2 Champs d’application du droit international humanitaire et du droit international pénal

Pour citer: J. Matringe, « Champs d’application du droit international humanitaire et du droit international pénal », https://droitsafricainsonline.com/themes/droit-international-penal-et-humanitaire/champs-dapplication-du-droit-international-humanitaire-et-du-droit-international-penal/, mis à jour le 12/02/2023

  1. Si le droit international pénal peut s’appliquer à des crimes commis en situation de conflit armé comme de paix (ainsi, hormis les crimes prévus par des conventions particulières comme le crime de terrorisme ou le crime d’apartheid, les crimes contre l’humanité et crimes de génocide) ou en situation de conflit armé seulement (crimes de guerre), le droit international humanitaire, on l’a compris, n’est applicable qu’aux situations de conflit armé. Les champs d’application du droit international humanitaire et d’une partie — mais d’une partie seulement, les deux champs étant sécants — du droit international pénal sont donc articulés sur la notion de conflit armé.
  2. La question de la détermination de ces champs semble dès lors triviale, mais ne l’est pas pour deux grandes raisons.

D’une part, ainsi que le répète la Cour pénale internationale, ni le Statut de Rome, ni les Eléments des crimes, ni les conventions de Genève et leurs protocoles ne donnent de définition explicite de la notion de conflit « armé »[1].

D’autre part, le droit international humanitaire n’est pas un ensemble homogène de règles applicables à l’ensemble des conflits armés, mais pose une summa divisio entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux. Si, comme on le verra, cette distinction tend à perdre de sa pertinence, elle est maintenue par les Etats.


[1] Voir par exemple CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 531 ; CPI, Chambre de première instance III, 21 mars 2016, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Affaire ICC-01/05-01/08, jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 128.

1. Principe d’une applicabilité différenciée selon les types de conflictualité

1.1. La notion de conflit armé international

1.2. La notion de conflit armé non international

1.2.1. Les déterminations de 1949 et 1977

1.2.2. Les évolutions de la pratique et de la jurisprudence

1.2.2.1. L’arrêt Tadić du 2 octobre 1995

1.2.2.2. La catégorisation de l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale

1.3. La question de l’« internationalisation » de conflits armés non internationaux du fait de l’intervention d’Etats étrangers

1.3.1. Internationalisation possible d’un conflit armé non international par une intervention d’un Etat étranger

1.3.2. Critère d’internationalisation d’une intervention indirecte d’un Etat étranger : le « contrôle global »

1.3.3. La concomitance de conflits différents

1.4. Les situations d’émeutes, troubles intérieurs et tensions internes

2. Tempéraments au principe de distinction du droit applicable selon les types de conflit

2.1. Le rapprochement du droit des conflits armés non internationaux du droit des conflits armés internationaux

2.2. Le maintien de la distinction

Bibliographie indicative – Notion de conflit armé

1. Principe d’une applicabilité différenciée selon les types de conflictualité

  1. A l’origine, le droit international humanitaire se limitait à régir l’usage de la force entre Etats ou force armées étatiques, ce qu’on appelle les « guerres » au sens classique. Les autres situations de conflit échappaient au droit international pour ne relever que de la compétence exclusive des droits étatiques.
  1. Puis, progressivement, tenant compte des nouvelles formes de conflictualité nées de la guerre froide et de la dernière vague de décolonisation, les Etats ont accepté de reconnaître que le conflit interétatique classique n’est plus qu’une forme de conflit parmi d’autres conflits armés et qu’il convenait de soumettre les autres conflits à l’empire du droit international humanitaire. Cela a conduit à une extension de la notion de conflits armés internationaux ainsi qu’à l’apparition de la notion de conflits armés non internationaux.
  1. Cependant, tout le droit international humanitaire conventionnel n’est pas identiquement applicable à tous les conflits armés. En effet, il ne s’applique entièrement qu’aux situations de conflit armé international, peu de ses règles s’appliquant aux conflits armés non internationaux : l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel 2 de 1977, beaucoup moins développé que le premier puisqu’il ne comprend que 28 articles (dont 10 relevant des dispositions finales) contre 119 en comprenant l’annexe (dont 11 relevant des dispositions finales)[1].

[1] Voir J. G. Stewart, “Towards a Single Definition of Armed Conflict in International Humanitarian Law: A Critique of Internalized Armed Conflict”, International Review of the Red-Cross, 2003, pp. 313-350 ; D. Akande, “Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts“, in E. Wilmshurst (ed.), International Law and the Classification of Conflicts, Oxford, OUP, 2012, pp. 32-79. ; E. David, Principes de droit des conflits armés, 5e édition, Bruxelles, Bruylant, 2012, 1151 p., pp. 118-119. Contra, pour une application générale de tout le DIH à tous les conflits: “regular armed forces should comply with all rules of international humanitarian law in the conduct of any armed conflict, irrespective of whether that conflict is characterized as internal or international. Compliance with the full body of rules of international humanitarian law in non-international conflicts undoubtedly present practical problems, but it serves not only humanitarian interests but also operational requirements”, C. Greenwood, “Scope of Application of Humanitarian Law », in Fleck D. (ed), The Handbook of International Humanitarian Law, 2nd ed., Oxford, Oxford UP, 2008, 770 p., 45 ss., 56.

  1. Dans la lignée du droit international humanitaire, l’article 8 du Statut de Rome distingue les crimes de guerre selon le type de conflit où ils sont commis, reprenant la distinction entre les violations graves des conventions de 1949 et les violations sérieuses de leur article 3 commun. Ainsi, certains comportements ne sont incriminés que dans les conflits internationaux. Dans la même veine, le document Eléments des crimes répartit les 71 crimes de guerre du Statut entre ces deux types de conflit (46 en cas de conflit armé international et 25 pour les conflits armés non internationaux).

Pour chaque poursuite, le Procureur doit donc établir lui-même[1] puis convaincre les chambres de jugement de qualifier la situation de manière à y faire entrer le comportement en cause et celles-ci retiendront ou rejetteront l’incrimination qu’après qualification du conflit.


[1] Dans ce sens, « Dans son rapport sur les activités menées en 2013 en matière d’examen préliminaire, le Bureau a également conclu que, depuis mai 2013 au moins, la situation du Nigéria concernant les activités de Boko Haram et la réponse des autorités nigérianes contre la rébellion constituait un conflit armé non international. Par conséquent, les allégations de crimes dans ce contexte doivent être considérées comme relevant des alinéas c et e de l’article 8-2 du Statut », CPI, Bureau du Procureur, Rapport sur les activités menées en 2014 par le Bureau du Procureur en matière d’examen préliminaire, § 178.

Voir ainsi CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, N° ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 551 : « Lorsque des conflits de nature différente se déroulent sur un même territoire il est nécessaire de déterminer si les actes criminels à l’examen ont été commis dans le cadre d’un conflit armé international ou non international[1]. C’est pourquoi il faut déterminer si l’intervention militaire d’un ou plusieurs des voisins de la RDC sur le territoire de celle-ci a internationalisé le ou les conflits qui nous intéressent en l’espèce ».


[1] Voir Gerhard Werle, Princiles of International Criminal Law (2009), page 372, note en marge 998.

  1. Il faut donc caractériser ces types de conflictualités. Or, la frontière entre ces deux types de conflits armés n’a jamais été clairement délimitée et est de plus en plus difficile à tracer[1] en raison de la complexité « croissante des conflits armés liée à la fragmentation des groupes armés et aux guerres asymétriques ; la régionalisation des conflits ; […] l’effondrement des systèmes nationaux »[2]. En effet, « Sauf quelques exceptions, la plupart des conflits armés qui se sont produits ces dernières années sont la conséquence du « piège du conflit» : des conflits qui engendrent d’autres conflits, des parties au conflit qui se fracturent et se multiplient, et de nouvelles parties qui interviennent dans les conflits en cours »[3].

[1] « L’applicabilité du DIH à certaines situations particulières de violence est l’une des questions juridiques qui ont (ré) émergé du fait de la complexité croissante des conflits armés actuels », CICR, « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains », XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 321C/15/11, octobre 2015, p. 9 [en ligne].

[2] Ibid., p. 6.

[3] Ibidem.

1.1. La notion de conflit armé international

  1. En vertu de l’article 2 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et de la jurisprudence des juridictions pénales internationales, le conflit armé international est une situation d’occupation ou un conflit entre Etats, sans qu’aucun seuil d’intensité ou de durée du conflit ne soit exigé. Peu importe qu’il y ait une déclaration de guerre ou non ou une reconnaissance de belligérance ; seuls comptent les faits:

« En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente Convention s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles. / La Convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. […] ».

La jurisprudence des juridictions pénales internationales va dans ce sens.

En ce sens, TPIY, Chambre d’appel, 15 juillet 1999, Le Procureur c. Dusko Tadić, Arrêt, Affaire IT-94-1-A, § 84 : « Il est indéniable qu’un conflit armé est de caractère international s’il oppose deux ou plusieurs Etat ».

De même CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, N° ICC-01/04-01/06, § 207 : « Le commentaire des Conventions de Genève précise que tout différend surgissant entre deux Etats et provoquant l’intervention de membres des forces armées est un conflit armé au sens de l’article 2, même si l’une des parties conteste l’état de belligérance. Ni la durée du conflit, ni le caractère plus ou moins meurtrier de ses effets ne jouent de rôle. Le respect dû à la personne humaine ne se mesure pas au nombre des victimes[1] », § 208 : « En outre, la Chambre observe que la Chambre d’appel du TPIY adopte la même interprétation de l’expression « conflit armé international[2] »[3].

Voir également le CICR : « il y a conflit armé international lorsqu’un ou plusieurs Etats ont recours à la force armée contre un autre Etat » [4].


[1] Comité international de la Croix-Rouge, Commentaire de la IVème convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre CICR, p. 26.

[2] Le Procureur c. Dusko tadić, Arrêt, 15 juillet 1999, Affaire n° IT-94-1-A, par. 84.

[3] Voir également le CICR : « il y a conflit armé international lorsqu’un ou plusieurs Etats ont recours à la force armée contre un autre Etat »,  CICR, « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains », XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 321C/15/11, octobre 2015, p. 9. Voir encore, entre autres,D. Akande, « Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts », in E. Wilmshurst (dir.), International Law and the Classification of Conflicts, Oxford, Oxford University Press, 2012, pp. 32-79.

[4] CICR, « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains », XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 321C/15/11, octobre 2015, p. 9.

Voir encore, au sujet de l’occupation, CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, N° ICC-01/04-01/06, § 220 : « Au vu des éléments de preuve admis aux fins de l’audience de confirmation des charges, la Chambre considère qu’il existe des preuves suffisantes donnant de motifs substantiels de croire que du fait de la présence de la République de l’Ouganda comme puissance occupante, le conflit armé qui a eu lieu en Ituri peut être qualifié de conflit de nature internationale de juillet 2002 au juin 2 juin 2003, date du retrait effectif de l’armée ougandaise ».

  1. L’article 2 du Protocole additionnel I de 1977 étendit cette catégorie en énonçant s’appliquer non seulement aux conflits interétatiques, y compris la guerre et toute forme d’occupation, mais également aux conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

On verra en étudiant la question de l’internationalisation des conflits internes les deux grandes manières d’être des conflits armés internationaux.

1.2. La notion de conflit armé non international

  1. Pendant longtemps, les Etats refusèrent que le droit international s’applique aux conflits se déroulant sur leur territoire, préférant garder leur liberté en soumettant à leur seul droit interne ce genre de conflits et le traitement de leurs adversaires. Jusqu’en 1949, les lois de la guerre ne s’appliquaient à ces conflits que si l’Etat confronté à un conflit sur son territoire décidait de reconnaître le caractère de belligérant aux forces armées agissant sur son territoire. Cette reconnaissance de belligérance était laissée à son entière discrétion[1].

[1] Voir G. Aivo, Le statut de combattant dans les conflits armés non internationaux. Etude critique de droit international humanitaire, Thèse de doctorat, Université de Genève, 2011, 585 p., 68 ss.

  1. Les Conventions de Genève de 1949 ont — bien que faiblement — pris en compte l’évolution de la conflictualité armée en étendant leur applicabilité au-delà des conflits internationaux classiques. En effet, leur article 2, al. 1er commun, stipule que les 4 Conventions s’appliquent « en cas de guerre déclarée », mais également « en cas de … tout autre conflit armé… ». Si cette disposition porte donc en germe la distinction des conflits armés internationaux et des conflits armés non internationaux, elle ne précise pas ce qui les distingue.
  2. Désormais, l’article 3 commun à ces Conventions et le Protocole additionnel II s’appliquent à ces conflits armés non internationaux dès la réalisation des conditions objectives de leur apparition, sans aucune intervention d’un acte unilatéral de l’Etat en prise avec un tel conflit.

1.2.1. Les déterminations de 1949 et 1977

  1. L’article 3 commun aux Conventions de Genève n’utilise pas l’expression « conflit armé non international », mais déclare s’appliquer à tout autre conflit qu’international « surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes », sans autre précision. Une caractérisation si large semblait permettre d’y subsumer tout type de conflit, quelle que soit son intensité et l’organisation des parties.
  2. Avec l’adoption et la ratification du Protocole additionnel II expressément dédié aux « conflits armés non internationaux », les Etats parties à celui-ci acceptèrent enfin d’étendre l’empire du droit international à ces conflits au détriment de leur liberté. Toutefois, ils firent cela avec d’immenses précautions.
  3. D’une part, on l’a dit, ils ont limité le nombre de règles applicables à ces conflits. D’autre part, de peur que trop de situations conflictuelles tombent dans le champ du Protocole II et échappent à l’empire de leur seul droit interne, les Etats ont décidé de restreindre drastiquement cette catégorie de conflit armé et insistèrent sur l’affirmation que ce Protocole ne s’appliquait pas aux troubles intérieurs (sur ceux-ci, voir infra).
  1. Les conflits armés non internationaux sont définis par l’article 1 § 1 du Protocole additionnel II comme « les conflits armés qui ne sont pas couverts par l’article premier du protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, et qui se déroulent sur le territoire d’une Haute partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le présent Protocole».

Les éléments de restriction par rapport à l’énoncé très vague de l’article 3 de 1949 sont donc plusieurs :

  • Il faut que les forces armées d’une Haute partie contractante soient parties au conflit, ce qui exclut les conflits entre groupes armés dont aucun n’est gouvernemental.
  • Les forces armées dissidentes ou groupes armés non gouvernementaux impliqués doivent être organisés.
  • Ces forces ou groupes doivent être sous la conduite d’un commandement responsable.
  • Ces forces ou groupes doivent exercer sur une partie du territoire de la Haute partie contractante concernée un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le protocole.
  1. Toutefois, la pratique a développé une acception plus large de la notion de conflit non international que celle qui avait été retenue en 1977 quand bien même elle est plus restreinte que ce que pouvait contenir le texte de l’article 3 commun.

1.2.2. Les évolutions de la pratique et de la jurisprudence

1.2.2.1. L’arrêt Tadić du 2 octobre 1995

  1. Le facteur essentiel de ce développement est sans aucun doute le premier arrêt de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić. Selon celui-ci, repris constamment, le conflit armé non international se distingue des autres conflictualités non internationales par le niveau d’organisation des groupes armés belligérants et l’intensité des combats : « un conflit armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d’un Etat »[1].

Selon le jugement ultérieur de la chambre de première instance du TPIY du 7 mai 1997 dans la même affaire qui reprend cette caractérisation[2], « Le critère appliqué par la Chambre d’appel quant à l’existence d’un conflit armé aux fins des dispositions de l’article 3 commun se concentre sur deux aspects d’un conflit : son intensité et l’organisation des parties à ce conflit. Dans un conflit armé de caractère interne ou mixte, ces critères étroitement liés servent, au minimum, uniquement aux fins de distinguer un conflit armé du banditisme, d’insurrections inorganisées et de courte durée ou d’activités terroristes, qui ne relèvent pas du droit international humanitaire [note omise] »[3].

Cette caractérisation est reprise également, entre autres, in TPIY, Chambre de première instance, 16 novembre 1998, The Prosecutor v. Zdravko Mucic aka « Pavo », Hazim Delic, Esad Landzo aka « Zenga », Zejnil Delalić, Jugement, Affaire IT-96-21-T, § 183 ; TPIY, Chambre de première instance, 25 juin 1999, Zlatko Alekosvki, affaire n° IT-95-14/1-T, jugement § 43 ; TPIY, Chambre de première instance I, 14 décembre 1999, Le Procureur c. Goran Jelisić, affaire n° IT-95-10-T, jugement, § 29 ; TPIY, Chambre de première instance II, 1er septembre 2004, Le Procureur c. Radoslav Brdanin, Affaire n° IT-99-36-T, par. 122.

Voir également le CICR : « Il est communément admis que deux conditions doivent être remplies avant de pouvoir déclarer que, aux fins de l’applicabilité du droit international humanitaire, un tel conflit existe : 1) les combats doivent se produire entre des forces armées gouvernementales et les forces d’un ou plusieurs groupes armés non étatiques présentant un certain degré d’organisation, ou entre de tels groupes ; et 2) la confrontation armée doit avoir atteint un certain niveau d’intensité » [4].


[1] TPIY, Chambre d’appel, 2 octobre 1995, Le Procureur c. Dusko Tadić, alias « Dule », arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence affaire n° IT-94-1-AR72, § 70.

[2] TPIY, Chambre de première instance, 7 mai 1997, Le procureur c. Dusko Tadić alias « Dule », affaire n° IT-94-1-T, jugement, § 561.

[3] Ibid., § 562. En l’espèce, § 568 : « Ainsi, s’agissant du caractère et du champ du conflit dans la République de Bosnie-Herzégovine et considérant les parties à ce conflit, et quel que soit le lien entre la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et les forces des Serbes de Bosnie, la Chambre de première instance conclut que, durant toutes les périodes pertinentes, un conflit armé existait entre les parties au conflit dans la République de Bosnie-Herzégovine, d’un champ et d’une intensité suffisants aux fins de l’application des lois ou coutumes de la guerre visées à l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, applicable aux conflits armés en général, y compris les conflits armés ne présentant pas un caractère international ».

[4] CICR, « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains », XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 321C/15/11, octobre 2015, p. 10.

  1. Bien sûr, l’appréciation de la réalisation de ces conditions n’est pas simple, « l’une des caractéristiques essentielles des conflits armés non internationaux [étant] que ce sont des conflits de nature fluctuante, marqués par des moments d’accalmie de la violence armée et par l’instabilité du degré d’organisation de la partie non étatique au conflit »[1].

[1] Ibid., p. 13. Sur la notion d’organisation, voir notamment D. Akande, « Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts », op. cit., pp. 32-79.

— Sur la base de ces critères, l’ONU a refusé de qualifier la situation au Burundi en 2016-2018 de conflit armé non international. En effet, le rapport de l’enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi du 20 septembre 2016 ne parlait à aucun moment de forces organisées opposées au gouvernement, mais, au mieux d’« éléments armés » (§ 47), parfois non déterminés et ce, sans précision et ne proposait comme éventuelle inculpation des responsables non des crimes de guerre mais des crimes contre l’humanité qui n’exigent pas, pour être constitués, de se produire dans le cadre d’un conflit armé ni d’être lié à un tel conflit, contrairement aux premiers. De même in Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi, A/HRC/36/54, 11 août 2017, § 11 : « La Commission a considéré que le droit international humanitaire ne s’appliquait pas dans le cadre de son mandat, le caractère sporadique des attaques menées ou revendiquées par des groupes armés depuis avril 2015 au Burundi ne permettant pas de conclure à l’existence d’un conflit armé non international ». Voir également Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport final détaillé de la Commission d’enquête sur le Burundi, A/HRC/36/CRP.1, 18 septembre 2017, § 34 : « Le droit international applicable aux évènements relevant du mandat de la Commission recouvre le droit international des droits de l’homme et le droit pénal international », § 35 : « Le droit international humanitaire n’est pour sa part pas pertinent. Il s’applique en effet dans le cadre des conflits armés internationaux ou non internationaux dont les définitions sont données par les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels, auxquels le Burundi est partie. Les conflits armés internationaux opposent deux Etats ou plus[1], tandis que les conflits armés non internationaux sont caractérisés par des affrontements entre des forces gouvernementales et des groupes armés non gouvernementaux, ou entre groupes armés », § 36 : « L’Etat burundais n’étant pas engagé dans un conflit interétatique, la Commission s’est demandé si la situation prévalant dans le pays depuis avril 2015 ne pouvait pas être qualifiée de conflit armé non international du fait notamment de plusieurs attaques menées par des groupes armés sur le sol burundais. Sur ce point, l’article 3 commun aux Conventions de Genève se réfère aux conflits armés « ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractante ». L’article 1 (2) du Deuxième Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux précise pour sa part qu’il « ne s’applique pas aux situations de tensions internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues, qui ne sont pas considérés comme des conflits armés ». Or, l’examen des attaques menées ou revendiquées par des groupes armés au Burundi depuis avril 2015 fait clairement ressortir leur caractère isolé et sporadique, ne permettant pas à la Commission de conclure à l’existence d’un conflit armé non international au Burundi pendant la période couverte par son mandat[2] ». Voir encore Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport final détaillé de la Commission d’enquête sur le Burundi, A/HRC/39/CRP.1, 12 septembre 2018, § 19 : « le droit applicable au travail de la Commission est resté le même que durant le premier terme de son mandat, à savoir le droit international des droits de l’homme et le droit pénal international[3]. Pendant l’année écoulée, aucun développement nouveau n’a permis à la Commission de conclure à l’existence d’un conflit armé justifiant l’application du droit international humanitaire ».


[1] L’article 2 commun aux Conventions de Genève précise que le droit international humanitaire s’applique « en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles ». D’après cette disposition, les conflits armés internationaux sont ceux qui se déroulent entre « Hautes Parties contractantes », c’est-à-dire entre Etats.

[2] Il est également à noter que le Comité international de la Croix-Rouge n’a pas fait de déclaration publique qui laisserait entendre que la situation au Burundi a évolué vers un conflit armé non international.

[3] Pour plus de détails, voir les précédents rapports de la Commission : A/HRC/36/54, par. 9 et A/HRC/36/CRP.1, par. 37 à 50.

—S’agissant du conflit qui oppose Boko Haram aux Etats sur le territoire desquels celui-ci agit, voir notamment Atrocités commises par le groupe terroriste Boko Haram dans les Etats touchés par de tels actes, Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, A/HRC/30/67, 9 décembre 2015, § 19 : « La nature et l’intensité des violences armées, leur caractère prolongé et le niveau d’organisation de Boko Haram en tant que groupe armé témoignent de l’existence d’un conflit armé non international dans le nord du Nigéria[1]. Le Comité international de la Croix-Rouge, dans son rapport annuel de 2013[2], et la Cour pénale internationale[3] ont confirmé l’existence depuis mai 2013, d’un conflit armé entre les forces armées nigérianes et des groupes armés. Boko Haram a mené des opérations et plusieurs attaques dans des zones du Cameroun, du Niger et du Tchad qui se trouvent à la frontière avec le nord du Nigéria ; cependant, compte tenu des difficultés rencontrées dans la collecte d’informations, le HCDH n’a pas pu recueillir suffisamment d’éléments lui permettant d’établir de façon incontestable l’existence d’un conflit armé non international entre Boko Haram et les forces armées de ces trois pays[4]. Il a néanmoins relevé que le Cameroun, le Niger et le Tchad étaient également parties aux quatre Conventions de Genève de 1949 ainsi qu’au Protocole additionnel II auxdites conventions. Toutes les parties au conflit sont liées par les règles pertinentes du droit conventionnel et coutumier applicables aux conflits armés non internationaux, en particulier l’article 2 commun aux conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel II auxdites conventions » [5].


[1] Boko Haram a mené des opérations et plusieurs attaques dans les régions du Cameroun, du Niger et du Tchad qui se trouvent à la frontière avec le Nord du Nigéria.

[2] CICR, Annual Report 2013, p. 183.

[3] CPI, Bureau du Procureur, Report on Preliminary Examination Activities 2013, par. 218.

[4] Ibid., par. 6.

[5] Voir également Voir également S. De Sena Lelo Pessoa, « « Boko Haram » à l’aune du droit international pénal », Quid Justitiae, 16 mars 2015 et CICR, « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains », XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 321C/15/11, octobre 2015, p. 8.

1.2.2.2. La catégorisation de l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale

  1. Plus compréhensif que le texte du Protocole additionnel II mais moins que celui de l’article 3 commun, l’article 8 § 2(f) du Statut de la CPI définit les conflits armés non internationaux comme les « conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un Etat les autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ».
  2. Nous sommes en réalité très largement dans la lignée de l’interprétation précitée de l’article 3 commun de 1949 donnée par la chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić. En effet, si la durée exige une certaine organisation, nous aurions équivalence entre les définitions[1]. D’ailleurs, la CPI se réfère expressément à la jurisprudence du TPIY[2] – parfois en la déclarant compatible avec la définition du Protocole II[3], ce sur quoi elle est revenue[4] -, tout comme les chambres africaines extraordinaires[5].

[1] En ce sens D.Akande, « Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts », op. cit.

[2] Par exemple, CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 533 : « La définition de cette notion [de conflit armé] a été développée par d’autres juridictions internationales, et la Chambre s’est inspirée à cet égard de la jurisprudence du TPIY : […] ».

[3] Voir ainsi CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, Affaire ICC-01/04-01/06, où la Cour se référa d’abord à la définition du protocole (§ 232 : « Ainsi, en plus du critère des violences devant atteindre une certaine intensité et s’étant prolongé dans le temps, l’article 1er alinéa 1 du Protocole additionnel II requiert que les groupes armés disposent : i) d’un commandement responsable impliquant une certaine organisation des groupes armés, suffisante pour concevoir et mener des opérations militaires continues et concertées et pour imposer une discipline au nom d’une autorité de fait incluant l’application du Protocole ; et ii) un contrôle du territoire suffisant pour pouvoir mener des opérations militaires continues et concertées [note : Comité international de la Croix-Rouge, Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, Sandoz, Swinarski et Zimmermann (Dir. Pub.), 1986, par. 4463 à 4470] » puis à l’arrêt d’appel dans l’affaire Tadić pour dire § 233 : « La Chambre d’appel du TPIY a considéré qu’un conflit armé non international était constitué dès lors qu’il existait un « conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d’un Etat [note : Le Procureur c. Dusko Tadić, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence du 2 octobre 1995 affaire n° IT-94-1-AR75, par. 70]. Cette définition reprend les deux critères du protocole additionnel II bien que la capacité de pouvoir mener des opérations militaires continues et concertées n’y soit plus liée au contrôle d’un territoire. Par conséquent, l’implication de groupes armés possédant un certain degré d’organisation et de capacité de concevoir et mener des opérations militaires prolongées permettrait de qualifier le conflit de conflit armé ne présentant pas un caractère international ». Elle rapproche ensuite la définition du Statut de celle du TPIY, § 234 : « La Chambre relève que l’article 8-2-f du Statut fait mention des « conflits armés qui opposent [des groupes armés] de manière prolongée ». Selon la Chambre, ces termes mettent l’accent sur la nécessité que les groupes armés en question aient la capacité de concevoir et mener des opérations militaires pendant une période prolongée ».

[4] Voir CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 536 où, après s’être référée au § 233 de CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, N° ICC-01/04-01/06, déclara : « Reprenant cette conclusion à son compte, la Chambre de première instance fait observer que l’article 8-2-f du Statut exige seulement l’existence d’un conflit opposant « de manière prolongée » des « groupes armés organisés ». A la différence du Protocole additionnel II, il n’exige pas que les groupes armés « exercent sur une partie d[u] territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées [note : Protocole additionnel II, article 1-1]. Il n’est donc pas nécessaire que l’Accusation établisse que les groupes armés en cause exerçaient un contrôle sur une partie du territoire de l’Etat concerné [note : La Chambre préliminaire II a abouti à la même conclusion dans la décision ICC-01/05-01/08-424-tFRA, par. 236]. En outre, l’article 8-2-f n’incorpore pas l’exigence que les groupes armés soient « sous la conduite d’un commandement responsable », telle qu’énoncée à l’article 1-1 du Protocole additionnel II [note : Telle semble être la position de la Chambre préliminaire I, ICC-01/04-01/06-803, par. 232 et 233 ; la Chambre préliminaire II a adopté une interprétation différente, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, par. 234]. Au lieu de cela, les « groupes armés organisés » doivent présenter un degré d’organisation suffisant pour leur permettre de mener un conflit armé prolongé [note : ICC-01/04-01/06-803, par. 234. Les auteurs du Statut de Rome semblent avoir délibérément refusé d’y inclure les exigences supplémentaires énoncées dans le Protocole additionnel II, à savoir que les groupes armés soient sous la conduite d’un commandement responsable et exercent un contrôle su une partie du territoire. Voir Otto Triffterer (Dir. Pub.), Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court : Observer’s Notes (2008), page 502, numéro 351 ; Wiliiam A. Schabas, The International Criminal Court – A Commentary on the Rome Statute (2010), pages 204 et 205 ; Roy S. Lee (Dir. Pub.), The International Criminal Court : The Making of the Rome Statute(1999), pages 120 et 121 ; Comité international de la Croix-Rouge, « Préoccupations quant au seuil imposé pour les crimes de guerre commis lors des conflits armés non internationaux, comme il est prévu dans la proposition du Bureau publiée sous la côte A/CONF.183/C.1/L.59 et Corr. 1 », document de l’ONU A/CONF.183/INF/11] ».

[5] Voir ainsi Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, jugement, §§ 1634 ss.

  1. Cette définition paraît plus restrictive que ce qu’on pouvait subsumer sous l’article 3 par les conditions qu’elle pose, à savoir que le conflit doit opposer de manière prolongée les belligérants et qu’il faut des groupes armés organisés. Elle paraît cependant plus compréhensive que celle du Protocole II sur plusieurs points même si elle maintient la condition d’organisation des groupes armés : elle embrasse les conflits entre groupes armés ; elle n’exige plus la conduite de leurs activités sous un commandement responsable (ces groupes doivent seulement présenter un degré d’organisation suffisant pour leur permettre de mener un conflit armé prolongé, cette organisation se déduisant d’un faisceau d’indices[1]) ; elle n’exige pas non plus de contrôle territorial permettant de mener des opérations militaires continues et concertées même si elle pose une condition de durée. Le contrôle semble n’être plus qu’un critère de l’intensité des combats et de l’organisation des parties à ceux-ci[2], le conflit devant toujours être d’une certaine intensité[3]. Cela dit, ainsi que précisé par la Chambre africaine extraordinaire d’assises, le fait que l’intensité du conflit s’amenuise ne fait pas perdre à ce dernier sa qualité jusqu’à son règlement complet[4].

[1] Voir CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 537 : « Lorsqu’il s’agit de déterminer si l’on est en présence d’un groupe armé organisé (pour déterminer si un conflit armé ne présentait pas un caractère international), les éléments de fait suivants, dont la liste n’est pas exhaustive, peuvent être pertinents : la hiérarchie interne de la force ou du groupe en cause ; la structure de commandement et les règles appliquées ; la capacité de se procurer des équipements militaires, notamment des armes à feu ; la capacité de la force ou du groupe en cause de planifier et de mener des opérations militaires ; et l’étendue , la gravité et l’intensité de toute intervention militaire [note : TPIY, Le Procureur c. Limaj et consorts, affaire n° IT-03-66-T, Chambre de première instance, Jugement, 30 novembre 2005, par. 90 ; TPIY, Le Procureur c. Haradinaj et consorts, affaire n° IT-08-84-T, Chambre de première instance, Jugement, 3 avril 2008, par. 60 ; TPIY, Le procureur c. Boskoski, affaire n° IT-04-82-T, Chambre de première instance, Jugement, 10 juillet 2008, par. 199 à 203]. Aucun de ces éléments de fait n’est déterminant à lui seul. La Chambre devrait faire preuve de souplesse lorsqu’elle appliquera ces critères pour déterminer si l’on était en présence d’un groupe armé organisé, étant donné que l’article 8-2-f du Statut exige seulement que le groupe armé en cause soit « organisé » ».

[2] Voir en ce sens CPI, Chambre de première instance VIII, 27 septembre 2016, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, jugement portant condamnation, N° ICC-01/12-01/15, § 49 [Où le contrôle est un indice de l’intensité du conflit] : « La Chambre est convaincue que ces actes ont eu lieu dans le contexte d’un conflit armé ne présentant pas un caractère international — qui opposait les forces gouvernementales maliennes à plusieurs groupes, dont Ansar Dine et AQMI — et qu’ils étaient associés à ce conflit. Les éléments de preuve démontrent qu’Ansar Dine et AQMI pouvaient être considérés comme des groupes armés organisés à l’époque considérée, la Chambre relevant en particulier leur capacité militaire de déloger l’armée malienne, de prendre Tombouctou et d’exercer une forme de pouvoir sur cette ville durant environ neuf mois. En ce qui concerne l’exigence que les violences armées atteignent un certain seuil d’intensité pour pouvoir être distinguées de simples situations de tensions internes ou de troubles intérieurs, la Chambre fait observer que le fait que ces groupes ont contrôlé une si grande partie du Mali durant une période si prolongée — avec l’effet que l’on sait sur la population civile concernée — montre clairement que le conflit atteignait un degré d’intensité suffisant. Ces groupes armés n’auraient pas pu exécuter l’attaque sans avoir conquis Tombouctou, et les justifications avancées lors de l’attaque étaient les mêmes que celles qu’ils avaient avancées pour prendre le contrôle de la ville et, plus généralement, du nord du Mali ». Voir aussi Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, § 1636.

[3] Voir CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 538 : « L’intensité du conflit est utile pour déterminer s’il existait un conflit armé ne présentant pas un caractère international [note : L’exigence énoncée à l’article 8-2-f est également une condition de déclenchement de la compétence, puisque si le degré d’intensité nécessaire n’est pas atteint, les crimes allégués ne relèvent pas de la compétence de la Cour ; voir ICC-01/05-01/08-424-tFRA, par. 225] parce qu’aux termes de l’article 8-2-f, la violence doit aller au-delà d’actes sporadiques ou isolés. Le TPIY a conclu que l’intensité du conflit devrait « [TRADUCTION] servir seulement à distinguer un conflit armé du banditisme, des insurrections inorganisées et de courte durée ou des activités terroristes qui ne relèvent pas du droit international humanitaire » [note : TPIY, Le Procureur c. Dordević, affaire n° IT-05-87/1-T, Chambre de première instance, Public Judgment with Confidential Annex – Volume I of II, 23 février 2011, par. 1522]. Le TPIY a indiqué que pour apprécier l’intensité d’un conflit potentiel, une chambre devrait notamment prendre en considération la gravité des attaques et la multiplication possible des affrontements armés, leur extension dans le temps et dans l’espace, le renforcement des effectifs des forces gouvernementales, la mobilisation et la répartition des armes entre les deux parties au conflit, la question de savoir si le conflit a attiré l’attention du Conseil de sécurité de l’ONU et, dans l’affirmative, si ce dernier a adopté des résolutions à son sujet [note : TPIY, Le procureur c. Mrksić et consorts, affaire n° IT-95-13/1-T, Chambre de première instance, Jugement, 27 septembre 2007, par. 407]. La Chambre considère cette démarche comme appropriée ».

[4] En ce sens, entre autres : Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, jugement, § 1635 : « La Chambre de première instance dans l’affaire Haradinaj a jugé que comme un conflit armé interne se poursuit jusqu’au règlement de paix, elle n’avait « pas à s’enquérir des variations d’intensité du conflit armé pendant le reste de la période considérée » (Note : Jugement Haradinaj, par. 100] ».

1.3. La question de l’« internationalisation » de conflits armés non internationaux du fait de l’intervention d’Etats étrangers

1.3.1. Internationalisation possible d’un conflit armé non international par une intervention d’un Etat étranger

  1. La jurisprudence internationale admet qu’une intervention directe ou indirecte d’un Etat étranger dans un conflit armé non international puisse faire naître un conflit international.
  2. Il faut pour cela que cette intervention — par ses propres forces ou par des groupes armés qu’il contrôle — soit dirigée contre les forces de l’Etat sur le territoire duquel un conflit se déroule ou contre des forces que celui-ci contrôle.

En ce sens : CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur la confirmation des charges, Affaire ICC-01/04-01/06, §§ 209 ss. [voir infra pour les conditions].

De même : CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, se référant au CICR et à l’arrêt Tadić pour y faire entrer l’occupation : « 541. Le cadre juridique instauré par le Statut de Rome ne définit pas les « conflits armés internationaux ». En se fondant sur l’article 2 commun aux Conventions de Genève, le commentaire du CICR y relatif et l’Arrêt Tadić du TPIY, la Chambre préliminaire I a conclu qu’un conflit armé est international : s’il oppose deux ou plusieurs Etats, et que cette notion couvre les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’un Etat tiers, que cette occupation, de tout ou partie du territoire, rencontre ou non une résistance militaire. De plus, un conflit armé interne qui éclate sur le territoire d’un Etat peut devenir international — ou, selon les circonstances, présenter parallèlement un caractère international — si i) les troupes d’un autre Etat interviennent dans le conflit (intervention directe) ou si ii) certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet autre Etat (intervention indirecte)[1]/ Il est largement admis que lorsqu’un Etat entre en conflit avec un groupe armé non gouvernemental situé sur le territoire d’un Etat voisin et que le groupe armé agit sous le contrôle de son Etat de résidence, « les affrontements relèvent alors d’un conflit armé opposant les deux Etats concernés[2]. Toutefois, si le groupe armé n’agit pas au nom d’un gouvernement, on ne saurait parler de conflit armé international en l’absence d’opposition entre deux Etats[3]. Lorsqu’elle a examiné cette question, la Chambre préliminaire II a conclu qu’« un conflit armé international existe dès lors que des hostilités armées opposent des Etats à travers leurs armées respectives ou à travers d’autres acteurs agissant en leur nom[4] » (voir § 542 sur l’occupation et §§ 552 ss. pour l’appréciation en l’espèce de l’existence d’un tel conflit).


[1] ICC-01/04-01/06-803, par. 209. Voir aussi ICC-01/05-01/08-424-tFRA, par. 220 à 223. Voir Arrêt Tadić relatif à la compétence, par. 70 (cité plus haut). Voir aussi TPIY, Le Procureur c/ Delalić et consorts, affaire n° IT-96-21-T, Chambre de première instance, Jugement, 16 novembre 1998, par. 183 et TPIY, Le Procureur c/ Brđanin, affaire n° IT-99-36-T, Chambre de première instance, Jugement, 1er septembre 2004, par. 122.

[2] S. Vité, « Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et réalités », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 91 (2009), pages 70, 71 et 90 ; voir aussi Arrêt Tadić, par. 84, 90, 131 et 137 à 145 ; Gary D. Solis, The Law of Armed Conflict (2010), pages 154 et 155 ; Jelena Pejić, « Status of Armed Conflicts », in Elizabeth Wilmshurst (Dir. pub.), Perspectives on the ICRC Study on Customary International Humanitarian Law (2007), pages 92 et 93.

[3] Jean Pictet (Dir. pub.), Commentaires des Conventions de Genève du 12 août 1949. Volume I : Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (2002), page 34 (« Tout différend surgissant entre deux États et provoquant l’intervention de membres des forces armées, est un conflit armé au sens de l’article 2 […] ») ; Sylvain Vité, « Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et réalités, Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 91 (2009), pages 70 et 71 ; Jelena Pejić, « Status of Armed Conflicts », in Elizabeth Wilmshurst (Dir. pub.), Perspectives on the ICRC Study on Customary International Humanitarian Law (2007), pages 92 et 93.

[4] ICC-01/05-01/08-424-tFRA, par. 223.

Voir également CPI, Chambre de première instance VIII, 27 septembre 2016, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi : « La Chambre observe également que rien dans le dossier des preuves n’indique la moindre intervention étrangère en opposition aux forces maliennes au cours de la période considérée, et que les parties n’ont pas non plus prétendu que la participation d’un autre Etat pourrait modifier la qualification du conflit. Cela signifie que rien n’indique que le conflit armé se soit internationalisé ou qu’il aurait dû être qualifié d’international dès son déclenchement »[1].


[1] CPI, Chambre de première instance VIII, 27 septembre 2016, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, jugement portant condamnation, N° ICC-01/12-01/15, § 50.

Voir encore Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, jugement, § 1626.

  1. En revanche, une intervention contre des forces non étatiques et non contrôlées par celui-ci ne donne pas naissance à un conflit armé international puisqu’elle ne conduit pas à l’affrontement de forces étatiques entre elles.

En ce sens, CPI, Chambre préliminaire II, 15 juin 2009, Situation en République centrafricaine, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Affaire ICC-01/05-01/08, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, par 246 : « la Chambre conclut que le conflit armé survenu sur le territoire centrafricain ne présentait pas un caractère international. Durant toute la période considérée, le conflit n’a pas dépassé les frontières de la RCA. Les éléments de preuve communiqués n’apportent aucune information sur la participation d’Etat étrangers, qui aurait conféré au conflit un caractère international. La présence en territoire centrafricain d’un nombre limité de troupes étrangères, comme des soldats du MLC, des mercenaires tchadiens et des soldats libyens, visait à soutenir les autorités gouvernementales de la RCA dans leur riposte contre le groupe armé organisé conduit par François Bozizé, et non pas à s’en prendre à l’Etat et aux autorités de la RCA ».

En ce sens également, le CICR au sujet du conflit afghan alors que des soldats étrangers soutenaient le gouvernement car ce conflit n’opposait pas deux Etats : « The so-called “war on terror” can also take the form of a non-international armed conflict, such as the one currently being waged in Afghanistan between the Afghan government, supported by a coalition of States and different armed groups, namely, remnants of the Taliban and Al-Qaeda. This conflict is non-international, albeit with an international component in the form of a foreign military presence on one of the sides, because it is being waged with the consent and support of the respective domestic authorities and does not involve two opposed States »[1].


[1] International Humanitarian Law and the Challenges of Contemporary Armed Conflicts, Doc. Of the ICRC to the 3th Red Cross Conference, Geneva, October 2007, p. 7.

1.3.2. Critère d’internationalisation d’une intervention indirecte d’un Etat étranger : le « contrôle global »

  1. Or, l’Etat étranger peut intervenir dans le conflit de deux manières : soit par ses propres forces, soit au moyen ou au soutien de groupes armés qui ne relèvent pas de ses forces.

Voir, outre la jurisprudence citée supra : TPIY, Chambre d’appel, 15 juillet 1999, Le procureur c. Dusko Tadić, affaire IT-94-1-A, arrêt, § 84 : « un conflit armé interne qui éclate sur le territoire d’un Etat peut devenir international (ou, selon les circonstances, présenter parallèlement un caractère international) si i) les troupes d’un autre Etat interviennent dans le conflit ou encore, si ii) certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet autre Etat ».

Voir également : CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, Affaire ICC-01/04-01/06, § 209 : « La Chambre considère qu’un conflit armé est de caractère international s’il oppose deux ou plusieurs Etats, et que cette notion couvre les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’un Etat tiers, que cette occupation, de tout ou partie du territoire rencontre ou non une résistance militaire. De plus, un conflit armé interne qui éclate sur le territoire d’un Etat peut devenir international – ou, selon les circonstances, présenter parallèlement un caractère international – si i) les troupes d’un autre Etat interviennent dans le conflit (intervention directe) ou si ii) certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet autre Etat (intervention indirecte[1]) ».


[1] Le Procureur c. Dusko Tadić, Arrêt, 15 juillet 1999, Affaire n° IT-94-1-A, par. 84.

  1. Dans le premier cas, on l’a vu, il suffit d’actes d’hostilités entre deux forces armées étatiques, quelle que soit leur intensité, pour que naisse un conflit armé international. Dans le second cas, la question est très délicate de savoir à quelles conditions une intervention peut conduire à l’avènement d’un conflit armé international.

Sur ce point, voir TPIY, Chambre d’appel, 15 juillet 1999, Le procureur c. Dusko Tadić, affaire IT-94-1-A, arrêt, qui pose comme critère le fait que les forces armées engagées dans le conflit « agissent au nom d’une puissance étrangère » (§ 81 et § 84 précité) ou « pour le compte » de celle-ci (par exemple § 91). En l’espèce, il s’agissait de déterminer si les forces des Serbes de Bosnie – au pouvoir desquelles se trouvaient les victimes bosniaques – pouvaient être considérées « comme des organes [ou agents dans d’autres passages de l’arrêt, notamment § 98] de droit ou de fait d’une Puissance étrangère », ici la RFY (§§ 87 et 91), ce qu’il mesura avec le test du « contrôle » (§§ 94-95), « exercé sous quelque forme que ce soit » (§ 96). Plus précisément, s’agissant de l’intensité de ce contrôle requise pour qualifier le conflit armé d’international, la Chambre rejeta expressément l’exigence de “contrôle effectif” posé en matière de responsabilité internationale de l’Etat par la CIJ dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci et repris par la Chambre de première instance II qu’elle jugea très étroit et non convaincant. Elle préféra le critère du “contrôle global” de l’Etat sur le groupe armé (§§ 120, 122, 123, 137, 145), “non seulement en l’équipant et le finançant, mais également en coordonnant ou en prêtant son concours à la planification d’ensemble de ses activités militaires” (§ 131). Ainsi, “En somme, lorsqu’il s’agit de déterminer si un individu auquel la législation interne ne confère pas le statut d’agent de l’État peut être considéré comme un organe de fait de cet Etat, la Chambre d’appel est d’avis que les règles de droit international n’exigent pas toujours le même degré de contrôle sur cet individu que sur des membres de groupes armés. Le degré de contrôle requis peut, en effet, varier. Lorsque se pose la question de savoir si un particulier isolé ou un groupe qui n’est pas militairement organisé a commis un acte en qualité d’organe de fait d’un Etat, il est nécessaire de déterminer si ce dernier lui a donné des instructions spécifiques pour commettre ledit acte. A défaut, il convient d’établir si l’acte illicite a été a posteriori publiquement avalisé ou approuvé par l’Etat en question. En revanche, le contrôle exercé par un État sur des forces armées, des milices ou des unités paramilitaires subordonnées peut revêtir un caractère global (mais doit aller au-delà de la simple aide financière, fourniture d’équipements militaires ou formation). Cette condition ne va toutefois pas jusqu’à inclure l’émission d’ordres spécifiques par l’Etat ou sa direction de chaque opération. Le droit international n’exige nullement que les autorités exerçant le contrôle planifient toutes les opérations des unités qui dépendent d’elles, qu’elles choisissent leurs cibles ou leur donnent des instructions spécifiques concernant la conduite d’opérations militaires ou toutes violations présumées du droit international humanitaire. Le degré de contrôle requis en droit international peut être considéré comme avéré lorsqu’un Etat (ou, dans le contexte d’un conflit armé, une Partie au conflit) joue un rôle dans l’organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer, l’entraîner, l’équiper ou lui apporter son soutien opérationnel. Les actes commis par ce groupe ou par ses membres peuvent dès lors être assimilés à des actes d’organes de fait de l’Etat, que ce dernier ait ou non donné des instructions particulières pour la perpétration de chacun d’eux » (§ 137) ; « L’examen qui précède nous mène raisonnablement à la conclusion suivante. En l’espèce qui nous intéresse, les forces armées des Serbes de Bosnie étaient constituées en “organisation militaire” ; le droit international exige donc, pour qualifier le conflit armé d’international, que la RFY ait exercé sur ces forces un contrôle global allant au-delà de leur simple financement et équipement et impliquant également une participation à la planification et à la supervision de leurs opérations militaires. Par contre, le droit international ne requiert pas que ce contrôle s’étende à l’émission d’ordres ou d’instructions spécifiques concernant des actions militaires précises, que ces dernières aient été ou non contraires au droit international humanitaire » (§ 145).

Voir aussi TPIY, Chambre d’appel, 24 mars 2000, Le Procureur c. Zlatko Aleksovski, Affaire IT-95-14/1-A, Arrêt, § 134 : « la Chambre d’appel va s’en tenir à la décision antérieurement rendue dans l’Arrêt Tadić, puisqu’un examen attentif n’a permis de dégager aucune raison impérieuse justifiant qu’elle s’en écarte. Elle n’est ainsi certainement pas en mesure de dire que cette décision antérieure a été prise sur la base d’un principe juridique erroné ou rendue per incuriam. Le critère de « contrôle global » exposé dans l’Arrêt Tadić énonce bien le droit applicable » ; TPIY, Chambre d’appel, 20 février 2001, Le Procureur c/ Delalić et consorts, Affaire IT-96-21-A, Arrêt, § 26 : « Appliquant le principe énoncé dans l’Arrêt Aleksovski, la présente Chambre d’appel ne peut conclure que la décision antérieurement rendue dans l’affaire Tadić repose sur un principe juridique erroné, ou qu’elle a été prise per incuriam. Après avoir attentivement examiné les arguments avancés par les appelants, la présente Chambre d’appel ne peut entrevoir aucune raison impérieuse de s’écarter, dans l’intérêt de la justice, de la décision rendue dans l’Arrêt Tadić [note omise]. Le critère du « contrôle global » retenu dans l’Arrêt Tadić est donc celui à appliquer pour établir l’existence d’un conflit armé international » et TPIY, Chambre d’appel, 17 décembre 2004, Le Procureur c/ Kordić et Čerkez, Affaire IT-95-14/2-A, Arrêt, §§ 306-307.

  1. Si la CPI exige également que les groupes armés agissent au nom de l’Etat[1] et rejette à son tour le critère du « contrôle effectif » pour retenir celui du « contrôle global » de l’Etat étranger sur les agissements de ces groupes pour qualifier le conflit armé d’international, elle se distingue de l’arrêt du TPIY en ne faisant plus référence à la théorie de l’organe de fait.

[1] Voir ainsi CPI, Chambre préliminaire II, 15 juin 2009, Situation en République centrafricaine, affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Affaire ICC-01/05-01/08, par. 220 à 223 qui reprend CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, Affaire ICC-01/04-01/06, § 209 précité et renvoie au § 1 de l’article 2 commun, ainsi qu’au commentaire de cet article par le CICR pour affirmer § 223 : « Par conséquent, la Chambre conclut qu’un conflit armé international existe dès lors que des hostilités opposent des Etats à travers leurs armées respectives ou à travers d’autres acteurs agissant en leur nom».

Voir ainsi CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, Affaire ICC-01/04-01/06, où la Chambre, après avoir cité l’arrêt Tadić du 15 juillet 1999, déclara § 211 : « La Chambre est d’avis que lorsqu’un Etat n’est pas directement intervenu sur le territoire d’un autre Etat en utilisant ses propres troupes, le critère du contrôle global s’applique afin de déterminer si des forces armées agissent au nom du premier Etat. C’est le cas lorsque cet Etat joue un rôle dans l’organisation, la coordination et la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus du financement, de l’entraînement, de l’équipement ou du soutien opérationnel qu’il lui apporte ».

Voir également CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, N° ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 541 : « En ce qui concerne le degré de contrôle que doit exercer un Etat sur un groupe armé agissant en son nom, la Chambre de première instance a conclu que le critère du « contrôle global » était à retenir. Ce critère permet de déterminer si un conflit armé ne présentant pas un caractère international pourrait avoir été internationalisé par l’intervention de forces armées agissant au nom d’un autre Etat. Un Etat peut exercer le degré de contrôle requis s’il « joue un rôle dans l’organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer, l’entraîner, l’équiper ou lui apporter son soutien opérationnel »[1]. La Chambre préliminaire I a repris cette position à son compte[2] ».


[1] Arrêt Tadić, par. 137 [souligné dans l’original] ; voir aussi : « [L]e contrôle exercé par un Etat sur des forces armées, des milices ou des unités paramilitaires subordonnées peut revêtir un caractère global (mais doit aller au-delà de la simple aide financière, fourniture d’équipements militaires ou formation) » (ibid., par. 137 [souligné dans l’original]). Voir aussi T.P.I.Y., Le Procureur c. Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 24 mars 2000n par. 131 à 134 ; T.P.I.Y., Le Procureur c. Delalić et consorts, affaire n° IT-96-21-A, Chambre d’appel, arrêt, 20 février 2001, par. 26 ; T.P.I.Y., Le Procureur c. Kordić et Čerkez, affaire n° IT-95-14/2-A, Chambre d’appel, arrêt, 17 décembre 2004, par. 306 et 307]

[2] ICC-01/04-01/06-803, par. 211. Contra, après un long raisonnement : “If a foreign State has used force against another State, albeit indirectly by supporting a non-state group, there is an international armed conflict between the two States. In order to determine whether there is a use of force by one State against another we must turn to those aspects of the ius ad bellum that determines this question. Ironically, the leading case here is the Nicaragua case [note : Now also the Armed Activities case] but not the parts referred to by the majority in Tadic. The case law of the International Court of Justice and customary international law shows that a State is taken to have used force against another State even where it has not intervened with its own troops or, even where it has not used forces that are de facto its own (e.g. by organizing and sending forces) but also where it arms and trains non-state forces”, D. Akande, « Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts », in Wilmshurst E. (dir.), International Law and the Classification of Conflicts, Oxford, OUP, 2012, pp. 32-79.

D’une autre institution, Nations Unies, Haut-Commissariat aux droits de l’homme, République démocratique du Congo, 1993-2003. Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, août 2010, § 479 : « L’implication du Rwanda et de l’Ouganda dans le conflit, dès le début, dans la mise sur pied de l’AFDL et son organisation, la planification des opérations, le support logistique tel que la fourniture d’armes et l’entraînement d’une partie des combattants est aujourd’hui reconnue par les plus hautes autorités des pays concernés[1]. Les opérations militaires de l’AFDL étaient placées sous le commandement du colonel James Kabarebe, officier rwandais devenu, à la fin de la guerre, le chef d’état-major ad interim des Forces armées congolaises du nouveau Gouvernement[2]. Les informations recueillies tant par l’Equipe d’enquête du Secrétaire général que par l’Equipe Mapping indiquent que des officiers rwandais étaient les commandants de facto, notamment à Shabunda (Sud-Kivu), Kisangani (province Orientale) et Mbandaka (Equateur), même quand des officiers congolais de l’AFDL étaient censés être leurs supérieurs hiérarchiques[3]. L’implication active d’éléments des forces armées ougandaises (UDPF), a été également confirmée dans plusieurs endroits, tels que Kitale, Kibumba et Mugunga, au Nord-Kivu, Kiliba au Sud-Kivu et jusque dans la province Orientale. Toutes ces informations permettent d’affirmer le caractère international du conflit armé qui s’est déroulé en RDC entre 1996 et 1998, soit durant ce qu’il est convenu d’appeler la première guerre ».


[1] Dans une interview accordée au Washington Post le 9 juillet 1997, le Président rwandais Paul Kagame (Ministre de la défense à l’époque) a reconnu que des troupes rwandaises avaient joué un rôle clef dans la campagne de l’AFDL. Selon le Président Kagame, le plan de bataille était composé de trois éléments: a démanteler les camps de réfugiés, b détruire la structure des ex-FAR et des Interahamwe basés dans les camps et autour des camps et c renverser le régime de Mobutu. Le Rwanda avait planifié la rébellion et y avait participé en fournissant des armes et des munitions et des facilités d’entraînement pour les forces rebelles congolaises. Les opérations, surtout les opérations clefs, ont été dirigées, selon Kagame, par des commandants rwandais de rang intermédiaire (« Mid-level commanders »). Washington Post, « Rwandans Led Revolt in Congo », 9 juillet 1997. Voir également l’entretien accordé par le général James Kabarebe, l’officier rwandais qui a dirigé les opérations militaires de l’AFDL, à l’Observatoire de l’Afrique centrale : « Kigali, Rwanda. Plus jamais le Congo », Volume 6, numéro 10 du 3 au 9 mars 2003. Voir également les interviews télévisées du Président de l’Ouganda, du Président du Rwanda et du général James Kaberere expliquant en détail leurs rôles respectifs dans cette première guerre, dans « L’Afrique en morceaux », documentaire réalisé par Jihan El Tahri, Peter Chappell et Hervé Chabalier, 100 minutes, produit par canal Horizon, 2000.

[2] Le général James Kaberebe est aujourd’hui chef d’état-major des Forces rwandaises de défense (Rwanda Defence Forces).

[3] Entretiens avec l’Equipe Mapping, Equateur, Sud-Kivu et Kisangani, 2008 et 2009; Rapport de l’Équipe d’enquête du Secrétaire général (S/1998/581), annexe, par. 117.

Voir encore Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, jugement, § 1630 : « A l’instar de la Chambre d’appel du TPYI dans l’affaire Aleksovski, la Chambre considère que dans la mesure où le critère du « contrôle global » permet « une meilleure protection des victimes civiles des conflits armés, cette norme différente et moins stricte est totalement en harmonie avec le but fondamental de la IVe Convention de Genève consistant à ‘assurer la protection maximale possible aux civils’ »[1]. La Chambre a donc adopté le critère du « contrôle global » pour déterminer l’existence du caractère international d’un conflit armé ».


[1] Arrêt Aleksovski, par. 146.

1.3.3. La concomitance de conflits différents

  1. La question de savoir si l’internationalisation d’un conflit armé non international conduit à ce que l’ensemble devient alors international est discutée. Certains auteurs le considèrent. On estime que tel n’est pas le cas.
  2. En effet, le droit international admet qu’il puisse exister des situations où coexistent un conflit armé international et un conflit armé non-international.

Voir ainsi Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats Unis d’Amérique), fond, arrêt 27 juin 1986, C.I.J. Rec. 1986, p. 14, § 219 : « Le conflit entre les forces contras et celles du Gouvernement du Nicaragua est un conflit armé « ne présentant pas un caractère international ». Les actes des contras à l’égard du Gouvernement du Nicaragua relèvent du droit applicable à de tels conflits, cependant que les actions des Etats-Unis au Nicaragua et contre lui relèvent des règles juridiques intéressant les conflits internationaux ».

Voir également TPIY, Chambre d’appel, 2 octobre 1995, Le Procureur c. Dusko Tadic, alias « Dule », arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence affaire n° IT-94-1-AR72, §§ 72-77, sp. § 77 : « Sur la base de ce qui précède, nous concluons que les conflits dans l’ex-Yougoslavie revêtent les caractères de conflits à la fois internes et internationaux, que les Membres du Conseil de sécurité avaient clairement les deux aspects à l’esprit quand ils ont adopté le Statut du Tribunal international et qu’ils avaient l’intention de l’habiliter à juger des violations du droit humanitaire commises dans les deux contextes. Le Statut doit, par conséquent, être considéré comme donnant effet à cet objectif dans toute la mesure du possible aux termes du droit international en vigueur » et TPIY, Chambre d’appel, 15 juillet 1999, Le procureur c. Dusko Tadić, affaire IT-94-1-A, arrêt, § 84 précité.

De même, Chambre africaine extraordinaire d’assises, 30 mai 2016, Ministère public c. Hissein Habré, jugement, §§ 1626 et 1633.

En ce sens encore, CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 540 : « La Chambre d’appel du TPIY a reconnu qu’en fonction des parties impliquées, des conflits se déroulant en même temps sur un territoire donné peuvent être de nature différente[1]. La Chambre souscrit à cette opinion et admet que des conflits internationaux et non internationaux peuvent coexister[2] ». Voir aussi § 551 : « Lorsque des conflits de nature différente se déroulent sur un même territoire il est nécessaire de déterminer si les actes criminels à l’examen ont été commis dans le cadre d’un conflit armé international ou non international[3]. C’est pourquoi il faut déterminer si l’intervention militaire d’un ou plusieurs des voisins de la RDC sur le territoire de celle-ci a internationalisé le ou les conflits qui nous intéressent en l’espèce »[4].


[1] Arrêt Tadić relatif à la compétence, par. 72 à 77 ; […]

[2] TPIY, Le procureur c. Tadić, affaire n° IT-94-1_A, chambre d’appel, arrêt, 15 juillet 1999, par. 84. La Cour internationale de Justice a également reconnu ce principe de coexistence dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), Fond, arrêt du 27 juin 1986 par. 219 : « Le conflit entre les forces contras et celles du Gouvernement du Nicaragua est un conflit armé « ne présentant pas un caractère international ». Les actes des contras à l’égard du Gouvernement du Nicaragua relèvent du droit applicable à de tels conflits, cependant que les actions des Etats-Unis au Nicaragua et contre lui relèvent des règles juridiques intéressant les conflits internationaux. Or l’identité des règles minimales applicables aux conflits internationaux et aux conflits n’ayant pas ce caractère rend sans intérêt de décider si les actes en question doivent s’apprécier dans le cadre des règles valables pour l’une ou pour l’autre catégorie ».

[3] Voir Gerhard Werle, Principles of International Criminal Law (2009), page 372, note en marge 998.

[4] Voir aussi § 543 : « Les éléments de preuve produits en l’espèce démontrent au-delà de tout doute raisonnable que durant l’intégralité de la période visée par les charges, plusieurs conflits armés, dans lesquels étaient impliqués divers groupes, se déroulaient simultanément en Ituri et dans les régions voisines de la RDC.; § 563 : « Le conflit auquel l’UPC/FPLC était partie n’étant pas « un différend surgissant entre deux Etats [note : voir par. 541] mais un conflit prolongé entre plusieurs groupes armés non gouvernementaux, il demeure non international, en dépit de sa coexistence avec tout conflit armé international pouvant opposer l’Ouganda à la RDC ».

Sur un plan non juridictionnel, Nations Unies, Haut-Commissariat aux droits de l’homme, République démocratique du Congo, 1993-2003. Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, août 2010, § 19 au sujet de la « deuxième guerre (août 1998-janvier 2000) : « Cette période comporte 200 incidents et est caractérisée par l’intervention sur le territoire de la RDC des forces armées régulières de plusieurs Etats, combattant avec les Forces armées congolaises (FAC) [Zimbabwe, Angola et Namibie] ou contre elles, en plus de l’implication de multiples groupes de miliciens et de la création d’une coalition regroupée sous la bannière d’un nouveau mouvement politico-militaire, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), qui se scindera à plusieurs reprises. Durant cette période la RDC fut la proie de plusieurs conflits armés : « Certains […] internationaux, d’autres internes et […] des conflits nationaux qui ont pris une tournure internationale. Au moins huit armées nationales et 21 groupes armés irréguliers prennent part aux combats »[1], § 474 : « Il est difficile de qualifier l’ensemble des différents conflits armés qui ont affecté la RDC sur toute l’étendue de son territoire entre 1993 et 2003. Selon la période et l’endroit, la RDC a connu des conflits armés de nature interne et internationale et des conflits internes qui se sont internationalisés. Si par moment la présence des forces armées étrangères combattant sur le territoire de la RDC permet de conclure à la nature internationale du conflit, à d’autres moments certains actes de violence de nature ethnique dans plusieurs régions semblent relever beaucoup plus du conflit interne. De même que si la guerre qui a conduit au renversement du régime de Mobutu par l’AFDL avait à l’origine l’apparence d’un conflit interne, on s’est rendu compte par la suite qu’elle était plutôt de nature internationale avec la participation reconnue de forces étrangères des deux côtés. Quant au conflit armé qui a opposé les forces rwandaises et ougandaises dans la province Orientale, les accords de paix signés par les belligérants avec la RDC où ils acceptent de retirer leurs troupes du territoire congolais confirment clairement son caractère international », § 481 : « Cette période est caractérisée par l’intervention sur le territoire de la RDC des forces armées régulières de plusieurs Etats, combattant avec ou contre les forces armées congolaises, en plus de l’implication de multiples groupes de miliciens. Comme le constatait le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC : « la RDC est la proie de plusieurs conflits armés. Certains sont internationaux, d’autres internes et quelques-uns sont des conflits nationaux qui ont pris une tournure internationale (voir E/CN.4/2000/42, par. 20). Au moins huit armées nationales et 21 groupes armés irréguliers prennent part aux combats »[2]. Malgré la signature de l’Accord de cessez-le feu de Lusaka, en juillet 1999, auquel étaient parties la RDC, l’Angola, la Namibie, l’Ouganda, le Rwanda et le Zimbabwe et auquel ont adhéré par la suite les groupes rebelles RCD et MLC, prévoyant le respect du droit international humanitaire par toutes les parties et le retrait définitif de toutes les forces étrangères du territoire national de la RDC[3], les combats ont continué. Le 16 juin 2000, le Conseil de sécurité a demandé à toutes les parties de mettre fin aux hostilités et exigé que le Rwanda et l’Ouganda, qui avaient violé la souveraineté de la RDC, retirent toutes leurs forces du territoire de la RDC[4]. Il faudra attendre 2002, suite à la signature de deux nouveaux accords, celui de Pretoria avec le Rwanda et celui de Luanda avec l’Ouganda, prévoyant le retrait de leurs troupes respectives du territoire de la RDC, pour que s’amorce le retrait des forces étrangères du pays[5]. Ainsi, tant la participation des forces armées étrangères en territoire congolais que l’appui direct en matériel, armement et combattants à plusieurs groupes rebelles congolais durant toute cette période de la « deuxième guerre » permettent d’affirmer qu’un conflit armé de nature internationale se déroulait en RDC en même temps que des conflits internes entre différents groupes de miliciens congolais ».


[1] Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC (A/55/403), par. 15.

[2] Rapport du Rapporteur Spécial (A/55/403), par. 15.

[3] Art. III, par. 12 de l’Accord de cessez-le-feu. L’Accord a été signé à Lusaka le 10 juillet 1999, par l’Angola, la Namibie, l’Ouganda, la RDC, le Rwanda et le Zimbabwe. Il a ensuite été signé par Jean-Pierre Bemba, du MLC, le 1er août 1999, et par 50 membres fondateurs du RCD le 31 août 1999. L’Organisation de l’unité africaine, l’Organisation des Nations Unies et la Communauté pour le développement de l’Afrique australe en ont été témoins (voir S/1999/815) .

[4] Voir résolution 1304 (2000).

[5] Art. 8, par. 3 de l’Accord de paix de Pretoria du 31 juillet 2002 entre la RDC et le Rwanda (voir S/2002/914), annexe ; art. 1er de l’Accord de paix de Luanda du 6 septembre 2002 entre la RDC et l’Ouganda.

1.4. Les situations d’émeutes, troubles intérieurs et tensions internes

  1. Le droit international humanitaire ne s’applique pas aux émeutes, troubles intérieurs, tensions internes et rébellions qui n’atteignent pas l’intensité d’un conflit armé non international. Les Etats refusent encore expressément de réglementer au niveau international ces situations qu’ils entendent soumettre à leur seul droit interne.
  2. En effet, ainsi qu’indiqué par l’article 1 du Protocole II de 1977 et l’article 8(2)(d) et 8(2)(f) du statut de la CPI, les situations de conflit armé non international ne couvrent pas ces situations, lesquelles ne sont pas définies par les instruments internationaux du droit international humanitaire qui ne les régissent pas[1], laissant ainsi une marge de manœuvre aux Etats face à des rébellions qu’ils veulent soumettre à leur seul droit interne et non au regard du droit international.

[1] Voir R. Abi-Saab, « Le droit humanitaire et les troubles internes », in The International Legal System in Quest of Equity and Universality / L’ordre juridique international, un système en quête d’équité et d’universalité. Liber Amicorum Georges Abi-Saab, Kluwer Law International, 2001, pp. 477 ss.

  1. Ce n’est qu’au-delà d’un certain seuil d’intensité du conflit et d’organisation des parties belligérantes, celui du conflit armé non international, qu’ils admirent une intrusion du droit international.
  2. Cela pose problème dans la mesure où le droit international des droits de l’homme peut ne pas y être applicable ou y être limité en vertu des clauses de dérogation ou de limitation des traités protecteurs des droits de l’homme[1]. S’appliquent toutefois ici les considérations élémentaires d’humanité de la clause Martens reconnues par la CIJ comme applicables en dehors d’une situation de conflit armé dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci ; le droit international des droits de l’homme, si l’Etat ne fait pas jouer la clause de dérogation ; le droit interne ainsi que dans une certaine mesure le droit international pénal qui connaît de certaines infractions même commises en temps de paix, en particulier le crime de génocide et le crime contre l’humanité.

[1] En ce sens, R. Abi-Saab, « Le droit humanitaire et les troubles internes », op. cit., pp. 477 ss. , 481 : « Le problème majeur est de savoir comment les principes humanitaires peuvent trouver leur application dans des situations qui tombent formellement en dehors du champ d’application du droit humanitaire parce qu’elles ne sont pas des « conflits armés », et à la fois en dehors du champ des droits de l’homme, parce qu’il s’agit généralement de situations d’exception où la plupart des droits de l’homme – mis à part les droits non dérogeables – peuvent être légalement suspendus. Et même qu’ils ne sont pas suspendus, les droits de l’homme ne sont par ailleurs pas totalement appropriés pour répondre aux problèmes spécifiques posés par de telles situations [note omise) qui appartiennent davantage aux situations de conflits armés. Ainsi l’inapplicabilité formelle du droit humanitaire aux situations de troubles intérieurs et de tensions internes, combinée à la non adéquation du minimum non dérogeable des droits de l’homme, font que les personnes affectées par les troubles intérieurs et les tensions internes se trouvent souvent sans protection ».

2. Tempéraments au principe de distinction du droit applicable selon les types de conflit

2.1. Le rapprochement du droit des conflits armés non internationaux du droit des conflits armés internationaux

  1. On l’a dit, les différences entre le régime applicable aux conflits armés internationaux et celui applicable aux conflits armés non internationaux se réduisent sous le jeu de la pratique[1].

[1] En ce sens, voir notamment E. David, Principes de droit des conflits armés, 5e édition, Bruxelles, Bruylant, 2012, 1151 p., p. 118 : « L’évolution de la pratique tend […] à réduire les différences qui existent entre le régime juridique applicable aux conflits armés internationaux et celui applicable aux conflits armés internes. La Chambre d’appel du TPIY a ainsi été amenée à constater que l’augmentation et l’aggravation des guerres civiles, leurs répercussions sur l’ensemble de la communauté internationale et le développement des droits de l’homme avaient conduit à un effacement progressif de la distinction entre conflits armés internes et confits armés internationaux dès lors que dans les deux cas « des êtres humains sont concernés » [note : TPIY, Chambre d’appel, Aff. IT-94-1-AR 72, 2 octobre 1995, Tadic, § 97] ».

Voir ainsi Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats Unis d’Amérique), fond, arrêt 27 juin 1986, C.I.J. Rec. 1986, p. 14, § 219 : « l’identité des règles minimales applicables aux conflits internationaux et aux conflits n’ayant pas ce caractère rend sans intérêt de décider si les actes en question doivent s’apprécier dans le cadre de règles valables pour l’une ou pour l’autre catégorie. Les principes pertinents doivent être recherchés à l’article 3, identiquement rédigé, des quatre conventions du 12 août 1949, qui visent expressément les conflits ne présentant pas un caractère international ».

En ce sens également CPI, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision sur la confirmation des charges, N° ICC-01/04-01/06, § 204 : « En l’espèce, la Chambre considère […] que la portée de la protection accordée par le Statut contre l’enrôlement, la conscription et la participation active à des hostilités d’enfants de moins de quinze ans est similaire, quelle que soit la qualification du conflit armé. Ainsi […], les paragraphes 2-b-xxvi et 2-e-vii de l’article 8 du Statut érige le même comportement en crime, qu’il soit commis dans le contexte d’un conflit à caractère international ou non ».

Voir encore Nations Unies, Haut-Commissariat aux droits de l’homme, République démocratique du Congo, 1993-2003. Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, août 2010, § 796 : « L’évolution récente du droit international humanitaire a mis en lumière de nombreux éléments qui permettent d’affirmer que les protections et garanties fondamentales jadis réservées aux seuls conflits internationaux sont aujourd’hui applicables également aux conflits internes en tant que règles coutumières du droit international humanitaire[1] ».


[1] Darfour Report, par. 156 à 167.

  1. Il faut, ici encore, se référer à l’arrêt du 2 octobre 1995 de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić[1]. Celle-ci, après avoir noté une certaine relativisation de la distinction des deux types de conflits (§ 97 : « Depuis les années 1930, cependant, la distinction susmentionnée s’est de plus en plus estompée et des règles juridiques internationales sont de plus en plus apparues ou ont été convenues en vue de régir les conflits armés internes »), prôna le rapprochement de leur régime juridique. Ainsi soutint-elle l’extension des règles et principes régissant les moyens et méthodes de guerre dans les conflits armés internationaux aux conflits armés non internationaux, § 119 : « des considérations élémentaires d’humanité et de bon sens rendent absurde le fait que les Etats puissent employer des armes prohibées dans des conflits armés internationaux quand ils essayent de réprimer une rébellion de leurs propres citoyens sur leur propre territoire. Ce qui est inhumain et, par conséquent, interdit dans les conflits internationaux, ne peut être considéré comme humain et admissible dans les conflits civils ». La Chambre décida en effet de remettre en cause dans une certaine mesure la distinction entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux. Elle expliqua que la dichotomie entre ces conflits armés s’était estompée et que des règles internationales s’étaient développées pour régir les conflits internes pour plusieurs raisons : 1° les guerres civiles sont devenues de plus en plus fréquentes en sorte que le droit international ne pouvait ignorer leur régime ; 2° ces conflits sont devenus de plus en plus cruels et prolongés, touchant l’ensemble de la population de l’Etat concerné et le recours à une violence armée totale a pris une telle dimension que la différence avec les guerres internationales s’est de plus en plus effacées comme dans la guerre civile espagnole de 1936-1939, la guerre civile congolaise de 1960-1968, le conflit biafrais au Nigéria en 1967-1970, la guerre civile au Nicaragua en 1981-1990 ou au Salvador de 1980 à 1993 ; 3° le conflit civil de grande échelle, conjugué à l’interdépendance croissante des Etats a rendu de plus en plus difficile pour les Etats tiers de demeurer à l’écart, les intérêts des Etats tiers provoquant leur participation directe dans ces conflits, exigeant que le droit international tienne davantage compte de leur régime juridique. C’est enfin, 4°, le développement des droits de l’homme : « le développement et la propagation rapides dans la communauté internationale des doctrines des droits de l’homme, en particulier après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, ont apporté des changements significatifs au droit international, en particulier dans l’approche des problèmes qui assaillent la communauté mondiale. Une approche fondée sur la souveraineté de l’Etat a été progressivement supplantée par une approche axée sur les droits de l’homme. Progressivement, la maxime du droit romain hominum causa omne jus constitutum est (tout droit est créé au bénéfice des êtres humains) a acquis également un solide point d’ancrage dans la communauté internationale. Il s’ensuit que, dans le domaine des conflits armés, la distinction entre conflits entre Etats et guerres civiles perd de sa valeur en ce qui concerne les personnes. Pourquoi protéger les civils de la violence de la guerre, ou interdire le viol, la torture ou la destruction injustifiée d’hôpitaux, édifices du culte, musées ou bien privés ainsi qu’interdire des armes causant des souffrances inutiles quand deux Etats souverains sont en guerre et, dans le même temps, s’abstenir de décréter les mêmes interdictions ou d’offrir les mêmes protections quand la violence armée éclate « uniquement » sur le territoire d’un Etat souverain ? Si le droit international, tout en sauvegardant, bien sûr, les intérêts légitimes des Etats, doit progressivement assurer la protection des êtres humains, l’effacement progressif de la dichotomie susmentionnée n’est que naturel »[2].

[1] Voir C. Greenwood, « Scope of Application of Humanitarian Law », op. cit., pp. 45 ss., 56-57.

[2] TPIY, Chambre d’appel, 2 octobre 1995, Le Procureur c. Dusko Tadić, alias « Dule », arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence affaire n° IT-94-1-AR72, § 97.

  1. Notons également qu’un certain nombre de traités récents abandonnent cette distinction. D. Akande[1] souligne ainsi que plusieurs conventions internationales récentes gouvernent la conduite des participants aux hostilités dans les conflits armés sans distinction [Convention sur les armes biologiques de 1972, Convention sur les armes chimiques de 1993, Convention interdisant les mines anti-personnel de 1997, second Protocole à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels de 1999 et l’amendement de 2001 qui étend la convention sur les armes conventionnelles et ses protocoles aux conflits armés non internationaux].

[1] D. Akande, « Classification of Armed Conflicts: Relevant Legal Concepts », in Wilmshurst E. (dir.), International Law and the Classification of Conflicts, Oxford, Oxford University Press, 2012, pp. 32-79.

  1. Parallèlement, le Conseil de sécurité agit dans tous types de conflits et, quel que soit le conflit dans le cadre duquel il intervient, demande aux parties de respecter tout le droit international humanitaire, ce qui rend applicables les traités qui ne le seraient pas conventionnellement.

En ce sens, par exemple, la S/RES/2303 (2016) sur la situation au Burundi du 29 juillet 2016 : « Soulignant également que c’est au Gouvernement burundais qu’il incombe au premier chef d’assurer la sécurité sur son territoire et de protéger sa population, dans le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et droit international humanitaire, selon qu’il convient » ; § 2 : « Exhorte le Gouvernement burundais à respecter, protéger et garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, conformément aux obligations internationales qui sont les siennes, à adhérer à l’état de droit, à traduire en justice et à faire répondre de leurs actes tous les responsables de violations du droit international humanitaire ou de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, selon qu’il convient, y compris les violences sexuelles et toutes les violations et atteintes commises contre des enfants ».

  1. Enfin, on l’a vu, un conflit armé international et un conflit armé non international peuvent coexister.

2.2. Le maintien de la distinction

  1. Il reste que la distinction entre les deux types de conflits armés, outre le maintien de la catégorie des troubles intérieurs, reste valide juridiquement[1] puisque l’applicabilité pleine du droit des conflits armés internationaux aux conflits armés non internationaux n’est pas aboutie.

[1] En ce sens également E. David, Principes de droit des conflits armés, 5e édition, Bruxelles, Bruylant, 2012, 1151 p., p. 119.

  1. En effet, ainsi que le reconnaît l’arrêt Tadić susmentionné, le développement coutumier de l’application du droit international humanitaire aux conflits armés non internationaux par transposition du droit applicable aux conflits armés internationaux au-delà de la lettre conventionnelle n’est pas complet : § 126, « i) seul un certain nombre de règles et de principes régissant les conflits armés internationaux ont progressivement été étendus aux conflits internes ; et ii) cette évolution n’a pas revêtu la forme d’une greffe complète et mécanique de ces règles aux conflits internes ; [C’est] plutôt, l’essence générale de ces règles et non la réglementation détaillée qu’elles peuvent renfermer, [qui] est devenue applicable aux conflits internes […] ». Sous réserve de ces limites, donc, § 127, « il est indéniable que des règles coutumières sont apparues pour régir les conflits internes. Ces règles, spécifiquement identifiées dans [l’arrêt] couvrent des domaines comme la protection des civils contre les hostilités, en particulier à l’encontre d’attaques commises sans motifs, la protection des biens civils, en particulier les biens culturels, la protection de tous ceux qui ne participent pas (ou ne participent plus) directement aux hostilités ainsi que l’interdiction d’armements prohibés dans les conflits armés internationaux et de certaine méthodes de conduite des hostilités ».
  1. Cela est d’autant plus vrai que si beaucoup Etats ont accepté en adoptant et ratifiant le Statut de la CPI l’extension de la définition des conflits armés non internationaux faite par l’arrêt Tadić, ils y ont cependant expressément maintenu la distinction des régimes applicables. Le Statut, en effet, on l’a dit, n’incrimine pas comme crimes de guerre les mêmes comportements selon qu’ils sont commis dans un conflit armé international ou un conflit armé non international. Ainsi l’article 8 prévoit-il (§ 2, a et b) 34 incriminations pour les violations graves du droit international humanitaire commises dans les conflits armés internationaux et seulement (§ 2, c et e) 16 pour celles commises dans les conflits armés non internationaux.
  2. La CPI n’a pu que prendre acte du maintien de cette distinction ainsi qu’il ressort, notamment, implicitement, de la décision de confirmation des charges de la chambre préliminaire qui estima ne pas avoir à qualifier le conflit de conflit armé non international, les Parties étant convenues de cette qualification in CPI, Chambre préliminaire I, 8 février 2010, Le Procureur c. Bahir Idriss Abu Garda, décision relative à la confirmation des charges[1] et explicitement dans l’affaire Lubanga Dyilo :

CPI, Chambre de première instance I, 14 mars 2012, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, N° ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, § 539 : « La Chambre est d’avis que dans le contexte du présent procès, cette distinction [entre conflits armés internationaux et non internationaux] est non seulement établie en droit international des conflits armés mais surtout inscrite dans les dispositions pertinentes du cadre juridique instauré par le Statut de Rome, dont l’article 21 impose l’application ».


[1] « 56. La Chambre rappelle que les parties ont convenu que les crimes de guerre allégués dans le Document de notification des charges « [TRADUCTION] se sont produits dans le contexte d’un conflit armé de longue durée ne présentant pas un caractère international, et étaient associés à un conflit opposant le Gouvernement du Soudan et les forces militaires sous son contrôle aux divers groupes rebelles armés opérant dans la région du Darfour, notamment le MJE et l’ALS‐Unité » ; 57. La Chambre est donc convaincue qu’il existe des motifs substantiels de croire qu’à l’époque des faits, le Darfour était le théâtre d’un conflit armé ne présentant pas un caractère international ; partant, elle ne cherchera pas à analyser davantage les éléments tendant à établir ce point ». Dans ce sens également : “The suggestion that there are rules of customary international law applicable to non-international armed conflicts which go beyond the rules in Common Article 3 and Additional Protocol II appears to be contrary to the earlier report of the Commission of Experts appointed by the Security Council to investigate violations of humanitarian law in the former Yugoslavia [note : See Final Report of the Commission of Experts Established Pursuant to Security Council Resolution 780 (1992), S/1994/674 (27 May 1994) 13, para 42]. However, though questions have been raised as to the methodology used by the ICRC study for determining rules of customary international law [note omitted], there also seems to be acknowledgement, even by States that customary international law now provides more elaborate rules for non-international armed conflicts that the rules to be found in Common Article 3 and Additional Protocol II. Thus, the provisions of the ICC Statute, which was adopted in 1998, relating to war crimes in non-international armed conflicts, contain rules which go beyond the text of those treaties. However, it also ought to be noted that the provisions of the ICC Statute reflect a reluctance on the part of States to go as far as the ICTY and the ICRC. The Statute was adopted after the Tadićdecision and incorporated some elements of that decision (e.g. the definition of non-international armed conflicts). However some of the rules identified by the ICTY and ICRC as customary rules applicable in non-international armed conflicts (e.g. the prohibition of attacks on civilian objects) are not included in the war crimes provisions of the ICC Statute. […] it is nonetheless noteworthy that the Statute includes a significantly longer list of war crimes in international than in non-international armed conflicts [note: Compare art. 8(2)(a) and (b) with art. 8(2)(c) and (e) of the ICC Statute. The Pre-Trial Chamber of the ICC has regarded the difference in criminalization of attacks on civilian objects as reflecting a difference in international humanitarian law. The prosecutor v Bahar Idriss Abu Garda, ICC-02/05-02/09, Confirmation of Charges Decision (Pre-trial Chamber), 8 February 2010: “The Majority notes that, while international humanitarian law offers protection to all civilians in both international armed conflict and armed conflict not of an international character, the same cannot be said of all civilian objects, in respect of which protection differs according to the nature of the conflict]. In conclusion, the distinction between the law applicable in international and non-international armed conflicts is blurring; however, whenever States have been presented with opportunities to abolish the distinction they seem reluctant to do so. Also, it is undeniable that two key parts of international humanitarian law – the law relating to the status of fighters and the rules relating to detention of combatants and civilians – differ depending on the status of the armed conflict [note omitted]. For these reasons, classification of armed conflicts for the purpose of applying international humanitarian law remains important”.

  1. Si, en somme, le mouvement est donc à une certaine unification du droit applicable aux conflits, les trois catégories de violences existent toujours et conditionnent l’applicabilité du droit humanitaire ainsi que, dans une certaine mesure, celle du droit international pénal.

Bibliographie indicative – Notion de conflit armé