Cour internationale de justice – La Guinée équatoriale introduit une instance contre la France au sujet d’un différend ayant trait à la violation alléguée, par cette dernière, de ses obligations souscrites au titre de la convention des Nations Unies contre la corruption et prie la Cour d’indiquer des mesures conservatoires

LA HAYE, le 30 septembre 2022. La République de Guinée équatoriale (ci-après la
«Guinée équatoriale») a introduit hier devant la Cour internationale de Justice, organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, une instance contre la République française (ci-après
la «France») au sujet d’un différend ayant trait à la violation alléguée, par cette dernière, de ses
obligations souscrites au titre de la convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre
2003 (ci-après la «convention»), au motif qu’elle ne lui aurait pas restitué les biens «qui constituent
le produit d’un crime de détournement de fonds public[s] à son préjudice, y compris un bien
immobilier dont elle était le propriétaire effectif et légitime avant sa confiscation par la France».

Dans sa requête, la Guinée équatoriale affirme qu’elle a acquis, le 15 septembre 2011, de
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, la totalité du capital de cinq sociétés de droit suisse, l’une
d’elles détenant la totalité du capital de deux sociétés de droit français, dont la «Société du
42 Avenue Foch» qui gérait l’immeuble sis à cette même adresse à Paris, en France. Elle indique en
outre que, «[l]e 28 juillet 2021, la Cour de cassation française a confirmé la déclaration de culpabilité
de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue du délit de blanchiment des produits de délits de
détournement de fonds public[s], d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance» et que la Cour de
cassation «a aussi confirmé la confiscation de l’[i]mmeuble [sis 40-42 avenue Foch], des biens qui
ont fait l’objet d’une saisie pénale, et d’autres biens meubles».

La Guinée équatoriale affirme avoir initié, sur la base de la convention, des demandes de
restitution de certains avoirs correspondant à des biens confisqués par la France, auxquelles cette
dernière n’a pas donné suite. Elle ajoute que, le 29 juillet 2022, la France a annoncé «la mise en vente
imminente d’un des biens dont la restitution est demandée par la Guinée équatoriale, à savoir
l’immeuble sis 40-42 [a]venue Foch à Paris».

La requérante estime que, «en ignorant sa demande de restitution de certains avoir[s]
correspondant à des biens confisqués par décision de justice française comme étant le produit d’un
détournement de fonds publics au préjudice de la Guinée équatoriale, la France a violé ses obligations
souscrites au titre de la Convention».

En conséquence, la Guinée équatoriale «prie respectueusement la Cour de dire et juger

a) que la France a violé, et continue de violer, la Convention des Nations Unies contre
la corruption du 31 octobre 2003, en ne restituant pas à la Guinée équatoriale les
biens dont elle a demandé la restitution et qui constituent le produit d’un crime de détournement de fonds public[s] à son préjudice, y compris un bien immobilier
dont elle était le propriétaire effectif et légitime avant sa confiscation par la France ;
b) que la France a violé, et continue de violer, la Convention des Nations Unies contre
la corruption du 31 octobre 2003, en n’accordant pas à la Guinée équatoriale la
coopération et l’assistance nécessaires aux fins de restitution à la
Guinée équatoriale des biens dont elle a demandé la restitution et qui constituent le
produit d’un crime de détournement de fonds public[s] à son préjudice, y compris
un bien immobilier dont elle était légitime propriétaire avant d’en être expropriée
du fait de la confiscation ;
[c]) que la France a engagé et continue d’engager sa responsabilité du fait de cette
violation.
[d]) que la France doit, par les moyens de son choix, restituer à la Guinée équatoriale
l’ensemble des biens faisant l’objet d’une demande de restitution de la
Guinée équatoriale».

Selon la Guinée équatoriale, «[a]yant épuisé toutes les procédures préalables à la saisine de la
Cour, [elle] est en droit de procéder à cette saisine, et la Cour est pleinement compétente pour
connaître de sa requête».

Pour fonder la compétence de la Cour, la requérante invoque le paragraphe 1 de l’article 36 du
Statut de celle-ci et l’article 66 de la convention, auxquels les deux Etats sont parties.

La requête contient en outre une demande en indication de mesures conservatoires, déposée
conformément à l’article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement. Selon
la Guinée équatoriale, cette demande vise à «sauvegarder ses droits» et relève de la compétence
prima facie de la Cour. La Guinée équatoriale fait valoir que les mesures sollicités sont «requises
pour protéger son droit à la restitution de l’immeuble sis 40-42 avenue Foch» et qu’il existe «un
risque imminent qu’un préjudice irréparable soit causé à [ce] droit», «la mise en concurrence et la
vente de l’[i]mmeuble rend[ant] impossible la restitution d[e ce] bien».

La Guinée équatoriale «prie la Cour d’indiquer, conformément à l’article 41 de son Statut, les
mesures conservatoires suivantes :
a) La France doit suspendre la procédure de mise en concurrence de l’Immeuble sis
40-42 avenue Foch, Paris ;
b) La France doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin que l’Immeuble sis
40-42 avenue Foch, Paris, ne soit pas mis en vente.
c) La France doit s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le
différend dont la Cour est saisie, ou d’en rendre la solution plus difficile.»

Aux termes de l’article 74 du Règlement de la Cour, «[l]a demande en indication de mesures
conservatoires a priorité sur toutes autres affaires».

Source : CIJ – Communiqué de presse n° 2022/47 du 30 septembre 2022


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