleged victims,” it has done so in the understanding that they would represent those alleged victims who effectively granted them powers of attorney and that, while this did not happen, the Commission would be responsible for defending the interests of those who lacked representation. Likewise, the Court recognizes that, throughout the proceedings before the Court, CENIDH and CEJIL presented requests, arguments and evidence in favor of all the alleged victims, even though not all of them had appointed these organizations as their representatives”.

  1. En revanche, cela est refusé par une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme réaffirmée in Cour européenne des droits de l’homme, Centre de Ressources Juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie, Requête Nº 47848/08, arrêt du 17 juillet 2014 : « 101. L’article 34 de la Convention n’autorise pas à se plaindre in abstracto de violations de la Convention. Celle-ci ne reconnaît pas l’actio popularis (Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, § 33, série A n° 28, Parti travailliste géorgien c. Géorgie (déc.), no 9103/04, 22 mai 2007, et Burden, précité, § 33), ce qui signifie qu’un requérant ne peut se plaindre d’une disposition de droit interne, d’une pratique nationale ou d’un acte public simplement parce qu’ils lui paraissent enfreindre la Convention. […] »[1]. On a vu en effet que la Convention exige des requérants, individus ou ONG, qu’ils allèguent être victimes d’une violation d’une de ses dispositions ou d’une disposition d’un protocole.

[1] Voir O. De Schutter, « L’émergence de la société civile en droit international : le rôle des associations devant la Cour européenne des droits de l’homme », 7 EJIL, 1996, pp. 372-410, 372 : « La jurisprudence actuelle des organes de surveillance de la Convention européenne des droits de l’homme exclut la requête d’intérêt collectif, c’est-à-dire la requête introduite par une association pour la défense de l’objet social en vue duquel elle est constituée » ; pp. 375-376 : « En règle, une association ne peut tirer argument de l’objet social qu’elle poursuit pour introduire une requête visant à la réalisation de cet objet social, même lorsque celui-ci consiste dans la protection des droits fondamentaux ou de certains d’entre eux. Si elle est critiquable par ses conséquences, l’exclusion de la requête d’intérêt collectif s’explique aisément. L’actio popularis n’est pas admise au bénéfice de requérants individuels dans le système de la Convention, seuls les Etats se voyant reconnaître un intérêt objectif, c’est-à-dire présumé de manière irréfragable, au respect de « l’ordre public européen » : il n’aurait pas été logique de permettre à des associations simplement en raison de l’objet social qu’elles se sont choisi, de remplir une fonction que le système du traité réserve aux seuls Etats parties ».

Un droit d’action par dénonciation peut être reconnu aux ONG à la faveur d’une interprétation généreuse du texte régissant la compétence de l’organe de protection et la recevabilité des plaintes[1]. En ce sens, alors que la Charte africaine ne mentionnait que très vaguement à son article 55 la possibilité de communications autres qu’étatiques, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a très tôt « interprété cette disposition comme donnant locus standi aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’aux ONG et aux autres personnes agissant en leur nom, même lorsqu’elles ne sont pas des représentants des victimes »[2] et accepté de recevoir des plaintes émanant d’ONG afin de pallier la difficulté d’accès à elle des individus. Ainsi décida-t-elle dans sa communication FIDH et autres c. Sénégal de novembre 2006 : « la Charte africaine n’exige pas que les victimes d’une communication soient identifiées. Aux termes de l’Article 56.1, seule l’identification de l’auteur ou des auteurs de la communication est requise. Il n’est en outre pas nécessaire que l’auteur ou les auteurs soi(en)t la ou les victimes ni même qu’il existe un lien quelconque entre l’auteur et la victime. […]. La souplesse de l’Article 56 de la Charte africaine, qui en cela diffère des autres systèmes internationaux de protection des droits de l’homme, se justifie pleinement dans le contexte africain et “reflète une sensibilité aux difficultés pratiques auxquelles les individus peuvent être confrontés dans les pays où sont violés les droits de l’homme »[3]. L’idée était en effet de pallier la difficulté d’accès à cette procédure des individus. D’ailleurs, l’essentiel du contentieux qu’elle connaît lui est porté par des associations et ONG.


[1] Pour une étude plus large du rôle des ONG dans le système africain de protection des droits de la personne humaine, M Sognigbé-Sangbana, « Les organisations non gouvernementales dans le système africain des droits de l’homme : Essai de systématisation du rôle des ONG dans le contentieux régional des droits de l’homme en Afrique », Annuaire africain des droits de l’homme, Vol. 5, 2021, pp. 231-252.

[2] ICJ, Practitioners Guide, No. 6, 2014, p. 302.

[3] FIDH, National Human Rights Organisation (ONDH) and Rencontre Africaine pour la Defense des Droits de l’Homme (RADDHO) v. Senegal, ACommHPR, Communication No. 304/2005, 40th Ordinary, 15–29 November 2006, para. 40. Voir aussi African Commission, 12 October 2013, Spilg and Mack & Ditshwanelo (on behalf of Lehlohonolo Bernard Kobedi) v Botswana, Communication No. 277/2003 : 74. It is very clear that Article 56(1) simply requires that the Communication indicate its author(s), even if they would like to remain anonymous. This provision does not specify which parties have standings before the African Commission. Indeed nowhere is it stated within the African Charter or African Commission‟s Rules that there should be a link between the author of a Communication and the victim of a human rights violation. 75.In fact, the African Commission has interpreted the relevant Article 56(1) of the African Charter, and also addressed the question of locus standibefore it in the Consolidated case of Communication 54/91, 61/91, 98/93, 164/97, to 196/97, 210/98 (Malawi African Association, Amnesty International, Ms Sarr Diop, Union Interafricaine des Droits de l’Homme and RADDHO, Collectif des Veuves et Ayants-droit, Association Mauritanienne des Droit de l’Homme/ Mauritania).In this case, the African Commission held that: “Article 56(1) of the Charter demands that anyone submitting Communications to the Commission relating to human and peoples‟ rights must reveal their identity. They do not necessarily have to be victims of such violations or members of their families. This characteristic of the African Charter reflects „sensitivity to the practical difficulties that individuals can face in countries where human rights are violated. The national or internationals channels of remedy may not be accessible to the victims themselves or may be dangerous to pursue” (Ibid.). There is therefore no requirement of legal interest for the authorship of a Communication (See also, WOAT/OMCT v Zaire [Communication No. 25/89, 47/90, 56/91, 100/93]). 76.Consequently, the African Commission has, through its practice and jurisprudence, adopted a generous access to its Complaint Procedure. It has adopted the actio popularis principle, allowing everyone the legal interest and capacity to file a Communication, for its consideration. For this purpose, non-victim individuals, groups and NGOs constantly submit Communications to the African Commission. More so, the African Commission, has, through its Guidelines on the Submission of Communications (African Commission on Human and Peoples’ Rights Information Sheet No. 2), encouraged the submission of Communications on behalf of victims of human rights violations, especially those who are unable to represent themselves”.

  1. Grâce à la pratique de la Commission, le système africain peut être considérée comme permettant devant celle-ci une actio popularis au profit des ONG et associations qui sont les principaux auteurs de pétitions dans ce cadre[1]. A ce titre, les ONG peuvent non seulement défendre des droits d’individus qui ne sont pas leurs membres, mais également de peuples[2]. Le système africain est en ce sens plus proche de celui américain[3].

[1] « The actio popularis principle is also applied by the African Commission, ‘allowing everyone the legal interest and capacity to file a Communication’, for its consideration and ‘to enable poor victims of human rights violations on the continent to receive assistance from NGOs and individuals far removed from their locality’. An NGO ‘with an interest in the protection and promotion of human rights in Africa’ will therefore be considered to fulfil this requirement », R. Murray, The African Charter on Human and Peoples’ Rights’, OUP, 2019, p. 696.

[2] Voir Commission Communication n° 155/96, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Econoic and Social Rights (CESR) v. Nigeria (affaire du peuple des Ogonis contre Nigéria et compagnie pétrolière), 13-27 Octobre 2001, où la Commission admit la recevabilité de l’action portée par deux ONG qui invoquaient la violation de droits d’individus dont il n’était nulle part indiqué qu’ils étaient leurs membres ainsi que du peuple Ogoni et remercia même, § 49, les deux ONG qui ont porté l’affaire à son attention, précisant que cela témoignait à la Commission et aux individus de l’actio popularis, autorisée par la Charte. Voir également Commission, Communication n° 304/05, FIDH, Organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) et rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) c ; Sénégal, § 40 : « la Commission [africaine] voudrait aborder la question de l’identité des victimes soulevée par l’État défendeur dans ses arguments. La Commission [africaine] rappelle à ce propos que la Charte africaine n’exige pas que les victimes d’une communication soient identifiées. Aux termes de l’article 56.1, seule l’identification de l’auteur ou des auteurs de la communication est requise. Il n’est en outre pas nécessaire que l’auteur ou les auteurs soi(en)t la ou les victimes ni même qu’il existe un lien quelconque entre l’auteur et la victime. Cela a d’ailleurs été confirmé par la pratique de la Commission africaine (note : Voir notamment la décision sur les Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 11 mai 2000, Malawi Africa Association, Amnesty International, Ms Sarr Diop, Union interafricaine des droits de l’homme et RADDHO, Collectif des veuves et ayants-droit, Association mauritanienne des droits de l’homme c. Mauritanie, Communications n° 54/91-61/91-96/93-98/93-164/97, 196/97-210/98, https://www.achpr.org/fr_sessions/descions?id=114). La souplesse de l’article 56 de la Charte africaine, qui en cela diffère des autres systèmes internationaux de protection des droits de l’homme, se justifie pleinement dans le contexte africain et « reflète une sensibilité aux difficultés pratiques auxquelles les individus peuvent être confrontés dans les pays où sont violés les droits de l’homme (Idem, § 78) ». Voir aussi Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 36e session ordinaire, 23 novembre – 7 décembre 2004, Bakweri Land Claims Committee c. Cameroun, Communication 260/02 [Irrecevabilité], § 46.

[3] M. Mubiala, Le système régional africain de protection des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, coll. Organisation internationale et relations internationales, n° 59, 2005, p. 81 : « En revanche, le système africain est proche de ce qui est prévu par la convention américaine qui, aux termes de son article 44, reconnaît le droit de saisine à toute personne ou tout groupe de personnes, toute entité non gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats membres de l’Organisation des Etats américains ». En effet, H. Tigroudja, « Le système africain de protection des droits de l’homme : laboratoire des droits universels ? Analyse des sources externes utilisées dans la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples », in Humanisme et droit. En hommage au professeur Jean Dhommeaux, Paris, Pedone, 2013, p. 415 : « Quant au système interaméricain, l’article 44 de la CADH accepte les pétitions adressées par la victime mais également par des ONG agissant en défense des droits de victimes. Cette disposition instaure une véritable actio popularis au profit de ces ONG, de sorte que devant la Commission interaméricaine, la personne qui la saisit n’a pas à démontrer qu’elle le fait au nom des victimes ».

  1. La situation devant la Cour est différente dans la mesure où, si l’article 5 § 3 du Protocole de Ouagadougou dispose bien que les individus et les ONG dotées du Statut d’observateur auprès de la Commission peuvent requérir sans avoir à alléguer la qualité de victime d’une violation d’un droit de la Charte, c’est à la Cour de leur permettre d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34 § 6 qui conditionne cette possibilité à une déclaration unilatérale de l’Etat mis en cause. La Cour dispose donc d’un pouvoir de filtrage des requêtes et le mécanisme établi ressemble à celui du certiorari qui permet à la Cour d’être maîtresse de l’accès des ONG et individus à son prétoire [1]. Elle a cependant accepté de connaître de recours d’ONG n’alléguant pas un préjudice propre[2].

[1] En ce sens, J.-F. Flauss, « Les organisations non gouvernementales devant les juridictions internationales compétentes dans le domaine de la protection des droits de l’homme », op. cit., pp. 98-99.

[2] Voir notamment Cour ADHP, 14 juin 2013, Tangagyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre and Reverand Christopher Mtikila c. Tanzanie, Requêtes n° 009/2011 et 011/2011, jonction d’instance des affaires, arrêt ; Cour ADHP, 18 novembre 2016, Actions pour la protection des droits de l’homme (APHD) c. Côte d’Ivoire, req. n° 001/2014 ; Cour ADHP, 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali, Requête n° 046/2016

Les ONG peuvent également saisir le Comité africain des droits de l’enfant de communications concernant toute question traitée par la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, c’est-à-dire sans avoir à invoquer la qualité de victime d’une violation, sur le fondement de l’art. 44 de celle-ci[1], ce qu’elles ne se privent pas de faire[2]. En ce sens encore, la CJCEDEAO accepte les requêtes d’ONG contre des Etats membres de l’organisation pour la violation de droits de la personne humaines autres que leurs droits subjectifs, y compris les droits de communautés entières et sans exigence d’un mandat de représentation[3].


[1] « Le Comité est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la présente Charte, de tout individu, groupe ou organisation non gouvernementale reconnue par l’Organisation de l’unité africaine, par un Etat membre, ou par l’Organisation des Nations Unies ».

[2] Voir entre autres Institute for Human Rights and Development in Africa and the Open society Justice Initiative (on behalf of Children of Nubian descent in Kenya) against the Government of Kenya, Dec. No 002/Com/002/2009, Comm. No Com/002/2009, 22 March 2011 ; The Centre for Human Rights (University of Pretoria) and La Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Sénégal) v. Senegal, Decision No. 003/COM/001/2012, Communication 001/2012, April 15, 2014; Institut pour les droits humains et le développement en Afrique et Finders Group initiative au nom de TFA (une mineure) contre le Gouvernement de la République du Cameroun, Dec. No 001/2018, Comm. No 006/Com/002/2015, May 2018 ; African Centre of Justice and Peace Studies (ACJPS) and People’s Legal Aid Centre (PLACE) against the Government of Republic of Sudan, Dec. No 002/2018, Comm. No. 005/Com/001/2015, May 2018

[3] Voir, entre autres, les différents contentieux initiés par le SERAP. Voir en particulier #CJCEDEAO, 10 December 2010, The Registered Trustees of the Socio-Economic Rights & Accounatbility Project (SERAP) v. President of the Federal Republic of Nigeria & Ors, Ruling, Suit No: ECW/CCJ/APP/08/09 and RUL. No: ECW/CCJ/APP/07/10 qui reconnaît à l’ONG le droit d’agir pour les droits du peuple du delta du Niger sans représentations : “52. The issue of the existence of the Plaintiff to access the Court was raised by the 3rd Defendant who bases its objection on the fact that the Plaintiff filed the action on behalf of the people of Niger Delta who is not a person known to law, and therefore cannot sue or be sued. To buttress that argument the 4th Defendant also stated that the Plaintiff itself is not a legal person under Nigerian Law. 53. This Court holds that the consideration made about Niger Delta region or people from Niger Delta as a non- existing entity is based on the assumption that the action is a representative one, that is, the application was filed on behalf of people from Niger Delta. The assertion is not the people from Niger Delta but the Registered Trustees of the Socio-Economic Rights and accountability Project (SERAP), non – governmental organization acting on its own without claiming to represent anyone else. […]. 61. Based on those authorities, and taking into account the need to reinforced the access to justice for the protection of human and people rights in the African context, the Court holds that an NGO duly constituted according to national law of any ECOWAS Member State, and enjoying observer status before ECOWAS institutions, can file complaints against Human Rights violation in case that the victim is not just a single individual, but a large group of individuals or even entire communities. 62. Thus, in considering the social purposes of the Plaintiff and the regularity of its constitution it does not need any specific mandate from the people of Niger Delta to bring the present lawsuit to the Court for the alleged violation of human rights that affect people of that region”.

  1. La qualité pour agir des ONG en matière environnementale pourrait également s’appuyer sur une lex specialis[1].

[1] Voir notamment CJCEDEAO, 10 December 2010, The Registered Trustees of the Socio-Economic Rights & Accounatbility Project (SERAP) v. President of the Federal Republic of Nigeria & Ors, Ruling, Suit No: ECW/CCJ/APP/08/09 and RUL. No: ECW/CCJ/APP/07/10 : “57. Article 2 (5) of Convention of « Access to Information, Public Participation in Decision- Making and Access to Justice in Environmental Matter « defines the « public concerned » with environment protection as « public affected or likely to be affected by, or having an interest in the environment decision-making for the purposes of this definition nongovernmental organization promoting environment and meeting requirements under national law shall be deemed to have an interest ». Article 9 of the same instrument confirms the access to justice to the public concerned as defined in Article 2 (5). 58. Although the convention is not a binding instrument on African States, its importance, as a persuasive evidence of an international communis opinion juris in allowing NGOs to access the Courts for protection of Human Rights related to the environment, cannot be ignored or underestimated by this court”.

  1. Il faut semble-t-il distinguer de cette hypothèse où l’ONG défend un droit général ou celui d’autres personnes privées qui n’ont pas de rapports particuliers avec elle l’hypothèse où elle défend un droit de ses membres. Ainsi, un syndicat pourra, selon les droits invoqués, se prétendre victime d’une violation des droits de ses membres. Ainsi en est-il de la liberté d’association qui emporte des droits au profit des syndicats[1]. Cependant, il semble que nous soyons ici plutôt face à une interprétation extensive de la notion de « victime » telle que vue supra et au dernier cours.

[1] Voir Commission EDH, Cheall c. Royaume-Uni, No. 10550/83, D.R., 42, p. 178 et National and Local Government Officers (NALGO) v. United Kingdom, No. 21386/93.

  1. On notera une singularité dans ce paysage de la protection internationale des droits de l’homme, le système du contrôle de la Charte sociale européenne. En effet, le Comité des droits sociaux chargé de contrôler son respect travaille dans le cadre de deux procédures. L’une, classique, consiste en un examen des rapports étatiques. La seconde est originale puisqu’il s’agit d’une procédure de réclamations, non individuelles, mais collectives. Celles-ci peuvent être introduites par certaines organisations : les organisations internationales d’employeurs et de travailleurs visés par la Charte sociale européenne ; les autres organisations internationales non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe et inscrites sur la liste établie à cet effet par le Comité gouvernemental ; les organisations nationales représentatives d’employeurs et de travailleurs relevant de la juridiction de la Partie contractante mise en cause par la réclamation[1].

[1] Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives, 9 novembre 1995, STE n° 158, art. 1. Voir aussi l’art. 2 : ‘1. Tout État partie peut, en outre, lorsqu’il exprime son consentement à être lié par le présent Protocole, conformément aux dispositions de l’article 13, ou à tout autre moment par la suite, déclarer reconnaître le droit de faire à son encontre des réclamations aux autres organisations nationales non gouvernementales représentatives relevant de sa juridiction et qui sont particulièrement qualifiées dans les matières régies par la Charte. 2. Ces déclarations peuvent être faites pour une durée déterminée. 3. Les déclarations sont remises au Secrétaire général du Conseil de l’Europe qui en transmet copies aux Parties contractantes, et qui en assure la publication ».

  1. Notons enfin, et bien qu’il ne s’agisse pas d’une procédure contentieuse, la procédure établie antérieurement au sein des Nations Unies et plus précisément de feue la Commission des droits de l’homme par la résolution 1503 (XL VIII) du 27 mai 1970. Celle-ci avait ouvert la voie à une participation active des ONG au processus de protection des droits de l’homme dans le cadre de la Commission. A l’époque, 60 000 plaintes environ lui étaient transmises chaque année, celles-ci étant presque exclusivement communiquées par les ONG[1]. Cette procédure a été maintenue sous le Conseil des droits de l’homme qui a succédé à la Commission en 2006, dans sa forme révisée en 2000 (« procédure 1503 révisée »).

[1] B. Stern, Avant-propos à S. Guillet, Nous, peuples des Nations Unies. L’action des ONG au sein du système de protection internationale des droits de l’homme, Paris, Montchrestien, coll. CEDIN –Paris I – Perspectives internationales, n° 10, 1995, 179 p., VI.

1.3.2.2.1.2. Les ONG comme assistantes ou représentantes d’individus

Les ONG peuvent également assister ou représenter des parties à un procès en leur offrant une expertise juridique ainsi qu’une aide morale, financière et matérielle.

1.3.2.2.1.2.1. L’assistance à ou la représentation de tiers stricto sensu

  1. Les Associations et ONG peuvent souvent apporter une simple assistance, juridique, financière, morale ou matérielle, à une partie au procès international qui, elle, dispose d’un véritable locus standi.
  1. Dans certains mécanismes, elles peuvent représenter une partie, comme un conseil ou un avocat peut le faire. Elles ne sont pas parties au contentieux, mais agissent pour le compte de l’individu demandeur.
  1. Le phénomène est courant devant la Cour africaine, celle-ci n’hésitant pas à solliciter elle-même des ONG pour conseiller un requérant[1].

[1] M. Sognigbé-Sangbana, « Les organisations non gouvernementales dans le système africain des droits de l’homme : Essai de systématisation du rôle des ONG dans le contentieux régional des droits de l’homme en Afrique », Annuaire africain des droits de l’homme, Vol. 5, 2021, p. 246.

  1. La Cour EDH exige quant à elle, sauf exception (Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Centre de Ressources Juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie, Requête Nº 47848/08, arrêt du 17 juillet 2014), un pouvoir ou mandat établi par la seconde au profit des premières.
  1. Tel n’est pas le cas Commission américaine ni de la Cour interaméricaine. La Cour a en effet déclaré dans l’affaire Yatama v. Nicaragua précitée que « les formalités qui caractérisent certaines branches du droit interne ne s’appliquent pas au droit international des droits de l’homme, dont la préoccupation principale et déterminante est la protection juste et complète de ces droits » et que « Si une demande n’était pas admise faute de représentant, cela constituerait une restriction injustifiée qui priverait la victime alléguée de la possibilité d’accéder à la justice »[1].

[1] I/A Court H.R., Yatama v. Nicaragua, Judgement (Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs), 23 June 2005, Series C No. 127, § 82: “The individual’s access to the Inter-American system for the protection of human rights cannot be restricted based on the requirement to have a legal representative. The application can be presented by a person other than the alleged victim. The Court has stated that “the formalities that characterize certain branches of domestic law do not apply to international human rights law, whose principal and determining concern is the just and complete protection of those rights (note: Cf. Case of Castillo Petruzzi et al. Preliminary objections. Judgment of September 4, 1998. Series C No. 41, para. 77)”; « 86. If an application was not admitted for lack of a representative, this would constitute an unwarranted restriction that would deprive the alleged victim of the possibility of access to justice”; Inter-American Court of Human Rights, Yatama v. Nicaragua, Judgement (Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs), 23 June 2005: “93. Given some of the arguments put forward by the State (supra para. 74), the Court considers it should clarify that, even if CENIDH and CEJIL, the Commission or any of the representatives of YATAMA had manifested in writing that the first two organizations represented “all” the alleged victims, when the Court has referred to these organizations as “the representatives of the alleged victims,” it has done so in the understanding that they would represent those alleged victims who effectively granted them powers of attorney and that, while this did not happen, the Commission would be responsible for defending the interests of those who lacked representation. Likewise, the Court recognizes that, throughout the proceedings before the Court, CENIDH and CEJIL presented requests, arguments and evidence in favor of all the alleged victims, even though not all of them had appointed these organizations as their representatives”.

Si le Comité des droits de l’homme et les organes américains refusent un droit d’agir aux personnes morales en leur nom propre, ils acceptent qu’elles représentent des personnes physiques.

1.3.2.2.1.2.2. La représentation de ses membres par l’ONG

Il existe d’autres cas très spécifiques où une personne morale peut « représenter » ses membres. Il faut pour cela que les intérêts et droits de ses membres soient si proches des siens que leur garantie converge. « Tel sera le cas lorsque le droit dont la violation est dénoncée est collectif par nature, de manière telle qu’il ne peut être exercé utilement par ses membres qu’au sein de l’association, laquelle peut, dès lors, se substituer à eux pour en réclamer le bénéfice »[1].


[1] O. de Schutter, « L’émergence de la société civile en droit international : le rôle des associations devant la Cour européenne des droits de l’homme », 7 EJIL, 1996, pp. 372-410, 373.

Toutefois, cette hypothèse où les droits de ses membres sont confondus avec ceux de la personne morale au point que celle-ci peut agir pour la protection de ceux-là reste exceptionnelle. Ainsi, dans l’affaire Pasteur X et Church of Scientology c. Suède, requête n° 7805/77, 16, p. 68, la Commission EDH admit, au sujet de l’article 9, que « Lorsqu’un organe ecclésial introduit une requête en vertu de la convention, il le fait en réalité au nom des fidèles. Il faut en conséquence admettre qu’un tel organe est capable de posséder et d’exercer, à titre personnel, en tant que représentant des fidèles, les droits énoncés à l’article 9(1) »[1]. Elle refusa en revanche d’appliquer cette jurisprudence pour d’autres droits dont le bénéfice est individuel et dont la garantie doit donc être demandée individuellement, comme ceux découlant de l’article 8.


[1] « In respect of the Church, the Commission has previously applied the rules according to which a corporation being a legal and not a natural person is incapable of having or exercising the rights mentioned in Article 9 (1) of the Convention (see Application No. 3798/68, Collection of Decisions 29, p. 70). The Commission has considered that the Church itself is protected in its rights under Article 9 through the rights granted to its members (see Application No . 7374/76, Decisions and Reports 5, p. 157) . In accordance with this view it would be open to named individual members of the Church to lodge an application under Article 25, in effect, on the Church’s behalf . This would cover for example the five named members of the governing board who decided to lodge the application. / The Commission, however, would take this opportunity to revise its view as expressed in Application No. 3798/68. It is now of the opinion that the above distinction between the Church and its members under Article 9(1 ) is essentially artificial . When a church body lodges an application under the Convention, it does so in reality, on behalf of its members. It should therefore be accepted that a church body is capable of possessing and exercising the rights contained in Article 9 (1) in its own capacity as a representative of its members. (…). Accordingly, the Church of Scientology, as a non-governmental organisation, can properly be considered to be an applicant within the meaning of Article 25(1) of the Convention”.

1.3.2.2.1.3. La tierce intervention et le dépôt de mémoires d’amicus curiae

Il s’agit de deux techniques en principe différentes de participation à un procès sans que son auteur devienne partie au différend et soit donc lié par l’arrêt de la Cour ou la conclusion de la Commission.

En droit international des droits de l’homme, l’intervention se fait soit au soutien des conclusions d’une partie parce que son auteur y a un intérêt soit au soutien d’une thèse qui défend ses droits susceptibles d’être affectés par l’affaire. L’amicus curiae est en revanche en principe désintéressé ; il n’agit que pour éclairer la Cour sur des situations factuelles ou sur l’état du droit. Il ne défend donc pas une cause juridique, mais le droit en tant qu’expert.

  1. Les organes de contrôle ne les distinguent cependant pas bien et on peut les comprendre tant la frontière est mince entre ces deux techniques. Il n’est en effet pas certain que l’amicus curiae soit vraiment désintéressé ; son initiative pour participer à une affaire montre qu’il y trouve un apport, qu’il soit personnel ou pour une cause générale. Ce qui tend à le considérer comme désintéressé est que l’intérêt qu’il défend est un intérêt collectif, la défense de son objet social qu’il s’est lui-même attribué et qui peut paraître général quand il correspond à l’objet de la convention en jeu. Une ONG de protection des droits de l’homme est toujours intéressée par la protection de ceux-ci dans le cas sub judice et au-delà, en sorte qu’il y a plus une continuité qu’une rupture entre ces deux modes de participation au procès, les deux consistant à vouloir induire une décision de la (quasi) juridiction et non à simplement présenter des faits et le droit[1].

[1] O. de Schutter, « L’émergence de la société civile en droit international : le rôle des associations devant la Cour européenne des droits de l’homme », 7 EJIL, 1996, pp. 372-410, 387.

  1. On notera en tout état de cause que sans ces techniques (et d’autres qui ne relèvent pas du contentieux), beaucoup d’organes internationaux de contrôle ne pourraient pas exercer correctement leur office. En particulier, les comités conventionnels sont composés d’experts bénévoles bénéficiant d’un Secrétariat commun à tous sans les moyens d’investigation suffisants pour accomplir leur tâche, que ce soit pour collecter les faits ou pour connaître l’état des droits étatiques ou la pratique des autres (quasi) juridictions. Les ONG pallient en partie ces limites même si elles biaisent parfois les procédures en apportant un éclairage tendancieux sur certaines situations ou sur le droit national ou en poussant certaines causes au détriment d’autres. Cela dit, elles ne peuvent intervenir que sur autorisation de l’organe de contrôle qui peut donc filtrer les interventions. Parfois, ce sont les organes de contrôle qui les sollicitent pour intervenir. Par ailleurs, les organes de contrôle peuvent citer expressément au soutien de la motivation de leurs décisions les rapports qu’elles ont pu élaborer indépendamment de toute logique contentieuse.
1.3.2.2.2. Le rôle des organisations internationales

Comme naguère dans le système européen, la commission africaine (art. 5 § 1 a) du protocole de Ouagadougou) et la Commission américaine peuvent saisir les cours régionales respectives.

La Cour africaine peut également être saisie par les organisations inter-gouvernementales africaines (art. 5 § 1 e) du protocole de Ouagadougou), tandis que les organes de l’OEA ne peuvent que demander des avis consultatifs à la Cour interaméricaine sur des questions relevant de leur compétence.

1.3.2.2.3. Les peuples

Les peuples se voient reconnaître un certain nombre de droits dans la Charte africaine. De leur côté, les peuples autochtones se sont vus reconnaître des droits, dans le silence des textes conventionnels, à la faveur d’une interprétation particulièrement constructive des organes régionaux de contrôle. Toutefois, la faculté pour les peuples de porter plainte devant un organe de protection des droits de l’homme se heurte à un grand obstacles, outre celui de la difficulté de les identifier : la non-reconnaissance de leur capacité d’action internationale. En effet, aucun système n’a jamais connu de plainte déposée par un peuple en tant que tel. Les droits de ceux-ci n’arrivent donc devant la (quasi) juridiction internationale qu’invoqués par d’autres sujets.

1.3.2.2.3.1. L’action par leurs membres

Très souvent, les droits des peuples sont revendiqués dans l’ordre international par leurs membres, individus isolés ou groupes d’individus qui invoquent la violation de leurs droits individuels. L’organe de contrôle, dans ce cas, peut reconnaître des droits individuels, non des droits collectifs.

La « pratique » de la Commission européenne a, de la même manière que le Comité des droits de l’homme, traité les droits des peuples autochtones principalement comme des droits de minorités, comme la jurisprudence de la Cour. Toutefois, comme le Comité, ces deux instances ont interprété la convention européenne en reconnaissant que la jouissance et l’exercice de certains droits individuels pouvaient avoir une dimension collective ou s’inscrire dans un mode de vie collectif.

1.3.2.2.3.2. En tant qu’ONG

La Commission européenne a pu admettre la qualité pour agir de villages sames en tant qu’ONG au titre de l’article 34. Ce n’était donc pas le peuple same en tant que tel qui était tenu pour titulaire de droits et de la qualité pour agir, mais des collectivités le composant, reconnues par le droit étatique comme des sujets de droit. C’était là la seule manière de protéger des droits traditionnels qui n’étaient pas individuels et ne pouvaient pas être revendiqués devant elle par un être que ne connaît pas la Convention.

1.3.2.2.3.3. Les ambiguïtés des systèmes américain et africain

Contrairement à la Commission et à la Cour africaines agissant pourtant dans le cadre de l’instrument le plus riche en droits des peuples, la Commission et la Cour américaine ont connu d’un grand nombre d’affaires où des peuples figurent comme parties dans l’intitulé des affaires. Pourtant, ce n’étaient pas eux qui portaient plainte.

On notera ainsi que la Commission américaine ne s’est jamais prononcée sur la qualité à agir devant elle des peuples autochtones, n’ayant jamais été saisie d’aucune pétition émanant de l’un d’eux, mais seulement de pétitions formées en leur nom par des individus ou ONG représentant leurs intérêts.

Quant à la Cour, si elle décida de connaître de leurs demandes, via la saisine de la Commission, cela ne fut longtemps possible qu’au moyen d’une réduction du peuple à un « groupe de personnes » pour le compte duquel un pétitionnaire peut agir sans avoir à présenter de mandat de représentation. Ainsi la Cour en décida-t-elle au sujet d’une saisine d’un leader communautaire devant la Commission dans l’affaire du Peuple Saramaka c. Suriname[1].


[1] Voir I/A Court H.R., Saramaka People v. Suriname, Judgment (Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs), 28 November 2007, Series C, n° 172: “22. Article 44 of the Convention permits any group of persons to lodge petitions or complaints regarding violations of the rights set forth in the Convention. This broad authority to file a petition is a characteristic feature of the Inter-American system for the protection of human rights. Moreover, a person or group of persons other than the alleged victims may file the petition. 23. In light of these considerations, this Tribunal finds no conventional prerequisite that the paramount leader of a community must give his or her authorization in order for a group of persons to file a petition before the Inter-American Commission to seek protection for their rights, or for the rights of the members of the community to which they belong. As previously noted, the possibility of filing a petition has been broadly drafted in the Convention and understood by the Tribunal (Cf. Case of Castillo Petruzzi et al. v. Peru. Preliminary Objections. Judgment of September 4, 1998. Series C No. 41, para. 77 ; Case of Acedevo Jaramillo et al. v. Peru. Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of February 7, 2006, Series C No. 144, para. 137 and Case of Yatama v. Nicaragua. Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of June 23, 2005, Series C No. 127, para.82). 24. Thus, for the purposes of this case, this Court is of the opinion that the Association of Saramaka Authorities, as well as the twelve Saramaka captains, can be considered as a “group of persons” in accordance with the wording of Article 44 of the Convention and the Court’s interpretation of said provision. Furthermore, the Court is of the opinion that, in light of the American Convention, it was not necessary for the petitioners to obtain authorization from the Gaa´man in order to file a petition before the Inter-American Commission. For these reasons, the Court dismisses the first preliminary objection ».

Certes, l’avis consultatif de la Cour OC-16/22 déclara que les communautés indigènes et tribales peuvent avoir un accès direct au système interaméricain pour chercher la protection de leurs droits et ceux de leurs membres, sans qu’il soit nécessaire que chacun de ces derniers se présente individuellement à cette fin[1], mais sans préciser le statut processuel de ces communautés.


[1] I/A Court H.R., Entitlement of legal entities to hold rights under the Inter-American Human Rights System (Interpretation and scope of Article 1(2), in relation to Articles 1(2), 8, 11(2), 13, 16, 21, 24, 25, 29, 30, 44, 46 and 62(3) of the American Convention on Human Rights, as well as of Article 8(1)(A) and (B) of the Protocol of San Salvador). Advisory Opinion OC-22/16 of February 26, 2016. Series A No. 22, § 84.

Quant au système africain, les peuples ne sont mentionnés comme requérants ni dans la Charte, ni dans le protocole de 1998 ni dans les protocoles ultérieurs. La Cour, saisie d’une seule affaire concernant directement les peuples autochtones par la Commission, a indiqué très clairement que les parties étaient la Commission et le Kenya[1]. Sa classification des affaires soumises à elle qui figure sur son site comporte les affaires déposées par des individus, par des ONG et par la Commission. On n’y trouve nulle trace de peuple dont aucun ne figure comme plaignant, fût-il représenté. S’agissant de la Commission, peu d’intitulés d’affaires mentionnent qu’un peuple est partie[2], affaires dans lesquelles elle ne s’attarda pas sur la question de la qualité pour agir de ceux-ci. En tout état de cause, il ne semble pas que la Commission africaine ait été saisie par des peuples autochtones. Si, ainsi, les organes africains insistent sur la garantie des droits des peuples, ils ne connaissent de ceux-ci que sur invocation par des particuliers (qui en sont généralement membres) ou des ONG avec la particularité par rapport aux systèmes onusien et européen qu’ils acceptent dans ce champ l’invocation de droits collectifs et non seulement individuels. On retrouvera donc la prise en considération de la spécificité des droits de peuples autochtones au stade du constat de violation puis de la réparation. L’absence de qualité pour agir des peuples devant les organes internationaux n’a en effet pas empêché que leurs droits propres soient mieux définis et pris en considération.


[1] Cour ADHP, African Commission on Human and Peoples’ Rights v Republic of Kenya, Application n°006/2012, Jugement du 26 mai 2017, §§ 1-2.

[2] Voir Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 22 mars 1995 Congrès du peuple katangais c. République démocratique du Congo, décision sur le fond (Ras sur qualité pour agir – okc droits et devoirs) ; Commission, 30 mai 2016, Communauté nubienne du Kenya c. Kenya

1.3.2.2.5. Un droit d’auto-saisine ?

L’article 58 de la Charte des droits de l’homme et des peuples semblerait ouvrir une sorte de droit d’auto-saisine de la Commission africaine sous réserve, toutefois, de l’accord de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement[1].

Dans ce cadre, la Commission africaine s’est reconnue la faculté d’instruire motu proprio une pétition, aux termes de l’article 24 de son Règlement de 2009.

On ne connaît toutefois aucun exemple d’auto-saisine dans nos systèmes régionaux.


[1] « 1. Lorsqu’il apparaît à la suite d’une délibération de la Commission qu’une ou plusieurs communications relatent des situations particulières qui semblent révéler l’existence d’un ensemble de violations graves ou massives des droits de l’homme et des peuples, la Commission attire l’attention de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement sur ces situations. 2. La Conférence des chefs d’État et de gouvernement peut alors demander à la Commission de procéder sur ces situations, à une étude approfondie, et de lui rendre compte dans un rapport circonstancié, accompagné de ses conclusions et recommandations. 3. En cas d’urgence dûment constatée par la Commission, celle-ci saisit le Président de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement qui pourra demander une étude approfondie ».

2. Les mécanismes non contentieux

2.1. Compétence matérielle

Hors contentieux, certaines instances ont une compétence générale comme l’EPU au niveau universel ou son équivalent africain, le mécanisme d’évaluation par les pairs dans le cadre du NEPAD.

De leur côté, le mécanisme de la procédure 1503 révisée et les mécanismes de plaintes établis dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et des systèmes régionaux couvrent la violation de l’ensemble des droits de l’homme par tout Etat, y compris, semble-t-il celles à l’égard desquelles il ne se serait pas engagé[1]. On le voit, le champ de compétence est ainsi bien plus large que celui des organes contentieux.


[1] Voir ainsi Conseil des droits de l’homme, résolution 5/2, Code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, 18 juin 2007, article 6 – Prérogatives : « Sans préjudice des prérogatives prévues dans leur mandat, les titulaires de mandat : […] c) Evaluent toutes les informations reçues à la lumière des normes relatives aux droits de l’homme internationalement reconnues relevant de leur mandat et des conventions internationales auxquelles l’Etat intéressé est partie ».

2.2. Le système de présentations de rapports étatiques

Dans la veine de ce qui existe dans le cadre des mécanismes de garantie devant les comités des traités universels, l’article 62 de la CADHP énonce que chaque Etat partie s’engage à présenter tous les deux ans un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la Charte[1]. Dans le silence de la Charte, la Commission a obtenu de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement que ce soit elle qui soit compétente pour en connaître. Dans ses observations finales, la Commission relève tant les aspects négatifs que ceux positifs et ceux pour lesquels elle se dit préoccupée, avant de formuler des « recommandations » à l’adresse de l’Etat examiné.

De même, le Comité africain des droits et du bien-être de l’enfant peut examiner les rapports que les Etats parties à la Charte des droits et du bien-être de l’enfant s’engagent à lui soumettre sur les mesures qu’ils auront adoptées pour donner effet aux dispositions de la Charte ainsi que des progrès réalisés dans l’exercice de ces droits (art. 43 de la Charte). Comme ci-dessus, après un dialogue avec l’Etat, le Comité établit ses « observations finales » et recommandations à l’Etat qui a déposé son rapport.


[1] Voir F.D. Gaer, “First Fruits: Reporting by States under the African Charter on Human and Peoples’ Rights”, NQHR, Vol. 10, No. 1, pp. 29-42. ; J. Hatchard, « Reporting Under International Human Rights Instruments by African Countries », Journal of African Law, Vol. 38, 1994, pp. 61-63.

De manière intelligente quand on sait le nombre de rapports que doivent établir les Etats et l’indigence de certaines administrations africaines, l’article 26 § 1 du Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique n’exige pas de rapports spécifique relatif à ses dispositions, mais énonce l’obligation des Etats d’inclure dans les rapports périodiques remis conformément à l’article 62 de la Charte des dispositions relatifs aux droits des femmes[1].


[1] « Les Etats assurent la mise en œuvre du présent protocole au niveau national et incorporent dans leurs rapports périodiques présentés conformément aux termes de l’article 62 de la Charte africaine, des indications sur les mesures législatives ou autres qu’ils ont prises pour la pleine réalisation des droits reconnus dans le présent Protocole ».

On trouve également cette technique de garantie dans les systèmes américain et européen.

De manière originale, sur le continent américain, les articles 42 et 43 de la Convention interaméricaine prévoient deux mécanismes de rapports devant la Commission[1]. Il en est de même de l’article 19 du Protocole additionnel de San Salvador relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1988 devant l’OEA (dont les organes de contrôle ont changé)[2]. Cela dit, la Commission est censée intervenir dans le mécanisme jusqu’ici, semble-t-il, inusité[3]. Voir également l’art. 17 de la Convention interaméricaine visant à prévenir et à punir la torture. De même, en vertu de l’article 10 d la Convention interaméricaine sur la prévention, la punition et l’éradication de la violence à l’égard des femmes de 1994, les Etats parties doivent soumettre un rapport périodique à la Commission interaméricaine des femmes. Voir encore la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées, l’examen des rapports périodiques étant l’instrument principal à la disposition du Comité interaméricain sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées.


[1] Article 42 : « Les Etats parties doivent remettre à la Commission des Droits de l’Homme copie des rapports et études qu’ils soumettent chaque année, dans leurs domaines respectifs, aux Comités exécutifs du Conseil économique et social interaméricain et du Conseil interaméricain pour l’Education, la Science et la Culture, afin que ladite Commission veille à la promotion des droits dérivés des normes économiques et sociales et de celles relatives à l’éducation, la science et la culture, énoncées dans la Charte de l’Organisation des Etats Américains, réformée par le Protocole de Buenos Aires » ; article 43 : « Les Etats parties à la présente convention s’engagent à fournir, sur demande de la Commission, des informations sur la manière dont leur droit interne assure l’application effective de toutes les dispositions de la Convention ».

[2] « 1. Les Etats parties au présent Protocole s’engagent à présenter, conformément aux dispositions du présent article et aux normes pertinentes que devra à cet effet élaborer l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats américains, des rapports périodiques sur les mesures progressives qu’ils auront prises pour assurer le respect des droits consacrés par le présent Protocole. 2. Tous les rapports sont présentés au Secrétaire général de l’OEA qui les transmet au Conseil économique et social interaméricain et au Conseil interaméricain pour l’éducation, la science e al culture pour qu’ils les examinent à la lumière des dispositions du présent article. Le Secrétaire général envoie copie desdits rapports à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. 3. Le Secrétaire général de l’Organisation des Etats américains transmet également aux organismes spécialisés dus système interaméricain, dont sont membres les Etats parties au présent Protocole, copies des rapports transmis ou des passages pertinents desdits rapports, dans la mesure où ils ont trait à des questions relevant de la compétence desdits organismes, conformément à leurs instruments constitutifs ».

[3] « Une copie de chaque rapport étatique est envoyée à la Commission qui a par ailleurs le pouvoir de formuler des observations et de faire des recommandations dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels à l’égard de tous les Etats parties ou de certains. Ces observations et recommandations sont intégrées dans le rapport annuel de la Commission à l’Assemblée générale ou dans un rapport spécial », L. Hennebel & H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2016, § 511.

En parallèle, en tant qu’organe de l’OEA, la Commission peut demander à tout Etat membre de cette organisation de lui donner des renseignements sur les mesures qu’ils ont adoptées en matière de droits de la personne humaine. Il semble que la Commission ait préféré ce système de demandes d’informations à certains Etats au contrôle systématique des rapports[1].


[1] « Pour des raisons historiques et stratégiques, la Commission interaméricaine des droits de l’homme n’a pas développé de mécanisme de contrôle sur rapport systématique des Etats parties à la Convention américaine. Elle a choisi en revanche d’utiliser ses pouvoirs statutaires (renforcés par l’article 41 de la Charte) pour examiner et suivre les situations des droits de l’homme de certains Etats en particulier. Ce mode de contrôle s’apparente plus, selon notre typologie, à un contrôle par voie d’enquête (…) », L. Hennebel & H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2016, § 510.

De manière originale, l’article 52 de la Convention EDH énonce une obligation des Etats parties de fournir un rapport périodique au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, mais sur demande et non de manière systématique et périodique[1]. Ce mécanisme de contrôle est cependant peu utilisé dans la pratique.


[1] « Toute Haute partie contractante fournira sur demande du Secrétaire général du Conseil de l’Europe les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l’application effective de toutes les dispositions de cette Convention ».

De manière plus classique, le Comité européen des droits sociaux adossé à la Charte sociale européenne exerce également un contrôle sur rapports transmis annuellement par les Etats parties aux deux chartes sur le respect par eux de certaines dispositions de ces instruments en plus d’autres fonctions. C’est le mécanisme principal à la disposition du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires pour contrôler le respect de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (adoptée en 1992 et entrée en vigueur en 1998), le Comité pouvant effectuer des visites pour vérifier le respect du traité avec l’accord de l’Etat intéressé. Il en est de même du Comité de bioéthique pour assurer le respect de la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (adoptée en 1997 et entrée en vigueur en 1999), étant précisé qu’il s’agit, comme pour la Convention EDH d’un rapport à fournir sur demande et non pas de manière automatique. C’est semble-t-il le seul mécanisme mis à la disposition du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales afin de surveiller le respect de ladite Convention-cadre (adoptée en 1995 et entrée en vigueur en 1998) ledit Comité disposant également d’une faculté de visite avec le consentement de l’Etat intéressé. Dans la même veine, le respect de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (adoptée en 2005 et entrée en vigueur en 2008) est surveillé par un contrôle des rapports des Etats parties qui doivent répondre à un questionnaire établi par le GRETA.

2.3. Les observations générales et avis consultatifs

En plus de leur travail d’étude et de rapport, les organes de contrôle peuvent développer des pratiques plus intrusives.

2.3.1. Les observations et recommandations générales

Les organes régionaux de contrôle peuvent adopter des observations ou recommandations générales.

  1. Ainsi en est-il de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples[1]. De même, en Europe, le comité européen des droits sociaux peut adopter des observations interprétatives[2] et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance « adopte des positions sur des problématiques particulières et s’efforce d’orienter les Etats du Conseil de l’Europe en leur offrant des lignes directrices en la matière. Pour ce faire, la Commission publie des recommandations de politique générale adressées aux Etats membres du Conseil de l’Europe »[3]. L’article 19 § 7 du Protocole de San Salvador confie un même type de compétence à la Commission interaméricaine[4].

[1] Voir ainsi #Commission ADHP, 6 novembre 2012, Observations Générales n° 1 sur l’article 14 (1) (d) et (e) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique. Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=14; Commission ADHP, 28 novembre 2014, Observation Générale n° 2 sur l’Article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et Article 14. 2 (a) et (c)) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique. Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=13; Commission ADHP, 12 décembre 2015, Observation générale n° 3 sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : le droit à la vie (article 4). Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=10; #Commission ADHP, 4 mars 2017, Observation générale n ° 4 : Le droit de réparation pour les victimes de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 5). Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=60; Commission ADHP, 10 novembre 2019, Observation générale n ° 5 sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : le droit à la liberté de circulation et de résidence (article 12 (1)). Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=74; Commission ADHP, 4 mars 2020, Observation générale n° 6 sur le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) : Le droit à la propriété en cas de séparation de corps, de divorce ou d’annulation de mariage (Article 7 (D)). Disponible à https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=75

[2] Voir ainsi Comité européen des droits sociaux, 21 avril 2020, Observation interprétative sur le droit à la protection de la santé en temps de pandémie

[3] L. Hennebel & H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2016, § 269.

[4] « Sans préjudice des dispositions du paragraphe précédent, la Commission interaméricaine des droits de l’homme peut formuler les observations et recommandations qu’elle juge pertinentes sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels établis dans le présent protocole dans la totalité ou dans certains des Etats parties, et les inclure dans son rapport annuel à l’Assemblée générale ou dans un rapport spécial, si elle le juge plus approprié ».

  1. Certains comités, en particulier le Comité des droits de l’homme, le comité des droits économiques, sociaux et culturels, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le comité contre la torture, le comité des droits de l’enfant, le comité des droits des personnes handicapées, formulent des « observations générales » au moyen desquelles ils peuvent poser leur interprétation des dispositions des traités dont ils ont la charge. Cela permet de prévoir leur jurisprudence et d’uniformiser l’interprétation des textes. De même, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes peut formuler des recommandations générales.
  1. Les procédures spéciales peuvent également formuler des opinions générales.

2.3.2. Les avis consultatifs

  1. En vertu de l’article 4 § 1 du Protocole de Ouagadougou, à la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l’OUA, de tout organe de l’OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour africaine peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme. Or, la Cour africaine a décidé d’entendre de manière compréhensive la notion d’« organisation », estimant que le terme « organisation » couvre aussi bien les organisation non gouvernementales que les organisations gouvernementales[1]. Elle a ainsi donné des avis sur des demandes émanant d’ONG[2], outre ceux donnés à la demande d’Etats, du Bureau du Parlement africain[3] ou encore du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant[4]. Le système africain est ainsi le seul système de protection des droits de la personne humaine à admettre la faculté pour une ONG de saisir un organe international de protection d’une demande d’avis consultatif même si la Cour a entendu de manière stricte la condition que l’ONG soit reconnue par l’Union africaine[5].

[1] Voir notamment Cour ADHP, 26 mai 2017, Demande d’avis introduite par Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP), n° 001/2013, avis : « 46. La Cour estime que l’utilisation du terme « Organisation » dans les instruments cités plus haut et de l’expression « Organisation africaine » à l’article 4 du Protocole couvrent aussi bien les organisations intergouvernementales que les organisations non gouvernementales. 47. La Cour est d’avis que si les rédacteurs du Protocole avaient voulu limiter l’expression « Organisation africaine » telle qu’elle est utilisée a l’article 4 du Protocole, aux seules organisations intergouvernementales africaines, ils l’auraient précisé de manière explicite comme ils l’ont fait à l’article 5 qui porte sur les affaires contentieuses. La Cour est d’avis qu’il ne s’agit pas d’une omission, mais d’une formulation délibérée, destinée à donner un accès étendu à la Cour aux organisations africaines ; ce qui est une interprétation conforme à l’esprit et a la lettre de l’article 4 ainsi qu’au but et a l’objectif de la Charte. 48. A la lumière de ce qui précède, la Cour considère que, lorsqu’il s’agit des ONG concernées par la présente demande, une organisation peut être considérée comme étant « africaine », si elle est enregistrée dans un Etat africain et est dotée de structures aux niveau sous-régional, régional ou continental et elle mène des activités au-delà du territoire dans lequel elle est enregistrée, de même que toute organisation de la Diaspora reconnue comme telle par l’Union africaine ; Cour ADHP, 28 septembre 2017, Demande d’avis consultatif introduite par le Centre des droits de l’homme de l’Université de Prétoria (CHR) et la Coalition des lesbiennes africaines, n° 002/2015, avis consultatif, § 49 (en l’espèce, si l’association est une organisation et qu’elle est africaine, son statut d’observateur auprès de la Commission ne signifie pas qu’elle est reconnue par l’UA, ladite reconnaissance se faisant par l’octroi du statut d’observateur de l’UA ou la signature d’un Mémorandum d’entente entre l’Union et les ONG) ; Cour ADHP, 28 septembre 2017, Demande d’avis consultatif introduite par l’association africaine de défense des droits de l’homme, n° 002/2016, avis consultatif, § 26 (en l’espèce, si l’association est une organisation et qu’elle est africaine, son statut d’observateur auprès de la Commission ne signifie pas qu’elle est reconnue par l’UA, ladite reconnaissance se faisant par l’octroi du statut d’observateur de l’UA ou la signature d’un Mémorandum d’entente entre l’Union et les ONG) ; Cour ADHP, 28 septembre 2017, Demande d’avis consultatif introduite par the Center for Human Rights, University of Pretoria, Federation of Women Lawyers in Kenya, Women’s Legal Centre; Women Advocates Research and Documentation Centre, Zimbabwe Women Lawyers Association, n° 001/2016, avis consultative, § 23 (en l’espèce, si l’association est une organisation et qu’elle est africaine, son statut d’observateur auprès de la Commission ne signifie pas qu’elle est reconnue par l’UA, ladite reconnaissance se faisant par l’octroi du statut d’observateur de l’UA ou la signature d’un Mémorandum d’entente entre l’Union et les ONG)

[2] Outre les avis précités, voir Cour ADHP, 28 septembre 2017, Demande d’avis, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme, n° 002/2014, avis ; Cour ADHP, 4 décembre 2020, Demande d’avis consultatif introduite par l’Union panafricaine des avocats (UPA) sur la compatibilité des lois sur le vagabondage avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et avec les autres instruments des droits de l’homme applicables en Afrique, n° 001/2018, avis. Disponible à https://www.african-court.org/cpmt/storage/app/uploads/public/5fd/0c6/53e/5fd0c653ec0e7417257939.pdf; Cour ADHP, 16 juillet 2021, Demande introduite par l’Union panafricaine des avocats (UPA) sur le droit de participer à la direction des affaires publiques dans un contexte d’une élection tenue lors d’une urgence de santé publique ou d’une pandémie, telle que la crise de la COVID-19, n° 001/2020, avis. Disponible à https://www.african-court.org/cpmt/storage/app/uploads/public/60f/574/52b/60f57452bb2bb482421992.pdf

[3] Cour ADHP, 16 juillet 2021, Demande d’avis consultatif introduite par le Parlement panafricain (PAP) sur l’application du principe de la rotation régionale dans le cadre de l’élection du bureau du PAP, n° 001/2021, avis

[4] Cour ADHP, 5 décembre 2014, Demande d’avis consultative introduite par le Comité africain d’experts sur les droits de l’homme et le bien-être de l’enfant au sujet du statut du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, n° 002/2013, avis. Disponible à https://www.african-court.org/cpmt/storage/app/uploads/public/5fd/224/1ba/5fd2241ba7c02839929777.pdf

[5] Voir A Jones ‘Form over substance: The African Court’s restrictive approach to NGO standing in the SERAP Advisory Opinion’ (2017) 17 African Human Rights Law Journal 320-328 ; TM Makunya & ZB Salomon, ‘La compétence consultative de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: entre restrictions organiques et limitations matérielles’ in EB Bope & S Makaya (dirs) Droit international des droits de l’homme, justice transitionnelle et droit international pénal (2020) 9-49.  ; M Sognigbé-Sangbana, « Les organisations non gouvernementales dans le système africain des droits de l’homme : Essai de systématisation du rôle des ONG dans le contentieux régional des droits de l’homme en Afrique », Annuaire africain des droits de l’homme, Vol. 5, 2021, pp. 243-244.

  1. On peut considérer que la Commission africaine a également compétence pour donner des avis et formuler des recommandations aux Etats parties à la Charte, l’article 45 § 3 de la Charte africaine disposant qu’elle a pour mission d’interpréter toute disposition de la Charte à la demande d’un Etat partie, d’une institution de l’OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l’OUA. Dans la même veine, la fonction confiée par l’article 42 c) de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant au Comité d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, consiste à « interpréter les dispositions de la présente Charte à la demande des Etats parties, des institutions de l’Organisation de l’unité africaine ou de toute autre institution reconnue par cette Organisation ou par un Etat membre ».

2.4. Les mécanismes des rapporteurs spéciaux, comités et groupes de travail

A l’image de ce qu’on trouve au niveau universel et dans le silence de la Charte africaine, la Commission africaine a créé des mécanismes subsidiaires tels que les rapporteurs spéciaux, les comités et groupes de travail ayant compétence sur des thèmes particuliers. On citera ainsi les rapporteurs spéciaux sur les prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique, sur les droits des femmes en Afrique, sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, sur les défenseurs des droits de l’homme et les représailles, sur les réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées internes et migrants en Afrique. On peut également mentionner les groupes de travail sur les populations et communautés autochtones, sur la peine de mort et les exécutions sommaires, sur les industries extractives, l’environnement et les violations des droits de l’homme, sur les droits économiques, sociaux et culturels, sur les personnes âgées et handicapées. Il convient encore de relever le Comité sur la protection des droits des personnes atteintes du VIH, des personnes à risques et des personnes vulnérables affectées par le VIH et celui pour la prévention de la torture.

De même, la Commission américaine a institué plusieurs rapporteurs ayant des compétences thématiques[1], notamment sur les droits des femmes, sur la mémoire, la vérité et la justice, sur les personnes privées de liberté, les personnes d’ascendance africaine, sur les droits des personnes âgées, sur les enfants et adolescents, sur les peuples autochtones, sur la mobilité humaine, sur les défenseurs des droits, sur les personnes handicapées, sur la liberté d’expression, sur les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux ou encore sur les questions d’orientation sexuelle, d’identité de genre, d’expression de genre et de diversité corporelle le 8 novembre 2013[2].


[1] Pour un tableau, https://www.oas.org/fr/CIDH/jsForm/?File=/fr/cidh/mandato/composition.asp#2

[2] https://www.oas.org/fr/cidh/prensa/comunicados/2013/094.asp

3. Les conclusions dégagées par les organes

Les personnes et entités qui ont recours à un mécanisme contentieux peuvent poursuivre plusieurs fins qui peuvent se combiner, par exemple la cessation du fait illicite allégué, la reconnaissance de la qualité de victimes du plaignant ou de celui pour lequel ce dernier agit, la modification du droit existant, une réparation du dommage subi (laquelle peut prendre plusieurs formes) ou la garantie que la violation ne se reproduira pas. Il n’est cependant pas sûr que tous les mécanismes permettent d’obtenir la mesure attendue.

3.1. Objet des conclusions

Il faut distinguer les mécanismes contentieux des mécanismes non contentieux en tant qu’ils obéissent à des logiques générales très différentes qui ont des incidences sur ce que les organes de contrôle peuvent dire et faire.

3.1.1. Dans le cadre des mécanismes contentieux

La plupart du temps, ce que peut dire et faire l’organe de contrôle saisi d’une plainte ou communication n’est pas déterminé par les traités pertinents. Par exemple, selon l’article 52 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux communications étatiques, « Après avoir obtenu tant des Etats parties intéressés que d’autres sources, toutes les informations qu’elle estime nécessaires et après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l’homme et des peuples, la Commission établit, dans un délai raisonnable […], un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est envoyé aux Etats concernés et communiqué à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement », l’article 53 ajoutant sans plus de précision : « Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, telle recommandation qu’elle jugera utile[1].


[1] Si la Convention américaine relative aux droits de l’homme consacre deux articles relatifs aux conclusions de la Commission tant sur communication individuelle qu’étatique, elle n’est pas plus précise sur l’objet de celles-ci. Ainsi, selon l’article 50 : « 1. Si une solution n’est pas trouvée dans le délai fixé par le Statut de la Commission, celle-ci rédigera un rapport exposant les faits de la cause et ses conclusions. […]. Seront également ajoutés au rapport le compte rendu des dépositions orales et les déclarations écrites faites par les Parties conformément au paragraphe 1 e) de l’article 48. […]. 3. En soumettant le rapport, la Commission pourra formuler les propositions et recommandations qu’elle aura jugées appropriées ». Quant à l’article 51 : « 1. Si dans un délai de trois mois, à compter de la remise aux Etats intéressés du rapport de la Commission, l’affaire n’est pas tranchée ou déférée à la Cour par la Commission ou par l’Etat en cause, la juridiction de la Commission étant acceptée, celle-ci pourra, à la majorité absolue de ses membres, émettre un avis et des conclusions quant à la question soumise à son examen. 2. La Commission formulera les recommandations pertinentes et fixera le cas échéant un délai dans lequel l’Etat doit prendre les mesures qui lui compètent pour remédier à la situation considérée. 3. A l’expiration du délai imparti, la Commission décidera à la majorité absolue de ses membres si l’Etat en question a pris ou non des mesures appropriées et si elle publiera ou non son rapport ». La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ne mentionne même pas l’issue de la procédure devant le Comité.

De la même manière, il peut être stipulé dans le traité ou le protocole, sans autre précision, que cet organe peut faire des « constatations »[1], « observations » ou émettre son opinion ou ses conclusions – parfois seulement de fait[3] – et éventuellement formuler des recommandations sans précision de l’objet de celles-ci[4].


[1] Voir ainsi l’article 22 § 7 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant les communications individuelles : « Le Comité fait part de ses constatations à l’Etat partie intéressé et au particulier ». Dans ce sens également le Comité des droits de l’homme, le Comité CEDAW, le Comité CRPD

[3] Voir ainsi l’article 21 § 1 ii) de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  concernant les communications étatiques : « Si une solution n’a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa e), le Comité se borne, dans son rapport, à un bref exposé des faits ; le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport » ; l’article 21 § 1 ii) de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « Si une solution n’a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa e), le Comité se borne, dans son rapport, à un bref exposé des faits ; le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport ».

[4] Il est prévu à l’article 10 § 5 du Protocole à la convention sur les droits de l’enfant : « Après avoir examiné une communication, le Comité transmet sans délai aux parties concernées ses constatations au sujet de cette communication, éventuellement accompagnées de ses recommandations ». Un suivi est organisé à l’article 11 selon lequel l’Etat intéressé répond au Comité, ce dernier ne pouvant que demander des renseignements complémentaires. Voir également l’article 53 de la Charte africaine au sujet des plaintes devant la Commission : « Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, telle recommandation qu’elle jugera utile », l’article 9 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC adopté le 10 décembre 2008 par la résolution 63/117 de l’AGNU, entré en vigueur : « 1. Après avoir examiné une communication, le Comité transmet ses constatations sur la communication, accompagnées, le cas échéant, de ses recommandations aux parties intéressées ».

De même, encore, un certain nombre de traités portant protection des droits de la personne humaine ou leur protocole prévoient comme mission de l’organe saisi d’une communication individuelle ou étatique qu’il offre ses bons offices ou exerce une mission de conciliation pour faciliter un règlement amiable du différend[1]. Ils ne précisent cependant jamais l’objet de celui-ci, exigeant seulement et au mieux qu’il soit fondé sur le respect des droits de l’homme[2].


[1] Voir notamment C. A. NØRGAARD, H. C. KRUGER, « Article 28 § 1-b et § 2 », in L.-E. Pettiti, E. Decaux, P.-H. Imbert dir., La convention européenne des droits de l’homme. Commentaire article par article, 2e éd., Paris, Economica, 1999, pp. 661-679.

[2] Par exemple, l’article 52 précité de la Charte africaine pour la Commission concernant les communications étatiques, la procédure de règlement amiable n’étant pas expressément prévue pour les autres communications ; l’article 9 du Protocole de Ouagadougou pour la Cour applicable pour toute communication : « La Cour peut tenter de régler à l’amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte » ; l’art. 48 de la convention américaine : « 1. Saisie d’une pétition ou communication, faisant état d’une violation de l’un quelconque des droits consacrés par la présente Convention, la Commission procèdera comme suit : […] ; f. elle se mettra à la disposition des Etats intéressés en vue d’aboutir à un règlement amiable fondé sur le respect des droits de l’homme reconnus dans la présente Convention », l’article 49 n’étant pas plus précis : « En cas de règlement amiable aux termes de l’alinéa f) de l’article 48, la Commission rédigera un rapport qui sera transmis au pétitionnaire et aux Etats parties puis communiqué, aux fins de publication, au Secrétaire général de l’Organisation des Etats américains. Ce rapport se bornera à un exposé sommaire des faits et de la solution obtenue. Cependant, si un des Etats intéressés le demande, les informations les plus détaillées possibles lui seront fournies » ; Protocole facultatif se rapportant au PIDESC, art. 7 concernant les communications individuelles : « 1. Le Comité met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de la question fondé sur le respect des obligations énoncées dans le Pacte. 2. Tout accord de règlement amiable met un terme à l’examen de la communication présentée en vertu du présent protocole » et art. 10 concernant les communications étatiques : « d) Sous réserve des dispositions de l’alinéa c) du présent paragraphe [épuisement des recours internes], le Comité met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de la question fondé sur le respect des obligations énoncées dans le Pacte » à lire avec l’article 10 h  : « Le Comité doit, avec la célérité voulue à compter du jour où il a reçu la notification visée à l’alinéa b) du présent paragraphe, présenter un rapport comme suit : i) si une solution a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa d) du présent paragraphe, le Comité se borne, dans son rapport, à un bref exposé des faits et de la solution retenue ». L’article 9 du protocole à la convention relative aux droits de l’enfant instaure un mécanisme (autonome ?) de règlement amiable.

On peut cependant faire le départ entre ce qui est toujours dans les conclusions car en constitue le noyau fondamental – l’appréciation de la licéité de l’acte ou du comportement étatique contesté – et ce qui peut constituer un complément, l’indication à l’Etat dont le comportement serait illicite d’un comportement déterminé.

3.1.1.1. L’appréciation de la licéité de l’acte ou du comportement étatique litigieux

On peut affirmer au regard des très rares instruments conventionnels qui régissent la question[1] de la pratique et surtout de l’objet même des procédures contentieuses que les conclusions de l’organe saisi comprennent au moins l’appréciation de la licéité internationale du comportement ou de l’acte litigieux.

Elles s’articulent en effet toutes selon un schéma type, bien sûr susceptible de variations, qui comprend souvent, outre les développements sur la compétence de l’organe saisi et la recevabilité de la demande, un énoncé des faits de l’affaire, un résumé de la procédure, la position des parties sur les différents points de droit, l’analyse de l’organe saisi et sa conclusion. Or, l’organe saisi devant répondre à la demande qui consiste par principe et au minimum à invoquer la violation par l’Etat défendeur de ses obligations, ses analyses et conclusions devront au minimum, et sans qu’il soit besoin d’un texte spécifique, comporter une appréciation de la licéité du comportement incriminé.


[1] Voir ainsi l’article 8 § 4 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC adopté le 10 décembre 2008 par la résolution 63/117 de l’AGNU, entré en vigueur : « Lorsqu’il examine les communications qu’il reçoit, le Comité détermine le caractère approprié des mesures prises par l’Etat partie, conformément aux dispositions de la deuxième partie du Pacte. Ce faisant, il garde à l’esprit le fait que l’Etat Partie peut adopter un éventail de mesures pour mettre en œuvre les droits énoncés dans le Pacte ».

Certains organes s’en tiennent à cette constatation, sans même dire qu’elle vaut réparation, se contenant au mieux de régler la question des coûts de la procédure[1].


[1] Voir notamment EACJ, 1 December 2011, Plaxeda Rugumba v. Secretary General EAC, Judgment, Ref. No. 8 of 2010

Même quand le texte permet à l’organe contentieux de tirer des conséquences d’un constat d’illicéité, le dit organe peut se contenter de ce constat, jugeant que celui-ci constitue en lui-même une réparation. Il en est ainsi de la Cour africaine[1] comme de la Cour interaméricaine[2] et de la Cour européenne.


[1] Voir Cour ADHP, 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali, § 135, xi : « Dit que la constatation des violations ci-dessus constitue en soi une forme de réparation pour les Requérants », étant précisé que ceux-ci sont deux ONG qui n’ont pas subi de préjudice direct du fait de l’adoption de la loi et que la Cour a également ordonné au Mali de modifier la loi contestée et censurée par elle.

[2] I-A Court H.R., August 31, 2020, Case of Acosta Martínez et al. v. Argentina, Merits, Reparations and Costs, Judgment, Series C No. 410, dispositif, § 6: “This judgment constitutes, per se, a form of reparation”

3.1.1.2. L’indication à l’Etat dont le comportement est illicite d’un comportement déterminé

Très peu de textes prévoient expressément la possibilité pour l’organe de contrôle contentieux de statuer sur la réparation du dommage subi par le plaignant ou sur toute autre conséquence de la constatation de non-conformité au traité. La plupart se contentent d’énoncer que l’organe peut formuler des « recommandations » dont la teneur n’est pas précisée, à l’instar de l’article 53 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux communications étatiques devant la Commission : « Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, telle recommandation qu’elle jugera utile ».

Sur le fondement d’une habilitation expresse pour ce faire ou de sa propre initiative, l’organe saisi devra ou pourra être amené à aller plus loin que ce constat et en tirer des conclusions sur ce que l’Etat devrait faire en conséquence d’un comportement illicite. Si certains textes mentionnent la réparation, c’est sans préciser en quoi elle doit consister. Toute une gamme de mesures est dans ce cadre envisageable qui relèvent du droit de la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, étant précisé que certaines conclusions appuient sur plusieurs notes de cette gamme simultanément.

Un certain nombre d’organes ont en effet décidé, dans le silence ou l’ambiguïté de leur statut, de traiter la question de la réparation. Cela paraît de bonne politique juridique en tant que cela s’inscrit dans la logique de l’affirmation par la C.P.J.I. dans l’Affaire relative à l’usine de Chorzów (Demande en indemnité) (fond), 13 septembre 1928 : « c’est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de réparer. […] la réparation est le complément indispensable d’un manquement à l’application sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même ». Il devrait en effet découler de ce dictum que la compétence pour juger de l’interprétation ou de l’application d’un traité emporte la compétence pour connaître des conséquences de sa violation. Ainsi : Affaire relative à l’usine de Chorzów (Demande en indemnité) (fond), 13 septembre 1928, Rec. C.P.J.I., Série A, n° 17, p. 4, 27 : « L’article 23 de la Convention de Genève ne vise que les divergences d’opinions résultant de l’interprétation et application des articles 6 à 22 de la Convention de Genève, qui s’élèveraient entre les deux Gouvernements signataires. […] la Cour a affirmé sa compétence pour statuer sur la réparation demandée parce qu’elle considérait la réparation comme le corollaire de la violation des obligations résultant d’un engagement entre Etats ». De même, dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, arrêt du 27 juin 1986, p. 14, 142, la Cour déclara qu’en règle générale, la compétence pour décider au fond emporte celle d’accorder réparation. De même, dans l’affaire LaGrand, arrêt du 27 juin 2001, § 48 : « S’il est établi que la Cour a compétence pour connaître d’un différend portant sur une question déterminée, elle n’a pas besoin d’une base de compétence distincte pour examiner les remèdes demandés par une partie pour la violation en cause (Usine de Chorzów, C.P.J.I. Série A n° 9, p. 22) ».

La Cour EDH s’est appuyée sur cette jurisprudence pour interpréter l’article 41 de la Convention in Cour EDH, GC, Chypre c. Turquie(Satisfaction équitable), arrêt du 12 mai 2014[1].


[1] « 41. Le principe de droit international le plus important relativement à la violation par un Etat d’une obligation découlant d’un traité veut que « la violation d’un engagement entraine l’obligation de réparer dans une forme adéquate » (voir l’arrêt rendu par la Cour permanente de justice internationale dans l’Affaire relative à l’usine de Chorzów (compétence), arrêt no 8, 1927, série A no 9, p. 21). En dépit du caractère spécifique de la Convention, la logique globale de l’article 41 ne diffère pas fondamentalement de celle qui gouverne les réparations en droit international public : « [i]l est une règle bien établie du droit international, qu’un Etat lésé́ est en droit d’être indemnisé, par l’Etat auteur d’un fait internationalement illicite, des dommages résultant de celui-ci » (voir l’arrêt de la Cour internationale de Justice rendu dans l’Affaire relative au projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie), CIJ Recueil 1997, p. 81, § 152). Il est également bien établi qu’une juridiction internationale qui a compétence pour connaître d’une allégation mettant en cause la responsabilité d’un Etat a le pouvoir, en vertu de cette compétence, d’octroyer une réparation pour le dommage subi (voir l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice dans l’Affaire de la compétence en matière de pêcheries (République fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, CIJ Recueil 1974, pp. 203-205, §§ 71-76). 42. Dans ces conditions, gardant à l’esprit la spécificité de l’article 41 en tant que lex specialis par rapport aux règles et principes généraux du droit international, la Cour ne saurait interpréter cette disposition dans un sens étroit et restrictif excluant les requêtes interétatiques de son champ d’application. Au contraire, une interprétation large englobant les différents types de requête est confirmée par le libellé de l’article 41, qui dispose que « la Cour accorde à la partie lésée (en anglais, « to the injured party ») (…) une satisfaction équitable », le mot « partie » (avec un p minuscule) devant être compris comme désignant l’une des parties à la procédure devant la Cour. […]. 43. Dès lors, la Cour estime que l’article 41 de la Convention s’applique bien, en tant que tel, dans les affaires interétatiques. Toutefois, la question de savoir s’il se justifie d’accorder une satisfaction équitable à l’Etat requérant doit être examinée et tranchée par la Cour au cas par cas, eu égard notamment au type de grief formulé par le gouvernement requérant, à la possibilité d’identifier les victimes des violations et à l’objectif principal de la procédure, dans la mesure où il ressort de la requête initialement introduite devant la Cour. La Cour admet qu’une requête introduite devant elle en vertu de l’article 33 de la Convention peut renfermer différents types de griefs visant des buts différents. En pareil cas, chaque grief doit être examiné séparément afin de déterminer s’il y a lieu d’octroyer une satisfaction équitable » ; « 45. Il existe aussi une autre catégorie de griefs interétatiques, où l’Etat requérant reproche à une autre Partie contractante de violer les droits fondamentaux de ses ressortissants (ou d’autres personnes). En réalité, pareils griefs sont comparables en substance non seulement à ceux soulevés dans une requête individuelle introduite en vertu de l’article 34 de la Convention mais aussi à ceux qui peuvent être présentés dans le cadre de la protection diplomatique, définie comme « l’invocation par un Etat, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un autre Etat pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit Etat à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier Etat en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité » (article premier du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la Commission du droit international en 2006 […], ainsi que l’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (« l’affaire Diallo »), exceptions préliminaires, CIJ Recueil 2007, p. 599, § 39). Si la Cour accueille des griefs de ce type et conclut à la violation de la Convention, il peut être opportun d’allouer une satisfaction équitable eu égard aux circonstances particulières de l’affaire et aux critères exposés au paragraphe 43 ci-dessus. 46. Cela étant, il ne faut jamais oublier que, du fait de la nature même de la Convention, c’est l’individu et non l’Etat qui est directement ou indirectement touché et principalement « lésé » par la violation d’un ou de plusieurs des droits garantis par la Convention. Dès lors, si une satisfaction équitable est accordée dans une affaire interétatique, elle doit toujours l’être au profit de victimes individuelles. À cet égard, la Cour note que l’article 19 du projet d’articles sur la protection diplomatique précité recommande de « [t]ransférer à la personne lésée toute indemnisation pour le préjudice obtenue de l’État responsable, sous réserve de déductions raisonnables ». De surcroît, dans l’affaire Diallo précitée, la Cour internationale de Justice a expressément tenu à rappeler que « l’indemnité accordée à [l’État requérant], dans l’exercice par [celui]-ci de sa protection diplomatique à l’égard de M. Diallo, [était] destinée à réparer le préjudice subi par celui-ci » (Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (« l’affaire Diallo »), indemnisation, CIJ Recueil 2012, p. 344, § 57) ».

3.1.1.2.1. Le versement d’une réparation à titre d’indemnisation

Tous les instruments ne mentionnent pas la réparation et ceux qui le font sont variés.

Dans le système européen, la réparation prévue n’est en principe pas une réparation intégrale mais s’apparente plus à une indemnisation, la Convention utilisant l’expression « satisfaction équitable ». Et encore celle-ci n’est-elle prévue qu’à titre subsidiaire, si le droit interne de celui-ci ne permet pas de remédier à la violation constatée[1]. Les arrêts de la Cour sont donc normalement seulement déclaratoires d’une violation ou non[2], la réparation n’intervenant que si la restitutio in integrum par l’Etat n’est pas possible soit à raison de la nature de l’obligation violée, soit à raison du droit interne de l’Etat concerné[3].


[1] Article 41 – Satisfaction équitable : « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable ».

[2] Ainsi, in Zanghi c. Italie, 10 février 1991, § 25, la Cour décida : « Les juridictions nationales, qui demeurent saisies de l’action du requérant, gardent la possibilité d’effacer les conséquences patrimoniales du dépassement du délai raisonnable (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Brigandi de ce jour, par. 34). Dès lors, et dans les circonstances de la cause, il apparaît indiqué de rejeter la demande en l’état ».

[3] Dans ce sens également, entre autres, Papamichalopoulos et autres c. Grèce, 31 octobre 1995, § 34 : « La Cour rappelle que par l’article 53 de la convention les Hautes Parties contractantes se sont engagées à se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ; de plus, l’article 54 prévoit que l’arrêt de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l’exécution. Il s’ensuit qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. / Les Etats contractants parties à une affaire sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation. Ce pouvoir d’appréciation quant aux modalités d’exécution d’un arrêt traduit la liberté de choix dont est assortie l’obligation primordiale imposée par la convention aux Etats contractants : assurer le respect des droits et libertés garantis (article 1). Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’Etat défendeur de la réaliser, la Cour n’ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 50 habilite la Cour, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée ».

Par contraste, les systèmes américain et africain reconnaissent à leur Cour le pouvoir d’ordonner des mesures de réparation qui peuvent aller au-delà de l’indemnisation du préjudice subi, quoi que puisse fournir le droit de l’Etat concerné[1].


[1] Pour des exemples de réparation/indemnisation, I-A Court H.R., August 31, 2020, Case of Acosta Martínez et al. v. Argentina, Merits, Reparations and Costs, Judgment, Series C No. 410, dispositif, § 11: “The State shall pay the amounts established in paragraphs 136, 137, 143, and 146 of this judgment as compensation for pecuniary and non-pecuniary damage, and to reimburse costs and expenses, pursuant to paragraphs 151 to 156 of this judgment ».

Malgré l’absence de disposition lui conférant expressément cette prérogative, la Commission africaine a décidé de recommander des mesures d’indemnisation[1]. Souvent, elle renvoie pour la détermination de celles-ci au droit interne de l’Etat en cause, estimant ne pas pouvoir s’immiscer dans son système interne[2]. L’article 27 § 1 du Protocole relatif à la Charte africaine de 1998 dispose que, à défaut d’un règlement amiable, lorsque la Cour africaineestime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, elle « ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation », étant expressément précisé au § 2 qu’en cas d’extrême gravité ou d’urgence, et lorsqu’il s’avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, elle pourra ordonner des mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.


[1] Par exemple, Commission ADHP, 31 octobre 1996, Abubakar c. Ghana, Communication 103/93 (2000) RADH 116 (CADHP 1996), dispositif : « Par ces motifs, la Commission Déclare qu’il y a eu violation des articles 6 et 7.1(d) de la Charte ; Invite que [sic] le Gouvernement à prendre les mesures appropriées pour réparer le préjudice subi » ; Comm. ADHP, décision du 29 mai 2003, République Démocratique du Congo c. le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, n° 227/99, http://caselaw.ihrda.org/fr/doc/227.99/view/ [consulté le 6 février 2015], dispositif, après le constat de violation de plusieurs dispositions de la Charte africaine, la Cour : « Recommande des indemnisations adéquates et de manière appropriées à l’Etat plaignant et dans l’intérêt des victimes de violations des droits de l’homme par les forces armées des Etats défendeurs tandis qu’elles contrôlaient effectivement les provinces de l’Etat plaignant qui ont souffert de ces violations » ; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 29 novembre 2006, Antoine Bissangou c. Congo, Communication n° 253/02 (2006) AHRLR 80 (ACHPR 2006), dispositif : « […] Demande en outre à la République du Congo de pourvoir à la réparation du préjudice subi par le plaignant et dont le montant sera déterminé en fonction de la législation congolaise » ; Comm ADHP, 26 May 2010, Kenneth Good v Botswana (2010) AHRLR 43 (ACHPR 2010), Communication No. 313/05, § 244 : « La Commission recommande que : 1. L’Etat défendeur verse une indemnisation suffisante à la victime pour les pertes qu’elle a subies en conséquence des violations. L’indemnisation couvre mais sans non exclusivement, la rémunération et les avantages perdus du fait de son expulsion, et les frais judiciaires encourus lors des procédures au niveau des tribunaux nationaux et devant la Cour africaine. La manière et le mode de paiement de l’indemnisation sont conformes aux lois en vigueur dans l’État défendeur ».

[2] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 9-23 avril 2013, Maître Maboleo M. Itundamilamba c. République démocratique du Congo, Communication n° 302/05, § 134 : « Une telle reconnaissance du droit à réparation, y compris à compensation monétaire, ne saurait occulter la position constante selon laquelle la Commission n’a pas pour rôle de s’ériger en tribunal de première instance ou en juridiction nationale. La Commission n’est pas non plus une juridiction de cassation vis-à-vis des juridictions nationales dont elle serait appelée à annuler, réviser ou rapporter les décisions. En revanche, la Commission est établie par la Charte africaine comme un organe quasi-judiciaire de contrôle de la conformité des pratiques nationales des Etats, et de leur organes internes, à leurs obligations aux termes de la Charte ».

De même, la Convention américaine reconnaît à la Cour interaméricaine non seulement un pouvoir de statuer sur les réparations, mais plus encore un véritable pouvoir d’injonction. En effet, en vertu de l’article 63 § 1 de la convention américaine relative aux droits de l’homme : « Lorsqu’elle reconnaît qu’un droit ou une liberté protégés par la présente Convention ont été violés, la Cour ordonnera que soit garantie à la partie lésée la jouissance du droit ou de la liberté enfreints. Elle ordonnera également, le cas échéant, la réparation des conséquences de la mesure ou de la situation à laquelle a donné lieu la violation de ces droits et le paiement d’une juste indemnité à la partie lésée »[1]. Bien que ne disposant pas de pouvoir exprès en ce sens dans les textes la régissant, la Commission américaine développe également une pratique recommandant à l’Etat d’indemniser la victime[2].


[1] Voir l’arrêt Velasquez Rodriguez c. Honduras de 1988.

[2] Par exemple Commission IADHP, 29 mars 2012, Godoy c. Argentine, pétition n° 12.324, Rapport n° 66/12, § 160 : « In this sense, the Commission recommends that the Argentine State: […] 4. Provide adequate reparations for the human rights violations declared in this report, both material and non-material”.

L’organe saisi pourra décider du versement d’une réparation sous forme d’indemnisation, soit dans le même acte que celui dans lequel il a conclu à la violation par l’Etat de ses obligations[1], soit dans un acte postérieur[2].


[1] Voir, par exemple, faute de pouvoir aller plus loin (voir infra) : CJCEDEAO, 31 October 2012, Baldini Salfo v. Burkina Faso, General List: No. ECW/CCJ/APP/14/10, Judgment No. ECW/CCJ/JUD/13/12, https://ihrda.uwazi.io/fr/entity/o0mh98ja5v?page=1, § 62

[2] Selon l’article 69 § 3 de son règlement de septembre 2020, « La Cour statue sur la demande en réparation […] dans l’arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l’homme ou des peuples, ou, si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».

En tout état de cause, les trois cours ont estimé pouvoir aller au-delà de la réparation/indemnisation pour rétablir les victimes dans leurs droits, faire cesser le comportement illicite voire garantir la non-répétition de la violation constatée.

3.1.1.2.2. La cessation du comportement illicite

Il est généralement convenu que la première obligation de l’Etat auteur d’un comportement illicite continu est de mettre fin à celui-ci.

Si l’organe saisi peut recommander ou ordonner cette cessation, notamment en recommandant[1] ou en ordonnant[2] le changement de sa législation[3], la question est difficile de savoir jusqu’où il peut aller et s’il peut notamment enjoindre à l’Etat d’adopter des comportements particuliers et s’ingérer dans son droit interne.

On notera que la recommandation ou l’ordre de modifier la législation à l’origine de la violation peut également s’analyser comme une garantie de non-répétition. Certains se sont refusé à pénétrer le droit étatique[4]. La Cour américaine va quant à elle beaucoup plus loin que ses homologues, n’hésitant pas à commander des actions précises aux Etats défendeurs[5]. Elle va parfois jusqu’à invalider des actes étatiques[6]. Cela ne laisse pas d’étonner dans la mesure où, en principe, en raison de la séparation de l’ordre juridique international et des ordres juridiques étatiques, aucune entité internationale ne peut invalider une mesure étatique dans l’ordre interne[7].


[1] Voir notamment Commission ADHP, 15 novembre 1999, Constitutional Rights Project et Civil Liberties c. Nigéria, Communications 143/95 et 150/96 (2000) RADH 234 (CADHP 1999) : « Par ces motifs la Commission : Déclare qu’il y a eu violation des articles 5, 6, 7.1(a), (c) et (d), 18 et 26 de la Charte. Recommande instamment au gouvernement du Nigeria d’adopter des lois qui sont en conformité avec les dispositions de la Charte » ; Commission ADHP, 7 mai 2001, Legal Resources Foundation c. Zambie, Communication n° 211/98, African Human Rights Law Reports 2001, Centre for Human Rights : “Trouve que la République de Zambie est en violation des articles 2, 3 (1) et 13 de la Charte africaine, Prie instamment la République de Zambie de prendre les dispositions nécessaires en vue de mettre ses lois et sa Constitution en conformité avec la Charte » ; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 29 novembre 2006, Antoine Bissangou c. Congo, Communication n° 253/02 (2006) AHRLR 80 (ACHPR 2006), dispositif : « […] Exhorte la République du Congo à conformer sa législation à la Charte africaine ; Demande à la République du Congo d’exécuter le jugement civil du 18 février 1997 en allouant au Plaignant le montant tel que fixé par le Tribunal de grande instance de Brazzaville, à savoir la somme globale de: 195,037,000.00 FCFA soit la somme de 297,333.00 euros. […] » ; Comm ADHP, 26 May 2010, Kenneth Good v Botswana (2010) AHRLR 43 (ACHPR 2010), Communication No. 313/05, § 244 : « La Commission recommande que : […] 2. L’Etat défendeur prenne des mesures pour veiller à ce que les Sections 7(f), 11(6) et 36 de la Loi sur l’immigration du Botswana et sa pratique soient conformes aux normes internationales des droits de l’homme et, en particulier, à la Charte africaine ».

[2] Par exemple : Cour ADHP, 11 mai 2018, Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF) et Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) c. République du Mali, § 130 : « Concernant les mesures demandées par les requérants […] et visant à l’amendement de la législation nationale, la Cour considère en effet que l’Etat défendeur doit modifier sa législation pour la rendre conforme aux dispositions des instruments internationaux applicables » et § 135 (dispositif de l’arrêt), x : « Ordonne à l’Etat défendeur de modifier la loi contestée en l’harmonisant avec les instruments internationaux et de prendre les dispositions utiles afin de mettre fin aux violations constatées ».

[3] Voir également ACERWC/CAEDBE, 22 March 2011, Comm. No Com/002/2009, Dec. No 002/Com/002/2009, Decision on the Communication submitted by the Institute for Human Rights and Development in Africa and the Open society Justice Initiative (on behalf of Children of Nubian descent in Kenya) against the Government of Kenya, § 69.2 : “Recommends that the Government of Kenya should take measures to ensure that existing children of Nubian descent whose Kenyan nationality is not recognized are systematically afforded the benefit of these new measures as a matter of priority » ; Comm. ADHP, décision du 29 mai 2003, République Démocratique du Congo c. le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, n° 227/99, http://caselaw.ihrda.org/fr/doc/227.99/view/ [consulté le 6 février 2015], dispositif, après le constat de violation de plusieurs dispositions de la Charte africaine, la Cour : « Exhorte les Etats défendeurs à respecter leur obligations au titre de la Charte des Nations Unies, de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, de la Charte africaine et de la Déclaration des Nations Unies sur les principes de droit international concernant les relations amicales et la coopération entre Etats et d’autres principes de droit international et à retirer immédiatement leurs troupes du territoire du plaignant » ; Cour EDH [GC], 23 février 2012, Hirsi Jamaal et autres c/ Italie, § 209 : « En vertu de l’article 46 de la Convention, les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs rendus par la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le Comité des Ministres étant chargé de surveiller l’exécution de ces arrêts. Il en découle notamment que, lorsque la Cour constate une violation, l’Etat défendeur a l’obligation juridique non seulement de verser aux intéressés les sommes allouées au titre de la satisfaction équitable prévue par l’article 41, mais aussi d’adopter les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles nécessaires. Les arrêts de la Cour ayant une nature essentiellement déclaratoire, l’Etat défendeur demeure libre, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens de s’acquitter de son obligation juridique au regard de l’article 46 de la Convention, pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l’arrêt de la Cour. Cependant, dans certaines situations particulières, il est arrivé que la Cour ait estimé utile d’indiquer à un Etat défendeur le type de mesures à prendre pour mettre un terme à la situation – souvent structurelle – qui avait donné lieu à un constat de violation (voir, par exemple, Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 210, CEDH 2005-IV ; et Popov c. Russie, no 26853/04, § 263, 13 juillet 2006). Parfois même, la nature de la violation constatée ne laisse pas de choix quant aux mesures à prendre (Assanidzé, précité, § 198 ; Alexanian c. Russie, no 46468/06, § 239, 22 décembre 2008 ; et Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, §§ 85 et 88, 30 juin 2009) »

[4] Voir CJCEDEAO, 31 October 2012, Baldini Salfo v. Burkina Faso, General List: No. ECW/CCJ/APP/14/10, Judgment No. ECW/CCJ/JUD/13/12, https://ihrda.uwazi.io/fr/entity/o0mh98ja5v?page=1, § 59: “Whenever the Court observes that there is human rights violation, the measures that it orders have, as final aim, the cessation of the said violations and reparations. The Court takes into account, the circumstances for each case, in order to make adequate orders. The legitimacy of the measures as well as their chances of realisation are the principles that guide the Court, in its pronouncements. When examining a case, whose proceedings are still on-going in a Member-State, the decisions of the court are riot geared towards interfering with the decisions that national courts shall take in their own proceedings. The Court cannot make orders, whose enforcement shall be seen to weaken or rubbish the authority and independence of the judge in the national court, in the examination of cases that are brought before it”; § 62: “Pursuant to Article 9 (5) of the International Covenant on Civil and Political Rights, which provides that : “Anyone who has been the victim of an unlawful arrest or detention shall have an enforceable right to compensation”, the Court believes that the abusive nature f the length of keeping Plaintiff under police custody, at least opens the way for Plaintiff to reparation, but, at the same time, cannot be genuine ground to either make an order for the release of Plaintiff, or the cessation of the trial, which is pursuant to the law; hence, the Court declares that his pleas [for immediate release and cessation of all forms of proceedings against him] should be rejected”. In Belilos c. Suisse, § 78, elle releva que la convention ne l’habilite pas à enjoindre à la Suisse de modifier sa législation, son arrêt laissant à l’Etat le choix des moyens à utiliser dans son ordre juridique interne pour s’acquitter de l’obligation qui découle pour lui de l’article 53. In Saidi c. France, § 47, la Cour déclara que la Convention ne lui donne pas compétence pour exiger de l’Etat français l’ouverture d’un nouveau procès, ni l’adoption de l’une des autres mesures souhaitées par le requérant (effacement de son casier judiciaire ou de certains bulletins ainsi que la régularisation de sa situation sur le territoire français, spécialement par la reconnaissance d’un droit au séjour.

[5] I-A Court H.R., August 31, 2020, Case of Acosta Martínez et al. v. Argentina, Merits, Reparations and Costs, Judgment, Series C No. 410, dispositif, § 7: “The State shall facilitate and continue the investigations necessary to identify, prosecute, and, where appropriate, punish those responsible for the arbitrary detention and death of José Delfín Acosta Martínez, pursuant to the terms of paragraphs 110 and 111 of this judgment »

[6] Voir, chron. R.G.D.I.P.2009/2, p. 458 pour Cour interaméricaine des droits de l’homme. La décision de la Cour EDH n’invalide quant à elle aucunement les mesures contestées et la Cour n’a pas le pouvoir d’invalider de telles mesures. Ainsi décida-t-elle in Pakelli c. Allemagne, n° 8398/78, arrêt du 25 avril 1983, § 45 que la convention ne lui attribuait compétence ni pour annuler l’arrêt de la Cour fédérale ni pour ordonner au Gouvernement de désavouer les extraits incriminés (référence à Marckx, 13 juin 1979, § 58 et Dudgeon, 24 février 1983, § 15).

[7] Même communautaire, ainsi que la C.J.C.E. le reconnut in Jean-E. Humblet c. Etat belge, 16 décembre 1960, 6/60, Rec. 1960, p. 1125, 1145 : « [L]a Cour n’a pas compétence pour annuler des actes législatifs ou administratifs d’un des Etats membres ; […] en effet le traité CECA s’inspire du principe d’une séparation rigoureuse des compétences des institutions communautaires et de celles des organes des Etats membres ; […] le droit communautaire n’accorde pas aux institutions de la Communauté le droit d’annuler des actes législatifs ou administratifs d’un Etat membre ».

3.1.1.1.2.3. La restitutio in integrum

Pendant un temps, la Cour européenne a considéré ne pas pouvoir demander à l’Etat la restitution in integrum, notamment d’effacer le fait illicite dommageable[1].


[1] Ainsi, in Le Compte et a., arrêt du 18 octobre 1982, la Cour européenne déclara rappeler que la Convention ne lui donne pas compétence pour exiger de l’Etat belge, à supposer qu’il puisse lui-même satisfaire à cette exigence, l’effacement des sanctions disciplinaires infligées aux trois requérants et des condamnations pénales prononcées contre le Dr. Le Compte (avec réf. A Marckx, 13 juin 1979, série A n° 31, p. 25, § 58).

La Commission africaine a développé une pratique consistant à tirer les conséquences de ses constatations de la violation de la Charte, lesquelles conséquences vont bien plus loin qu’une simple mesure d’indemnisation pour se mouler dans la logique de la restitution[1].


[1] Par exemple, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 22 mars 1995, Annette Pagnoulle c. Cameroun, Communication n° 39/90_10AR, dispositif : « For the above reasons, the Commission Declares a violation of Articles 6, 7(1)(b), 7(1)(d) and 15 ; Recommends that the Government of Cameroon draw all the necessary legal conclusions to reinstate the victim in his right » ; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 9-23 avril 2013, Maître Maboleo M. Itundamilamba c. République démocratique du Congo, Communication n° 302/05, § 133 : « Ayant conclu à la violation des droits protégés par les articles 3, 7(1)(a) et 7(1)(c) de la Charte africaine, la Commission a fait suite aux allégations du Plaignant. La Commission reste attachée au principe fondamental de réparation sur la base de ce que la kyrielle de droits garantis par la Charte africaine ne serait qu’une vaine proclamation si elle n’était cautionnée par la garantie d’un droit à restitution ou à compensation en cas de violation. Si elle a pu faire preuve de prudence par le passé en ce qui concerne la question des droits au recours et à réparation, la Commission a progressivement construit une jurisprudence dont la pratique n’a cessé de se consolider. […] », § 138 : « Par ces motifs, Déclare que la République Démocratique du Congo a violé les dispositions des articles 3, 7(1)(a) et 7(1)(c) de la Charte africaine. En conséquence : 1. Demande instamment à la République Démocratique du Congo de reconnaître ou faire reconnaître au Plaignant le droit de faire valoir contre la Pharmakina l’obligation légale d’exécuter la sentence arbitrale n° 98/CNO/LH/006 du 1er avril 1998 rendue par le Conseil national de l’ordre des avocats de la RDC, sentence qui fixe à 500.000 (cinq cent mille) Dollars américains les honoraires dûs au Plaignant pour les services rendus à la société Pharmakina. 2. Demande à la République Démocratique du Congo de prendre ou faire prendre les dispositions nécessaires à l’effet d’octroyer au Plaignant une juste compensation à titre de dommages et intérêts pour les préjudices ayant découlé de la non-exécution prolongée de la décision. Le montant de ladite compensation sera déterminé conformément au droit interne congolais. 3. Demande en outre à la République Démocratique du Congo d’octroyer au Plaignant un dédommagement au titre des frais de procédure et dont le montant sera également déterminé conformément au droit interne ».

De même, bien que ne disposant pas du pouvoir pour ce faire dans les textes qui la gouvernent, la Commission interaméricaine n’hésite pas à recommander des formes de restitutio in integrum[1].


[1] Par exemple, Commission IADHP, 29 mars 2012, Godoy c. Argentine, pétition n° 12.324, Rapport n° 66/12, § 160 : « 1. In this sense, the Commission recommends that the Argentine State: 1. Provide the measures necessary for Rubén Luis Godoy to file a motion through which he can obtain a broad review of the ruling to convict him in compliance with Article 8(2)(h) of the American Convention, excluding any evidence obtained under coercion, as established in Article 8.3. 2. Carry out a full, impartial and effective investigation within a reasonable time period in order to resolve the allegations of torture and cruel, inhumane or degrading treatment made by Rubén Luis Godoy. ».

3.1.1.2.4. Les garanties de non-violation

En matière d’éloignement des étrangers, la Cour européenne a développé une jurisprudence consistant à exiger de l’Etat qu’il obtienne des garanties par l’Etat de destination qu’il ne violera pas les droits du requérant.

Ainsi, in Cour EDH [GC], 23 février 2012, Hirsi Jamaal et autres c/ Italie, § 211 : « La Cour a constaté, entre autres, que le transfert des requérants les a exposés au risque de subir des mauvais traitements en Libye et d’être rapatriés vers la Somalie et l’Erythrée de façon arbitraire. Eu égard aux circonstances de l’affaire, la Cour considère qu’il incombe au gouvernement italien d’entreprendre toutes les démarches possibles pour obtenir des autorités libyennes l’assurance que les requérants ne seront ni soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ni rapatriés arbitrairement ».

3.1.1.2.5. Les garanties de non-répétition

Pendant un temps, la Cour européenne a considéré ne pas pouvoir exiger de l’Etat de telles garanties[1], avant de s’y atteler[2].


[1] Ainsi, dans l’affaire Dudgeon, 24 février 1983, § 15, elle déclara que la convention ne l’habilitait pas à ordonner à un Etat partie de faire une déclaration du genre de celle demandée [selon laquelle le demandeur ne subirait, s’il venait à solliciter un poste dans l’administration nord-irlandaise, aucune discrimination pour homosexualité ni pour avoir saisi la Commission].

[2] Cour EDH [GC], 23 février 2012, Hirsi Jamaal et autres c/ Italie, § 210 : « En l’espèce, la Cour juge nécessaire d’indiquer les mesures individuelles qui s’imposent dans le cadre de l’exécution du présent arrêt, sans préjudice des mesures générales requises pour prévenir d’autres violations similaires à l’avenir (M.S.S., précité, § 400) ».

Le Comité africain des droits et du bien-être de l’enfant s’est également aventuré dans cette direction en recommandant à l’Etat défendeur de prendre des mesures aptes à éviter que les mêmes violations se reproduisent[1]. La Cour interaméricaine procède également ainsi[2].


[1] Voir notamment ACERWC/CAEDBE, 22 March 2011, Comm. No Com/002/2009, Dec. No 002/Com/002/2009, Decision on the Communication submitted by the Institute for Human Rights and Development in Africa and the Open society Justice Initiative (on behalf of Children of Nubian descent in Kenya) against the Government of Kenya, § 69.1 : “Recommends that the Government of Kenya should take all necessary legislative, administrative, and other measures in order to ensure that children of Nubian decent in Kenya, that are otherwise stateless, can acquire a Kenyan nationality and the proof of such a nationality at birth »; § 69.3: “Recommends that the Government of Kenya should implement its birth registration system in a non-discriminatory manner, and take all necessary legislative, administrative, and other measures to ensure that children of Nubian descent are registered immediately after birth”; § 69.4 : “Recommends that the Government of Kenya to adopt a short term, medium term and long term plan, including legislative, administrative, and other measures to ensure the fulfilment of the right to the highest attainable standard of health and of the right to education, preferably in consultation with the affected beneficiary communities”.

[2] I-A Court H.R., August 31, 2020, Case of Acosta Martínez et al. v. Argentina, Merits, Reparations and Costs, Judgment, Series C No. 410, dispositif, § 9: “The State shall include training on the issue of racial discrimination and awareness on the use of profiling in the regular training of the Police of the Autonomous City of Buenos Aires and of the Argentine Federal Police, in accordance with the provisions of paragraph 118 of this judgment »; § 10: “The State shall implement a mechanism for control and documentation of complaints, pursuant to the provisions of paragraph 121 of this judgment ».

3.1.2. Dans le cadre des mécanismes non contentieux

Les mécanismes non contentieux reposent sur une tout autre logique même si certains mécanismes de plainte existent devant les procédures spéciales. Il s’agit moins de traiter de cas particuliers de violation que de situations générales, généralement le respect de l’ensemble des droits de l’homme dans un Etat ou le respect d’un droit particulier à l’échelle universelle. Il s’agit également de faire des études sur certaines questions contemporaines comme les peuples autochtones, les migrants ou encore le changement climatique et les droits de la personne humaine.

En général, l’examen par les commissions régionales et comités conventionnels universels des rapports étatiques aboutit à des « observations » et « conclusions » sur les aspects positifs et défaillances du droit de l’Etat examiné. On comprend que le comité n’examine que des situations générales et non individuelles. De plus en plus, malgré le silence général du traité sur le contenu de leurs observations, ils émettent également des suggestions et recommandations aux Etats concernant les mesures à adopter pour améliorer leur droit interne. Car si l’examen est rétrospectif, la finalité est prospective ; il ne s’agit pas tant de condamner un Etat défaillant que de l’amener vers le plus grand respect des droits de la personne humaine. D’où la logique générale qui irrigue ces procédures qui n’opposent pas l’organe de contrôle à l’Etat examiné, mais essaie au contraire d’instruire un dialogue.

Les observations générales et avis consultatifs ont quant à eux pour objet de faire connaître la manière dont un organe de contrôle interprète une ou plusieurs dispositions protectrices des droits de la personne humaine dont il a la charge de garantir le respect. Cela permet souvent de compenser la faible pratique contentieuse de l’organe considéré ou au contraire de synthétiser sa pratique et d’éclairer les Etats et individus sur la manière dont il appréciera à l’avenir le respect des droits de la personne humaine. En raison de l’accès plus aisé à ces documents qu’aux conclusions contentieuses, elles sont souvent l’instrument privilégié pour connaître la signification et portée de tel ou tel droit.

Les procédures spéciales s’inscrivent dans une autre logique encore. Leur apport le plus important est sans doute leurs études générales sur une catégorie de personnes, sur certains droits, certains existant, d’autres étant en devenir ou encore sur de nouvelles configurations – comme la mondialisation économique ou le changement climatique – qui exigent de repenser les droits de la personne humaine. En regardant la liste précitée des procédures régionales, on constate qu’elles développent des thèmes qui concernent plus particulièrement la région considérée. A nouveau, il ne s’agit aucunement de condamner un ou plusieurs Etats, mais de proposer des réflexions et guides de conduite pour une meilleure garantie à venir des droits de la personne humaine. Certains travaux ont une influence considérable, surtout quand on sait qu’en Afrique comme en Amérique les titulaires de ces procédures sont des membres des commissions, permettant ainsi une fertilisation croisée entre leurs actions non contentieuses et celles contentieuses, chacune pouvant nourrir l’autre. On songe notamment aux travaux de la Commission africaine sur les peuples autochtones et leur influence sur l’avènement de ces droits sur le continent, la Commission ayant développé une politique contentieuse s’appuyant sur ces travaux d’étude.


3.2. Force juridique des conclusions

Là encore, il convient de distinguer les procédures contentieuses des procédures non contentieuses même si à cette dichotomie ne correspond pas celle des actes obligatoires ou non.

3.2.1. A l’issue de procédures contentieuses

La question ne prête pas à controverses s’agissant des arrêts des trois cours régionales qui sont par définition obligatoires et doivent être exécutés de bonne foi par les Etats concernés, qu’ils soient rendus sur communication individuelle, étatique ou autre. Ainsi le Protocole de Ouagadougou dispose-t-il à l’article 28 § 2 que l’arrêt de la Cour est définitif et ne peut faire l’objet d’un appel et à l’article 30 que les Etats parties s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l’exécution dans le délai fixé par la Cour »[1].


[1] Voir également l’article 46 de la Convention européenne – Force obligatoire et exécution des arrêts : « 1. Les Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties » et l’article 68 § 1 de la Convention interaméricaine : « Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où elles sont en cause ».

Plus délicate est l’analyse de la force juridique des observations et conclusions de la Commission africaine et de la Commission américaine ainsi que celles des comités conventionnels. Ces mécanismes sont souvent qualifiés de « quasi juridictionnels » en ce sens qu’ils ressemblent à un mécanisme juridictionnel (le comité et la commission sont composés d’experts indépendants et impartiaux, la procédure suivie se rapproche de plus en plus d’une procédure contradictoire gouvernée par le principe de l’égalité des parties, la structure du raisonnement adopté ressemble à celle des arrêts même si les conclusions sont beaucoup moins étoffées), mais ne prennent pas une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, ne pouvant, tout au plus, qu’édicter des recommandations faute pour le traité de leur donner un pouvoir de décision.

Il convient cependant d’affiner l’analyse et de distinguer selon qu’on est dans le cadre d’une plainte individuelle ou étatique car les prérogatives reconnues à l’organe sont généralement différentes.

3.2.1.1. Sur communications individuelles

Un certain nombre de traités ne disent rien de la nature et de la force des conclusions dégagées par l’organe de contrôle à l’issue du traitement des communications individuelles. Tel est le cas notamment de l’article 5 § 4 du premier protocole additionnel au PIDCP[1] ; de l’article 22 § 7 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[2] ; de l’article 77 § 7 de la convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[3] ; de l’article 31 § 5 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées [4].


[1] « Le Comité fait part de ses constatations à l’Etat partie intéressé et au particulier ».

[2] « Le Comité fait part de ses constatations à l’Etat partie intéressé et au particulier ».

[3] « Le Comité fait part de ses constatations à l’Etat partie intéressé et au particulier ».

[4] « Lorsque le Comité décide de finaliser la procédure, il fait part de ses constatations à l’Etat partie et à l’auteur de la communication ».

D’autres indiquent que l’organe peut accompagner sa conclusion de recommandations. Il en est ainsi en matière de plaintes adressées à la Commission américaine (qui ne peut que formuler des propositions et recommandations (art. 50 § 3) ainsi qu’à la commission africaine. Cette dernière procédure ne conduit qu’à des recommandations dont la publication dépend en outre d’un organe intergouvernemental. Tel est le cas également de la procédure devant le Comité DESC[1] ou le comité pour l’élimination de la discrimination raciale[2].


[1] Article 9 du protocole additionnel : « 1. Après avoir examiné une communication, le Comité transmet ses constatations sur la communication, accompagnées le cas échéant, de ses recommandations aux parties intéressées. 2. L’Etat partie examine dûment les constatations et éventuelles recommandations du comité et soumet dans les six mois au comité une réponse écrite contenant des informations sur toute action menée à al lumière des constatations et recommandations du Comité. 3. Le Comité peut inviter l’Etat partie à lui soumettre un complément d’information sur les mesures prises en réponse à ses constatations ou à ses éventuelles recommandations, y compris, si le Comité le juge approprié, dans les rapports ultérieurs de l’Etat partie présentés au titre des articles 16 et 17 du Pacte ».

[2] art. 14 § 7 b) : « Le comité adresse ses suggestions et recommandations éventuelles à l’Etat partie intéressé et au pétionnaire ».

On peut comprendre à la lecture de ces textes l’affirmation généralement faite dans la doctrine qu’il ne s’agit pas d’actes obligatoires, ce qui justifierait qu’on qualifie ces procédures de « quasi » juridictionnelles seulement.

Peut-être y aurait-il toutefois un « malentendu » qu’on pourrait dissiper avec C. Santulli en décomposant les éléments de la conclusion adoptée par l’organe de contrôle[1]. Il conviendrait alors de considérer que l’élément d’appréciation de la licéité du comportement de l’Etat attaqué – la partie « déclaratoire » – est obligatoire en tant qu’elle dérive d’une interprétation de la règle de droit faite par un interprète authentique, d’une qualification des faits et d’une subsomption de ces derniers sous la règle que l’organe a reçu pouvoir de faire par les Etats. En revanche, les conclusions qu’il tirerait de cette constatation serait dépourvu de force obligatoire, soit parce que les Etats ne lui ont pas expressément pouvoir pour ce faire, soit parce qu’ils ont précisé qu’il ne pourrait s’agir que de recommandations.


[1] C. Santulli, Droit du contentieux international, Paris, Montchrestien, 2005, 584 p., § 35.

En tout état de cause, certains comités, en particulier le Comité des droits de l’homme, estiment – de manière non déraisonnable et sons qu’on ait connaissance d’une fronde des Etats à ce sujet – que leurs conclusions sont obligatoires dans tous leurs éléments.

3.2.1.2. Sur communications étatiques

Un certain nombre de traités ne disent rien de la nature et de la force des conclusions dégagées par l’organe de contrôle à l’issue du traitement des communications étatiques. Voir notamment en ce sens l’article 41 § 1 ii)[1] et de l’article 42 § 7 c)[2] du PIDCP ; de l’article 21 § 1 ii) de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[3] ; de l’article 76 § 1 ii) de la convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[4], de la procédure devant le Comité DESC[5].


[1] « Si une solution n’a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa e, le Comité se borne, dans son rapport, à un bref exposé des faits ; le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport ».

[2] « Si l’on n’est pas parvenu à un règlement au sens de l’alinéa b, la Commission fait figurer dans son rapport ses conclusions sur tous les points de fait relatifs à la question débattue entre les Etats parties intéressés ainsi que ses constatations sur les possibilités de règlement amiable de l’affaire ; le rapport renferme également les observations écrites et un procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés ».

[3] « Si une solution n’a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa e), le Comité se borne, dans son rapport, à un bref exposé des faits ; le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport ».

[4] « Si une solution na pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa d du présent paragraphe, le Comité expose, dans son rapport, les faits pertinents concernant l’objet du différend entre les Etats parties intéressés. Le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport. Le Comité peut également communiquer aux Etats parties intéressés seulement toute vue qu’il peut considérer pertinente en la matière ».

[5] Article 10 h du protocole facultatif : « Le Comité doit, avec la célérité voulue à compter du jour où il a reçu la notification visée à l’alinéa b) du présent paragraphe, présenter un rapport comme suit : […] ii) Si une solution n’a pu être trouvée conformément aux dispositions de l’alinéa d) du présent paragraphe, le Comité expose, dans son rapport, les faits pertinents concernant l’objet du différend entre les Etats parties intéressés. Le texte des observations écrites et le procès-verbal des observations orales présentées par les Etats parties intéressés sont joints au rapport. Le Comité peut également communiquer aux seuls Etats parties intéressés toutes vues qu’il peut considérer pertinentes en la matière. / Pour chaque affaire, le rapport est communiqué aux Etats parties intéressés ».

On peut toutefois parfois déduire cette force de la fonction dévolue à l’organe de contrôle dans ce genre de contentieux. En effet, on est souvent dans la logique de la conciliation[1] ou, plus modestement encore, des bons offices[2], certains traités utilisant les deux termes pour désigner les mêmes fonctions du même organe[3]. Au regard des définitions traditionnellement données à ces deux techniques, nous sommes en réalité dans des procédures de conciliation ou de règlement amiable. Il en découle que l’organe ne dispose pas du pouvoir de prendre des actes obligatoires.


[1] Voir Y. Kerbrat, « Organisation des Nations Unies. – Comité des droits de l’homme et autres comités mis en place par les conventions de protection des droits de l’homme des Nations Unies », Jurisclasseur international, fascicule n° 121-40, mis à jour le 20 novembre 2012, § 32.

[2] C’est le cas, notamment, de l’office du Comité des droits de l’homme. En vertu de l’article 41 § 1 e) du PIDCP, le Comité « met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés, afin de parvenir à une solution amiable de la question ». L’article 12 § 3 du protocole à la convention relative aux droits de l’enfant régit les communications interétatiques n’accorde au Comité qu’une mission de bons offices. En ce sens également, l’article 76 § 1 d) de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille : « […], le Comité met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés, afin de parvenir à une solution amiable de la question […] ».

[3] Ainsi dans le cadre de l’article 42 du PIDCP (rappelons que l’article 41 prévoyait que le Comité mette ses bons offices à la disposition des Etats qui ne seraient pas convenus d’un accord direct). Celui-ci prévoit en effet que si une question soumise au Comité conformément à l’article 41 n’est pas réglée à la satisfaction des Etats intéressés, le Comité peut, avec leur assentiment préalable, désigner une commission de conciliation ad hoc qui « met ses bons offices à la disposition » de ceux-ci pour parvenir à une solution amiable de la question…. De même, dans le cadre de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 (Qui comprend également une clause classique relative au règlement des différends interétatiques, l’article 22 qui dispose : « Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d’un autre mode de règlement »). En vertu de son article 11, si un Etat partie estime qu’un autre n’applique pas la convention, il peut « appeler l’attention » du Comité sur la question ». Le Comité transmet alors la communication à l’Etat intéressé. Dans les trois mois, celui-ci soumet au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qui peuvent avoir été prises pour remédier à la situation. Si dans les 6 mois à compter de la réception de la « communication », la question n’est pas réglée à la satisfaction des deux Etats, par voie de négociations bilatérales ou par toute autre procédure à leur disposition, l’un comme l’autre aura le droit de la soumettre à nouveau au Comité. Dans toute affaire qui lui est soumise – seulement après utilisation ou épuisement des recours internes disponibles – le Comité peut demander aux Etats parties en présence de lui fournir tout renseignement complémentaire pertinent. En vertu de l’article 12, une fois que le Comité a obtenu et dépouillé tous les renseignements qu’il juge nécessaires, son président désigne une commission de conciliation ad hoc. La commission met ses bons offices à la disposition des Etats intéressés afin de parvenir à « une solution amiable de la question », fondée sur le respect de la convention. Elle peut demander aux Etats intéressés tout renseignement complémentaire pertinent. Selon l’article 13, après avoir étudié la question sous tous ses aspects, la Commission prépare et soumet au président du Comité un rapport contenant ses conclusions sur toutes les questions de fait relatives au litige et renfermant les recommandations qu’elle juge opportunes pour parvenir à un règlement amiable du différend. Le président transmet le rapport de la commission aux parties au différend qui lui font savoir dans les 3 mois s’ils acceptent ou non les recommandations y contenues. Une fois expiré ce délai, le président du Comité communique le rapport de la commission et les déclarations des Etats parties intéressés aux autres Etats parties à la convention. De même, en vertu de l’article 21 § 1 e) de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité « met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés afin de parvenir à une solution amiable de la question […]. A cette fin, le Comité peut, s’il l’estime opportun, établir une commission de conciliation ad hoc ».

Parfois, par exemple en vertu de l’article 53 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux communications étatiques, selon lequel « Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, telle recommandation qu’elle jugera utile », à défaut de conciliation, l’organe saisi pourra formuler des « recommandations ». Si l’on veut prendre les mots au sérieux, l’organe ne peut pas prendre de conclusion obligatoire.

3.2.2. A l’issue de procédures non contentieuses

Le fait qu’une procédure ne soit pas contentieuse n’empêche pas l’adoption d’actes obligatoires. Tel n’est toutefois pas le cas des procédures examinées supra devant les organes de protection des droits de la personne humaine. Il ne faut toutefois pas négliger l’« autorité de la chose interprétée » par ces organes et le fait que leur pratique contentieuse se nourrit de leur pratique non contentieuse.

Ainsi, les observations et recommandations générales ainsi que les avis consultatifs de ces organes sont examinés avec sérieux, l’organe annonçant selon quelle interprétation de tel ou tel droit il se prononcera à l’occasion de ses différentes fonctions de contrôle.

En outre, bien que les observations et recommandations finales rendues par les organes de contrôle après examen des rapports des Etats n’ont pas de force obligatoire, elles peuvent constituer un moyen de pression sur l’Etat qui peut craindre l’effet pour leur image de leur publication et diffusion. On voit ainsi des Etats amender leur droit après une évaluation négative faite à l’issue d’un tel mécanisme[1].


[1] Voir Y. Kerbrat, « Organisation des Nations Unies. – Comité des droits de l’homme et autres comités mis en place par les conventions de protection des droits de l’homme des Nations Unies », Jurisclasseur international, fascicule n° 121-40, mis à jour le 20 novembre 2012, § 29 ; S. Turgis, « Fasc. 122-40 : Organisation des Nations Unies – Respect des droits de l’homme », Jurisclasseur Droit international, 20 février 2019, § 55.